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mardi 25 juin 2024

Les "cults", mafias nigérianes : traite d'êtres humains, trafic de stupéfiants, etc...

 

https://www.france24.com/fr/france/20240623-prox%C3%A9n%C3%A9tisme-avortements-forc%C3%A9s-et-rites-vaudous-plong%C3%A9e-dans-un-cult-nig%C3%A9rian-%C3%A0-paris

Proxénétisme, avortements forcés et rites vaudous : plongée dans un "cult" nigérian à Paris

Sept Nigérians sont jugés à partir de lundi par la cour criminelle de Paris pour traite des êtres humains et proxénétisme en bande organisée. Il s'agit de l'un des rares dossiers sur les "cults", ces gangs criminels nigérians qui prospèrent de Paris à Naples, en passant par Marseille.

Des prostituées nigérianes à Bénin City, dans l'État d'Edo, dans le sud du Nigéria, le 29 mars 2017.
Des prostituées nigérianes à Bénin City, dans l'État d'Edo, dans le sud du Nigéria, le 29 mars 2017. © Pius Utomi Ekpei, AFP

Ils sont discrets mais redoutables. Depuis plusieurs années, les "cults", sortes de mafias nigérianes, prospèrent en Europe de l'Ouest, et notamment en France, où plusieurs succursales opèrent, principalement dans la traite d'êtres humains ou le trafic de stupéfiants. Sept hommes comparaissent à partir de lundi 24 juin et jusqu'au 9 juillet devant la cour criminelle départementale de Paris, accusés d'avoir monté un réseau de proxénétisme de femmes nigérianes en région parisienne.

Selon l'ordonnance de mise en accusation consultée par France 24, ils appartiendraient à la confraternité "Maphite", issue de Benin City, et dont le chef international Don Cesar a été incarcéré en 2020 en Italie pour organisation criminelle.

Enquête sur la mafia nigériane : "Les 'cults' sont présents sur tous les continents"
Enquête sur la mafia nigériane : "Les 'cults' sont présents sur tous les continents" © France 24

"En Europe, deux groupes 'cultist' sont particulièrement implantés : les Eiye (Supreme Eiye confraternity) et les Aye (Black axe). Ils sont spécialement présents en Espagne et en Italie où ils sont impliqués dans le trafic de stupéfiants et la traite des êtres humains", lit-on dans le document.

Violences et avortements forcées

À Paris, les sept membres de Maphite qui s'apprêtent à être jugés ont créé une succursale intitulée "Famille Tour Eiffel". Ces hommes sont pour la plupart originaires de l'État d'Edo, dans le sud du Nigeria, d'où vient aussi l'immense majorité des prostituées du pays. En 2021, en France, 40 % des victimes de traite d'êtres humains étaient originaires du Nigeria, et ce chiffre grimpait à 63 % lorsqu'on parle d'exploitation sexuelle, selon un rapport ministériel.

Les faits de proxénétisme remontent entre janvier 2019 et juin 2021. "Chacun des protagonistes avait à sa disposition plusieurs jeunes femmes, se livrant à la prostitution en France, notamment dans le secteur du Bois de Vincennes ou de Château Rouge, mais également à l'étranger", estiment les services d'enquête. L'une des victimes affirme par exemple avoir rapporté entre 11 000 et 12 000 euros à son proxénète, Ehis O., entre 2018 et 2019. Une autre, Blessing O., estime avoir remis entre 6 000 et 7 000 euros sur neuf mois à son souteneur.

Quand les passes ne sont pas assez fructueuses ou nombreuses, les membres du cult n'hésitent pas à faire usage de la violence. Blessing O. "était battue, notamment lorsqu'elle ne ramenait pas assez d'argent, résume l'ordonnance. Les menaces et les violences pouvaient aisément s'étendre à leurs familles restées au pays, ce dont il était d'ailleurs fait mention dans les interceptions téléphoniques."

Celles qui ont le malheur de tomber enceinte sont également contraintes d'avorter. Parfois, on leur tend une pilule de Cytotec, un médicament qui provoque de violentes contractions, retiré du marché en raison de ses effets indésirables graves. D'autres sont frappées au niveau du bas ventre. L'une des plaignante dénonce ainsi pas moins de dix avortements forcés, dont cinq avec des coups. "Toutes ces femmes ont subi des violences, des coups, des avortements forcés. Elles ont tellement été réifiées, qu'elles ont fini par se laisser faire [...]. Mais ma cliente est pleine de courage, elle tient à venir témoigner au procès et à dénoncer ces agissements", réagit Me Catherine Daoud, avocate de l'une des premières plaignantes.

Emprise psychologique du "juju"

Un acte d'autant plus courageux que les prostituées nigérianes ont signé un pacte, le "juju", qui leur interdit de désobéir ou de dénoncer ceux qui les ont aidé à rallier l'Europe, sous peine de malédiction. Cette cérémonie spirituelle est ritualisée, avec un prêtre, le "Native doctor" et inclut parfois des pratiques violentes allant de la scarification au viol. "En général, on sacrifie un coq, parfois elles doivent en manger le cœur encore palpitant. On leur demande ensuite de donner des poils pubiens ou des aisselles, ou une culotte avec du sang menstruel. Il y a quelque chose de l'emprise psychologique très forte", raconte Me Catherine Daoud, qui a elle-même vécu au Nigeria.

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Les femmes contractent ensuite une dette d'environ 30 000 euros, qu'elles doivent rembourser auprès d'une "Mama" ou "Madam", sorte de gestionnaire de la prostitution qui est souvent elle-même une ancienne prostituée. La plupart sont passées par l'enfer des prisons libyennes, avant de traverser la Méditerranée en canot et d'être secourues par les garde-côtes italiens. En 2016, au plus fort de la crise migratoire, plus de 40 000 Nigérians ont ainsi débarqué en Italie, devenant la première nationalité représentée selon Frontex, l'agence européenne en charge des frontières. La tendance a depuis changé, puisque le Nigeria n'est plus dans les 10 principaux pays d'origine en 2023.

Les procès se multiplient

Avec l'augmentation de la prostitution nigériane à Paris, Lyon, Bordeaux ou encore Marseille, les autorités judiciaires françaises ont commencé à s'intéresser de près aux "cults", là où l'Italie les considère désormais comme des organisations mafieuses, au même titre que la Camorra. En 2018, 15 personnes, dont 11 femmes, ont été condamnées par le tribunal correctionnel de Paris pour proxénétisme aggravé et traite des êtres humains dans la cadre d'un réseau de prostitution nigériane.

En 2020, un proxénète a été condamné aux assises de Paris à 18 ans de prison pour traite des êtres humains et proxénétisme aggravé sur mineures. À Marseille, où les "cults" ont pris une inquiétante dimension, 15 prévenus du gang des Arrow Baga ont été reconnus coupables d’association de malfaiteurs en décembre 2023. Ils ont écopé de peines allant jusqu'à 10 ans de prison ferme.

Interrogés à de multiples reprises par la juge d'instruction, les sept hommes mis en cause dans l'affaire "Maphite" rejettent la plupart des accusations, même s'ils ont admis qu'ils savaient que ces jeunes femmes se prostituaient. Bien que les enquêteurs aient mis la main, lors des perquisitions, sur des vêtements paramilitaires verts – typiques des Maphite –, plusieurs contestent leur appartenance au "cult".

L'un des mis en examen compare ainsi l'organisation à une "association étudiante pour défendre les droits des étudiants au Nigeria et en Europe qui servait de lieu de rencontres festives et d'entraide". Si les "cults" sont bien nés dans les universités nigérianes dans les années 1970, ils se retrouvent désormais sur les bancs des tribunaux français.

 

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/cultures-monde/de-lagos-a-marseille-l-emprise-des-gangs-nigerians-4036018

Épisode 3/4 : De Lagos à Marseille : l’emprise des gangs nigérians

 

Mercredi 22 novembre 2023


À Marseille, 13 membres du gang nigérian “Supreme Vikings” comparaissent pour proxénétisme, viols en réunion et réseaux d’immigration clandestine. Loin d’être un cas isolé, ce "cult" fait partie d’une nébuleuse de groupes criminels aux allures de mafia, qui pullulent en Europe.

 
Avec
  • Célia Lebur Journaliste à l’AFP, coordonne la cellule d’investigation numérique pour l’Afrique francophone
  • Joan Tilouine Journaliste à Africa Intelligence
  • Bénédicte Lavaud-Legendre Juriste à l'Université de Bordeaux, chargée de recherche au CNRS.

Le 6 novembre dernier s’est ouvert à Marseille le procès du gang “Arrow Baga”, autrement connu sous le nom de “Supreme Vikings”. Treize membres - tous des hommes - de ce "cult" nigérian ultraviolent comparaissent en correctionnelle pour proxénétisme, viols en réunion et réseaux d’immigration clandestins. Loin d’être un cas isolé, ce "cult" fait partie d’une nébuleuse de groupes criminels aux allures de mafia, qui pullulent en Europe. À Lagos, à Marseille, mais aussi Naples, les mercenaires de la Nigerian Connection tissent leur réseau d'activités criminelles.

De l’intronisation des nouveaux venus, aux funérailles de leurs membres et jusqu’aux cérémonies d’avant le départ du Nigeria des femmes qu’ils destinent à la prostitution, les "cults" accompagnent leurs trafics et leurs crimes de pratiques mystiques et de rites difficiles à saisir.

6 min

Focus - La justice face à la traite humaine des femmes

La traite humaine des femmes est l’un des activités principales des "cults". Alors que de nombreuses enquêtes sont en cours, que l’attention de la justice se porte sur ces gangs, et que de plus en plus de victimes osent parler, de quels outils juridiques disposent réellement la France et l’Europe ? Comment démanteler ces réseaux, en juger les membres et protéger les victimes ?

Entendez-vous l'éco ?
58 min

Pour aller plus loin :

  • Joan Tilouine, Célia Lebur, Mafia Africa : enquête, Flammarion, 2023.
  • Bénédicte Lavaud-Legendre, Les groupes cultist nigérians et la traite des êtres humains, RSC, 2019

 

https://www.rfi.fr/fr/france/20231124-france-treize-condamnations-lors-du-proc%C3%A8s-du-gang-nig%C3%A9rian-des-arrow-baga-%C3%A0-marseille

France: treize condamnations lors du procès du gang nigérian des «Arrow Baga» à Marseille

À Marseille, le procès des « Arrow Baga» vient de se terminer après trois semaines. Un « cult » nigérian, en fait un gang criminel au fonctionnement ultra-violent. Les prévenus ont été jugés pour proxénétisme, viols ou encore réseaux d’immigration clandestine.

Le fronton du Palais de justice de Marseille, en mars 2021.
Le fronton du Palais de justice de Marseille, en mars 2021. © NICOLAS TUCAT / AFP

Pour les treize accusés âgés de 22 à 37 ans, les peines vont de 3 à 10 ans de prison pour viols en réunion, proxénétisme aggravé par l’usage de la contrainte, détention d’armes ou encore participation à des réseaux d’immigration clandestine. La majorité des accusés écope de 10 ans, la peine maximale que peut attribuer le tribunal correctionnel, un soulagement pour les parties civiles. « Je suis relativement satisfaite parce que les peines prononcées ont été très élevées », souffle Jennifer Attanasio, avocate des parties civiles. Même si les victimes resteront marquées à vie.

Les victimes ont été absentes durant les trois semaines du procès, faute de moyens pour se déplacer, par peur ou, car elles ont fui Marseille. Le premier jour, une femme de 22 ans a eu le courage de défier la loi du silence, visage caché. Elle a raconté avoir été séquestrée, forcée de se prostituer, menacée par armes.

De l’eldorado à l’enfer

« On va leur faire miroiter, comme c’est souvent le cas, "l’eldorado français", explique Alain Lhote, avocat des parties civiles. "Viens en France, c’est magnifique, tu verras, tu seras coiffeuse, tu seras hôtesse"... Et en réalité, elles échouent sur le trottoir marseillais… » Ces victimes sont des femmes très jeunes, parfois mineures. Au Nigeria, ces gangs organisés leur font miroiter monts et merveilles, mais dès qu’elles quittent leur famille, le piège se referme et commence par un parcours migratoire semé de traumatismes. Une fois arrivées en Europe, elles sont séquestrées, démunies de leurs papiers et forcées d’abandonner leur corps pour 5, 10 ou 20 euros. Alain Lhote refuse de parler de « prostitués » mais bien « d’esclaves victimes de la traite humaine ».

Leur asservissement est finement calculé, via notamment le rite du djoudjou, effectué au Nigeria et selon lequel tout acte de désobéissance entraîne une malédiction. « Elles ont vraiment peur qu’un mauvais sort soit jeté à leur famille et sur elles. Donc, c’est extrêmement difficile de parler et même quand elles parlent, c’est comme s’il y avait une épée de Damoclès sur leur tête », explique Laure, une travailleuse sociale.

Mais le silence de ces femmes ne tient pas qu’aux croyances. Pour contraindre leurs victimes, les proxénètes utilisent couteaux et machettes. Les viols collectifs, pendant des heures et sans préservatif, sont utilisés pour briser ces femmes et servent de punition…  Le premier jour du procès, une femme, à visage caché, a raconté à la Cour qu’elle a essayé de s’enfuir, mais qu’elle a été rattrapée et brûlée au fer. Ces femmes ont une peur constante de mourir.

Alors, « ce verdict est un message fort envoyé aux victimes », selon Jennifer Attanasio. « On dit : Non, ce n’est pas possible de prendre ces jeunes femmes, de les faire venir sous de faux prétextes et de les mettre sur le trottoir, contraintes et forcées. » Laure abonde : « Sans peines fortes, les filles ne vont pas faire confiance à la justice et resteront toujours silencieuses. » Les jeunes femmes seront indemnisées jusqu’à 35 000 euros. L’association L’amicale du Nid, qui a soutenu et accompagné ces jeunes femmes jusqu’au procès, sera également indemnisée.

On estime que, chaque année, 45 000 femmes nigérianes sont transportées en Europe pour devenir des esclaves sexuelles.

 

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