Ce ne serait jamais que le second de nos ministres de la Justice de ces dernières années à aller y faire un petit tour de piste (voir ci-dessous rappel du cas Jean-Jacques Urvoas), et celui-ci, qui plus est, pour la seconde fois (voir ci-dessous rappel de sa première mise en examen devant la Cour de justice de la République).
Pour ma part, je me demande aussi si tous les dossiers finistériens qui devraient être suivis par le Premier ministre depuis octobre 2020 ont bien fait l'objet d'un transfert de responsabilité.
Noter enfin ce que ma copie d'article du Monde a rapporté après sa partie non réservée aux abonnés : on m'indique que je serais en train de lire Le Monde sur deux appareils simultanément, ce qui serait interdit, mais je n'utilise bien qu'un seul appareil. Cela dit, je suis bien aussi toujours piratée, il n'y a absolument aucun doute à ce sujet.
Bras d’honneur d’Eric Dupond-Moretti : « Le délit d’outrage pourrait être caractérisé à l’encontre du garde des sceaux »
Les gestes du ministre de la justice ayant été commis dans l’exercice de ses fonctions, ces faits pourraient être portés devant la Cour de justice de la République, démontre le juriste Benjamin Fiorini dans une tribune au « Monde ». Si aucune poursuite ne devait avoir lieu, le principe d’égalité des citoyens devant la justice s’en trouverait malmené.
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« Les parlementaires et les élus locaux sont, par leur engagement et le mandat qu’ils détiennent, les représentants de la démocratie nationale et locale. Ils occupent une place fondamentale dans le fonctionnement de nos institutions et toute atteinte à leur encontre constitue également une atteinte au pacte républicain » : c’est par ces mots vibrants qu’Eric Dupond-Moretti, en sa qualité de garde des sceaux, commence sa circulaire du 7 décembre 2020 relative au traitement judiciaire des infractions commises à l’encontre des personnes investies d’un mandat électif.
Ironie du sort : un peu plus de deux années plus tard, le ministre de la justice s’est mis en situation d’être rattrapé par sa propre circulaire. En effet, en reconnaissant avoir effectué, en plein Hémicycle, deux bras d’honneur en réaction aux propos d’Olivier Marleix, président du groupe des députés Les Républicains (LR), le garde des sceaux pourrait s’exposer à des poursuites pour outrage devant la Cour de justice de la République. D’un point de vue juridique, la démonstration en est très simple.
Pour commencer, l’article 433-5 du code pénal prévoit que « constituent un outrage puni de 7 500 euros d’amende les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l’envoi d’objets quelconques adressés à une personne chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie ».
Ainsi, pour que l’infraction d’outrage soit caractérisée par un geste, plusieurs conditions doivent être réunies : le caractère public de ce geste ; le fait que ce geste soit adressé à une personne chargée d’une mission de service public ; le fait que ce geste soit de nature à atteindre la dignité ou le respect attaché à la fonction de celui qui le reçoit ; le fait que la qualité de la victime soit connue de l’auteur du geste ; et le fait que l’auteur ait conscience du caractère outrageant de son geste.
En public
En l’occurrence, les doigts d’honneur ou bras d’honneur, gestes dont la nature ne laisse aucun doute quant à leur caractère outrageant et à la conscience de ce caractère par leur auteur, ont été commis en public à l’occasion d’une session de questions au gouvernement.
En outre, ces gestes auraient été adressés à un député dans l’exercice de ses fonctions, lesquelles sont évidemment connues du ministre. Ces fonctions sont rattachables à la catégorie de « personne chargée d’une mission de service public », que le magistrat Vincent Delbos définit dans le répertoire Dalloz consacré à l’outrage comme « la personne qui, sans avoir reçu un pouvoir de décision ou de commandement découlant de l’autorité publique, est chargée d’accomplir des actes ou d’exercer une fonction dont la finalité est de satisfaire à un intérêt général », ce qui épouse parfaitement la situation des parlementaires.
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https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Jacques_Urvoas
Condamnation pour violation du secret professionnel en tant que ministre de la Justice
Le Canard enchaîné indique le que Jean-Jacques Urvoas aurait transmis, dans l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle de 2017, des informations confidentielles à l'élu des Hauts-de-Seine Thierry Solère. Jean-Jacques Urvoas est alors garde des Sceaux, et Thierry Solère visé par une enquête pour fraude fiscale, blanchiment et trafic d’influence. Selon l'hebdomadaire, « au mépris du secret inhérent à sa fonction, le garde des sceaux a donc envoyé à un justiciable une note confidentielle émanant de la Direction des affaires criminelles et des grâces détaillant les investigations en cours à son sujet »86,87
Une copie de ce document, transmis à Thierry Solère grâce à la messagerie chiffrée russe Telegram, est découverte le lors d'une perquisition à son domicile86. Thierry Solère avait gardé ces informations dans son téléphone avec la mention « Amitiés Jean-Jacques Urvoas »88. Ancien député, Jean-Jacques Urvoas avait proposé un amendement pour contraindre à la remise de clés de chiffrement, en outre utilisées par des applications comme Telegram, sans délai89.
Le , le procureur général de la Cour de cassation, Jean-Claude Marin, saisit pour avis la Cour de justice de la République (CJR), seule habilitée à juger les actes des ministres pris dans l'exercice de leurs fonctions90. Après l'avis « favorable » émis le par sa commission des requêtes, la Cour de justice de la République ouvre une enquête le 91. Le , Jean-Jacques Urvoas est mis en examen par la Cour de justice pour violation du secret professionnel92. Le , à l'issue de son procès, la CJR jugeant que Jean-Jacques Urvoas, « juriste expérimenté, maître de conférences en droit public», ne pouvait ignorer qu'il commettait un délit en transmettant la fiche d’action publique (FAP) à une personne visée par une enquête en cours, le condamne à un mois de prison avec sursis et 5 000 euros d'amende pour violation du secret professionnel93. Le procureur général avait requis un an de prison avec sursis94.
Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot supposent que Jean-Jacques Urvoas a pris de tels risques car il espérait être remercié par Thierry Solère, « étoile montante de la Macronie »95.
Les enjeux de la nomination du nouveau Procureur général sur proposition d’Éric Dupond-Moretti, actuellement mis en examen devant la Cour de justice de la République
Dernière modification : 9 novembre 2022
Autrice : Anaïs Chagneaud, master de droit pénal et politiques criminelles, Université Paris Nanterre
Relectrice : Audrey Darsonville, professeure de droit pénal et sciences criminelles, Université Paris Nanterre
Secrétariat de rédaction : Loïc Héreng, Emma Cacciamani et Yeni Daimallah
Les enjeux de la nomination du nouveau Procureur général sur proposition d’Éric Dupond-Moretti, actuellement mis en examen devant la Cour de justice de la République.
Éric Dupond-Moretti peut légalement proposer le nom de son propre accusateur devant la CJR…
La loi du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature prévoit que les magistrats du Parquet, dont le Procureur général de la CJR, sont placés sous l’autorité hiérarchique du Garde des Sceaux. En outre, cette même loi prévoit qu’ils sont nommés par le Président de la République, sur proposition du Garde des Sceaux, après avis du Conseil supérieur de la magistrature.
… et Éric Dupond-Moretti aura autorité sur cet accusateur
Ce principe de subordination hiérarchique des magistrats du Parquet au Garde des Sceaux a longtemps été décrié eu égard au principe d’indépendance de l’autorité judiciaire. Le Conseil constitutionnel avait tranché la question dans sa décision en 2017, affirmant que cette subordination au ministre de la Justice ne méconnaissait aucun principe garanti par la Constitution, particulièrement s’agissant des principes d’indépendance de l’autorité judiciaire et de séparation des pouvoirs. En effet, les “Sages” avaient déclaré que l’ingérence de l’exécutif était tempérée par le fait qu’il ne pouvait adresser aucune instruction dans les affaires individuelles (comme c’est le cas de l’affaire Dupond-Moretti), et que les magistrats bénéficiaient en tout état de cause du principe de liberté de parole à l’audience. Enfin, ils avaient relevé que les magistrats du Parquet demeurent soumis au principe d’impartialité dans l’exercice de l’action publique, ce qui garantit leur indépendance.
S’agissant de l’affaire Dupond-Moretti, ce dernier a été mis en examen pour prise illégale d’intérêts le 16 juillet 2021, à la suite de deux plaintes de syndicats de magistrats. En tant que membre du Gouvernement accusé d’avoir commis une infraction dans le cadre de ses fonctions, c’est la Cour de justice de la République, juridiction créée en 1993, qui a la charge du procès. L’accusation sera menée par le Procureur général près la Cour de cassation. Rappelons que le Garde des Sceaux a une autorité sur les magistrats du parquet sauf sur ceux du parquet général de la Cour de cassation.
François Molins partant à la retraite, c’est Éric Dupond-Moretti qui devrait proposer à la nomination son futur accusateur
L’actuel magistrat nommé à ce poste, François Molins, part à la retraite et sera remplacé en juin 2023. Son successeur sera nommé par le Président de la République sur proposition du Garde des Sceaux Dupond-Moretti (qui n’a pas répondu à nos sollicitations). Or, cette nomination devrait a priori intervenir en parallèle de son propre jugement. Cela conduirait donc le Garde des Sceaux à nommer celui qui portera l’accusation contre lui. La question se pose avec une acuité toute particulière en raison de la nature des faits qui lui sont reprochés, puisqu’il est précisément accusé d’avoir usé de l’influence de sa fonction pour satisfaire des intérêts personnels.
Une possibilité pour remédier à cette situation problématique serait que le nom du futur Procureur général soit choisi par Elisabeth Borne, Première ministre, pour transmission au Président de la République. Ce dispositif de déport aurait le mérite d’éviter tout conflit d’intérêts mais il n’est, aujourd’hui, pas prévu par les textes (le décret pris en 2020 par Jean Castex, parfois évoqué, ne règle pas le problème).
Cette saga juridique ubuesque alimente donc le débat omniprésent de ces dernières années à propos de l’indépendance du Parquet, à une époque où la CJR souffre déjà de nombreuses critiques, étant jugée trop laxiste à l’égard des membres du Gouvernement.
Cet article a été rédigé dans le cadre d’un événement organisé le jeudi 13 octobre, avec le soutien de l’OTAN, pour former les lecteurs des Surligneurs à la lutte contre la désinformation dans le domaine du droit.
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