N’ayant selon ses termes « plus grand-chose à perdre », Jérôme Cahuzac soutient aujourd’hui qu’il aurait participé au financement illégal d’activités politiques par des laboratoires pharmaceutiques. Il parle du début des années 1990 : 1991, 1992. Et donne un nom : celui du laboratoire Pfizer.
Le fait est que la prise en charge de leurs patients par les services psychiatriques des hôpitaux français a changé de façon radicale précisément en 1992 : alors qu’auparavant différentes approches thérapeutiques des maladies et troubles mentaux et/ou psychiques étaient toujours envisagées et pratiquées en synergie, depuis lors il n’est plus question que de traitements médicamenteux.
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Procès Cahuzac : « Je n’ai plus grand-chose à perdre »
L’ancien ministre du Budget, qui comparaissait lundi devant le TGI pour fraude fiscale et blanchiment, a créé un coup de théâtre en chargeant la rocardie.
Par Charlotte Chaffanjon
Modifié le 06/09/2016 à 07:57 – Publié le 06/09/2016 à 07:26 | Le Point.fr
Il dit qu’il ne voulait pas « faire du mal ». Ni à Michel Rocard, ni à ses camarades socialistes qui sont toujours au pouvoir. Que c’est pour cela qu’il s’est tu toutes ces années. Mais maintenant, il balance. Pourquoi ? « Je n’ai plus grand-chose à perdre », répète Jérôme Cahuzac, 64 ans, à deux reprises au cours de cet après-midi surréaliste. Six heures d’audience au cours desquelles l’ancien ministre délégué au Budget aura écouté le président de la 32e chambre du tribunal de grande instance dérouler le film de sa chute.
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Au cours desquelles, ensuite, il aura livré, le ton parfois las, parfois exaspéré, mais le culot à toute épreuve, sa version des faits. Ce compte en Suisse, c’était pour financer la vie politique de son champion, au début des années 90, jure-t-il. C’était une vieille rumeur, ce bruit-là courait dans tous les couloirs du pouvoir. Jérôme Cahuzac l’accrédite sans nuance, provoquant, malgré les injonctions du président de la cour, ici des murmures soufflés, là des rires étouffés, dans une salle des Criées qui n’en revient pas.
« Pourquoi ouvrez-vous le compte Péninque ? » demande le président Peimane Ghaleh-Marzban peu après 16 heures. C’est là que tout bascule. Voici ce que raconte Jérôme Cahuzac.
« La seule façon d’aider ne peut être que de façon occulte »
« Michel Rocard s’installe dans des bureaux vastes et bien équipés, rue de Varenne [dans le 7e arrondissement de Paris, après sa démission de Matignon, en mai 1991, NDLR]. À l’époque, la vie politique, ça coûte cher. Avant 1988, le financement occulte de la vie politique était également la règle. Puis, jusqu’en 1995, c’était un financement mixte : à la fois autorisé et illégal. Tous les partis politiques le faisaient (…) Les hommes politiques n’auraient pu faire de politique sans ça. Le financement illégal, c’était la règle. »
Cahuzac explique alors que, en tant que chirurgien de formation, en tant, surtout, qu’ancien membre du cabinet de Claude Évin au ministère de la Santé, des « gens » – il ne donnera aucun nom – lui demandent : « Est-ce que des dirigeants [de labos, NDLR] accepteraient d’aider ? » La perspective de la campagne présidentielle de 1995 est dans toutes les têtes. L’artisan de la seconde gauche a ses chances, pensent ses soutiens. « Et là, un certain nombre de laboratoires aident en versant des chèques au nom de l’association [politique de Michel Rocard, NDLR]. »
Du printemps 1991 au printemps 1992, le prévenu affirme que les versements sont légaux. Ensuite, les mêmes « personnes » lui demandent si « un effort supplémentaire peut être fait ». « Je vais revoir ceux qui ont déjà accepté d’aider. Mais dans le cadre des lois existantes, c’est impossible de continuer. » La loi impose la transparence, explique Cahuzac. « Certains ne veulent pas que ça se sache », d’abord. Pour les autres, le financement de la vie politique étant déjà plafonné à ce moment-là, ils ont déjà atteint le plafonnement
« La seule façon d’aider ne peut être que de façon occulte et parallèle », poursuit Jérôme Cahuzac. « Je reviens vers ceux qui m’ont fait la demande. Ils me disent :Bon, pourquoi pas, mais pas en France », affirme l’ancien ministre. Jérôme Cahuzac reprend donc sa petite navette entre l’équipe de Rocard et les patrons des labos – il ne citera nommément que le laboratoire Pfizer.
« Certains refusent et d’autres acceptent », se souvient le ministre, qui continue : « Puisque ça ne doit pas se faire en France, je demande à Philippe Péninque d’ouvrir un compte en suisse. » L’homme s’exécute en novembre 1992, à son nom, à l’Union des banques suisses (UBS). Un an plus tard, Jérôme Cahuzac récupère le compte et ne le déclare… jamais. Pour l’anecdote, Philippe Péninque est un ami avec qui l’homme fait du sport, de la course à pied notamment. Mais son profil est tout à fait atypique, puisqu’il fait partie du Groupe union défense d’extrême droite, plus connu sous l’acronyme GUD et réputé pour sa violence.
« Une personne vivante est au courant »
Revenons à nos moutons. « Je ne suis pas franchement familier de ce type de procédure. Je ne sais pas à qui m’adresser. Parce que c’est un ami, j’ai confiance en lui et je sais qu’il a les compétences [en la matière, NDLR]« , raconte à la cour lundi Jérôme Cahuzac, qui redit plus tard : « Je ne suis pas franchement familier de ce type de procédure. Je ne sais pas à qui m’adresser. Je ne peux demander ça qu’à une personne qui respecterait deux critères : j’ai confiance en lui et il sait faire. Il me parlait de ses affaires en Suisse. Je lui en dis le moins possible. Je n’ai pas donné la vraie raison [de l'ouverture du compte, NDLR] à Péninque. » Cahuzac dit clairement que cet argent « n’était pas le fruit de [son] travail, mais le financement d’activités politiques auquel [il a] accepté de participer par militantisme.
Cahuzac le martèle : Rocard ignorait tout de cela. « Je n’en parle jamais avec lui. » Et d’affirmer que seuls ceux qui lui ont passé commande, et « une personne, une seule », étaient au courant. Par allusion, par silence, par sous-entendu, par sourire, l’ancien ministre a laissé entendre que cette « personne » exerçait encore des hautes responsabilités, politiques sans aucun doute. « Une personne vivante est au courant, c’est pour ça que je ne dirai rien. »
« C’est la fin de la rocardie »
Les défaites successives aux législatives de 1993 et aux européennes de 1994 laissent le courant par terre. « C’est la fin de la rocardie », note Cahuzac. Plus rien ne se passe, plus rien ne s’organise. « Le courant rocardien était un bazar, vous ne pouvez pas imaginer… » souffle Cahuzac. L’ex-ministre jure qu’il a réclamé à ceux qui œuvraient avec lui comment se débarrasser du compte suisse. « Je veux savoir concrètement que faire de ces avoirs. Je demande : Qu’est-ce que j’en fais ? » Jusqu’à son élection au siège de député à Villeneuve-sur-Lot en 1997, Cahuzac assure que la réponse de ses interlocuteurs mystères est toujours la même : « Tu ne bouges pas, on te dira. » « On ne m’a jamais rien dit », relève Cahuzac.
Le procureur représentant le parquet national financier a interrogé pendant plus d’une demi-heure Jérôme Cahuzac sur ses possibles activités de lobbying, notes de l’époque à l’appui. Jérôme cahuzac a nié, s’est énervé. Reprise des travaux mercredi matin à 9 heures.
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