Eric Laurent et sa co-auteure Catherine Graciet ne sont sûrement pas les premiers à signer une transaction comme celle qui vient finalement d’être dénoncée à la justice française.
La nouveauté est donc que cette fois, ils vont devoir s’expliquer.
Notons qu’Eric Laurent est le père de Samuel Laurent, un « consultant international » dont les ouvrages et propos comme spécialiste autoproclamé des organisations islamistes sont controversés, tandis que Catherine Graciet, une journaliste indépendante ayant travaillé au Maroc, a aussi écrit avec Nicolas Beau, connu pour avoir fait du Canard Enchaîné l’un des principaux organes de presse des Renseignements Généraux sous le règne d’Yves Bertrand.
http://www.lepoint.fr/politique/un-journaliste-francais-interpelle-pour-avoir-fait-chanter-le-roi-du-maroc-27-08-2015-1959792_20.php
Deux journalistes français interpellés pour avoir fait chanter le roi du Maroc
Éric Laurent et une autre journaliste ont été arrêtés, selon RTL. Ils réclamaient de l’argent à Mohammed VI pour éviter la publication d’un livre à charge.
Publié le 27/08/2015 à 19:17 – Modifié le 27/08/2015 à 20:18 | Le Point.fr
L’affaire commence le 23 juillet dernier, rapporte RTL ce jeudi. Ce jour-là, Éric Laurent, journaliste-écrivain qui a écrit plusieurs livres sur le royaume marocain, contacte le cabinet du roi du Maroc auquel il annonce qu’il va publier un livre à charge et réclame un rendez-vous pour évoquer cette publication.
Trois millions d’euros
Le rendez-vous a donc lieu avec un avocat, représentant du roi, auquel il réclame la somme de trois millions d’euros. Sinon, le livre incriminant Mohammed VI sortira. Le roi du Maroc décide alors de s’en remettre à la justice française en portant plainte.
La police lance une enquête et la deuxième rencontre entre le journaliste et l’avocat, le 21 août, s’opère sous surveillance policière. Éric Laurent réitère alors ses menaces : s’il ne perçoit pas les trois millions d’euros, il publiera son livre contre Mohammed VI. Alerté, le parquet de Paris ouvre une information judiciaire pour chantage et tentative d’extorsion de fonds et désigne trois juges pour superviser l’affaire.
Le dernier épisode de ce chantage a eu lieu ce jeudi 27 août. L’écrivain, qui aurait concédé une transaction à deux millions d’euros, se présente avec un document écrit qui atteste de son abandon à publier. Il est interpellé avec sa coauteur, Catherine Graciet, à la sortie du restaurant parisien où s’est déroulé le rendez-vous.
« Du racket digne de voyous »
Pour assurer sa défense, le roi du Maroc a fait appel à l’avocat Éric Dupond-Moretti, qui a réagi à cette interpellation sur RTL, et qui déplore : « Cette affaire, c’est du racket digne de voyous. » Selon lui, le livre ne comportait « aucune révélation fracassante, car il n’y a absolument rien à dire ». « Le roi fait régulièrement l’objet d’ouvrages, dont certains ont déjà été écrits par Éric Laurent », rappelle l’avocat.
« C’est la première fois qu’un personnage qui se veut journaliste exerce directement un racket sur un chef d’État en exercice, c’est d’une audace folle », s’inquiète Éric Dupond-Moretti, qui dénonce le comportement d’Éric Laurent : « Il a été laudateur d’Hassan II, et, aujourd’hui, il est racketteur. »
L’avocat s’interroge cependant : « Est-ce que c’est la vénalité qui a guidé les journalistes ? » « Cet homme et cette femme n’ont-ils pas été instrumentalisés par un groupe, notamment terroriste ? » « Il y a suffisamment d’éléments dans l’enquête pour que nous envisagions qu’ils soient jugés au plus tôt pour des agissements particulièrement graves », estime l’avocat.
http://www.rtl.fr/actu/international/un-journaliste-francais-interpelle-pour-avoir-fait-chanter-le-roi-du-maroc-7779524963
Un journaliste français interpellé pour avoir fait chanter le roi du Maroc
INFO RTL – Éric Laurent avait réclamé trois millions d’euros contre la non publication d’un livre à charge. Il a été interpellé à Paris jeudi 27 août. Une information judiciaire pour chantage et tentative d’extorsion de fonds a été ouverte.
La page de l’émission : RTL Soir
par Jean-Alphonse Richard publié le 27/08/2015 à 18:00 mis à jour le 27/08/2015 à 19:33
L’écrivain-journaliste français Éric Laurent a tenté de faire chanter le roi du Maroc, Mohammed VI. L’homme de 68 ans a écrit plusieurs livres sur le royaume marocain mais le dernier en date n’est pas paru. Et pour cause : c’est un livre à charge et le journaliste a réclamé de l’argent au roi pour ne pas le publier. Sauf que les autorités du pays ont porté plainte pour chantage et extorsion. Le journaliste a alors été interpellé dans l’après-midi de ce jeudi 27 août.
Le feuilleton dure en fait depuis un mois. Le premier acte a lieu le 23 juillet à Paris. Ce jour-là, Éric Laurent contacte le cabinet du roi du Maroc. Il annonce qu’il va publier un livre à charge et sollicite un rendez-vous. Le 11 août, une rencontre a lieu entre l’écrivain et un avocat marocain. Au cours de ce face à face, Éric Laurent aurait réclamé trois millions d’euros au représentant du roi pour annuler la publication du livre. C’est ce que soutient le Maroc. Une plainte est alors immédiatement déposée auprès du procureur de Paris.
Des entrevues sous surveillance policière
Deuxième acte, le 21 août. Une nouvelle rencontre se tient entre l’avocat marocain et l’écrivain. Mais cette fois, la réunion est sous discrète surveillance policière. Éric Laurent aurait alors réitéré son offre : 3 millions d’euros contre son silence. Cinq jours plus tard, devant la gravité des faits, le parquet de Paris ouvre une information judiciaire pour chantage et tentative d’extorsion de fonds. Trois juges sont désignés.
Le dernier acte a donc eu lieu ce jeudi 27 août. Un ultime rendez-vous est à nouveau surveillé et écouté par la police. L’écrivain se serait accordé sur une transaction à deux millions d’euros, accepté une avance de 80.000 euros et renoncé par écrit à la publication. Il a finalement été interpellé à la sortie de ce restaurant parisien, en compagnie, semble-t-il, de sa co-auteure, Catherine Graciet, qui travaillait sur cet ouvrage.
- Maroc : un avion de combat Mirage F1 s’écrase
- Un braqueur qui narguait la police sur Facebook arrêté au Maroc
- La coopération judiciaire entre le Maroc et la France coûte cher
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89ric_Laurent
Éric Laurent
Ne doit pas être confondu avec Éric Laurrent.
Éric Laurent (né en 1947) est un journaliste français, spécialiste de politique internationale sur France Culture. Il est spécialiste des questions touchant la finance et la géopolitique du pétrole.
Sommaire
Biographie
Maîtrise de droit, puis études en sciences de la communication à l’Université de Californie à Berkeley.
Son engagement comme journaliste au Figaro en 1985 lui permet de se spécialiser dans les entretiens avec les chefs d’États et personnalités internationales (Kadhafi, Hassan II, Hammer, John McCloy, Rockefeller, etc.)
Le 27 août 2015, la radio RTL annonce qu’Eric Laurent a été interpellé en compagnie de Catherine Graciet pour avoir tenté de faire chanter le roi du Maroc, Mohammed VI. L’écrivain aurait réclamé trois millions d’euros pour la non-publication d’un ouvrage à charge1.
Réalisations
Bibliographie
- La Puce et les géants, de la révolution informatique à la guerre du renseignement, Fayard, 1984.
- La Corde pour les pendre, Fayard, 1985 : sur le financement du bolchévisme.
- Un espion en exil, 1989
- Le Dossier secret, 1991 : Ouvrage écrit avec Pierre Salinger pour dénoncer les dessous de la Guerre du Golfe.
- Tempête du désert, 1991
- Mémoire d’un Roi, 1993 Sous forme d’interview avec le roi Hassan II, cet ouvrage rapporte le point de vue du roi du Maroc sur divers sujets concernant son pays et les relations avec les autres pays.
- Moscou à Wall Street, 1994
- Les Fous de la paix, histoire secrète d’une négociation, 1994 : Avec Marek Halter, à propos des négociations israélo-palestiniennes.
- Henri Konan Bédié, les chemins de ma vie, 1999 : Une hagiographie du président de la Côte d’Ivoire.
- Guerre au Kosovo, le dossier secret, 2000
- Le Génie de la modération : réflexions sur les vérités de l’islam, 2000 : Un ouvrage écrit avec le roi du Maroc Hassan II.
- Le Grand Mensonge, le dossier noir de la vache folle, 2001 : Ou l’on apprend que le nombre de morts dus à Alzheimer est sans doute surestimé, celui des morts liés à l’ESB étant lui sous estimé
- La Guerre des Bush, 2003 : étudie les relations de la famille Bush avec l’entourage de ben Laden et avec Saddam Hussein.
- Le Monde secret de Bush, 2003 : la religion, les affaires, les réseaux occultes
- La Face cachée du 11 septembre, 2004 : réquisitoire contre les ambiguïtés américaines
- La face cachée du Pétrole, 2006 : enquête sur les manipulations et les mensonges des pays qui produisent le pétrole et les compagnies qui le vendent. Point de depart d’un documentaire sur Arte diffuse en septembre 2010, et d’une emission de Deux mille ans d’Histoire sur France Inter en septembre 2010.
- Bush, l’Iran et la bombe, 2007 Enquête sur une guerre programmée.
- La Face cachée des banques. Scandales et révélations sur les milieux financiers, Plon 2009
- Le Scandale des délocalisations, Plon, 2011 (ISBN 978-2259212564)2
- Le Roi prédateur. Main basse sur le Maroc, avec Catherine Graciet, 2012 (ISBN 978-2021064636)
- La Conspiration Wao Yen, Flammarion, février 2013 (ISBN 978-2081271258)
Notes et références
- ↑ « Un journaliste français interpellé pour avoir fait chanter le roi du Maroc » [archive], sur RTL, 27 août 2015 (consulté le 27 août 2015)
- ↑ (fr) « Le scandale des délocalisations » : Non la mondialisation n’est pas heureuse ! [archive], Slovar les Nouvelles, 14 mars 2011 (consulté le 19 septembre 2012)
Voir aussi
Liens externes
- Site officiel d’Eric Laurent
- Pétrole : le carburant de la violence ? Conférence donnée à l’Université de Montréal – Avril 2008
https://fr.wikipedia.org/wiki/Catherine_Graciet
Catherine Graciet
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Sommaire
Biographie
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Le 27 août 2015, la radio RTL annonce qu’elle a été interpellé en compagnie d’ Eric Laurent pour avoir tenté de faire chanter le roi du Maroc, Mohammed VI. L’écrivain aurait réclamé trois millions d’euros pour la non-publication d’un ouvrage à charge1. Dans le cadre de cette affaire, maître Éric Dupond-Moretti, avocat du roi du Maroc, affirme sur I-Télé avoir des preuves sur une possible manipulation terroriste dans ce dossier.
Publications
- Quand le Maroc sera islamiste, avec Nicolas Beau, La Découverte, 2006
- La Régente de Carthage. Main basse sur la Tunisie, avec Nicolas Beau, La Découverte, 20092
- Le Roi prédateur, avec Éric Laurent, Seuil, 2012
- Sarkozy-Kadhafi. Histoire secrète d’une trahison, Seuil, 2013
Notes et références
- ↑ « Un journaliste français interpellé pour avoir fait chanter le roi du Maroc » [archive], sur RTL, 27 août 2015 (consulté le 27 août 2015)
- ↑ Marion Cocquet, entretien avec Catherine Graciet, Le Point.fr, 18 janvier 2011 [1] [archive]
Lien externe
http://www.liberation.fr/monde/2014/12/21/samuel-laurent-attentat-a-la-rigueur_1168382
Samuel Laurent, attentat à la rigueur
Luc MATHIEU 21 décembre 2014 à 17:36 (Mis à jour : 22 décembre 2014 à 08:20)
ENQUÊTE
L’autoproclamé «consultant international», habitué des plateaux télé et radio où il assène des vérités alarmistes sur l’Etat islamique et Al-Qaeda, peine à justifier ses approximations.
Samuel Laurent n’est ni chercheur, ni diplomate, ni journaliste, ni analyste, ni ancien espion. «Consultant international», comme il se définit lui-même, il était totalement inconnu jusqu’en 2013. Il a depuis écrit trois livres, publiés au Seuil, dont deux à quelques mois d’intervalle cette année : Al-Qaïda en France et l’Etat islamique. Cela lui vaut d’être régulièrement invité dans des émissions de télé et de radio, des matinales de France 2, RTL et RMC aux nocturnes de LCI. Il y parle avec assurance du jihadisme, de l’islamisme, du salafisme, du risque terroriste en France et dans le monde, de la guerre en Syrie et de celle en Irak, des erreurs de la communauté internationale, de l’incompétence des pouvoirs politiques et de l’incurie des services de renseignements.
Samedi 6 décembre, Samuel Laurent était invité sur Canal +. Assis entre la chanteuse Princess Erika et l’humoriste Laurent Baffie, il a asséné ses vérités sur l’Etat islamique (EI), l’organisation jihadiste qui s’est emparée en moins de deux ans d’une large part de l’est de la Syrie et du nord de l’Irak. A l’en croire, 2 000 Français seraient actuellement dans ses rangs, ils recevraient 500 dollars (408 euros environ) en la rejoignant, 1 000 dollars en plus s’ils viennent avec un enfant et, surtout, il serait impossible pour eux de rentrer en France : tous ceux qui veulent partir sont «shootés» (comprendre exécutés par balle).
Exagération. Question, logique, de Thierry Ardisson, animateur de l’émission : «Mais alors, on a tort de s’inquiéter du retour de jihadistes occidentaux dans leur pays ?» Samuel Laurent, d’un coup beaucoup plus hésitant : «Euh non, pas vraiment, en effet, 99% des mecs ne rentreront jamais chez eux, mais Baghdadi [dirigeant de l’EI, ndlr] a une politique très claire : « Vous venez nous bombarder chez nous, on va vous taper chez vous. »» D’où vient ce chiffre de 1% de jihadistes qui reviendraient commettre des attentats dans leur pays sur ordre de l’EI ? Et le nombre de Français enrôlés – 2000 – alors que le ministère de l’Intérieur les évalue à moins de 400 en Irak et en Syrie ? Dans l’émission de Canal +, Samuel Laurent n’expliquera jamais comment il est parvenu à ces conclusions. Le problème est que l’on n’en sait pas plus en lisant ses livres. Dans le dernier, publié en novembre, Samuel Laurent affirme d’emblée que l’EI compte 50 000 combattants. Soit près de 20 000 de plus que l’estimation haute de la CIA. Contacté par Libération, l’auteur du Seuil dit qu’il a fait «ses propres calculs» et qu’«au final, les estimations variaient entre 40 000 et 50 000». Pourquoi, dans ce cas, prendre la fourchette haute ?
L’exagération vaut aussi pour le financement de l’EI via ses ventes de pétrole. Samuel Laurent écrit qu’elles rapportent 3 millions de dollars par jour. Les analyses circonstanciées, telle celle du Brookings Doha Center, estiment qu’elles s’établissent entre 1 et 3 millions. La société d’analyses IHS les évalue à 2 millions, le Trésor américain à un million de dollars par jour. Sur quelles sources Samuel Laurent s’appuie-t-il ? Elles sont, comme il se doit, «fiables», «très bien informées» ou «proches d’Al-Qaeda».
Personnages. L’auteur puise également dans des articles de presse, sans toujours les citer. Ainsi de la partie consacrée à Omar al-Shishani, un Géorgien qualifié à tort de «figure légendaire du jihad», alors qu’il n’avait jamais participé à aucun jihad avant 2012. Le récit de son parcours est largement inspiré, parfois simplement paraphrasé, de Wikipedia et d’un article du Wall Street Journal du 11 juillet. L’essentiel des citations est sinon attribué à trois hommes : Tarek, un «ami qui travaille [avec l’EI] depuis longtemps» ; Abou Maria, «émir d’Al-Qaeda» en Syrie, et Abou Moustapha, un transfuge de l’EI à Al-Qaeda, qui décrit longuement à Samuel Laurent l’organisation de l’EI.
Libération a joint Abou Maria, aussi appelé Mohammed Fizour, en Turquie. Est-il un «émir d’Al-Qaeda» ? «Mais non. Je suis un simple combattant du Jabhat al-Nusra [la branche syrienne d’Al-Qaeda]. J’ai eu à un moment quelques responsabilités, mais rien de significatif», explique-t-il. Le jeune Syrien réfute également le statut accordé par l’auteur du Seuil à Abou Moustapha, le transfuge de l’Etat islamique. «C’était un petit commandant au nord d’Alep. Il a quitté l’EI dès janvier 2014, lors des affrontements avec les autres groupes rebelles. Il n’a jamais été quelqu’un d’important, il ne connaît quasiment rien de l’organisation de l’EI.» Abou Maria était déjà l’un des personnages essentiels du précédent livre de Samuel Laurent, Al-Qaïda en France. Durant 400 pages, l’auteur y raconte un étonnant périple qui le mène en Syrie, en Turquie, puis en Somalie et en France. C’est Abou Maria qui a permis à l’auteur de se rendre en Syrie. Dans son livre, Samuel Laurent affirme qu’il a passé «plusieurs semaines» à Selma (Nord-Ouest), logé notamment par l’émir d’Al-Qaeda dans la ville. Il aurait rencontré chez lui des jihadistes français. La version d’Abou Maria est sensiblement différente. «Samuel Laurent est resté six jours en Syrie, pas plusieurs semaines. L’émir dont il parle n’est pas du tout le chef d’Al-Qaeda dans la région, c’est simplement un commandant local qui loge des combattants dans sa maison. Et je suis catégorique : Samuel Laurent n’a rencontré aucun jihadiste français chez lui. C’était son obsession, mais on n’a pas réussi à en trouver ; le seul que j’ai contacté a refusé de le voir. Comme il n’arrêtait pas d’insister, je l’ai conduit à la base de l’EI à Selma. Quand on est arrivé à l’entrée, leur chef m’a dit de repartir immédiatement car sinon, ça finirait mal. C’était l’époque où l’EI avait commencé à enlever les journalistes et les humanitaires étrangers. On est repartis immédiatement.»
A Libération, Samuel Laurent finit par reconnaître non pas des contradictions, mais des «passages compressés» et des «raccourcis pour faire simple». «Cela s’appelle un livre», ajoute-t-il. Il affirme toutefois qu’il est resté «deux, peut-être trois» semaines en Syrie. Son épopée narrée dans Al-Qaïda en France s’achève sur une inquiétante conclusion : Al-Qaeda disposerait de cellules en France déterminées à commettre attaques et attentats. Elles seraient composées de jihadistes qui ne se connaissent pas entre eux et ne connaissent pas leur chef. Tous auraient combattu au sein du Jabhat al-Nusra en Syrie avant d’être envoyés «en formation» en Somalie, puis de rentrer en France pour se fondre dans la population. Samuel Laurent dit connaître leur chef. Il lui consacre plusieurs chapitres dans lesquels Abou Hassan, c’est son surnom, raconte non seulement comment son groupe fantôme est organisé, mais aussi les attentats qu’il envisage de commanditer. Ils vont de l’assassinat d’un dirigeant politique, y compris le Président, par un sniper posté «à plusieurs kilomètres», à un attentat contre un TGV et des attaques simultanées. Le livre se clôt sur une visite des caches d’armes de l’organisation en France. L’arsenal est digne d’une petite armée : fusils de précision américains, missiles antichars russes, explosifs par centaines de kilos, grenades, mortiers, etc.
Insultes. Sauf que là non plus, le récit de Samuel Laurent ne tient pas. Il y a ces chiffres absurdes, tel le financement d’Al-Qaeda qui atteindrait plusieurs centaines de millions de dollars par an, alors qu’à son apogée, avant le 11 septembre 2001, il était évalué à 30 millions de dollars par la Commission d’enquête américaine. Il y a aussi des incohérences flagrantes. Si l’on en croit l’auteur, les jihadistes français seraient d’abord «observés» durant plusieurs mois en Syrie, puis devraient combattre au moins six mois là-bas, avant d’être enfin envoyés en Somalie pour suivre deux mois de formation. Pour que dix jihadistes suivent ce parcours et soient renvoyés en France en 2012, comme l’écrit Samuel Laurent, il aurait donc fallu qu’ils combattent en Syrie dès 2011. Problème, la filiale syrienne d’Al-Qaeda n’a été créée que début 2012. Interrogé sur ce décalage, Samuel Laurent s’énerve : «Vous êtes juge ou quoi ?» Et finit par dire que les jihadistes ont pu combattre en Syrie avec «d’autres groupes islamistes qu’Al-Qaeda». Une nouvelle thèse en contradiction avec le récit publié. Tout aussi étranges sont certaines citations attribuées au chef d’Al-Qaeda en France. Celui-ci affirme par exemple ne pas en vouloir aux «chrétiens et aux juifs». «Ce n’est absolument pas crédible. La première apparition publique d’Al-Qaeda en 1998 s’est faite sous le titre de « Front islamique mondial pour le jihad contre les juifs et les croisés », ce qui en dit long sur la vision des juifs et des chrétiens par Al-Qaeda», explique Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences-Po et auteur des Neuf Vies d’Al-Qaida (éditions Fayard).
Tout aussi incohérente est la possibilité même que le chef d’Al-Qaeda en France, si tant est qu’il existe, accepte non seulement de parler à un consultant qui écrit un livre, mais aussi de lui détailler ses plans d’attentats et de lui dévoiler son arsenal. Aucun chercheur, aucun analyste, aucun membre des services de renseignements interrogés par Libération n’y croit. «Cela n’a aucun sens. C’est comme si Ben Laden ou l’un de ses adjoints avait dit à un journaliste avant le 11 Septembre qu’il s’apprêtait à envoyer des avions contre des tours aux Etats-Unis. Ce serait totalement stupide. L’histoire nous a montré que les dirigeants d’Al-Qaeda ne le sont pas», explique un cadre de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). «Cela paraît invraisemblable. S’il est arrivé que des chefs terroristes rencontrent des journalistes ou des chercheurs, ce n’était pas pour présenter en détail le fonctionnement de cellules clandestines, évoquer des plans d’attaques ou dévoiler des armes dont l’utilisation pourrait créer une surprise stratégique. Le schéma de clandestinité décrit est en lui-même contradictoire avec le fait d’accepter une telle rencontre», confirme Marc Hecker, chercheur au Centre des études de sécurité de l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Lorsqu’on lui demande s’il a des preuves de ce qu’il avance, Samuel Laurent s’énerve encore un peu plus. «Vous n’êtes qu’un gros connard !» hurle-t-il au téléphone. Mais entre deux insultes, il admet que non, il n’a pas de preuve. Avant d’affirmer que Bernard Squarcini, ex-patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), soutient la thèse des caches d’armes. Contacté par Libération, celui-ci dément formellement.
Comment un tel récit aussi incohérent qu’Al-Qaïda en France a-t-il pu être publié au Seuil, maison réputée pour son sérieux ? Est-ce parce qu’Eric Laurent, le père de Samuel Laurent [journaliste géopolitique à France Culture, ndlr], a été publié dans cette même maison en 2012 ? «Oui, cela a joué», reconnaît Jean-Christophe Brochier, son éditeur. Selon lui, l’absence de preuve fournie par Samuel Laurent pour Al-Qaïda en France n’a pas été un obstacle. «Je ne suis pas rédacteur en chef et Samuel Laurent n’est pas journaliste. C’est un consultant international, ce qui veut tout dire, ou ne rien dire. Disons que c’est un baroudeur», poursuit-il. La publication en tant que «document» ne signifie rien elle non plus. «C’est un terme délibérément imprécis qui recouvre autant le récit, l’enquête que l’essai.» Pour les deux derniers livres de Samuel Laurent, «roman» aurait été plus approprié.
* Le Samuel Laurent dont nous parlons ci-dessus n’est pas le Samuel Laurent journaliste au Monde.fr.
Luc MATHIEU
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