Comme prévu dès le départ, cette affaire criminelle a bien pris l'allure de toutes celles où sont impliqués le malade mental Pascal Edouard Cyprien Luraghi et sa bande de "déconnologues".
A l'heure actuelle, on croirait presque reconnaître Laetitia Monnier dans Carmen Enciso.
Le 1er juin 2022, François Vigouroux, un électricien sans histoire,
était découvert mutilé, dans un sentier du site touristique des Orgues,
près de Perpignan. Un mois plus tard, sa nouvelle compagne, Carmen S.,
était mise en examen pour le meurtre. L’enquête doit déterminer le
mobile du crime et le mode opératoire que la mise en cause, présumée
innocente, n’a pas expliqués.
Le site des Orgues de l’Ille-sur-Têt, près de Perpignan
(Pyrénées-Orientales) a des allures de Grand Canyon, avec ses pitons
rocheux et ses falaises dont la couleur varie selon la position du
soleil. Ce 1er juin, un promeneur admire le paysage, lorsqu'une odeur
atroce lui donne un haut-le-cœur. L'homme comprend que ce fumet âcre
provient de deux sacs-poubelles abandonnés à quelques mètres de la route
départementale. À l’aide d’un bâton, il entrouvre l’un de ces
sacs-poubelles noirs et manque de vomir. Sous ses yeux apparaît une tête
humaine en partie putréfiée. L’homme saisit son téléphone portable et
prévient les gendarmes.
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Quelques minutes plus tard, le site touristique est bouclé. Les
militaires se chargent de poursuivre le déballage. Ils découvrent dans
le premier sac, cette tête, encore attachée à un torse. Le second sac
n’est pas moins terrible : un bassin et les cuisses d’un homme imposant y
ont été placés. La victime de cette découpe barbare ne tarde pas à être
identifiée. Il s’agit de François Vigouroux, un homme de 57 ans dont la
disparition a été signalée cinq jours plus tôt. Plusieurs personnes
avaient alerté la police de l'évaporation de cet électricien sans
histoire. Son ex-femme et mère de son fils unique, d’abord.
Sa nouvelle compagne, Carmen S., avait aussi contacté les policiers,
le 26 mai au soir. Elle s’était rendue au commissariat pour dire son
inquiétude. Elle expliquait que François avait quitté leur maison de
l’Ille-sur-Têt vers 17 h 30 pour faire du vélo. Selon elle, ce passionné
de cyclisme serait parti rouler en direction du village de Thuir. Il
devait rentrer à 19 h 30, comme toujours, pour le souper. Il n’était pas
réapparu. Les gendarmes imaginaient alors que François Vigouroux ait pu
se perdre. Dans son entourage, personne n’y croyait. L’homme
connaissait le secteur comme sa poche. Il avait en déjà parcouru chaque
sentier sur son vélo.
Mythomane et voleuse
Les gendarmes, comme l’ex-femme et le fils de François Vigouroux
s’étaient lancés dans les recherches, multipliant les appels à témoin
sur les réseaux sociaux. Le téléphone portable de François Vigouroux
avait été localisé pour la dernière fois à 18 h 02, au nord de
l'Ille-sur-Têt. Les militaires avaient bien entendu fouillé au maximum
dans cette zone, organisant des battues, dépêchant un chien pisteur et
un hélicoptère. Mais cela n’avait mené à rien. Les recherches étaient
restées vaines jusqu’à l’horrible trouvaille du randonneur.
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Ce mercredi 1er juin, aux Orgues, les militaires sont rejoints par
la police scientifique qui découvrent qu’en plus d’avoir été découpées,
certaines parties du corps sont manquantes : les mains et les pieds.
L’enquête criminelle démarre aussitôt. Les enquêteurs de la section de
recherche de Montpellier se plongent dans le parcours de vie de la
victime. Niveau familial, le fait que François Vigouroux soit divorcé
intéresse aussitôt les enquêteurs, qui cherchent à savoir si des
tensions pouvaient exister avec son ex-compagne. Mais ils constatent
vite que depuis leur séparation, six ans plus tôt, François et son
ex-femme étaient restés amis. La victime s’entendait également bien avec
son fils.
Après avoir éliminé de nombreuses hypothèses de travail, une seule
piste tient encore la route. Celle de Carmen S., la petite amie de
François Vigouroux au moment de sa disparition. En fouillant dans le
passé de cette femme, les limiers du crime comprennent vite qu’ils ont
affaire à un drôle de personnage. Avec son visage rond, sa voix discrète
et son petit air influençable, Carmen aurait pu ne jamais attirer
l’attention. Mais cette dame de 58 ans est dépeinte par l’ensemble de
ses connaissances comme une personne « étrange », mythomane et voleuse.
Confiance
Carmen a passé l’essentiel de sa vie dans le petit village de
Cassagnes, à une vingtaine de minutes de l’Ille-sur-Têt. Elle était
l’épouse de Charles, le boulanger de la petite bourgade. Elle était très
jeune lorsqu’elle l’avait rencontré et donné naissance à ses trois
filles. À Cassagnes, tous les habitants connaissaient Carmen. Elle
tenait la caisse de la seule épicerie du coin. Ses clients se
souviennent des mensonges qu’elle racontait à tour de bras. « Il
fallait toujours qu’elle se mette en avant. Aux passionnés de rugby,
elle disait qu’elle avait elle-même été professionnelle de ce sport. À
l’ancien boulanger, elle racontait qu’elle était capable de fabriquer
plusieurs centaines de gâteaux en une seule matinée », déclare l'un
d'eux. Bien entendu, aucune de ces histoires ne tenait debout, et les
habitants, polis, se contentaient bien souvent de sourire benoîtement,
sans chercher à la contredire.
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Son mari, Charles, travaillait beaucoup et gagnait bien sa vie. Mais
en 2015, le boulanger a dû cesser son activité, la faute à une mauvaise
allergie à la farine. Carmen est alors embauchée dans la boulangerie
d’une commune voisine. Mais l’expérience nne dure que très peu de temps.
Quelques semaines après son arrivée, elle est surprise en train de
piquer dans la caisse et est licenciée sur-le-champ. Pour ne pas perdre
la face, elle préfère raconter à ses connaissances de Cassagnes avoir
quitté cet emploi « pour prendre sa retraite »… à seulement 52
ans. Carmen ne reste pas inactive pour autant. Elle s’investit dans les
associations du village. On la croise à la pétanque et surtout au foyer
rural où elle se fait élire trésorière. Carmen ne manque jamais. Chaque
été, lorsque l’association organise son dîner annuel dans le centre de
la commune, elle investit la cuisine puis encaisse les repas.
La confiance n'est cependant pas au rendez-vous. Les membres de
l’association n’ont pas oublié les deux fois où les bénéfices de ces
repas ont mystérieusement disparu. « Ces festivités nous permettent
d’engranger environ 1 000 euros de gains. Mais quand Carmen était
trésorière, cet argent a disparu durant deux années. À chaque fois,
Carmen nous racontait qu’elle avait été braquée alors qu’elle se rendait
déposer l’argent à la banque. Nous avions du mal à la croire car elle
en parlait toujours avec un air détaché. Elle n’avait aucune blessure et
surtout, elle ne déposait jamais plainte… », se souviennent
d’anciens membres de la structure associative. Pour autant, ces derniers
n’ont jamais cherché à savoir ce qu’il s’était passé. Les habitants ne
voulaient pas l’accabler, d’autant qu’un cancer venait d’être
diagnostiqué à son mari et que la vie de Carmen paraissait de plus en
plus difficile.
Mensonge
Carmen racontait à tout le village que le pauvre Charles, rongé par
la maladie, s’était mis à boire et se montrait parfois agressif et
violent. L’ancien boulanger, lui, n’avait pas le même discours. Il se
plaignait de sa femme, disait qu'elle ne l’aimait plus et voulait se
débarrasser de lui au point de le pousser dans les escaliers. On ne
saura sûrement jamais s'il disait vrai. À la même période, Carmen
commence à s’éloigner de son mari malade.
En 2018, elle part faire un tour au bar PMU de l’Ille-sur-Têt où
elle a ses habitudes et y avait rencontré François Vigouroux. Les deux
joueurs deviennent amants. En 2020, quelques mois après le décès de
Charles, ils emménagent ensemble dans la petite maison de François à
l’Ille-sur-Têt. En ce mois de juin 2022, les gendarmes de la section de
recherches de Montpellier ne trouvent pas grand-chose d’intéressant sur
la vie du couple. Les voisins dépeignent Carmen et François comme des
personnes discrètes. Jamais ils n’ont entendu la moindre dispute. Au bar
PMU, on évoque la même situation. Le couple venait parfois ensemble et
ne semblait pas être tendu.
En se replongeant dans les auditions de Carmen, les militaires sont
sidérés de voir que la compagne du disparu leur a menti. Dans ses
premières auditions, Carmen expliquait aux enquêteurs qu’elle n’avait
pas bougé de chez elle, le soir du 26 mai, lorsque François Vigouroux
était parti à vélo. Mais l’étude de son téléphone portable a démontré
que ce dernier s’était déplacé.
Changement de version
Les militaires l’ont alors dans le viseur. Ils se demandent quel
mobile aurait pu pousser cette femme à tuer son compagnon. Ils
découvrent alors que Carmen avait d’importants problèmes d’argent. En
2020, lorsqu’elle a déménagé de Cassagnes pour l’Ille-sur-Têt, elle
recevait régulièrement la visite d’huissiers de justice qui venaient lui
demander de rembourser des crédits qu’elle avait contractés. Carmen
refusait de leur ouvrir la porte. En étudiant les relevés bancaires de
François Vigouroux, les gendarmes avaient aussi noté qu’elle utilisait
très souvent la carte bleue de la victime. L’utilisation de cette carte
était-elle consentie par François Vigouroux ? Les problèmes financiers
de Carmen ont-ils pu jouer un rôle dans la mort de cet homme ? Ces
questions sont aujourd’hui au cœur de l’instruction menée par la
justice.
Le 1er juillet 2022, un mois jour pour jour après la découverte
macabre, Carmen est placée en garde à vue, sommée de s’expliquer sur ses
contradictions. Après avoir maintenu qu’elle n’était pas sortie de chez
elle le soir du crime, elle change finalement de version. Elle
reconnaît devant les militaires que ce soir-là, elle est bien sortie de
chez elle. « Je suis allée faire un footing », raconte-t-elle.
Elle poursuit en expliquant que c’est en rentrant de sa course à pied
qu’elle a découvert le corps de son compagnon. Selon elle, sans qu’elle
puisse expliquer ce qu’il s’est passé, François Vigouroux était inerte
au premier étage de leur maison. Elle avoue alors avoir inventé cette
histoire de sortie à vélo de peur qu’on l’accuse de l’avoir tué. Elle ne
donne pas d’explication sur cette crainte, ni sur pourquoi elle n’a pas
appelé simplement les pompiers.
Pour le reste – les découpes, les sacs-poubelles, le déplacement du
corps – Carmen ne donne aux gendarmes aucune explication. Elle se
contente de répéter qu’elle ne sait pas ce qu’il s’est passé. À l’issue
de sa garde à vue, la suspecte est présentée à un juge d’instruction et
garde le silence. Carmen, qui reste présumée innocente, est mise en
examen pour meurtre et placée en détention. L’affaire de la mort de
François Vigouroux garde aujourd’hui tous ses mystères. L’enquête en
cours sera chargée de déterminer si Carmen est bien l’auteure de ce
crime. Et si elle a pu découper et transporter le corps de cet homme de
plus de 100 kg, seule.
Placée
en détention provisoire depuis deux ans, la sexagénaire mise en examen
pour le meurtre de son compagnon, retrouvé démembré en contrebas de la
route menant aux Orgues d’Ille le 1er juin 2022, avait réclamé sa remise
en liberté ce mardi devant la chambre de l’instruction de la cour
d’appel de Montpellier. Une demande rejetée ce jeudi 11 juillet 2024.
Carmen Enciso restera en prison jusqu’à la fin de l’instruction
sur le meurtre de son compagnon voilà deux ans. La cour d’appel de
Montpellier a confirmé ce jeudi la prolongation de son placement en
détention provisoire. Incarcérée depuis le 1er juillet 2022,
la sexagénaire avait signalé la disparition de son compagnon, François
Vigouroux, le 26 mai 2022 expliquant qu’il était parti faire une balade à
vélo électrique le jour même vers 17 heures et qu’il n’était jamais
rentré.
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Le corps de l’homme de 57 ans avait été retrouvé, démembré, une
semaine plus tard en contrebas de la route menant aux Orgues
d’Ille-sur-Têt. Or, les enquêteurs de la gendarmerie soupçonnent sa
conjointe d’être à l’origine de son décès. Elle est accusée de l’avoir
empoisonné au Théralène (la présence d’un taux extrêmement élevé de cet
hypnotique a été détectée dans l’organisme du défunt), de l’avoir tué,
d’avoir découpé son cadavre et d’avoir tenté de le dissimuler. Sachant
que ni les membres inférieurs et supérieurs du quinquagénaire, ni son
téléphone portable, ni ses papiers d’identité, ni son vélo n’ont jamais
pu être localisés. De même que le fendeur de bûches, la hachette, la
bâche et autre matériel de bricolage qui avaient été achetés avec la
carte bancaire de François Vigouroux dans le magasin Weldom de Thuir,
huit jours avant la date de sa disparition présumée.
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Après être passée aux aveux, Carmen Enciso est revenue sur ses
déclarations, clamant son innocence ce mardi encore au palais de justice
de Montpellier, et accusant désormais l’ex conjointe de François
Vigouroux et leur fils. Tous deux n’ayant jamais été mis en cause dans
l’enquête.