Le procureur Eric Mathais dénonce les dysfonctionnements liés au
nouveau système d’escorte judiciaire. Parce que ni les policiers ni
l’administration pénitentiaire ne pouvaient l’escorter au tribunal, un
trafiquant de drogue présumé a été remis en liberté.
Ce n’est pas le premier dysfonctionnement de ce genre. La situation
avait été envisagée, nous vous en parlions déjà à la fin avril dans cet article. Mais là, c’est le procureur de la république, à Brest, qui prend la parole sur le sujet.
Un trafiquant de drogue présumé remis en liberté
Ce mardi après-midi un prévenu incarcéré à la maison d’arrêt de Brest
devait être jugé pour un trafic de drogue, plusieurs transports de
drogue entre Paris et Brest, et à chaque fois, pour des quantités
importantes de cocaïne. L’homme n ‘est pas un primo-délinquant. Incarcéré une première fois, il est remis en liberté, mais il viole son contrôle judiciaire et se réfugie au Maroc, il est ensuite interpellé a son retour à Brest.
La nouvelle organisation pose problème
Depuis mai, l’administration pénitentiaire et son pôle basé a Lorient
s’occupe des escortes entre les maisons d’arrêt et les tribunaux.
C’était « impossible aujourd’hui » avait prévenu l’administration
(pas de personnel disponible) et le commissariat ne pouvait pas assurer
non plus cette escorte. Le prévenu a refusé, c’est son droit, d’être
jugé avec le système vidéo, et comme son délai de détention provisoire
allait être dépassé, le tribunal l’a donc remis en liberté, avec un contrôle judiciaire strict en attendant une convocation devant le tribunal en octobre. Si bien sûr il ne prend pas la fuite avant.
Pas très motivant pour les enquêteurs – Eric Mathais, procureur
Voilà ce qu’en dit le procureur de la république à Brest, Eric Mathais : » C’est
une situation qui rajoute de graves dysfonctionnement dans un
fonctionnement judiciaire, qui était déjà très délicat. Nous n’arrivons
plus à juger les gens aux dates qui étaient prévues. Il y a des risques à
l’ordre public, demain, ça pourrait être quelqu’un de violent, qui
pourrait commettre de nouveaux faits, et ce n’est pas très motivant pour
les enquêteurs « .
Et Eric Mathais de proposer la création d’un pôle d’escorte
judiciaire à Brest pour le Finistère, et une meilleure coopération avec
la police, car exceptionnellement la police peut être saisie pour une
escorte. Mais à Brest, où il y a déjà sous-effectif c’est loin d’être
évident.
Photo thématique Julien Vaillant, prison de Saint-Brieuc.
Nouvel épisode dans la série des extractions judiciaires où, cette
fois-ci, un détenu n’ayant pu être conduit au tribunal de Brest a été
libéré, en attendant une nouvelle convocation en octobre. La goutte
d’eau de trop pour le parquet, qui sort de sa réserve.
« Je vous remercie de m’avoir épargné la question de comment j’allais
». Dans la bibliothèque du palais de justice, le procureur Mathais
cache difficilement une colère sourde contre le nouveau mode des
extractions judiciaires, mis en place depuis le 1e r mai. En ce jour
d’été, ce qu’il craignait est arrivé. Un prévenu de 36 ans, en détention
provisoire, n’a pas pu être extrait de ses geôles. Comme il avait
refusé la visioconférence, ce qui est un droit, il a fallu trancher sur
sa détention. Et il a été libéré, « sous contrôle judiciaire strict »,
bougonne le procureur qui indique que l’homme était poursuivi pour un
trafic relativement important de stupéfiants. « Il a déjà été condamné
auparavant et, lors de cette affaire qui a donné lieu à une instruction,
il a bafoué son contrôle judiciaire. Le 5 juin 2014, un mandat d’arrêt
était délivré contre lui mais il n’a pu être rattrapé qu’en mars 2016.
Ce jour-là, il avait encore une petite quantité de drogue ». L’homme
devrait être jugé en octobre, « mais rien ne dit qu’il se présentera à
l’audience », re-bougonne le procureur Mathais, qui voit dans ce
feuilleton « des larges signes de dysfonctionnement de la justice ».
Des services pénitentiaires insuffisants
Les premiers à porter le chapeau, selon lui, sont les services
pénitentiaires notoirement sous-dotés en effectifs. « Pour garantir des
extractions judiciaires, prévues depuis 2011 pour une bascule au 1e r
mai 2016, des pôles régionaux d’extractions judiciaires ont été créés.
Brest dépend de Lorient, où nous ne savons même pas combien d’agents
travaillent. 13 ou 15 ». Pour en bénéficier, il faut s’organiser.
Prévenir, sans garanties. « Ubuesque. Là où nous mettions un quart
d’heure entre la maison d’arrêt et le tribunal, il faut que les trois
agents partent de Lorient, arrivent à la maison d’arrêt, viennent au
tribunal, repartent à la maison d’arrêt et filent vers Lorient ». Et
encore, rit-il jaune, « c’est pire pour Quimper ». Depuis le 1e r mai, «
j’ai requis 169 extractions pour 65 réponses positives. Des fois, ils
ne répondent même pas ». Et de s’agacer : « Je ne comprends toujours pas
pourquoi Brest n’a pas ce pôle. Lors d’une réunion, les gendarmes
et les policiers disaient qu’auparavant, pour les jours chauds, il leur
fallait de 30 à 40 hommes ».
Le rôle de la police évoqué
Si le procureur n’épargne guère les services de la prison, il dit ne
pas toujours comprendre non plus l’attitude de la police à Brest. « Je
sais bien que cette tâche a été transférée mais je suis assez troublé
par l’attitude du commissariat. La loi me permet encore de requérir pour
garantir des extractions qui sont urgentes et cela se passe bien
à Vannes, Lorient ou Saint-Brieuc. Ici, on me dit que les forces
affectées ont été redéployées et sur les seize fois que j’ai demandé de
l’aide, la police n’a accepté que six fois et la gendarmerie, dont la
prison n’est pas sur son territoire, deux fois. La position est rigide
et je me lasse de devoir négocier, au cas par cas. Ce n’est pas ce qui
est prévu par la loi », égratigne le procureur Mathais. En attendant, ce
soir, la « justice pénale reste désorganisée » et le procureur Mathais
n’a pas passé un très bon premier jour d’été.
Éric Mathais : « Du fait des défauts d’extractions, des 27 % des audiences prévues ont dû être renvoyées. » | Ouest-France
Depuis mai 2016, les transports de détenus doivent être effectués
par les agents pénitentiaires. Un système que dénonce le procureur de la
République de Brest Éric Mathais.
Quelle est la raison de votre colère ?
Pour la première fois à Brest depuis que les extractions judiciaires
sont passées des forces de police à l’administration pénitentiaire, en
mai, une libération « intempestive » a eu lieu, faute de pouvoir faire
venir le détenu à son procès.
Que s’est-il passé ?
Cette affaire de stupéfiants avait déjà été renvoyée deux fois, dont
l’une parce qu’il n’y avait de solution d’extraction. La troisième fois
(hier), cela n’a pas non plus été possible. L’administration a fait
savoir il y a seulement quatre jours qu’elle n’était pas en mesure de le
faire. L’intéressé avait refusé d’être jugé par visio-conférence. Le
tribunal a considéré qu’il n’y avait pas de circonstances
exceptionnelles pouvant empêcher cette extraction, il a mis fin à la
détention provisoire et l’a placé sous contrôle judiciaire. On
atteignait le maximum de la détention le 4 juillet. L’affaire a été
renvoyée en octobre 2016. Il se présentera… ou pas. Cet homme avait déjà
violé son contrôle judiciaire en 2013, avant d’être interpellé en mars
2016…
D’où vient ce dysfonctionnement ?
L’administration pénitentiaire a créé des pôles régionaux
d’extraction judiciaire (PREJ). La maison d’arrêt de Brest dépend du
PREJ de Lorient. Pour extraire un détenu de Brest, il faut que trois
fonctionnaires viennent de Lorient, ça n’est pas rationnel… Sachant
qu’il n’y a que 13 agents du PREJ à Lorient, qui gère Brest, Quimper,
Vannes et Lorient. Et quand trop d’extractions sont prévues, on ne peut
pas faire appel à d’autres surveillants des maisons d’arrêt, seulement à
d’autres agents de PREJ.
Les policiers et les gendarmes ne peuvent pas les remplacer ?
Je considère que la loi me permet toujours de faire appel à eux. Ce
n’est pas l’avis du commissaire de Brest. La mission ne lui incombe
plus, donc il ne comprend pas que l’administration pénitentiaire ne
l’assume pas. Et il a redéployé ses effectifs sur d’autres missions. Il
n’accepte que dans des cas très précis, il faut négocier. Depuis mai,
j’ai fait 16 fois appel aux forces de l’ordre : la police a accepté six
fois, la gendarmerie deux fois.
La situation paraît très compliquée…
Je regrette la position du commissaire, mais je regrette avant tout
que l’organisation pénitentiaire n’assure pas sa mission. On ne juge
plus comme on le devrait. La justice pénale se désorganise, les
dysfonctionnements se multiplient. Des gens vont retourner en détention
provisoire et être jugés plus tard. Là aussi c’est choquant. Ou on sera
confronté à d’autres libérations intempestives.
Quelle pourrait être la solution ?
La création d’un PREJ à Brest. C’est incompréhensible qu’il n’y en
ait pas. Brest est une grosse maison d’arrêt (450 détenus), loin de
Lorient, et qui dessert deux tribunaux. J’ai demandé, je n’ai pas eu de
réponse.
Extraction judiciaire : le procureur de la République se fâche !
Pas content Éric Mathais. Mardi 21 juin 2016, un prévenu dans une
affaire de trafic de stupéfiants a dû être remis en liberté parce qu’il
n’a pu être conduit au tribunal.
22/06/2016 à 10:18 par yannguenegou
Éric Mathais, procureur de la République du tribunal de grande instance de Brest.
Pour la première fois depuis que la charge de
l’extraction judiciaire a été confiée à l’administration pénitentiaire,
c’est-à-dire depuis le 1er mai 2016, nous avons eu, mardi 21 juin 2016, une libération que je qualifie d’intempestive, au tribunal de Brest.
Éric Mathais, le procureur de la République du TGI de Brest, ne décolère pas.
Pas d’escorte
Concrètement, le prévenu n’a pu être conduit de la Maison d’arrêt de Brest, où il était en détention provisoire, jusqu’au au tribunal. Faute d’escorte !
Brest avec le Prej de Plœmeur
Cette mission d’extraction judiciaire incombait, jusqu’au 1er mai 2016, aux policiers et gendarmes. Depuis cette date, elle est assurée par les agents des Pôles régionaux d’extraction judiciaire (Prej), spécialement créés.
La Maison d’arrêt de Brest (450 détenus) dépend du Prej de Plœmeur (près de Lorient), qui compte 13 à 15 agents pour s’occuper des prisons de Vannes, Lorient, Quimper et donc Brest.
Et qui, pour escorter un prévenu de la prison au tribunal brestois,
doivent couvrir les 140 km séparant la ville morbihannaise de la cité du
Ponant, assister à l’audience, ramener (en général) le prévenu à la
Maison d’arrêt et re-parcourir les 140 km dans l’autre sens. Autant dire
que les trois agents sont mobilisés une bonne partie de la journée pour
une affaire.
Administration pénitentiaire et police ?
Que s’est-il passé mardi 21 juin 2016 ? L’administration pénitentiaire a informé le tribunal qu’elle ne pourrait pas assurer l’extraction judiciaire.
Nous avons été prévenus quatre jours avant. Certaines fois, c’est simplement 48 h.
Éric Mathais a alors pris contact avec le commissaire
central de police de Brest, Régis Allégri, comme l’y invite la
circulaire de la Garde des sceaux du 2 septembre 2011.
Qui prévoit qu’en cas d’impossibilité de faire de
l’administration pénitentiaire, le tribunal peut faire appel aux forces
de sécurité intérieure.
La police brestoise a dit ne pas être en mesure de fournir l’escorte.
Un trafic de stupéfiants
Nous devions juger un homme de 36 ans, avec trois
autres prévenus, dans un dossier de trafic de stupéfiants (cocaïne,
cannabis et argent liquide) entre Paris et Brest.
Une première audience devait se tenir le 21 avril 2016 : l’homme n’avait pu être jugé du fait d’un rôle (liste des affaires appelées, NDLR) trop important, le prévenu avait alors pu être maintenu en détention.
Le jugement avait été renvoyé au 9 juin 2016 :
l’administration pénitentiaire n’a pu assurer l’extraction judiciaire,
la police de Brest non plus puisque, ce jour-là, ses effectifs étaient
mobilisés sur la grève contre la loi Travail, notamment du côté du port.
Comme il s’agissait de circonstances exceptionnelles, nous avions pu
reporter le jugement et maintenir encore le prévenu en détention.
Libéré sous contrôle judiciaire
Jusqu’à ce 21 juin où administration pénitentiaire et police ont
donc, une nouvelle fois, indiqué ne pas être en mesure de fournir
l’escorte. Et dans la cas présent, il n’y avait aucune circonstance exceptionnelle.
La détention provisoire s’achevait le 4 juillet, nous ne pouvions fixer une date avant cette échéance, nous avons été contraints de libérer le prévenu sous contrôle judiciaire.
C’est-à-dire qu’il aura, notamment, obligation de pointer à la
gendarmerie de son domicile quatre fois par semaine, interdiction de
porter une arme, de quitter les limites du département du Finistère,
obligation de remettre sa carte d’identité, son passeport, son permis de
conduire.
Dossier renvoyé
« Je précise que le prévenu avait refusé un jugement par visio-conférence, ce qui est dans son droit. Le dossier a été renvoyé au 20 octobre 2016 à 13 h 30. Se présentera-t-il ? », s’interroge le procureur. L’affaire pourra être jugée, mais l’homme étant dans la nature…
Une désorganisation
Au-delà de ce dossier, qui montre un dysfonctionnement,
j’avoue être assez troublé. Intellectuellement, de remettre en liberté
un prévenu sans pouvoir le juger. Mais également parce que nous
aboutissons là à une désorganisation de la justice pénale. Sur 169 extractions requises par nos services à l’administration pénitentiaire entre le 1er mai
et le 20 juin, nous avons eu 123 réponses : près de la moitié stipulait
l’impossibilité d’assurer l’escorte. Dans seize cas, nous avons
sollicité les forces de sécurité intérieure : six fois la police a
accepté, la gendarmerie deux fois (soit huit fois sur seize).
Pour la création d’un Prej à Brest
Et le procureur de la République de conclure :
Je regrette la position du commissaire central de
Brest qui refuse d’assurer l’extraction, expliquant avoir redéployé les
effectifs auparavant dédiés à ces missions sur d’autres. Mais je regrette surtout la mauvaise organisation de l’administration pénitentiaire qui,
de surcroît, alourdit la charge de travail du tribunal. Treize ou
quinze agents pour le Prej de Plœmeur, c’est insuffisant. Et il serait
beaucoup plus judicieux de créer un Prej à Brest, compétent pour Brest et Quimper. Nous connaîtrons sans soute d’autres libérations intempestives. Un vrai risque de trouble à l’ordre public existe parce que ce sont des situations imcompréhensibles pour nos concitoyens.
Extractions judiciaires : le ras-le-bol du procureur de Brest
Le nouveau mode des extractions judiciaires n’en finit pas de faire
parler de lui. Cette fois, un détenu a été libéré, faute de pouvoir
l’acheminer au tribunal de Brest. Le procureur de Brest a dit son
ras-le-bol.
Par Baptiste Galmiche
Publié le 22 juin 2016 à 13:03, mis à jour le 22 juin 2016 à 21:20
Trop, c’est trop. Le procureur de la République de Brest ne cesse de fulminer des reproches à l’égard du nouveau mode d’extractions judiciaires.
Et il y a de quoi : un détenu, qui n’a pas pu être conduit au tribunal, a été libéré. L’homme de 36 ans devait être jugé pour un important trafic de stupéfiants.
Problème : seuls deux pôles ont été mis en place, à Rennes (35) et à Lorient (56). Le Finistère en est dépourvu. « Il
est invraisemblable de faire venir des fonctionnaires en véhicule
depuis Lorient pour assurer un trajet qui ne dure qu’un quart d’heure
entre la maison d’arrêt et le tribunal de Brest ! » assène le procureur Mathais.
Faute de pouvoir être acheminé au tribunal de Brest, et ayant, dans son droit, refusé la vidéoconférence, l’homme de 36 ans a donc été libéré sous contrôle judiciaire.
La police montrée du doigt
Alors que la loi permet au procureur de faire appel à la police et à la gendarmerie pour garantir des extractions urgentes, M. Mathais fait le constat, dans le Télégramme, que « sur
les 16 fois que j’ai demandé de l’aide, la police n’a accepté que six
fois et la gendarmerie, dont la prison n’est pas sur son territoire,
deux fois. »
« On me dit que les forces affectées ont été redéployées« , conclut-il.
Reportage : M. Le Morvan / G. Queffelec / G. Hamon.
Extractions judiciaires : le ras-le-bol du procureur de Brest
Le nouveau mode des extractions judiciaires n’en finit pas de faire
parler de lui. Cette fois, un détenu a été libéré, faute de pouvoir
l’acheminer au tribunal de Brest. Le procureur de Brest a dit son
ras-le-bol. Reportage : M. Le Morvan / G; Queffelec / G. Hamon.
Interviews : – Éric Mathais, procureur de Brest ; – Ronan Appéré,
avocat.
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