Et voilà, il suffisait de poser des questions pour avoir des nouvelles de ce procès qui semble s’être déroulé par intermittences depuis le 9 juin dernier.
Les réquisitions du parquet russe sont donc tombées lundi, il demande quinze ans de prison pour l’ami de 30 ans de Pierre-Jean Chalençon.
Russie : Quinze ans de prison requis contre Oleg Sokolov, l’historien jugé pour avoir démembré sa compagne
JUSTICE Oleg Sokolov avait été arrêté le 10 novembre 2019 avec un sac à dos dans lequel se trouvaient deux bras de femme et un pistolet d’alarme
Publié le 15/12/20 à 13h08 — Mis à jour le 15/12/20 à 13h08
Le parquet russe a requis lundi quinze ans de prison contre l’historien Oleg Sokolov, jugé depuis début juin à Saint-Pétersbourg pour avoir tué et démembré sa compagne. L’homme, professeur à l’université d’Etat de la deuxième ville du pays et spécialiste de Napoléon, avait été arrêté le 10 novembre 2019.
En état d’ébriété, il avait été sorti de la rivière Moïka par la police qui avait trouvé dans son sac à dos deux bras de femme et un pistolet d’alarme. D’autres fragments du corps de la victime avaient été retrouvés plus tard dans un autre cours d’eau. L’historien de 63 ans avait rapidement avoué avoir tué et démembré une de ses anciennes étudiantes, Anastassia Echtchenko, 24 ans, qui partageait sa vie.
Un acte prémédité ?
Lors d’une audience mi-octobre, l’historien a assuré avoir tué la jeune femme par accident en lui tirant dessus pour « mettre fin à un déluge d’insultes » lors d’une dispute, selon l’agence de presse Ria Novosti. De leur côté, les avocats de la victime ont affirmé lundi qu’Oleg Sokolov avait prémédité son acte après une dispute, recherchant notamment sur Internet des endroits possibles où se débarrasser du corps. « Sokolov a tout fait pour ne pas se faire prendre », a déclaré l’avocate Alexandra Bakcheïeva.
Très réputée, l’université d’Etat de Saint-Pétersbourg avait été mise en cause pour son inertie alors qu’Oleg Sokolov avait déjà été accusé de violences. Une étudiante, qui avait eu une liaison avec Oleg Sokolov en 2008, avait déposé une plainte, affirmant qu’il l’avait attachée à une chaise, frappée au visage et avait menacé de la marquer au fer rouge parce qu’elle voulait le quitter, selon les médias russes. Aucune mesure disciplinaire n’avait pourtant été prise à l’encontre de l’historien.
« Excessif », « impulsif », « un peu rude »… Qui est l’historien russe Oleg Sokolov, accusé du meurtre de sa compagne ?
Emprisonné pour avoir tué et démembré Anastassia Echtchenko, une ancienne étudiante, ce grand spécialiste de Napoléon et des reconstitutions est décrit par ceux qui le connaissent comme un personnage ambigu.
C’est l’histoire d’un grand plongeon dans l’horreur. Ce samedi 9 novembre, à Saint-Pétersbourg, l’historien russe Oleg Sokolov est tiré hors de l’eau par la police, après avoir chuté dans la Moïka en état d’ivresse. En ouvrant son sac à dos, les agents découvrent alors deux bras de femme et un pistolet d’alarme – d’autres fragments de corps seront tirés plus tard d’un autre cours d’eau. Très vite, le chercheur reconnaît le meurtre de l’une de ses anciennes étudiantes de 24 ans, Anastassia Echtchenko, dont il partage la vie.
Face au juge, l’historien de 63 ans doit affronter son propre passé. Mal rasé, en jean, il dissimule quelques sanglots et assure avoir voulu se défendre. Sa compagne, affirme-t-il, l’aurait attaqué avec un couteau dans un accès de colère lié à ses enfants nés d’un précédent mariage – « Je suis en état de choc, j’ai des remords ». Oleg Sokolov est placé en détention provisoire jusqu’au 8 janvier prochain, le temps de mener une enquête qui passionne déjà le pays. Questionné par la presse, le porte-parole du Kremlin lui-même évoque un « crime effroyable » et un probable « acte de folie ».
A ce stade de l’enquête, la piste de la violence conjugale est privilégiée. Sergueï Echtchenko, le frère de la victime, a notamment affirmé au site RBK (en russe) que « la jalousie » était à l’origine du crime. « Je lui ai parlée avant [le drame, au téléphone]. Elle lui a dit qu’elle se rendait à l’anniversaire d’un ami étudiant. Il l’a passée à tabac, elle est sortie quand même puis elle est rentrée… » Une voisine raconte également avoir entendu une violente dispute et des coups pendant la nuit. Après les révélations sur l’affaire, le quotidien Moskovski Komsomolets (en russe) a publié une plainte déposée en 2008 contre l’historien par une étudiante qui l’accusait de l’avoir attachée et frappée car elle souhaitait rompre.
Chevalier de la Légion d’honneur
Le dossier fait la une de la presse russe, mais il suscite également la stupéfaction en France. Si le nom d’Oleg Sokolov est inconnu du grand public, il fait en revanche référence chez les spécialistes de Napoléon Bonaparte et les amoureux des reconstitutions historiques. Au mois de septembre dernier, en présence de l’ambassadrice de France, l’historien russe passait encore en revue les troupes lors d’un événement annuel consacré à la bataille de Borodino.
Francophone et francophile, Oleg Sokolov a noué très tôt des relations en France. Il y trouve un écho favorable à ses travaux au point d’être invité pendant un mois comme directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études, lors de l’année 1997-1998. Ephémère délégué du Souvenir napoléonien au début des années 2000, il côtoie un nombre croissant d’acteurs politiques. Trois ans plus tard, voilà Oleg Sokolov promu au grade de chevalier de la Légion d’honneur – Jean-Pierre Raffarin est alors au ministère des Affaires d’étrangères.
« Plusieurs personnes ont essayé de m’appeler, mais au départ, je n’y ai pas cru », réagit l’expert et collectionneur Pierre-Jean Chalençon, encore sous le choc des faits évoqués. Cet ami de longue date de l’historien le décrit un « homme souvent entourée de jeunes femmes plus jeunes et élégantes ». « Je n’ai jamais vu de comportement violent de sa part », malgré un caractère parfois « impulsif », témoigne-t-il.
Il est aussi à l’aise sur un champ de bataille que lors d’une soirée mondaine.
Pierre-Jean Chalençonà franceinfo
Pierre-Jean Chalençon évoque également un homme parfaitement bilingue et un « type généreux », qui offrait à l’occasion le restaurant ou une boîte de caviar. Son train de vie, d’ailleurs, demeure un mystère. Son ami se souvient : « Je lui ai présenté le sulfureux beau-frère du maire de Moscou, Victor Batourine [emprisonné en 2012], qui a acheté beaucoup d’objets napoléoniens, ce qui a permis à Oleg de remplir son portefeuille avec les commissions. » Oleg Sokolov semblait avoir de nombreux projets, plus ou moins fantasques : « Une fois, il avait même tenté de me convaincre d’investir dans un projet en Russie de chalets en bois.«
Proche de l’école de Marion Maréchal
En 2016, l’ambassade de Russie en France contacte l’équipe de Marion Maréchal – membre de l’association France-Russie – pour lui présenter un « grand historien francophile et francophone », se remémore Arnaud Stéphan, conseiller de l’ancienne députée FN. Une rencontre a lieu à l’Assemblée nationale. « Il portait fièrement la rosette de la Légion d’honneur. Il était curieux et avait toujours une anecdote à raconter. Il employait un français très châtié et cherchait toujours le mot correct. »
Trois ans plus tard, voici l’historien membre du conseil scientifique de l’école privée ISSEP fondée par la nièce de Marine Le Pen, composée de figures de l’extrême droite, qui a d’ailleurs signé un accord de reconnaissance avec l’université de Saint-Pétersbourg. Après l’annonce du meurtre, l’établissement a aussitôt réagi en retirant « sa fonction de membre du conseil scientifique » et en présentant et « toutes [ses] condoléances et [son] soutien à la famille de la victime ».
Contactée par franceinfo, l’école n’a pas souhaité commenter davantage cette affaire, mais son directeur des études précise sur Twitter que l’historien n’avait qu’une conférence « à son actif, sur Napoléon ».
« Bien sûr, il n’est pas gauchiste. Mais le ‘général Sokolov’, comme je le surnomme, n’a pas d’opinion politique particulière. Il va là où se trouve l’argent », estime Pierre-Jean Chalençon, qui ignorait d’ailleurs qu’Oleg Sokolov avait rejoint l’ISSEP.
Mondain et théâtral
Mais Oleg Sokolov est surtout connu en France pour ses multiples participations à des reconstitutions historiques en tant que figurant ou consultant. Une passion dévorante, à laquelle il s’adonne avec exaltation. « C’est un personnage haut en couleur, avec une forte personnalité – très Russe, en somme », résume Franck Samson, qui a interprété Napoléon pendant une quinzaine d’années. L’occasion de partager quelques chevauchées avec un historien « un peu rude » quand il revêtait l’uniforme, comme lors d’une froide journée de décembre à Austerlitz (Belgique), à la fin des années 2000.
Il tombe de cheval et remonte un peu penaud sur sa monture, avec du sang sur la bouche. Je l’interroge, il me raconte sa chute. Alors je lui réponds : ‘Mais non, vous avez été heurté par un boulet de passage !’ Il se reprend d’un coup et fonce le sabre au clair en direction des troupes prussiennes.
Franck Samsonà franceinfo
L’homme mondain est totalement transfiguré lors de ces événements historiques, au point de se forger l’image d’un cavalier peu amène avec les chevaux. La rumeur le poursuit et Oleg Sokolov doit même supplier le maire Patrick Ollier de lui accorder une monture pour le jubilé impérial de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), raconte Pierre-Jean Chalençon. La demande restera lettre morte.
Gilles Ameil, président d’honneur des Amis de Napoléon III, se souvient également d’un homme au « fort caractère », parfois « excessif » et toujours en quête de reconstitutions grandioses – « Il y a une dizaine d’années, il voulait faire descendre une troupe napoléonienne sur les Champs-Elysées. »
Mais les accusations de meurtre ont aussi fait resurgir des souvenirs engloutis peu glorieux. En Russie, l’architecte Irina Fedorova l’a ainsi accusé d’avoir entraîné le naufrage mortel d’un navire historique lors du tournage d’un film, en 1981, alors qu’il était étudiant et avait pris les commandes de l’embarcation. Le jeune historien, dit-elle, a pris la fuite à la nage, alors que l’accident avait coûté la vie à un scientifique. Citée par Lentv24 (en russe), Irina Federova garde un souvenir amer de l’épisode : « Sokolov est un showman. Pour lui, l’histoire est un spectacle. »
Un destin à la Dostoïevski
Si l’expertise de l’historien est aujourd’hui bien établie, il est décrit par beaucoup comme un homme exalté, passionné et théâtral. Son goût pour les reconstitutions nourrit également l’ambiguïté chronique du chercheur, analyse l’historien David Chanteranne, également rédacteur en chef de plusieurs magazines, contacté par franceinfo.
L’an passé, en Italie, il a pris la parole après moi. Il s’est pris d’enthousiasme et le ton est monté : ‘Sus !’ C’est comme s’il était sur place et qu’il fallait repousser les Autrichiens. Après un quart d’heure, le public galvanisé a applaudi à tout rompre.
David Chanteranneà franceinfo
Oleg Sokolov n’a jamais revêtu les habits de l’empereur lui-même, mais il s’épanouissait en uniforme de général. « L’universitaire a le devoir de distinguer sujet d’études et passion, notamment quand les objets de recherche sont complexes ou peuvent se prêter à la polémique. Je ne lui en ai jamais parlé, peut-être aurait-il fallu le faire », résume le chercheur encore affecté par l’horreur du crime imputé à Oleg Sokolov. Interrogé par Le Télégramme, en 2004, ce dernier laissait planer lui-même le mystère sur sa passion dévorante.
Si la Russie n’avait pas été soviétique, je serais officier sans aucun doute. Je suis né pour être guerrier.
Oleg Sokolovdans « Le Télégramme »
Oleg Sokolov est-il un héritier de Rodion Raskolnikov, le personnage principal de Crime et châtiment, convaincu de faire partie de la race des surhommes et donc d’être autorisé, à la manière d’un Napoléon, à verser le sang des innocents dans sa quête ? Le « général » déchu, en tout cas, a essayé d’échapper au sort du héros du roman, jugé par les hommes après avoir été confondu.
L’historien avait en effet prévu de se suicider en uniforme, près de la forteresse Pierre-et-Paul, après le meurtre de sa compagne, assure son avocat. Ce détail, d’ailleurs, ne surprend pas l’ancien « empereur » en personne, Franck Samson : « Chez les militaires, le suicide est une des portes de sortie car le déshonneur est terrible. » Désormais loin des champs de bataille, Oleg Sokolov a tout le loisir de se replonger dans l’œuvre de Dostoïevski pour faire le deuil de ses rêves impériaux.
L’historien russe Oleg Sokolov a tenté de se suicider lors de la reconstitution du meurtre de sa compagne
Le spécialiste de Napoléon a avoué avoir démembré sa compagne de 24 ans.
Par L’Obs avec AFP
Publié le 19 novembre 2019 à 14h11
L’avocat d’Oleg Sokolov, expert renommé de Napoléon ayant démembré sa compagne, a affirmé ce mardi 19 novembre que son client a tenté de se suicider lors de la reconstitution du crime.
« Cette tentative, dont je ne peux pas révéler les détails, a eu lieu vendredi dernier dans son appartement », au moment de la reconstitution des faits, a dit à l’AFP l’avocat Alexandre Potchouev, précisant que les policiers y avaient « coupé court immédiatement ».
Selon la presse locale, citant une source dans la police, Oleg Sokolov a profité du fait qu’on lui avait enlevé ses menottes pour essayer de se saisir d’une dague. Les agents sont intervenus avant qu’il puisse en faire usage. Le comité d’enquête local et les services pénitentiaires, interrogés par l’AFP, se sont refusés à tout commentaire.
Arrêté avec les restes de sa compagne
Oleg Sokolov, âgé de 63 ans, titulaire d’une chaire d’histoire à l’université d’Etat de Saint-Pétersbourg (nord-ouest de la Russie) et grand spécialiste de Napoléon, a avoué avoir tué et démembré début novembre une de ses anciennes étudiantes, Anastassia Echtchenko, 24 ans, dont il partageait la vie.
La police avait extrait l’éminent professeur, en état d’ébriété le 9 novembre de la rivière Moïka dans l’ancienne capitale impériale, portant un sac à dos où se trouvaient deux bras de femme et un pistolet d’alarme.
Ce crime a suscité beaucoup d’émotion au sein de la société russe, d’autant plus que le professeur avait déjà été accusé de comportements violents par une étudiante sans qu’il ne soit sanctionné.
Saint-Pétersbourg : Oleg Sokolov, historien et assassin
Paris Match | Publié le 22/11/2019 à 07h00
Dans la capitale des tsars, Oleg Sokolov, un professeur fou de Napoléon, a tué et démembré sa jeune maîtresse avant de tenter de suicider lors de la reconstitution du meurtre. Un fait divers qui le fait entrer à son tour dans l’Histoire.
Pas de discours. Juste des larmes. La cérémonie s’est déroulée dans l’église de la Sainte-Trinité, trop exiguë pour accueillir les centaines de personnes venues rendre un dernier hommage à Anastassia Echtchenko, assassinée une semaine plus tôt. D’ordinaire, selon le rite orthodoxe, le cercueil demeure ouvert dans l’église. Le pope encense le corps du défunt et les proches peuvent déposer des fleurs. Cette fois, le cercueil est resté fermé. Après l’office, un cortège s’est rendu jusqu’au domicile des parents de la jeune fille. Dans toutes les rues de Starovelichkovskаya, le petit village natal d’Anastassia, dans la région de Krasnodar, les gens sont sortis de chez eux pour rejoindre la procession. Au cimetière, Galina, la mère de la victime, s’est évanouie. Anéantie, la lieutenante de police de 49 ans a dû être transportée à l’hôpital.
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Depuis sa prison de Saint-Pétersbourg, Oleg Sokolov, lui, s’est inquiété de savoir si sa propre mère n’avait pas eu un malaise en apprenant ce qu’il avait fait. Par la voix de son avocat, Alexandre Potchouev, il a aussi proposé une aide matérielle afin de mieux organiser les funérailles de sa victime : « Non pas pour se racheter, mais pour adoucir la tragédie », a expliqué ce dernier avant d’appeler la presse à respecter trois jours de deuil et de silence. « Le goût excessif des détails de ce crime indique l’absence de miséricorde dans la société. » Connaît-on défense d’avocat plus russe ? Connaît-on meurtre plus slave ?
Au domicile de l’historien, les enquêteurs tombent sur une tête et sur une scie. Les jambes et le tronc seront retrouvés plus tard, dans un autre canal
Dans la nuit du vendredi 8 au samedi 9 novembre, un chauffeur de taxi aperçoit un homme ivre barboter dans le canal gelé de la Moïka, au cœur de Saint-Pétersbourg. Il appelle les secours. Aux urgences, l’homme est soigné pour hypothermie et livre son identité : Oleg Sokolov, 63 ans. Il n’est pas n’importe qui. Membre éminent du RVIO (la Société russe d’histoire militaire, organisation ultra-patriotique présidée par le ministre de la Culture, Vladimir Medinski), ami de puissants hommes d’affaires, professeur d’histoire à l’université d’Etat de la ville, grand spécialiste de Napoléon (c’est en cette qualité que, en 2003, le président Jacques Chirac l’a décoré du titre de chevalier de la Légion d’honneur), ardent amateur de reconstitutions historiques, Sokolov chérit par-dessus tout la bataille de la Moskova, la boucherie de 1812 nommée Borodino par les Russes et que chaque camp estime avoir remportée. Il aime encore qu’on l’appelle « Sire », adore parader en uniforme premier Empire, parle un français châtié, éructe en plein cours d’histoire du Molière pour ébahir ses étudiants, et sa réputation d’énergumène érudit, extravagant et colérique a dépassé le cercle des amateurs de bicornes et de stratégie militaire. Ces dernières années, il s’est rapproché de l’extrême droite française, entrant au conseil scientifique de l’Issep, un institut de recherche fondé par Marion Maréchal à Lyon. Mais cette nuit de novembre, Sokolov ressemble juste à un vieil ivrogne, tremblant de froid après avoir pataugé dans les eaux de la Venise de la Baltique. A l’hôpital, un policier remarque tout de même son sac à dos trempé. Il l’ouvre et y découvre deux bras de femme et un pistolet d’alarme. Au domicile de l’historien, les enquêteurs tombent sur une tête et sur une scie. Les jambes et le tronc seront retrouvés plus tard, dans un autre canal. Un squelette étranger à l’affaire sera aussi repêché. Une histoire russe, on vous dit.
Oleg Sokolov avoue son crime. De toute façon, des caméras de surveillance l’ont immortalisé en train de balancer, en pleine nuit, des sacs dans l’eau noire où jadis fut jeté le corps de Raspoutine. Il dit avoir tué sa compagne de 24 ans, une ex-étudiante avec qui il partageait depuis quatre années sa vie et sa passion pour Napoléon, lors d’une dispute, deux jours plus tôt, le 7 novembre. Il plaide la légitime défense. Selon lui, « Nastia », comme il la surnomme en sanglotant dans sa prison lors d’interrogatoires filmés et retransmis sur les chaînes russes, le provoquait. Elle l’aurait menacé avec un couteau parce qu’il projetait de passer le week-end avec ses enfants, nés d’une précédente union. « Ce jour-là, elle était une sorcière effrayante sortie tout droit d’un livre de contes », dit-il à la police avant de réclamer ses lunettes pour lire (« Sinon, se lamente-t-il, je vais devenir fou ! »). Sergueï, le frère de la jeune femme, livre une autre version. Il est le dernier à lui avoir parlé au téléphone, le soir de sa disparition : « Elle voulait se rendre à l’anniversaire d’un ami. Oleg était jaloux, il l’a battue, elle est partie. Hélas, après la soirée, elle est revenue chercher ses affaires. »
Oleg Sokolov a reconnu avoir tiré quatre fois sur sa compagne avec un fusil à canon scié. Selon les dernières investigations et la reconstitution menée tambour battant dans une Russie sidérée par le meurtre, Anastassia est allée se coucher après la dispute. Sokolov lui aurait tiré une balle dans la tempe dans son sommeil, puis trois autres ensuite. Le lendemain, comme si de rien n’était, il a accueilli des invités dans son luxueux appartement, tandis qu’Anastassia gisait dans une chambre fermée à clé. Quand ses hôtes sont partis, il a décidé de se débarrasser du corps en le démembrant avec une scie et un couteau de cuisine ; la tâche étant pénible, le professeur s’est mis à boire pour se donner du nerf et de la force, de plus en plus, jusqu’à tomber… dans la Moïka.
Il avait projeté, après son crime, de se suicider dans son costume d’époque, bicorne sur la tête, devant la forteresse Pierre-et-Paul
Au lendemain de ses aveux, Oleg Sokolov a été rayé du conseil scientifique du RVIO, exclu de l’Issep de Marion Maréchal et destitué de l’université pour « conduite amorale de personnel exerçant une fonction éducative », mais cela ne lui a pas été révélé « pour éviter d’aggraver son état psycho-émotionnel, proche de la folie », selon son avocat. Le Kremlin a parlé d’un acte « monstrueux mais isolé » ; Alexandre Nevzorov, célèbre journaliste-présentateur à la télévision russe et député de la Douma, d’« un crime typiquement pétersbourgeois ». Les ressorts passionnels, les détails sordides, le portrait haut en couleur du tueur et, bien sûr, le lieu de l’assassinat dessinent dans notre imaginaire – et sûrement dans celui des Russes – l’ombre de Raskolnikov, le personnage principal de « Crime et châtiment », ce « surhomme » d’un instant qui, dans sa toute-puissance autoproclamée, s’autorise à tuer. Souvent, d’ailleurs, Raskolnikov cite Napoléon : « Si, un jour, [il] n’avait pas eu le courage de mitrailler une foule désarmée, nul n’aurait fait attention à lui et il serait demeuré un inconnu. »
Sokolov pourrait aussi figurer l’Ivan des « Frères Karamazov » : « Si Dieu n’existe pas, alors tout est permis. » Il a dit à la police qu’il avait projeté, après son crime, de se suicider dans son costume d’époque, bicorne sur la tête, devant la forteresse Pierre-et-Paul, dans un geste romanesque. Les apparats de l’antihéros, cher à la Russie telle qu’on aime la fantasmer et telle qu’elle aime se voir, masquent une réalité moins littéraire et tout aussi tragique. Pour le frère d’Anastassia, « Sokolov est juste un homme abusif, manipulateur, et un meurtrier ». En 2008, une de ses étudiantes a porté plainte contre lui sans qu’aucune enquête ne soit déclenchée. La victime, anonyme, mais dont le témoignage a été publié par le quotidien « Moskovski Komsomolets », affirme que le professeur, dont elle était la maîtresse et qu’elle voulait quitter, l’aurait attachée à une chaise tout en menaçant d’appliquer sur son visage un fer à repasser brûlant. « Chaque fois que je le suppliais d’arrêter, il me frappait plus fort et menaçait de me tuer et d’enterrer mon corps dans une décharge. » La brutalité du professeur sur son lieu de travail était également de notoriété publique, mais il n’a jamais été inquiété. Dans une vidéo sur YouTube, on le voit, féroce, faisant expulser manu militari deux étudiants qui l’interrogeaient sur une accusation de plagiat dont il était l’objet.
L’année dernière, un rapport de Human Rights Watch, citant une étude du gouvernement russe de 2011, affirmait qu’une femme sur cinq a subi des violences domestiques en Russie, sachant que 70 % des victimes ne portent pas plainte. Une loi votée en 2017 a d’ailleurs décriminalisé une grande partie des violences conjugales, favorisant l’impunité des auteurs. Sur Internet, une pétition a recueilli 85 000 signatures pour exiger la démission du doyen et de plusieurs responsables de l’université de Saint-Pétersbourg ayant laissé Sokolov continuer à enseigner. S’il s’agit bien d’une histoire russe, le meurtre d’Anastassia Echtchenko est d’abord un féminicide de plus. En détention préventive jusqu’au 8 janvier 2020, Sokolov encourt quinze ans de prison.
Détention prolongée pour l’expert napoléonien russe qui a démembré sa compagne
Paris Match | Publié le 24/12/2019 à 11h58
Oleg Sokolov, l’historien russe accusé d’avoir tué puis démembré sa compagne, a vu sa détention être prolongée jusqu’à avril prochain.
Oleg Sokolov, expert renommé de Napoléon ayant tué puis démembré sa compagne, a vu sa mardi détention prolongée jusqu’en avril par un tribunal russe, une affaire qui a nourri le débat sur les violences conjugales en Russie.
« Le tribunal a décidé de prolonger la détention provisoire de trois mois, jusqu’au 9 avril », a indiqué à l’AFP l’avocat du professeur d’histoire, Alexandre Potchouev.
À lire :Oleg Sokolov, historien et assassin
L’intéressé fait actuellement l’objet d’une expertise psychiatrique dans une clinique de Moscou. Sa défense avait demandé sa remise en liberté, arguant de l’état de santé de ses parents qui seraient dépendants de leur fils.
Oleg Sokolov, âgé de 63 ans, titulaire d’une chaire d’histoire à l’université d’Etat de Saint-Pétersbourg et grand spécialiste de Napoléon, avait été repêché en état d’ébriété par la police le 9 novembre de la rivière Moïka, portant un sac à dos où se trouvaient deux bras de femme.
Déjà accusé de violence conjugale par le passé
Lors d’une audition au tribunal deux jours plus tard, il a avoué avoir tué et démembré sa compagne, Anastassia Echtchenko 24 ans, affirmant avoir des « remords » tout en accusant sa victime de l’avoir attaqué la première au couteau.
L’affaire a nourri le débat sur l’impunité des auteurs de violences domestiques en Russie, M. Sokolov ayant déjà été accusé des années plus tôt de violences par une étudiante avec laquelle il entretenait une relation. L’affaire n’avait pas eu de suite.
La justice russe est régulièrement pointée du doigt par les associations pour son manque d’empressement à punir les auteurs de telles agressions.
Et depuis 2017, hors cas de récidive grave, les actes de violences commis dans l’intimité familiale ont été décriminalisés, une réforme soutenue par Vladimir Poutine.
Un débat est en cours en Russie sur l’opportunité de doter enfin le pays d’une législation spécifique pour protéger les victimes et punir les auteurs de telles violences.
Il a tué et démembré sa compagne : l’historien russe Oleg Sokolov face à ses juges
Le procès de ce spécialiste de Napoléon a été repoussé en raison de la pandémie. Ce fait divers a eu un fort retentissement dans la société russe.
Par L’Obs avec AFP
Publié le 09 juin 2020 à 15h07 Mis à jour le 09 juin 2020 à 15h08
Le procès de l’historien russe Oleg Sokolov, accusé d’avoir tué et démembré sa jeune compagne, s’est ouvert mardi à Saint-Pétersbourg, une affaire qui a provoqué un débat en Russie sur les violences conjugales et l’impunité de leurs auteurs.
A la demande de la défense, la première audience n’aura duré qu’environ une heure, les avocats ayant obtenu un délai pour étudier notamment le contenu de l’ordinateur de la victime, Anastassia Echtchenko. Les parties se retrouveront au tribunal le 15 juin.
Pandémie de nouveau coronavirus oblige, l’historien est entré portant un masque chirurgical et des gants bleus dans la cage en verre réservée aux accusés. Les participants présents dans la salle d’audience avaient également tous le visage couvert.
Reporté à plusieurs reprises à cause de la situation épidémiologique, le procès a pu finalement s’ouvrir mardi sans public. L’intégralité de l’audience est toutefois retransmise en ligne sur un portail de la justice de Saint-Pétersbourg.
Meurtre et démembrement
Professeur d’histoire à l’université d’Etat de Saint-Pétersbourg et spécialiste de Napoléon, Oleg Sokolov avait été arrêté le 10 novembre 2019.
En état d’ébriété, il avait été sorti de la petite rivière Moïka par la police qui avait trouvé dans son sac à dos deux bras de femme et un pistolet d’alarme. D’autres fragments du corps de la victime avaient été retrouvés plus tard dans un autre cours d’eau.
L’historien de 63 ans avait rapidement avoué avoir tué et démembré une de ses anciennes étudiantes, Anastassia Echtchenko, 24 ans, dont il partageait la vie.
Juste avant l’audience, son avocat, Alexandre Potchouev, a évoqué devant la presse pour la première fois une nouvelle ligne de défense, sans apporter de détails : « Il y eu des instigateurs dans cette affaire, qui ont empoisonné (l’esprit) de Sokolov pendant une longue période » avant le meurtre.
Très réputée, l’université d’Etat de Saint-Pétersbourg avait été mise en cause pour son inertie alors qu’Oleg Sokolov avait déjà été accusé de violences.
Une étudiante, qui avait eu une liaison avec Oleg Sokolov en 2008, avait déposé une plainte, affirmant qu’il l’avait attachée à une chaise, frappée au visage et avait menacé de la marquer au fer rouge parce qu’elle voulait le quitter, selon les médias russes.
Aucune mesure disciplinaire n’avait pourtant été prise à l’encontre de l’historien.
16,5 millions de femmes russes victimes de violences domestiques
Cette affaire criminelle a rapidement eu un grand retentissement en Russie, plusieurs associations y voyant une nouvelle illustration des violences faites aux femmes alors que le pays a décriminalisé en 2017 les violences familiales et conjugales dans la majorité des cas, une réforme soutenue par Vladimir Poutine.
Chaque année, près de 16,5 millions de femmes sont victimes de violences domestiques en Russie, selon des chiffres établis par des militantes avant la pandémie.
Hors cas de violence grave ou de récidive, les peines pour les violences commises au sein du cercle familial sont passées de deux ans de prison à de simples amendes et selon les associations russes spécialisées, des carences juridiques, notamment l’absence d’injonctions d’éloignement, laissent les femmes sans défense.
Un autre dossier retentissant de violence domestique en Russie concerne trois soeurs ayant tué leur père dans son sommeil après des années de sévices physiques, sexuels et psychologiques.
Les enquêteurs – qui dans le système judiciaire russe déposent la plainte – ont refusé en mai d’accéder aux demandes du parquet, qui avait appelé à l’abandon des poursuites pour assassinat, et de reconnaître que les jeunes femmes étaient en état de légitime défense du fait des « violences systématiques » du père.
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