Les derniers résultats de l’enquête rendus publics tendent à l’accréditer, le tueur ayant apparemment visé à chaque fois des personnes qu’il connaissait ou auxquelles il avait eu affaire dans le cadre de deux licenciements, et peut-être à la suite de son dernier licenciement en 2010 pour la gestion de son dossier à Pôle emploi.
Si, comme tout semble actuellement l’indiquer, il n’avait pu retrouvrer le moindre emploi en dix ans en dépit de ses compétences d’ingénieur, c’est effectivement le signe d’un gros problème, peut-être lié à son dernier licenciement.
Il reste que le moment qu’il a choisi pour commettre ses crimes continue à m’interroger, comme je l’ai déjà dit dans ce précédent article :
Les polémiques ayant fait suite à la sortie de l’ouvrage de Didier Bille remontant à 2018, il n’est pas possible de les retenir comme faits déclencheurs du passage à l’acte d’un individu isolé deux ou trois ans plus tard. En revanche, elles peuvent bien avoir alimenté une réflexion commune ayant débuté à cette époque, tout comme il y a quelques années l’engagement militaire de la France en Afghanistan, cause alléguée pour sa série d’assassinats de mars 2012 par le djihadiste Mohammed Merah, lequel était alors qualifié de « loup solitaire », ce qu’en réalité il n’était pas.
Notons à cet égard que le dénommé Gabriel Fortin s’est bizarrement présenté à Valence comme un certain « Rachid ».
Par ailleurs, plusieurs des attentats islamistes de ces dernières années apparaissent bien comme des vengeances personnelles maquillées en attentats islamistes, et l’un d’eux avait déjà consisté en l’assassinat de son employeur par un salarié à la suite d’une réprimande deux jours plus tôt (attaque islamiste du 26 juin 2015 à Saint-Quentin-Fallavier).
Dans tous ces cas, celui qui a décidé de se faire justice lui-même est supporté par un mouvement qui encourage son passage à l’acte et le manipule avec des objectifs différents.
La garde à vue de Gabriel F, « le tueur de DRH », a été prolongée
17h38 , le 29 janvier 2021, modifié à 17h50 , le 29 janvier 2021
La garde à vue de Gabriel F, qui a tué trois personnes du Haut-Rhin à l’Ardèche, a été prolongée. Cet ingénieur de 45 ans sera présenté à un magistrat samedi.
Gabriel F., auteur de trois assassinats et d’une tentative en trois jours, sera présenté à un magistrat samedi à l’issue de sa garde à vue qui a été prolongée ce vendredi. Comparaison ADN à l’appui, les enquêteurs ont désormais la certitude que cet ingénieur de 45 ans, né et domicilié à Nancy (Meurthe-et-Moselle), a débuté son périple meurtrier dès mardi en Alsace en tuant la responsable des ressources humaines de l’entreprise Knauf. Sa tentative de meurtre du directeur des ressources humaines de General Electric Belfort a en revanche échoué. Il a ensuite mortellement blessé jeudi matin une responsable d’équipe à l’agence Pôle Emploi de Valence (Drôme), puis la DRH de l’entreprise Faun Environnement à Guilherand-Granges (Ardèche) où le tireur, qui disposait légalement de deux armes de poing, avait été employé.
Le suspect reste mutique
Le choix des victimes ne semble en effet rien devoir au hasard. Ses deux cibles alsaciennes avaient toutes deux travaillé comme DRH pour le compte du groupe Emerson lorsque la multinationale américaine avait racheté la société Francel SA, basée à Lucé (Eure-et-Loire). S’en était suivi un plan social en 2006 dont aurait fait les frais Gabriel F.. Ce dernier a encore été licencié en 2010 de la société Faun Environnement et ce serait bien la responsable des ressources humaines de l’entreprise tuée jeudi, une mère de famille âgée de 51 ans, qui lui avait notifié son renvoi. Gabriel F. s’est ensuite inscrit à Pôle Emploi à Valence (Drôme) mais pas dans l’agence où il s’est rendu armé jeudi. Les policiers cherchent à vérifier si la responsable d’équipe de Pôle Emploi, tuée, encore une mère de famille âgée de 53 ans, s’était occupée à l’époque de lui dans une autre agence.
Face à un suspect mutique, les enquêteurs cherchent à déterminer quel pourrait être l’élément déclencheur qui a poussé cet ancien élève de l’école d’ingénieur de Metz (ENIM), présenté comme solitaire et dépressif, à se lancer dans cette entreprise de vengeance meurtrière. Une autre question reste pour l’heure sans réponse : Gabriel F. comptait-il s’arrêter là ou avait-il d’autres cibles?
Drame au Pôle Emploi de Valence : «Je ne me sens ni coupable ni inquiet», confie le DRH Didier Bille
Didier Bille est l’auteur de «DRH, la machine à broyer» qui a donné naissance au mouvement #BalancetonDRH sur les réseaux sociaux en 2018.
Par Bérangère Lepetit
Le 28 janvier 2021 à 22h33, modifié le 29 janvier 2021 à 08h36
A la suite du drame survenu ce jeudi à Valence, les enquêteurs cherchent à établir un lien avec d’autres faits survenus plus tôt cette semaine dans l’est de la France. Mardi soir, une cadre dans les ressources humaines, Estelle L., a été retrouvée tuée par arme à feu sur un parking devant son entreprise de Wolfgantzen, près de Colmar (Haut-Rhin). Peu après ces faits, un homme d’une cinquantaine d’années a été agressé à son domicile par une personne armée. La victime présente la particularité d’être un ancien collègue d’Estelle L.
VIDÉO. Drame au Pôle emploi de Valence : «L’acte ne relève pas d’une logique particulière», selon le procureur
Tous deux avaient été missionnés pour mener une opération de restructuration du groupe Emerson en 2006 dans la banlieue de Chartres (Eure-et-Loir) et leurs deux noms, accolés au hashtag #BalanceTonDRH, avaient circulé en 2018 sur les réseaux sociaux. Le mouvement était apparu sur Twitter quelques semaines après la sortie du livre choc de Didier Bille, « DRH, la machine à broyer » (éditions Cherche-midi).
Harcèlement moral, évaluations truquées… dans cet ouvrage, l’homme, qui travaille toujours dans le même secteur, décrivait avec force détails et anecdotes les pratiques à la frontière de la légalité qu’il a utilisées durant vingt-deux ans dans plusieurs grands groupes industriels (General Electric, Nortel, XP, une filiale de Bosch…).
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Joint ce jeudi soir, ce dernier s’est déclaré « choqué » par les faits qui se sont déroulés durant la semaine. « Le fait que ce soit une agente de Pole emploi et une cadre des ressources humaines n’accentue ou ne minimise pas le choc que j’ai ressenti, poursuit-il. C’est un acte atroce. »
Didier Bille surnommé par notre journal en 2018 « l’homme aux 1000 licenciements » estime que ce drame a sans doute pu être commis par « un homme fragile qu’un rien peut pousser à passer à l’acte ». « Si ce n’est pas #BalanceTonDRH aujourd’hui, ce sera #BalanceTonComptable demain », glisse-t-il.
«Dans mon livre, je dénonçais ces pratiques»
Se sent-il coupable que ces faits se soient déroulés dans le sillage de la sortie de son livre ? « Je ne me sens pas coupable. Dans ce livre, je ne faisais pas l’apologie de ces pratiques, je les dénonçais » », affirme-t-il calmement. « Je ne me suis pas senti menacé à l’époque et je ne me sens toujours pas menacé », confie-t-il par ailleurs.
Il rappelle en passant qu’en 2018, un internaute l’avait contacté et avait menacé de le jeter en pâture sur les réseaux sociaux par l’intermédiaire de #BalanceDidierBille. « J’ai gardé les mails. Mais je n’ai jamais été de nature inquiète. A l’époque, ça ne m’avait pas inquiété et ça ne m’inquiète toujours pas. »
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