Une note interne signée par 42 cadres et militants LFI, que
Le Monde s’est procuré, critique le fonctionnement et la stratégie du
parti alors que son leader Jean-Luc Mélenchon doit s’exprimer ce jeudi.
Les élections européennes secouent à droite comme à gauche, les
Républicains comme La France insoumise. Le parti de Jean-Luc Mélenchon,
déjà fragilisé par les attaques de Clémentine Autain, affronte une
nouvelle déferlante jeudi matin quelques heures avant que son leader,
désormais contesté, prenne la parole lors de l’installation des six
députés européens LFI à Bruxelles, bien moins qu’espéré.
Le Monde dévoile un texte long de cinq pages signé par une
quarantaine de cadres et militants La France insoumise, parmi lesquels
Charlotte Girard, ex-responsable du programme ou Manon Le Bretton, qui
dirige l’école de formation.
Son titre veut tout dire : Repenser le fonctionnement de La France insoumise.Les signataires attaquent vivement les patrons Jean-Luc Mélenchon et Manuel Bompard sans les nommer.
Après la séquence présidentielle de 2017, le parti n’a pas su « maintenir la dynamique » ni « s’ancrer durablement dans la société », est-il écrit, soulignant « l’affaiblissement du réseau militant et le départ de plusieurs responsables » mettant en péril les municipales de 2020 dus « en grande partie au mode de fonctionnement du mouvement depuis sa création ».
En effet, « le fonctionnement actuel de LFI combine une certaine
horizontalité en termes de fonctionnement, mais une grande verticalité
en termes de décisions collectives« , selon les auteurs qui présentent leur note comme « une contribution interne et positive ».
Les rebelles du parti se font ensuite plus précis et plus virulents : « Aucune véritable instance de décision collective ayant une base démocratique n’a été mise en place. (…) Les décisions stratégiques fondamentales sont finalement
prises par un petit groupe de personnes (…) sans qu’ils aient pour
autant reçu de véritables délégations de la part du mouvement pour le
faire ».
Ils poursuivent : « Les positions politiques publiques
proviennent essentiellement du groupe parlementaire, qui a bien entendu
toute légitimité pour prendre des positions, mais qui n’a pas reçu de
mandat de la part du mouvement pour le faire en son nom. (…) Si nous n’y
prenons garde, notre mouvement finira par tomber dans les excès de ceux
qu’on a appelés des ‘partis d’élus’. »
« Dangereux pour l’avenir »
Les exemples de dysfonctionnements n’ont pas manqué durant la dernière campagne électorale. Les signataires citent : « mot
d’ordre de ‘référendum anti-Macron’, relativisation du rôle des députés
européens, procédures d’arbitrage autour des questions
animales/agricoles ou bien des droits d’auteur en lien avec le programme
et les livrets, annonce d’une ‘fédération populaire’ à venir »…
En conséquence, « un tel fonctionnement n’a plus de justification et n’a pas d’avenir (…). Et il est dangereux pour l’avenir du mouvement ».
La note se termine par trois exigences constructives pour la tenue de
l’assemblée représentative de La France insoumise le 23 juin à Paris :
« Que de véritables débats contradictoires puissent avoir lieu » ;
« que les ‘insoumis’ aient la possibilité de proposer des textes au vote
de l’Assemblée » pour « trancher la ligne politique et les
contre-pouvoirs internes permettant de la valider » ; « le principe
d’une assemblée constituante du mouvement pour la rentrée ».
En attendant peut-être la réaction de Jean-Luc Mélenchon cet
après-midi, Manuel Bompard, le dirigeant statutaire de LFI, a affirmé
sèchement au Monde : « Cette note ne pose pas de problème. Les propositions vont être prises en compte. Je ne me sens pas visé. »
C’est une pierre de plus – et elle est de taille – dans le jardin de Jean-Luc Mélenchon. Fragilisé par les déclarations de la députée « insoumise » Clémentine Autain
et son appel en faveur d’un « big bang de la gauche », le leader de La
France insoumise est en réalité face à une contestation bien plus large
dans ses rangs. « Le Monde » révèle
ce jeudi 6 juin l’existence d’une note interne qui critique vertement
le fonctionnement du mouvement et le leadership imposé par Jean-Luc
Mélenchon. La note, intitulée « Repenser le fonctionnement de La France
insoumise », est signée par 42 cadres et militants « insoumis ». Parmi
eux : « Charlotte Girard, ex-responsable du programme ; Manon Le
Bretton, qui dirige l’école de formation ; ou encore Hélène Franco,
magistrate et coanimatrice du livret Justice de LFI », détaillent nos confrères.
« Aucune véritable instance de décision collective ayant une base
démocratique n’a été mise en place. […] Les décisions stratégiques
fondamentales sont finalement prises par un petit groupe de personnes,
dont on ne connaît même pas précisément la démarcation – prérogatives,
champ d’action, identité, statut, sans qu’ils aient pour autant reçu de
véritable délégation de la part du mouvement pour le faire », écrivent
les auteurs de la note, laquelle se veut néanmoins une « contribution
interne et positive ».Le poids trop important pris par le groupe
parlementaire LFI ferait également partie des enseignements à tirer du
revers des européennes :
« Les positions politiques publiques proviennent
essentiellement du groupe parlementaire, qui a bien entendu toute
légitimité pour prendre des positions, mais qui n’a pas reçu de mandat
de la part du mouvement pour le faire en son nom. Ne pas reproduire les
travers des partis traditionnels est évidemment une problématique
cruciale ; mais si nous n’y prenons garde, notre mouvement finira par
tomber dans les excès de ceux qu’on a appelés des “partis d’élus” ».
Les Insoumis dans le gaz
Plus généralement, c’est toute l’organisation « gazeuse » du
mouvement qui est visée, en témoigne l’absence de fonction statutaire du
député de Marseille.
« Un tel fonctionnement n’a plus de justification et n’a pas d’avenir une fois cette phase [élections présidentielle et législatives] passée. Et il est dangereux pour l’avenir du mouvement. […]
Cette prétention de construction d’un mouvement suffisamment “gazeux”
pour être à l’abri des tensions entre “courants” ou “fractions”, et à
l’abri des enjeux de pouvoir, est un leurre », insiste la note.Les
auteurs du texte font ainsi le constat que les « conditions ne sont
plus réunies » pour que le leadership de Jean-Luc Mélenchon et la ligne
politique décidée par les dirigeants ne soient plus contestés.
« Le fonctionnement pouvait ne pas poser de problème majeur
tant qu’il n’y avait pas de débats de fond à arbitrer (question
européenne, relations avec le reste de la gauche…), tant que l’attitude
et la stratégie des dirigeants semblaient incontestables et tant que la
question de la nomination de candidats à une élection nationale ne se
posait pas. Mais dès que ces conditions n’ont plus été réunies, suite
notamment aux perquisitions et dans le cadre de la préparation des
élections européennes, nous avons pu constater que les problèmes
pouvaient surgir très rapidement. »Enfin, trois exigences sont formulées dans la note, énumère « le Monde » : « Que de véritables débats contradictoires puissent avoir lieu »,« que les “insoumis” aient la possibilité de proposer des textes au vote de l’Assemblée » et« le principe d’une assemblée constituante du mouvement pour la rentrée ».
LE SCAN POLITIQUE – En sortant du bois pour critiquer la campagne de
La France Insoumise aux européennes et proposer un «big bang» à gauche,
la députée LFI s’est mis à dos ses collègues.
La traditionnelle réunion du groupe LFI à l’Assemblée semble
interminable ce mardi matin pour Clémentine Autain. En face d’elle, la
députée Danièle Obono l’accuse devant les autres de tous les maux. Comme
beaucoup d’Insoumis, elle semble ne pas avoir digéré les critiques de sa collègue dans les médias
ces derniers jours. Clémentine Autain a durement remis en cause «la
ligne politique» adoptée par le mouvement pour les européennes. Pire
dans la maison Insoumise, elle a osé s’attaquer à Jean-Luc Mélenchon,
déplorant notamment sa «logique du clash», celle «du bruit et de la
fureur». Ce mardi matin, le chef des troupes préfère rester silencieux.
D’autres parlent à sa place. Ils reprochent à la députée sa manière de
faire, remettent en cause sa fidélité, l’accusent même de trahison.
» VOIR AUSSI – LFI aux Européennes: «Un problème de ligne», selon Clémentine Autain
LFI aux Européennes : «Un problème de ligne politique», selon Clémentine Autain
Clémentine Autain, députée LFI
de Seine-Saint-Denis a fustigé sur France Inter «le profil politique»
de son parti aux Européennes, soulignant qu’il était «trop dans la
haine».
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«Elle en prend plein la gueule»
Pour Clémentine Autain, la situation au sein du groupe Insoumis est
devenue critique. «Mis à part François Ruffin, tous les députés sont
contre elle. Elle en prend plein la gueule. C’est la femme à abattre»,
s’alarme un de ses proches. Dans les couloirs du Palais Bourbon, de
nombreux attachés parlementaires des élus LFI ont arrêté de la saluer.
«On a peur qu’elle connaisse le même sort qu’un Djordje Kuzmanovic ou un
François Cocq, virés du mouvement par un simple tweet», s’inquiète son
entourage. À l’hiver dernier, les deux hommes du courant souverainiste
ont été exclus sans aucun ménagement après avoir émis publiquement des
critiques.
Clémentine Autain paie aussi sa dernière initiative. Après la débâcle
des européennes (un peu plus de 6% des voix), la députée de
Seine-Saint-Denis a lancé un appel pour un «big bang» à gauche
avec Elsa Faucillon, son amie et députée communiste. Un projet qui a
vocation à «construire une espérance capable de rassembler et de
mobiliser» la gauche radicale, au-delà de La France Insoumise. Une
tribune publiée dans Le Monde a déjà recueilli plus d’un millier de signataires et un événement est prévu le 30 juin au cirque Romanes, à Paris.
Les proches de Clémentine Autain assurent cependant qu’il ne s’agit
«pas d’une initiative contre» le mouvement de Jean-Luc Mélenchon. «LFI a
connu un essoufflement lors de la campagne des européennes. Nous devons
prendre notre part de réflexion sur les causes qui nous incombent. On
ne peut pas trouver des solutions tout seul, il faut discuter avec les
autres formations de gauche, les associations, les syndicats…», explique
Laurence Lyonnais, candidate sur la liste LFI aux européennes, du
courant Ensemble Insoumis, et signataire de l’appel.
De sévères critiques
Rien qui n’apaise l’agacement des cadres Insoumis. Parmi eux, le
député Éric Coquerel. Mardi après-midi, il enchaînait les prises de
parole dans les couloirs du Palais Bourbon pour dire tout le mal qu’il
pensait de l’initiative. «Avec La France Insoumise, on a réussi à bâtir
une force qui a quand même représenté 19% à la présidentielle, 11% aux
législatives. On s’est planté aux européennes mais on a tout de même six
élus. Est-ce la peine de laisser penser que tout est à reconstruire? Je
ne crois pas. Ce n’est pas rendre service à notre espace politique»,
a-t-il martelé.
La semaine dernière, l’ancienne chroniqueuse de C8 Raquel Garrido,
épouse du député LFI Alexis Corbière et historique du mouvement, avait
déjà ouvert les hostilités lors d’un entretien vidéo à Regards.
«Ce que fait Clémentine Autain est déloyal mais, comme elle ouvre la
discussion, discutons», avait-elle raillé. Raquel Garrido estimait que,
contrairement à ce qu’avance la députée, c’est bien «la ligne Autain»
qui avait «été mise en œuvre lors de cette élection européenne». À
savoir parler à «la gauche» plutôt qu’au «peuple», contrairement à la
présidentielle. «Et sa ligne a pris 6%», soulignait-elle. Des propos
sévères, sous fond de provocation. Le média en ligne Regards est en
effet codirigé par… Clémentine Autain. «Raquel Garrido était à la limite
de l’insulte en souriant», grince-t-on en interne.
C’est justement sur Regards
que Clémentine Autain a répliqué mercredi. «Ce que j’ai fait est assez
banal», assure-t-elle. «Les leaders politiques sont amenés à s’exprimer
et à donner des éléments d’explications du résultat et des éléments pour
pouvoir se relancer». Sur son initiative, pas question de faire machine
arrière. «Je continue de penser que ce qui rétrécit notre espace, c’est
de ne pas avoir une culture du pluralisme suffisamment affirmée pour
que tout le monde puisse se retrouver dans le grand espace commun que
doit être La France Insoumise», explique-t-elle. Jeudi matin, Clémentine
Autain montera dans le même train que le reste de son groupe
parlementaire. Direction Bruxelles pour accompagner les nouveaux
eurodéputés LFI au Parlement européen. Même François Ruffin, qui pensait
pouvoir se porter pâle, en sera. Objectif: apparaître uni…
» VOIR AUSSI – Gauche: Jean-Luc Mélenchon doit-il passer la main?
Gauche : Jean-Luc Mélenchon doit-il passer la main ?
Débat dans Points de vue sur
l’avenir de Jean-Luc Mélenchon. Le chef de La France insoumise a annoncé
sur son blog qu’il allait certainement prendre du champ.
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