Bien plus intéressante que David Masson, Marion Leboyer, lauréate du Grand Prix Inserm 2021 pour ses recherches sur les maladies psychiatriques :
https://www.inserm.fr/portrait/laureat-prix-inserm/marion-leboyer-grand-prix-2021/
Notamment, elle met en lumière leurs relations avec des perturbations du système immuno-inflammatoire.
On avait depuis longtemps remarqué une plus forte incidence de troubles psychiatriques chez des sujets nés dans la période hivernale ou au début du printemps, laissant à penser que les infections grippales survenues durant la grossesse, à un moment crucial du développement du foetus, pouvaient en être responsables.
Le cocktail explosif de la Covid-19
La Covid-19 a éclairé d’un jour nouveau tous ces travaux. Avec la pandémie est survenu un cocktail explosif caractéristique des maladies psychiatriques : infection virale, stress, isolement social, violences intrafamiliales… Dès avril 2020, Marion Leboyer s’est donc mobilisée aussi bien dans le champ du soin que dans celui de la recherche. Elle a mis en place CovidÉcoute puis Écoute Étudiants Île-de-France, des plateformes numériques dédiées au soutien psychologique et à l’écoute qui proposent des informations, des conseils, des exercices pratiques, et des téléconsultations avec des psychologues. Elle a aussi mesuré l’impact en matière de santé mentale en population générale, chez les étudiants et au sein de ses cohortes de patients, et étudié les conséquences de l’inflammation due à l’infection chez les personnes atteintes de maladies mentales. Enfin, elle a alerté les pouvoirs publics sur la nécessité d’inclure ces malades victimes d’une surmortalité15 parmi les populations prioritaires pour la vaccination16.
Marion Leboyer, Grand Prix 2021
Par ses recherches sur les maladies psychiatriques, Marion Leboyer a largement contribué à améliorer le traitement des personnes qui en souffrent avec, en ligne de mire, une médecine personnalisée pour chaque malade. Le Grand Prix récompense le caractère novateur de ses travaux en particulier sur les troubles bipolaires, la schizophrénie et les troubles du spectre de l’autisme.
Il y a tout juste quarante ans, Marion Leboyer rencontrait la psychiatrie « par hasard, reconnaît-elle. Au cours du choix des postes d’interne, je n’ai pas eu celui de la réanimation neuro-pédiatrique, et j’ai pris ce qui me paraissait en être le plus éloigné : la psychiatrie. Mais dès le premier semestre, je me suis dit que si nous ne soignions pas assez bien les malades c’est que nous n’avions pas les bons outils de diagnostic et que nous comprenions mal ces maladies. » Nouvel hasard, au moment de ce constat et alors qu’elle débute l’internat à l’hôpital Louis-Mourier à Colombes, elle rencontre Philippe Meyer, qui dirige une unité de l’Inserm à l’hôpital Necker-Enfants malades à Paris. Il lui propose de travailler sur la sérotonine, un neurotransmetteur nouvellement soupçonné d’être un marqueur de la dépression. En 1982, elle publie son premier article sur le sujet1, et ne quittera plus ni l’Inserm, ni la recherche.
Une lignée d’enseignants et de chercheurs
Ce choix, en revanche, ne doit rien au hasard. Sa mère, Claude Lévy-Leboyer, était professeure d’université en psychologie du travail, son père, Maurice, chef de file des historiens français de l’économie, et son oncle Frédérick Leboyer, un obstétricien connu pour sa méthode de naissance sans violence. Comme elle l’explique : « Chez moi, on parlait recherche matin, midi et soir. Et il n’y avait pas d’autre institution que l’Inserm pour mener des recherches médicales. »
Tout au long de son parcours, médecine, enseignement, recherche et Inserm iront donc de pair. Pour preuve : sa thèse de médecine publiée en 19852 porte sur l’autisme. Sa thèse de science traite, quant à elle, de la génétique de la maladie maniaco-dépressive et de la schizophrénie, « une approche alors très innovante », rappelle-t-elle. Elle l’effectue à partir de 1986, grâce à un poste d’accueil Inserm, dans le laboratoire Génétique épidémiologique, dirigé par Josué Feingold, « son maître » comme elle le qualifie. Puis en 1998, elle est nommée professeure des universités-praticienne hospitalière à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil, où elle dirige le service de psychiatrie. Elle contribue alors avec Bruno Giros à la création du laboratoire Inserm Neurologie et psychiatrie à la faculté de médecine de l’université Paris-Est Créteil.
Une équipe hors norme
Dès lors, l’équipe n’a eu de cesse de s’étoffer et de développer de nouvelles approches. « En psychiatrie, nous travaillons sur des pathologies qui sont très hétérogènes, explique Marion Leboyer. Pour mieux comprendre les causes et les mécanismes de chacune, et surtout pour proposer des stratégies thérapeutiques plus précises, nous avons besoin d’identifier des sous-groupes homogènes de maladies. C’est pourquoi nous devons utiliser divers outils : génétique, immunologie, imagerie cérébrale, épidémiologie. »
Aujourd’hui, au sein de l’Institut Mondor de recherche biomédicale (IMRB, unité 955 Inserm/Université Paris-Est Créteil, Créteil), le laboratoire Neuropsychiatrie translationnelle que Marion Leboyer dirige depuis 2007 avec Stéphane Jamain, compte 62 personnes réparties en cinq groupes spécialisés dans ces différents domaines, y compris dans la recherche de biothérapies, et implantés sur trois sites : l’hôpital Henri-Mondor et l’hôpital Albert-Chenevier à Créteil, et NeuroSpin au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) à Saclay.
Le coût de la santé mentale
En outre, le laboratoire s’appuie sur la fondation FondaMental que Marion Leboyer a créée et qu’elle dirige également depuis 2007. Cette fondation de coopération scientifique anime 52 centres experts des plateformes de soins et de recherche spécialisées dans la schizophrénie, les troubles bipolaires, la dépression résistante ou les troubles du spectre de l’autisme. « À ce jour, 20 000 patients y ont bénéficié d’un bilan diagnostique psychiatrique et, bien sûr, somatique car il n’y a pas de santé sans santé mentale et inversement », souligne la chercheuse. Leur suivi montre une amélioration de leur pronostic et une réduction de moitié des hospitalisations. Des résultats à mettre en regard de l’impact médico-économique des maladies psychiatriques. En effet, « en 2013, nous avons chiffré, avec l’Unité de recherche clinique en économie de la santé (URC-Eco), que le coût direct et indirect de la santé mentale s’élève à 109 milliards d’euros par an en France3, précise-t-elle. Nous avons aussi évalué les coûts par pathologie : 9 000 euros par an pour les troubles bipolaires et 15 000 euros pour la schizophrénie4 ! » Si certains en doutaient, ces chiffres confirment que les maladies mentales sont un enjeu majeur de santé publique, et que la recherche et l’innovation sont essentielles.
En la matière, Marion Leboyer confie : « Je suis curieuse de tout, donc je ne voulais pas rester centrée sur un domaine » ; en témoignent les 960 publications à son actif. Au fil des ans, se sont donc agrégées de nouvelles approches en plus de la génétique.
De la génétique à l’immunopsychiatrie
Avec Stéphane Jamain et Thomas Bourgeron de l’institut Pasteur, ils sont les premiers à identifier en 2003 des mutations des gènes impliqués dans la mise en place du système nerveux central dans l’autisme5. S’en suivront d’autres implications : les gènes de l’horloge dans les troubles bipolaires6 ou encore des gènes du système immunitaire (le système HLA, pour human leukocyte antigen) dans différentes maladies psychiatriques7. Ces travaux en génétique ont amené Marion Leboyer à intégrer deux consortiums internationaux qui rassemblent des scientifiques du monde entier spécialistes du domaine : le Psychiatric Genomics Consortium et le réseau ConLiGen. Comme elle le souligne, « les collaborations nationales et internationales sont indispensables pour progresser et nous faisons partie de nombreux projets européens sur tous nos domaines d’intérêt ». Par exemple, la scientifique dirige le Réseau européen d’immunopsychiatrie, une approche que l’équipe a fait émerger.
Le groupe de Ryad Tamouza a ainsi démontré l’implication, dans les troubles psychotiques et bipolaires, de l’activation de virus dont l’ADN est présent dans notre génome8, ou encore contribué à découvrir la notion de psychoses dues à des auto-anticorps, produits par le système immunitaire mais qui s’attaquent aux propres cellules de l’organisme9. « Cette approche permet de stratifier les pathologies psychiatriques selon des signatures immuno-inflammatoires10, soit en fonction des caractéristiques de leur réponse immunitaire », indique Marion Leboyer. « Les liens entre facteurs de risque génétiques et environnementaux nous ont aussi amenés à nous intéresser à l’environnement et donc à mener des études épidémiologiques », complète la chercheuse. Grâce à celles-ci, le groupe de Franck Schurhoff a établi qu’il existe un risque accru de développer une schizophrénie en milieu urbain11 ou suite à des traumatismes infantiles12. Les études de cohortes ont également montré, par exemple, que le syndrome métabolique qui prédispose aux maladies cardiovasculaires est 2 à 4 fois plus fréquent chez les patients psychiatriques que dans la population générale13. « Plus largement, l’épidémiologie met en lumière que les comorbidités sont la première cause de mortalité des malades psychiatriques et leur font perdre 20 ans d’espérance de vie », relate-t-elle.
Des soins sur mesure
L’équipe s’est par ailleurs associée à cinq centres hospitaliers, à des sociétés de nouvelles technologies et à Argos 2001 une association de patients atteints de troubles bipolaires, afin d’expérimenter un parcours de soins sur mesure pour ces malades. Le Passport BP s’appuie ainsi sur une évaluation clinique très poussée et des dispositifs numériques. Ils permettent de proposer un plan de soins au patient, répondent à ses besoins de santé et mettent à sa disposition des thérapies psychosociales numériques. Ces outils permettent d’alerter l’infirmier coordinateur en charge du malade avant que la situation se dégrade.
Dans ce même esprit d’innovation, le groupe de Josselin Houenou installé à NeuroSpin à Saclay réalise des études d’imagerie cérébrale qui ont contribué à la description de l’anatomie et des connexions neuronales du cerveau dans les troubles bipolaires notamment14. « Nous pouvons ainsi améliorer la précision des traitements avec la stimulation magnétique transcrânienne pour les malades qui souffrent de dépression sévère », précise Marion Leboyer. Cette technique indolore consiste à induire de faibles courants électriques dans des zones précises du cerveau pour les stimuler.
Le cocktail explosif de la Covid-19
La Covid-19 a éclairé d’un jour nouveau tous ces travaux. Avec la pandémie est survenu un cocktail explosif caractéristique des maladies psychiatriques : infection virale, stress, isolement social, violences intrafamiliales… Dès avril 2020, Marion Leboyer s’est donc mobilisée aussi bien dans le champ du soin que dans celui de la recherche. Elle a mis en place CovidÉcoute puis Écoute Étudiants Île-de-France, des plateformes numériques dédiées au soutien psychologique et à l’écoute qui proposent des informations, des conseils, des exercices pratiques, et des téléconsultations avec des psychologues. Elle a aussi mesuré l’impact en matière de santé mentale en population générale, chez les étudiants et au sein de ses cohortes de patients, et étudié les conséquences de l’inflammation due à l’infection chez les personnes atteintes de maladies mentales. Enfin, elle a alerté les pouvoirs publics sur la nécessité d’inclure ces malades victimes d’une surmortalité15 parmi les populations prioritaires pour la vaccination16.
La pandémie a donc donné un coup de projecteur sur la psychiatrie qui souffrait jusque-là d’indifférence, « mais pas de la part de l’Inserm, qui m’a toujours encouragée. Dès janvier 2019, dans son premier discours de président-directeur général, Gilles Bloch a souligné le besoin de soutien des recherches en psychiatrie », insiste la médecin et chercheuse.
En 2020 et 2021, deux jeunes chercheuses en épidémiologie et en neuroimagerie sont venues renforcer l’équipe après avoir réussi le concours de l’Inserm. Ce succès a stimulé la motivation de Marion Leboyer, toujours infatigable. Elle le reconnaît : « Je travaille tout le temps. Ce n’est peut-être pas bon pour la santé. Mais c’est un mal nécessaire car je rêve de disposer de traitements personnalisés pour nos malades, comme il en existe en cancérologie ou pour les maladies cardiovasculaires ! »
Notes :
1 : H. L. Kim et al. C R Séances Acad Sci III, 22 novembre 1982 ; 295 (10) : 619–22
2 : M. Leboyer, Autisme infantile : fais et modèles, Presses universitaires de France, octobre 1985
3 : K. Chevreul et al. Eur Neuropsychopharmacol., août 2013 ; doi : 10.1016/j.euroneuro.2012.08.012
4 : C. Laidi et al. Eur Neuropsychopharmacol., janvier 2018 ; doi : 10.1016/j.euroneuro.2017.11.020
5 : S. Jamain et al. Nat Genet., mai 2003 ; doi : 10.1038/ng1136
6 : P. A. Geoffroy et al. Sci Rep., 19 mai 2015 ; doi : 10.1038/srep10232
7 : R. Tamouza et al. Brain Behav Immun., 5 octobre 2020 ; doi : 10.1016/j.bbi.2020.09.033
8 : H. Perron et al. Transl Psychiatry, 4 décembre 2012 ; doi : 10.1038/tp.2012.125
9 : J. Jézéquel et al. Am J Psychiatry, 1er avril 2018 ; doi : 10.1176/appi.ajp.2017.17091053
10 : E. Martinuzzi et al. Transl Psychiatry, 17 janvier 2019 ; doi : 10.1038/s41398-018‑0366‑5
11 : A. Szöke et al. BMC Psychiatry, 17 mars 2014 ; doi : 10.1186/1471–244X-14–78
12 : B. Etain et al. Sci Rep., 6 novembre 2015 ; doi : 10.1038/srep16301
13 : O. Godin et al. J Clin Psychiatry, octobre 2014 ; doi : 10.4088/JCP.14m09038
14 : S. Sarrazin et al. JAMA Psychiatry, avril 2014 ; doi : 10.1001/jamapsychiatry.2013.4513
15 : B. Vai et al. Lancet Psychiatry, 1er septembre 2021 ; doi : 10.1016/S2215-0366(21)00232–7
16 : L. J. De Picker et al. Lancet Psychiatry, 17 février 2021 ; doi : 10.1016/S2215-0366(21)00046–8
L'ensemble des recherches conduites en immuno-psychiatrie apporte de plus en plus de précisions intéressantes à ce sujet et de nouvelles perspectives de diagnostic et de traitement des maladies psychiatriques.
Cela concerne autant le "complotisme" ou la "paranoïa complotiste" que bien d'autres soi-disant "paranoïas", notamment celles de personnes victimes de faits délictueux ou criminels que les autorités judiciaires refusent catégoriquement de reconnaître (quels marqueurs biologiques pourront bien y être associés ?) que les conséquences de l'infection par la Covid-19 qui devrait assez logiquement sous-tendre l'apparition de maladies mentales dans les nouvelles générations.
https://congresfrancaispsychiatrie.org/immuno-psychiatrie-nouveaux-concepts-nouveaux-enjeux/
Immuno-psychiatrie : nouveaux concepts, nouveaux enjeux
Conférence plénière C1 : Quand les interactions gènes-environnement passent par les mécanismes de l’inflammation
Pr Marion Leboyer
Jeudi 24 Novembre 2016, Auditorium Berlioz
L’idée que certains troubles mentaux puissent avoir des liens avec des perturbations du système immuno-inflammatoire, liées à des infections ou des affections auto-immunes, prend forme peu à peu au travers de la multiplication de travaux dont Marion Leboyer et son équipe s’étaient fait l’écho lors des précédents CFP. La conférence qu’elle a donnée cette année proposait une synthèse de ces recherches. Arguments cliniques, marqueurs biologiques, études histologiques et neuro-imagerie moléculaire ouvrent la voie à la compréhension de mécanismes physiopathologiques, comme on a pu le faire pour l’encéphalite à anticorps anti-récepteurs NMDA. A partir de ces travaux sont imaginées de nouvelles perspectives thérapeutiques en rupture avec les voies habituelles d’une action directe sur les neuromédiateurs qui constituent les bases de la psychopharmacologie traditionnelle.
Immunopsychiatrie clinique
Pourquoi les pathologies mentales sont-elles si souvent associées à des pathologies somatiques ? Les comorbidités étant plus la règle que l’exception, elles indiquent que les pathologies mentales comme le trouble bipolaire (TBP), la schizophrénie (SCZ), l’autisme (TSA) sont à considérer comme des maladies de système plus que comme des pathologies strictement « cérébrales ». Il y a ainsi un lien fort entre des antécédents d’hospitalisation pour maladie auto-immune ou pour infection et le risque de survenue d’un trouble de l’humeur (Benros, 2013), comme il y a un risque d’augmentation de l’incidence des TSA lorsque les mères ont été hospitalisées pour une infection virale pendant la grossesse (Atladottir, 2010). L’augmentation du risque lié à l’infection par le toxoplasme concerne les TBP, la SCZ, les TOC, les TSA et les addictions (Sutterland, 2015), montrant aussi le caractère transnosographique, ne « respectant pas les catégories du DSM » des effets de ces facteurs inflammatoires.
Les facteurs génétiques ayant aussi une incidence sur le risque de pathologie, la question s’est posée de savoir s’il y avait un lien entre terrain immuno-génétique et impact des évènements infectieux ou stressants. Parmi les gènes potentiellement impliqués dans la vulnérabilité à la SCZ, les gènes du système HLA sont parmi les plus fortement associés au risque. (SCZ Working Group, 2014). L’étude du gène HLA-G ayant des propriétés immuno-suppressives a montré que les patients BP ont plus souvent un variant conduisant à une augmentation de l’expression et à la production de molécules tolérogéniques diminuant la réponse à des agents pathogènes infectieux (Debnath, 2012). L’étude des récepteurs TLR4 impliqués dans l’immunité immédiate avec productions de cytokines et de chemokines a montré que le génotype AA, associé à une moindre expression de molécules TLR4, est plus fréquent chez les patients BP à début précoce, confortant l’hypothèse d’une réponse diminuée aux infections dans cette population (Oliveira, 2013).
Le terrain immuno-génétique est aussi susceptible de rendre compte de l’effet des stress précoces et sévères comme les abus, les maltraitances, les négligences dans l’enfance comme l’a montré l’étude du lien entre le polymorphisme du gène TLR2 et l’existence de stress précoces sur l’âge de début d’un TBP (Etain, 2013).
Conséquences de l’inflammation
La présence de facteurs inflammatoires peut avoir des conséquences à différents niveaux. Au niveau digestif, l’inflammation augmente la perméabilité des barrières avec un afflux d’antigènes, une augmentation de la production d’auto-anticorps (Severance, 2014). Au niveau cérébral, la production d’auto-anticorps anti-récepteur NMDA favorisant l’internalisation et la dégradation du récepteur est déjà connue au travers des tableaux cliniques des encéphalites à autoAc-antiNMDA-R comportant des manifestations psychiatriques. L’inflammation peut aussi réactiver les Retrovirus humain endogènes, présents dans le génome mais habituellement inactifs, et ayant des effets pro-inflammatoires et neurotoxiques (Leboyer; 2013).
Traitements innovants
Les anti-inflammatoires et les substances immuno-modulatrices vont-elles devenir les nouveaux traitements des pathologies mentales ? La N-acétyl-cystéine, inhibiteur des cytokines inflammatoires, à 1g par jour pendant 6 mois chez des patients SCZ et à 2g/j dans le TBP a eu des effets bénéfiques significatifs (Berk, 2008), tout comme l’aspirine dans la SCZ (Laan, 2010). L’infliximab, un antagoniste anti-TNF-alpha a montré son intérêt dans une sous population de patients déprimés résistants aux traitements habituels (Raison, 2013).
Construire un agenda pour la médecine de précision de demain
Pour parvenir à une meilleure personnalisation des traitements, les chercheurs vont continuer à documenter les gènes impliqués dans les mécanismes immunitaires, recenser les facteurs environnementaux comme les infections, les intoxications et les stress psycho-sociaux, mesurer les biomarqueurs de l’inflammation et enfin toutes les dimensions cliniques et les particularités propres à certaines sous-populations (dépression résistante, autisme « régressif »,…).
Enfin pour le praticien, la connaissance de ces nouvelles pistes n’est pas sans incidence. Elle confirme, s’il le fallait encore, que les aspects somatiques sont aussi importants à prendre en compte que les aspects psychiques, qu’une attention particulière mérite d’être portée à certains antécédents, à des symptômes atypiques, et qu’il existe des modèles explicatifs des troubles assez nouveaux dont on peut être amené à parler aux patients et aux familles intéressés par ces questions.
Christophe Recasens,
Boissy Saint-Léger
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