Elle est bien affirmée par tous, autant ceux qui soutiennent qu’il aurait permis aux négociations d’aboutir que ceux qui les accusent de n’avoir eu pour objectif que d’obtenir des financements pour la campagne présidentielle de Balladur, mais aucun ne démontre vraiment ses prétentions.
Que s’est-il donc passé au mois de janvier 1994 ? Pourquoi le contrat Sawari II n’a-t-il pas été signé le 8 janvier 1994, comme tout le gouvernement Balladur semble alors l’escompter ?
Le premier procès n’apporte aucune réponse.
- Les chèvres corses, c’est bien, aussi.
- Non, nous ce qu’on veut, c’est le mouton breton, un mouton noir unique au monde.
Certains sont parfaitement capables de m’avoir à cette époque vendue à mon insu à un émir quelconque. Puis ils ont peut-être dû renoncer à livrer leur marchandise qui n’en faisait encore qu’à sa tête.
Ce qui est certain, c’est que ces proxénètes avaient bien décidé que je leur appartenais et devais leur rapporter du fric, beaucoup, au moins dix millions de francs selon ce qu’ils m’ont toujours dit.
https://www.lepoint.fr/justice/affaire-karachi-le-reseau-k-en-proces-07-10-2019-2339688_2386.php
Affaire Karachi : le « réseau K » en procès
VIDÉO. Six hommes sont jugés jusqu’au 31 octobre pour des soupçons de rétrocommissions qui auraient servi au financement de la campagne d’Édouard Balladur en 1995.
Source AFP
Le procès qui s’ouvre ce lundi n’est que le premier de la tentaculaire affaire Karachi et se penchera sur le volet strictement financier de ce dossier : six hommes sont jugés au tribunal correctionnel de Paris pour des soupçons de commissions occultes en marge de la campagne présidentielle malheureuse d’Édouard Balladur en 1995. Trois politiques, un industriel et deux intermédiaires devront répondre, jusqu’au 31 octobre, d’abus de biens sociaux ou de complicité et recel de ce délit, notamment au détriment de la branche internationale de la Direction des constructions navales (DCNI).
Au cœur du dossier, des soupçons de rétrocommissions sur des sommes réglées à des intermédiaires, le « réseau K », en marge de la vente de frégates à l’Arabie saoudite (contrat Sawari II) et de sous-marins au Pakistan (Agosta). Si le versement de pots-de-vin à des agents étrangers était alors la règle à l’international – jusqu’à leur interdiction en 2000 –, les rétrocommissions étaient, elles, proscrites. Pour l’accusation, ce sont ces rétrocommissions qui auraient alimenté les comptes de campagne d’Édouard Balladur dans un contexte très particulier : celui de la lutte fratricide qui opposait alors au sein de la droite française le Premier ministre sortant, sans appareil, au maire de Paris Jacques Chirac, qui avait, lui, le soutien du RPR.
Balladur et Léotard renvoyés devant la CJR
L’affaire prend sa source dans l’enquête sur l’attentat de Karachi. Le 8 mai 2002, une voiture piégée précipitée contre un bus transportant des salariés de la DCNI coûtait la vie à 15 personnes, dont 11 Français travaillant à la construction des sous-marins dans le port pakistanais de Karachi. L’enquête, qui avait au départ privilégié la piste terroriste d’Al-Qaïda, s’en était éloignée en 2009 pour explorer les possibles liens, non confirmés à ce jour, entre l’attaque et l’arrêt du versement des commissions en 1995.
Le procès qui s’ouvre lundi ne permettra pas de savoir si l’arrêt du versement des commissions, décidé par Jacques Chirac après son élection, est ou non lié à l’attentat survenu sept ans plus tard. C’est exclusivement le volet financier du dossier qui sera jugé, mais en l’absence du principal intéressé, Édouard Balladur, et de son ancien ministre de la Défense François Léotard : tous deux viennent d’être renvoyés devant la Cour de justice de la République, seule juridiction habilitée à juger les membres du gouvernement pour des actes commis dans l’exercice de leurs fonctions.
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De l’utilité du « réseau K »
Les trois prévenus issus du monde politique nient tout financement illégal : Nicolas Bazire, ex-directeur de campagne d’Édouard Balladur et aujourd’hui un des dirigeants du groupe de luxe LVMH ; Renaud Donnedieu de Vabres, conseiller à l’époque du ministre de la Défense ; Thierry Gaubert, alors membre du cabinet du ministre du Budget Nicolas Sarkozy et surtout engagé dans la campagne d’Édouard Balladur. Ils sont jugés aux côtés de Dominique Castellan, ancien patron de la DCNI, ainsi que deux hommes d’affaires : le Franco-Libanais Ziad Takieddine et l’Espagnol d’origine libanaise Abdul Rahman Al Assir, membres du « réseau K ». La présence de ce dernier, qui réside en Suisse, est peu probable.
Si le réseau est utile, il n’y a pas d’abus de biens sociaux et ce dossier est vide.
Après des années d’enquête, les juges d’instruction ont estimé que plus de 300 millions d’euros de commissions « indues » et « exorbitantes » sur des contrats d’armement avaient été versés au « réseau K » (pour King, allusion au roi d’Arabie). Un réseau « inutile » et imposé par le gouvernement en fin de négociations pour enrichir ses membres et financer par des rétrocommissions la campagne Balladur, via des sociétés offshore, selon les magistrats. Une thèse combattue par l’ancien dirigeant de la DCNI et les intermédiaires, qui affirment que l’intervention du « réseau K » a été décisive pour la signature des contrats, notamment au Pakistan, où la France était en concurrence avec le Royaume-Uni. « Si le réseau est utile, il n’y a pas d’abus de biens sociaux et ce dossier est vide », a commenté un avocat de la défense.
Pendant l’enquête, après avoir longtemps tergiversé, Ziad Takieddine avait concédé avoir financé la campagne d’Édouard Balladur à hauteur de 6 millions de francs (moins d’un million d’euros), affirmant avoir été sollicité par Nicolas Bazire via Thierry Gaubert, ce que les deux hommes contestent. Les juges s’étaient notamment intéressés aux 10,2 millions de francs versés en coupures de 500 et 100 francs le 26 avril 1995 sur le compte de campagne de M. Balladur. Les comptes de campagne de l’ex-Premier ministre avaient été validés par le Conseil constitutionnel.
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Karachi : 3 ans de prison ferme requis contre Renaud Donnedieu de Vabres et Nicolas Bazire
Dans le cadre du volet financier de l’affaire Karachi, cinq ans de prison, dont deux avec sursis, ont été requis contre Renaud Donnedieu de Vabres, ancien proche collaborateur du ministre de la Défense François Léotard, et Nicolas Bazire, ex-directeur de cabinet d’Édouard Balladur à Matignon et ex-directeur de sa campagne présidentielle.
« Une véritable entreprise de prédation ». C’est en ces termes qu’a qualifié le procureurs, Nicolas Baïetto, l’affaire Karachi devant le tribunal correctionnel. Le parquet de Paris a requis ce lundi 28 octobre de 18 mois ferme à sept ans de prison à l’encontre des six prévenus au procès du volet financier de l’affaire Karachi, une affaire de soupçons de commissions occultes sur des ventes d’armement en marge de la campagne présidentielle d’Édouard Balladur. Dans ce procès pour abus de biens sociaux, recel ou complicité, l’accusation considère que des rétrocommissions illégales sur des contrats d’armement signés en 1994 avec le Pakistan et l’Arabie Saoudite ont contribué notamment à financer la campagne malheureuse de l’ancien Premier ministre en 1995.
« Certains des plus hauts fonctionnaires de l’État se sont livrés à une véritable entreprise de prédation (…) notamment pour financer la campagne du candidat Balladur », a lancé l’un des deux procureurs, Nicolas Baïetto, devant le tribunal correctionnel. Six prévenus sont jugés depuis trois semaines : un industriel, trois politiques et deux intermédiaires. Il leur est reproché d’avoir floué deux entités détenues par l’État : la branche internationale de la Direction des constructions navales (DNCI), qui vendait des sous-marins au Pakistan (contrat Agosta), et la Sofresa, pour la vente de frégates à l’Arabie Saoudite (Sawari II).
Les prévenus nient tout financement politique
Selon l’accusation, le pouvoir politique a imposé à la DCNI et la Sofresa des intermédiaires « inutiles » dans ces contrats, le « réseau K », à des conditions financières « anormales ». Dans son « intérêt » : faire revenir une partie des commissions versées à ce réseau vers les comptes de la campagne Balladur. Le parquet a requis trois ans d’emprisonnement, dont 18 mois ferme contre Dominique Castellan, alors patron de la DCNI. Contre l’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine, l’un des intermédiaires, également jugé pour fraude fiscale et blanchiment, cinq ans de prison avec mandat de dépôt ont été requis.
À l’encontre de son ancien associé Abdul Rahman Al Assir, absent du procès, le parquet a demandé sept ans et un mandat d’arrêt. Cinq ans, dont deux avec sursis, et des amendes ont été requis contre Renaud Donnedieu de Vabres, alors proche collaborateur du ministre de la Défense François Léotard, et Nicolas Bazire, ancien directeur de cabinet d’Édouard Balladur à Matignon et ex-directeur de sa campagne présidentielle. Renaud Donnedieu de Vabres est notamment jugé pour avoir imposé le « réseau K ». Et Nicolas Bazire, aujourd’hui l’un des dirigeants du groupe de luxe LVMH, pour avoir, en tant que directeur de la campagne Balladur, téléguidé l’arrivée des 10,25 millions sur le compte de la campagne.
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Enfin, contre Thierry Gaubert, alors au ministère du Budget, quatre ans, dont deux ferme, et 100.000 euros d’amende ont été requis. L’accusation estime qu’il a profité des « largesses de Ziad Takieddine » mais n’a toutefois « pas pu faire le lien » avec la campagne Balladur. Édouard Balladur et François Léotard seront quant à eux jugés ultérieurement devant la Cour de justice de la République.
Affaire de Karachi : prison ferme pour six prévenus, dont des proches d’Edouard Balladur, dans le volet financier
La justice a durement sanctionné les prévenus qui ne pouvaient ignorer « l’origine douteuse » des fonds versés pour la campagne présidentielle de Balladur en 1995.
Le tribunal correctionnel de Paris a condamné, lundi 15 juin, à des peines de deux à cinq ans de prison ferme les six personnes jugées dans le volet financier de l’affaire de Karachi, un scandale politico-financier sur fond de commissions occultes versées à l’occasion de contrats d’armements signés en 1994. Pour le tribunal, les fonds détournés à cette occasion ont bien contribué au financement occulte de la campagne présidentielle malheureuse d’Edouard Balladur, alors premier ministre, en 1995.
La décision du tribunal est de mauvais augure pour M. Balladur qui comparaîtra prochainement devant la Cour de justice de la République (CJR) dans le volet ministériel de l’affaire, aux côtés de son ministre de la défense de l’époque, François Léotard. La CJR est la seule juridiction habilitée à juger les ministres pour des infractions commises au cours de leur mandat.
Pour justifier sa décision, jugée particulièrement dure par les avocats des prévenus au vu de l’ancienneté des faits, le tribunal a dénoncé « une atteinte d’une gravité exceptionnelle non seulement à l’ordre public économique mais aussi à la confiance dans le fonctionnement de la vie publique », a fortiori émanant de hauts fonctionnaires et personnalités politiques, desquels sont attendus une probité « exemplaire ».
Condamnés pour « abus de biens sociaux », « complicité » ou « recel » de ce délit – l’infraction de « financement politique illicite » étant prescrite –, les prévenus, parmi lesquels l’ancien ministre Renaud Donnedieu de Vabres et deux proches de Nicolas Sarkozy, Nicolas Bazire et Thierry Gaubert, ont tous annoncé leur intention de faire appel.
Lancée par les révélations de Mediapart en septembre 2008, l’enquête judiciaire, conduite d’abord par le juge Marc Trévidic puis par Renaud Van Ruymbeke, a établi que dans le cadre de deux contrats d’armement conclu en 1994 entre la France (par la direction des constructions navales internationales, DCN-I), le Pakistan et l’Arabie saoudite, un réseau d’intermédiaires d’origine libanaise avait été imposé au dernier moment, sans aucune justification commerciale. Il était animé par deux hommes, Abdul Rahman El-Assir et, surtout, le fantasque intermédiaire Ziad Takieddine – le tribunal a décerné un mandat d’arrêt contre les deux hommes, absents ce lundi au délibéré.
Les contrats de sous-marins (Agosta) et de frégates (Sawari II) conclus respectivement avec le Pakistan et l’Arabie saoudite ont donné lieu à des rétrocommissions occultes, dont une partie aurait enrichi les prévenus, l’autre ayant abondé de manière tout aussi illicite la campagne présidentielle d’Edouard Balladur. Le tribunal stigmatise le versement de « commissions exorbitantes », au détriment de DCN-I et de la Sofresa, deux sociétés d’Etat chargées de vendre les équipements militaires. Le jugement évoque ainsi « le montant disproportionné des commissions accordées – plus de 190 millions de francs –, sans justifications économiques et dans des conditions anormalement avantageuses, dérogatoires et contraires aux usages ».
« Retour d’ascenseur »
Pour les juges, la preuve a été apportée que les 10,25 millions de francs en liquide versés providentiellement en avril 1995 sur le compte de l’association de financement de la campagne d’Edouard Balladur provenaient de M. Takieddine. Le versement de cette somme aurait constitué un « retour d’ascenseur » aux balladuriens, qui avaient permis à l’homme d’affaires de s’enrichir grâce aux contrats d’armement.
Si les plus lourdes peines, cinq ans de prison ferme, ont été infligées au tandem Takieddine-El-Assir, Nicolas Bazire, ancien directeur du cabinet et chef de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur, et Renaud Donnedieu de Vabres, alors proche collaborateur du ministre de la défense, François Léotard, n’ont pas été épargnés : ils sont condamnés à cinq ans de prison dont deux avec sursis et de lourdes amendes (respectivement 300 000 et 120 000 euros). Il est notamment reproché à M. Bazire d’avoir eu « parfaite connaissance de l’origine douteuse » des 10,25 millions suspects versés sur le compte de campagne, et à M. Donnedieu de Vabres d’avoir œuvré en faveur du duo Takieddine-El-Assir.
De son côté, Thierry Gaubert, alors conseiller du ministre du budget, Nicolas Sarkozy – souvent cité dans la procédure, ce dernier n’a pas été poursuivi –, a été condamné à quatre ans de prison ferme, dont deux avec sursis, et 120 000 euros d’amende. Pour les magistrats, M. Gaubert était « le maillon indispensable entre Nicolas Bazire et Ziad Takieddine » qui aurait « permis en toute connaissance de cause, le retour en France sous forme de rétrocommissions de fonds provenant des commissions litigieuses, à destination du compte de campagne de M. Edouard Balladur ».
Enfin, Dominique Castellan, alors patron de la DCN-I, a été condamné à trois ans ferme dont un avec sursis et 50 000 euros d’amende. A l’audience, M. Castellan avait admis avoir reçu l’ordre du cabinet de M. Léotard d’imposer le « réseau K », le duo Takieddine-El-Assir.
Si le jugement du tribunal correctionnel de Paris a mécontenté les avocats des prévenus, il a en revanche satisfait les familles des victimes de l’attentat de Karachi, convaincues que cette affaire de rétrocommissions est à l’origine de l’attentat du 8 mai 2002 visant des salariés de la DCN-I travaillant alors au Pakistan. L’explosion avait tué à quinze personnes dont onze Français œuvrant à la construction des sous-marins Agosta.
Alors que la piste Al-Qaida avait été initialement privilégiée, une autre hypothèse franco- française était apparue : l’attentat aurait été commis en rétorsion à l’arrêt brutal des commissions décidé en 1996 par Jacques Chirac, désireux de sanctionner les balladuriens. Un lien de causalité éventuel, non confirmé à ce jour, qui devrait être au cœur du procès de MM. Balladur et Léotard devant la CJR.
Affaire Karachi : la France menacée par de lourdes pénalités
Paris Match | Publié le 01/11/2016 à 12h52
La Cour d’appel de Lyon examinera, ce 3 novembre, la validité du renvoi en correctionnelle de six des protagonistes du scandale Karachi. La défense de l’intermédiaire Ziad Takieddine évoque le risque d’importantes pénalités financières, semblables à celles des frégates de Taiwan, au détriment du Trésor public français.
Le versement de commissions occultes dans les ventes d’armes de l’affaire Karachi expose la France à des dédommagements pouvant atteindre plusieurs centaines de millions d’euros, pour cause de non respect des contrats signés. Cette alerte est lancé par Bérenger Tourné, l’avocat de l’homme d’affaires Ziad Takieddine, l’un des personnages clés du scandale, pour lequel il plaidera devant la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Lyon.
Celle-ci, à partir du 3 novembre prochain, doit examiner à huis clos la validité du renvoi devant le tribunal correctionnel de six protagonistes du dossier avec outre Takieddine, l’intermédiaire libanais Abdul Rahman el-Assir, les anciens membre de cabinets ministériels Nicolas Bazire, Renaud Donnedieu de Vabres et Thierry Gaubert, ainsi que Dominique Castellan, l’ex-patron de DCN-I, la filiale internationale de la Direction des constructions navales.
A lire :Qu’est-ce que l’affaire Karachi?
En juin 2014, les juges d’instruction Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire ont ordonné le renvoi devant un tribunal de ces six prévenus, accusés d’abus de biens sociaux ou de recel. En cause : une vaste affaire de détournements de fonds, où se mêlent grands contrats à l’exportation, corruption et financement politique, lors de la vente par la France, fin 1994, de sous-marins Agosta au Pakistan puis de frégates de type Sawari à l’Arabie Saoudite. Après trois années d’enquêtes et le décryptage de centaines de documents bancaires, en provenance de Suisse et des paradis fiscaux, les deux magistrats ont établi qu’en marge de ces contrats près de 327 millions d’euros de commissions occultes ont été versés par DCN et la Sofresa, deux entreprises contrôlée par l’Etat, au «réseau K» des intermédiaires Takieddine et el-Assir. Une partie de cet argent serait revenue en France sous forme de «retrocoms» pour financer notamment la campagne présidentielle d’Edouard Balladur. Dans un arrêt du 10 février 2016, la Cour de cassation a pourtant annulé cette ordonnance de renvoi, en raison de son caractère «complexe» et de problèmes de procédure. Elle a demandé que le dossier soit réexaminé par la Cour d’appel de Lyon qui devra entre autres trancher sur l’éventuelle prescription des abus de biens sociaux reprochés qui datent de plus de vingt ans.
Les contrats prohibent la corruption et le paiement de commissions
En préparant cette audience, Me Tourné a exhumé des «scellés» du dossier des pièces capitales : les contrats d’origine signés par le gouvernement français en 1994 avec le Pakistan et l’Arabie Saoudite pour la vente des sous-marins Agosta et des frégates Sawari. Il a alors constaté que ces documents d’Etat à Etat comportent des clauses prohibant formellement la corruption, l’intervention d’intermédiaires et le paiement de commissions, sous peine de recours en arbitrage et de sanctions financières conséquentes pour «rupture fautive du contrat». Intitulée «Corrupt Gifts/Commission» (Cadeaux corruptifs/Commission), la clause 47 du contrat Agosta est très explicite sur le sujet. Quant au contrat «Sawari 2» des frégates saoudiennes, il se réfère à l’«accord cadre intergouvernemental» signé le 8 juin 1989 par Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de la Défense, et son homologue saoudien, le prince Sultan Bin Abdul Aziz. Il y est stipulé, à l’article 1 du titre IV : «Les relations entre les deux gouvernements seront directes et sans intermédiaires. Les contrats d’armements et de prestations de service y afférant le seront également.»
Un schéma d’escroquerie d’Etat
Pourtant, comme l’a montré l’instruction du juge Van Ruymbeke, DCN-I et Sofresa, les deux entreprises para-publiques chargées de ces commandes, ont multiplié le recours à des intermédiaires (dont Takieddine et el-Assir) et à des sociétés off-shore, avec le versement de dessous de table pudiquement camouflés dans les comptes sous le nom de FCE : Frais Commerciaux Exceptionnels. Le caractère illicite de ces FCE, même s’ils étaient validés par les douanes et les services fiscaux, étaient bien connu des entreprises concernées. Ainsi, à la Sofresa, l’une des responsables a déclaré aux juges: «Les contrats de commissions ne se traitaient pas en Arabie Saoudite. En effet, pour la partie saoudienne, il ne faut pas que l’on sache qu’il y a des commissions puisque c’est interdit. La discrétion impose une négociation avec des intermédiaires, en dehors de l’Arabie.» De même, Anne Le Lorier, alors conseillère économique d’Edouard Balladur, soulignait le risque, en cas de révélation des FCE à l’Arabie Saoudite, de voir la France être accusée de «faux contrat». «Le système a duré des années, dénonce Bérenger Tourné. Nous sommes dans un schéma d’escroquerie d’Etat à Etat où la France gonflait sciemment le prix des matériels livrés pour pouvoir corrompre, avec les propres deniers de ses clients, les dignitaires des pays acheteurs. Si le Pakistan ou l’Arabie Saoudite décident aujourd’hui de déclencher les clauses anti-corruption des contrats, la facture pourrait êtes salée pour le Trésor public».
A lire :Un conseiller de Trump… épinglé dans l’affaire Karachi
En effet, l’article 47, interdisant les «cadeaux corruptifs» du contrat Agosta est rédigé à peu près dans les mêmes termes que celui figurant dans le contrat «Bravo» signé entre Paris et Taipei en août 1991 pour le vente des fameuses «frégates de Taiwan». Après la mise au jour de commissions illicites dans ce marché -autre affaire d’Etat déjà instruite par le juge Van Ruymbeke-, le gouvernement taïwanais a réclamé des sanctions devant une Cour d’arbitrage. Et en 2011, après dix années de bataille judiciaire, la France a été condamnée à lui régler des pénalités record de 630 millions d’euros, dont 460 millions à la charge de l’Etat et 170 millions pour Thales (anciennement Thomson-CSF), le vendeur des frégates. «Il va sans dire que le parallèle entre les frégates de Taiwan et les contrats Agosta ou Sawari 2 est édifiant, renchérit Me Tourné, puisque le même schéma d’escroquerie d’Etat se retrouve dans ces deux contrats, au préjudice cette fois du Pakistan et de l’Arabie Saoudite».
Le nouveau conseiller de Donald Trump avait été épinglé dans l’affaire Karachi
Paris Match | Publié le 12/04/2016 à 14h43 |Mis à jour le 12/04/2016 à 14h44
Nouvelle recrue de Donald Trump pour sa campagne présidentielle, le « spin doctor » américain Paul Manafort est apparu dans le dossier Karachi pour des honoraires provenant de commissions occultes sur des ventes d’armes françaises.
Depuis début avril, Donald Trump a renforcé son équipe de campagne avec un vieux routier de la communication politique, Paul Manafort, qui jadis a œuvré pour une flopée de candidats républicains : Gerald Ford, Ronald Reagan, George Bush père ou encore John McCain. Agé de soixante six ans, Manafort s’est vu octroyer le titre de « conseiller politique » de Trump. « Je travaille directement pour le patron », s’est-il exclamé sur CNN.Le nouvel homme fort de l’entourage de Donald Trump n’est pas tout à fait un inconnu en France. En 2012, son nom est apparu dans l’enquête du juge Renaud Van Ruymbeke sur les commissions occultes issues des ventes d’armes de l’affaire Karachi soupçonnées d’avoir alimenté, en 1995, le financement de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur.
Le « spin doctor » américain qui a aussi conseillé des personnages sulfureux, comme le dictateur philippin Ferdinand Marcos ou récemment le président ukrainien déchu Viktor Ianoukovitch, avait offert ses services à l’équipe de campagne d’Edouard Balladur. C’est l’ex-épouse de Ziad Takieddine, l’Anglaise Nicola Johnson, qui, en décembre 2011, a vendu la mèche aux enquêteurs. « Ziad m’avait dit que Paul Manafort donnait des conseils par rapport à la campagne de M. Balladur. »
400 000 dollars versés depuis la Suisse
De fait, l’examen des comptes suisses du Libanais Abdul Rahman El-Assir, l’un des intermédiaires mis en examen dans l’affaire Karachi, a permis aux enquêteurs de retrouver la trace de nombreux paiements en faveur de Paul Manafort. Ainsi, le 22 septembre 1994, El-Assir verse 35000 dollars à BMSK (Black, Manafort, Stone and Kelly), la société du consultant américain. Le 7 novembre 1994, il vire 43016 dollars sur le compte de l’épouse de Manafort. Le 16 novembre 1994, nouveau versement de 17 000 dollars à BMSK. Le 22 mai 1995, El-Assir règle 52 000 dollars au Tarrance Group, une société proche de Manafort. Le 2 août 1995, ce sont 125 017 dollars qui alimentent BMSK. Enfin, le 15 août 1995, El-Assir paie 125 016 dollars à Paul Manafort.
Au total, entre septembre 1994 et août 1995, le consultant et ses proches ont donc empoché près de 400 000 dollars provenant des fameux comptes où El-Assir a encaissé les commissions occultes de l’affaire Karachi. Pour les enquêteurs, cette découverte était essentielle. Elle établissait enfin un lien entre ces commissions et la campagne Balladur.
Le futur conseiller de Donald Trump a été entendu par les policiers français, aux Etats-Unis, dans le cadre d’une commission rogatoire internationale envoyée par le juge Van Ruymbeke. Il leur a confirmé avoir été payé par l’intermédiaire Al Assir pour un sondage et son analyse réalisé lors de la campagne Balladur. Le communicant américain n’a pas été poursuivi par la justice française. Mais son témoignage ainsi que les traces de ses paiements figurent dans le dossier Karachi aujourd’hui en attente de jugement.
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