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mercredi 25 septembre 2019
Jean-Jacques Urvoas : première journée de procès
D’un côté les magistrats, de l’autre les politiques.
Les premiers disent leur effarement à la découverte des faits
reprochés à l’ancien Garde des Sceaux, dont les collaborateurs, sans
aucun doute partisans, louent le sérieux et la rigueur, tandis que les
seconds tentent maladroitement de sauver le soldat Urvoas.
Le Brestois, lui, connaît de longue date les pratiques de ses politiciens locaux et ne s’étonne de rien.
Rappelons à cet égard l’affaire de la permanence parlementaire de
l’ancien député, dépaysée de Quimper à Lorient sans aucun succès, tandis
que le « lanceur d’alerte » à l’origine du signalement ayant déclenché
l’enquête connaissait de tels déboires qu’il en venait à porter plainte
contre Jean-Jacques Urvoas pour « violation de correspondance privée »,
affaire dont il a obtenu le dépaysement à Paris au mois de janvier
dernier (voir ci-dessous).
Jugé par la Cour de justice de la République (CJR) pour avoir
transmis au député Thierry Solère des informations sur une enquête qui
le visait, l’ancien garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas, le verbe
offensif, a contesté mardi être tenu par un quelconque « secret ».
Très à l’aise face à une cour composée de trois magistrats et douze
parlementaires, l’ex-président de la commission des lois de l’Assemblée
nationale, 60 ans, a décliné son parcours, de l’université au Parlement
puis au gouvernement: une vie « dédiée au droit ».
L’ancien ministre socialiste (janvier 2016-mai 2017) a défendu son
bilan: « J’ai passé 16 mois à défendre la loi, appuyer la justice et
être le protecteur des magistrats ».
Il reconnaît la matérialité des faits, mais d’emblée, tient à
recadrer le débat: « Je ne connais pas Thierry Solère, c’est un
adversaire politique (…) je n’avais aucun intérêt personnel » à lui
transmettre des informations, dit-il, sans réellement expliquer ses
motivations.
Huitième ministre à comparaître depuis 1999 devant cette cour
critiquée pour la clémence de ses décisions, Jean-Jacques Urvoas encourt
une peine maximale d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros
d’amende.
Il reviendra à la CJR, seule habilitée à juger des actes commis par
des membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions, de
trancher l’épineuse question du périmètre du secret et des obligations
du ministre.
- « Transgression majeure » -
Ce procès, a prévenu le président Jean-Baptiste Parlos, « aura
d’importantes répercussions », tant sur « le rôle du garde des Sceaux »
que « sur les rapports entre le parquet et la chancellerie », auquel il
reste aujourd’hui soumis hiérarchiquement – une situation suscitant un
soupçon récurrent d’instrumentalisation politique du ministère public.
L’affaire Urvoas s’était nouée dans les derniers jours de la
présidence de François Hollande. Le 4 mai 2017, le ministre adresse un
document à Thierry Solère, alors élu de l’opposition LR, via la
messagerie cryptée Telegram.
Il s’agit d’une « fiche d’action publique » établie par la Direction
des affaires criminelles et des grâces (DACG), département sensible qui
fait l’interface entre la chancellerie et les procureurs. Cette fiche
rend compte de l’état d’une enquête du parquet de Nanterre pour fraude
fiscale et trafic d’influence qui implique M. Solère depuis septembre
2016.
Le 20 juin 2018, Jean-Jacques Urvoas est mis en examen pour « violation du secret professionnel ».
Au premier jour des débats, la salle d’audience a semblé abriter deux
mondes: celui des magistrats, décrivant une « chaîne du secret » allant
du parquet au ministre auquel il est hiérarchiquement soumis, et celui
des politiques – les parlementaires juges de la CJR – qui se demandent
comment le garde des Sceaux « pouvait savoir » s’il était soumis au
secret.
A la barre, procureurs et anciens dirigeants de la DACG sont venus
expliquer la mécanique de la remontée d’informations du parquet vers le
parquet général, puis à la DACG qui établit des « fiches », elles-mêmes
transmises au garde des Sceaux.
« Le ministre est en fin de chaîne du secret. Il conduit la politique
pénale, il doit pouvoir répondre en connaissance de cause lors de
questions au gouvernement », a expliqué l’ancienne directrice de la DACG
Caroline Nisand.
Mais, précise-t-elle, « ces informations restent couvertes par le
secret. Il n’est pas envisageable de les révéler à un tiers et a
fortiori au mis en cause. C’est pour moi une transgression majeure ».
Agacé, Jean-Jacques Urvoas assure n’avoir jamais été informé que les
fiches de la DACG – « qui ne disaient rien que je ne savais déjà » –
étaient couvertes par le secret. « Pourquoi le cabinet en demandait de
manière aussi fréquente? », a rétorqué Mme Nisand.
Mais quel est le texte qui définit ce secret auquel serait tenu le
ministre?, demandent plusieurs parlementaires. « Parce que la procédure
d’enquête est secrète et que dès lors, tous ceux qui détiennent des
informations se retrouvent dépositaires d’un secret à raison de la
fonction qu’ils exercent », répond l’ex-DACG Robert Gelli.
L’ancien DACG affirme avoir remis « une note blanche » à ce sujet à
Jean-Jacques Urvoas à son arrivée au ministère. L’ex-garde des Sceaux
n’en n’a aucun souvenir. « Et cette note n’est pas versée au dossier »,
relève son avocat.
L’ex-ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas sévèrement jugé par les magistrats
Jugé pour avoir transmis des informations sur une enquête en cours,
Jean-Jacques Urvoas a dû faire face, ce mardi, aux hauts fonctionnaires
qui ont fait part de leur effarement et décrit ses agissements.
L’ancien garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas, mardi 24 septembre, au palais de justice de Paris. AFP/Philippe Lopez
Par Timothée Boutry
Le 24 septembre 2019 à 21h52, modifié le 24 septembre 2019 à 22h29
« Une transgression majeure. » C’est ainsi que Caroline Nisand,
ancienne directrice des affaires et des grâces (DACG) par intérim au
ministère de la Justice, évoque les faits qui valent à l’ancien ministre
de la Justice Jean-Jacques Urvoas de comparaître depuis ce mardi matin
devant la Cour de justice de la République (CJR).
Jugé pour « violation du secret professionnel »,
l’ancien garde des Sceaux (PS) est poursuivi pour avoir transmis, en
mai 2017, un document confidentiel à Thierry Solère, alors député (LR)
des Hauts-de-Seine, à propos d’une enquête le concernant. À l’image de
Caroline Nisand, alors en poste à la tête de cette direction sensible de
la Chancellerie chargée de faire le lien entre le cabinet du ministre
et les parquets généraux, les magistrats qui se sont succédé à la barre
en ce premier jour d’audience se sont montrés très sévères à l’égard de
l’attitude du prévenu.
Une fermeté qui tranche avec les efforts de certains parlementaires composant cette juridiction hybride qu’est la CJR ( NDLR : 6 députés, 6 sénateurs et 3 juges professionnels
) pour tenter de sauver le soldat Urvoas au prix de questions parfois
ubuesques. Le 3 mai 2017, en tant que directrice de la DACG, Caroline
Nisand reçoit un appel du directeur de cabinet du ministre qui lui
demande de transmettre une « fiche d’action publique » actualisée sur la situation judiciaire de Thierry Solère.
Le parlementaire, aujourd’hui sous l’étiquette LREM, fait l’objet d’une
enquête préliminaire pour fraude fiscale ouverte à Nanterre.
« Nous sommes sous son autorité, on s’exécute »
Le circuit hiérarchique du parquet se met en marche. La demande est
transmise au parquet général de Versailles en insistant sur son
caractère urgent. « On ne comprenait pas l’intérêt car on avait déjà
remis un rapport complet en février et il n’y avait eu aucune évolution
notable », explique à la Cour Philippe Steing, ancien chef du pôle
économique et financier au parquet général. « Mais comme nous sommes
sous l’autorité du garde des Sceaux, on s’exécute. On arrête de se poser
des questions, on stoppe tous les dossiers en cours. La priorité
devient la remontée d’information », poursuit ce haut magistrat en
disponibilité dans un témoignage qui en dit long sur le poids de la
hiérarchie dans le fonctionnement du ministère public. La demande est
donc transmise au parquet de Nanterre le 4 mai 2017 qui, dans la
journée, produit une note sur cette affaire signalée qui fait alors le
circuit inverse : parquet général, DACG et enfin le cabinet du ministre.
Fin du premier acte.
Le 29 juin 2017, le domicile de Thierry Solère est perquisitionné. Or
dans son téléphone, les enquêteurs découvrent des extraits d’une
conversation du 4 mai avec Jean-Jacques Urvoas via la messagerie cryptée
Telegram. Catherine Denis, procureure de Nanterre, découvre effarée des
passages qui correspondent à la note rédigée par ses services et
comprend alors les raisons de la curieuse et subite requête du mois
précédent. « J’étais dans la stupéfaction et l’incompréhension », livre
la magistrate qui avertit immédiatement sa hiérarchie de cette
embarrassante découverte. « Quand j’ai appris les faits, je suis tombé
de l’arbre […] J’étais complètement abasourdi, je me suis senti un peu
trahi », développe Philippe Steing.
« Sur Google, j’obtenais des informations plus rapides »
Si les magistrats sont aussi écœurés c’est car ils sont unanimes : la
remontée d’information fonctionne selon une « chaîne de secret partagé »
qui ne peut reposer que sur un principe absolu : la confiance. « Le
fondement, c’est le secret », martèle Caroline Nisand selon laquelle il
n’est « pas envisageable » que quiconque puisse transférer de telles
informations, « a fortiori au mis en cause ». « Il est impensable que ce
secret ne soit pas respecté par le ministre lui-même », enfonce-t-elle
le clou, estimant que c’est à la fois une obligation morale et légale.
Mais Jean-Jacques Urvoas, offensif et sûr de lui, ne l’entend pas
ainsi. C’est son axe de défense : les informations transmises par son
administration n’étaient selon lui pas soumises au secret. « Lorsque je
me suis présenté à mon premier conseil de défense avec mes fiches
d’action publique, j’ai compris qu’elles ne m’étaient d’aucune utilité.
Il n’y avait rien que je ne sache déjà », explique-t-il en insistant sur
la différence d’informations en possession de son collègue ministre de
l’Intérieur.
Mais l’ancien député du Finistère va plus loin : « Sur Google,
j’obtenais des informations plus rapides et plus complètes que dans mes
fiches, ose-t-il. Je n’ai jamais considéré que les informations étaient
confidentielles. C’était une information pour tous car le but c’était
que le ministre parle. » À ses côtés, Caroline Nisand reste stoïque mais
on devine sans mal sa stupéfaction. Sa réaction est sèche mais
explicite : « Si les fiches d’action pénale ne servaient à rien, je me
demande pourquoi le cabinet nous en demandait de manière aussi
fréquente… »
Une note banche sur la divulgation d’informations
L’ancien garde des Sceaux invoque aussi l’ignorance : personne au
ministère ne lui aurait jamais indiqué que les informations sur les
enquêtes en cours dont il était le destinataire étaient secrètes. « Qui
informe le ministre qu’il est tenu au secret ? », n’a d’ailleurs pas
hésité à demander une députée à Caroline Nisand, croyant judicieux
d’ajouter : « Il n’était pas magistrat mais professeur de droit ». « Il
sait nécessairement que les informations qui lui sont transmises ne
l’auraient pas été s’il n’avait pas été garde des Sceaux », répond la
procureure.
Déjà chancelante, la défense de l’ancien ministre en prend un coup
supplémentaire lorsque Robert Gelli s’avance à la barre. L’actuel
procureur général d’Aix-en-Provence fut DACG jusqu’en avril 2017. « J’ai
une profonde estime pour Jean-Jacques Urvoas […] Il a été un ministre
de la Justice qui a rempli sa fonction avec probité, conviction et au
service de l’institution », livre-t-il avec beaucoup de sincérité.
Son désarroi n’en a donc été que plus grand en apprenant l’affaire.
Et face à la Cour, il révèle une information qu’il n’avait jamais livrée
jusque-là. En février 2016, peu de temps après l’arrivée de
Jean-Jacques Urvoas place Vendôme, il affirme lui avoir remis une « note
blanche » pour précisément attirer son attention sur le risque de
divulgation d’informations. Un échange aurait même eu lieu entre les
deux hommes à l’occasion de cette remise en main propre. Jean-Jacques
Urvoas assure qu’il n’a « pas le souvenir de cette note » qui pourrait
bien faire son apparition au dossier : l’avocat général François Molins
en a demandé la communication.
Affaire Urvoas : l’ex-ministre de la justice, les quatre magistrats et la « confiance » rompue
L’ancien garde des sceaux Jean-Jacques Urvoas est jugé depuis mardi
devant la Cour de justice de la République pour « violation du secret
professionnel ».
Par Yann Bouchez Publié aujourd’hui à 03h41, mis à jour à 10h07
Temps de Lecture 3 min.
Jean-Jacques Urvoas se rend devant la Cour de justice de la République, à Paris, le 24 septembre. PHILIPPE LOPEZ / AFP « Pyramide », « chaîne de secret partagé », « remontée d’information »… Vocabulaire riche et imagé à l’appui, la première journée du procès de Jean-Jacques Urvoas
devant la Cour de justice de la République (CJR), mardi 24 septembre, a
livré une plongée dans les arcanes des relations entre le parquet et la
chancellerie.
Poursuivi pour « violation du secret professionnel », le socialiste,
ancien ministre de la justice de janvier 2016 à mai 2017, risque un an
de prison et 15 000 euros d’amende. Début mai 2017, entre les deux tours
de l’élection présidentielle, M. Urvoas avait transmis au député des
Hauts-de-Seine Thierry Solère (alors membre des Républicains, il a
depuis rallié La République en marche) des informations sur une enquête
le visant.
Dans une ambiance feutrée et courtoise, l’ex-ministre,
costume-cravate bleu marine sur chemise blanche, est invité à se
présenter après une introduction bienveillante du président
Jean-Baptiste Parlos : « Les mots qui viennent le plus dans la bouche de vos collaborateurs, c’est sérieux et rigueur. »
« Transgression majeure »
L’ancien garde des sceaux a toutefois vécu une journée compliquée.
Entendus comme témoins, quatre magistrats ont partagé leur
incompréhension face au geste du ministre. Il y a d’abord Catherine
Denis. Procureure de la République à Nanterre depuis janvier 2015, cette
magistrate conduisait l’enquête pour fraude fiscale visant depuis septembre 2016 Thierry Solère.
« Quand on a appris les faits, on est tombé de l’arbre »
Le 4 mai 2017, le parquet général de Versailles lui demande un rapport sur les avancées de cette enquête. La requête, « pressante »,
vient du cabinet du ministre. Catherine Denis envoie son rapport
quelques heures plus tard. Le parquet le transmet à son tour à la
direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), chargée de
faire remonter au ministère, sous forme de fiches d’action publique
(FAP), les informations concernant les affaires sensibles.
Rien d’anormal jusque-là. Sauf qu’une perquisition chez M. Solère, le
29 juin 2017, permettra de constater que, début mai, M. Urvoas avait
envoyé par téléphone ces informations au député mis en cause. La
réaction de Catherine Denis en le découvrant ? « La stupéfaction. »
L’ancien ministre, qui comparaît devant la Cour de justice de la
République jusqu’à vendredi, doit expliquer pourquoi il a transmis des
informations secrètes au député Solère.Quand, le 4 mai 2017, trois jours
avant le second tour de la présidentielle, le ministère de la Justice
réclame à l’avocat général de Versailles Philippe Steing, toute affaire
cessante, un état actualisé de l’enquête préliminaire visant Thierry
Solère, député (LR) des Hauts-de-Seine et proche lieutenant de François
Fillon, il se met en branle, chez le magistrat, un curieux mécanisme
psychique qu’il résume ainsi: «On ne comprenait pas vraiment l’intérêt
de cette demande, car nous avions fait un rapport assez complet en
février et il n’y avait pas eu d’évolution notable depuis. Mais on est
sous l’autorité du garde des Sceaux: on arrête de penser et on fait le
rapport en urgence.»
L’intermittent de la réflexion, aujourd’hui en disponibilité de la
magistrature, dépose devant la Cour de justice de la République. Assis à
un mètre de lui, comparaît l’ancien ministre (PS) Jean-Jacques Urvoas.
Il est reproché à ce dernier d’avoir transmis à M. Solère, via la messagerie cryptée Telegram, …
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Procès Urvoas. Quelles sont ces affaires sensibles qui remontent au ministre de la Justice ?
Jean-Jacques Urvoas à son arrivée au palais de justice de Paris, ce mardi matin. | AFP/PHILIPPE LOPEZ
Ouest-France Pierrick BAUDAIS. Modifié le 24/09/2019 à 14h13 Publié le 24/09/2019 à 14h07
Le procès de Jean-Jacques Urvoas, l’ex-ministre de la Justice, qui a
débuté ce mardi, a été l’occasion de faire un point sur ces dossiers
judiciaires dont est informé le ministre via les parquets. Une procédure
« nécessaire », selon la procureure de Nanterre.
Au-delà du procès qui cherchera à déterminer si l’ex-ministre
finistérien était soumis ou non au secret de l’instruction, le président
de la cour, Jean-Baptiste Parlos, s’est attardé sur ces informations
confidentielles qui parviennent au ministre de la Justice par les
parquets. Quel circuit empruntent-elles ? Quels types d’affaires
intéressent le garde des Sceaux ? Combien de notes reçoit-il ?
8 000 dossiers suivis en France
Pour mieux comprendre ce système dit des remontées d’informations, la
procureure de Nanterre, Catherine Denis, entendue comme témoin lors de
ce procès, a fourni quelques explications. Régulièrement, cette dernière
informe son procureur général (en l’occurrence celui de Versailles) de
l’évolution des affaires sensibles : celles concernant un élu, une
grande entreprise, une personnalité du spectacle…
À son arrivée au parquet de Nanterre, en 2015, plus de 500 dossiers faisaient ainsi l’objet de remontées d’informations. « Nous avons fait un peu de nettoyage. Actuellement, il en reste environ 300 », précise la procureure. Outre le dossier de Thierry Solère, dont l’instruction a débuté en février, « un certain nombre d’autres élus des Hauts-de-Seine peuvent être suspectés de délits »,
ajoute Catherine Denis sans citer de noms, bien évidemment. Au total,
en France, environ 8 000 affaires sont régulièrement par la
Chancellerie. Par le passé, ce fut beaucoup plus, jusqu’à 30 000, selon
Robert Gelli, ancien président de la Conférence nationale des
procureurs.
Quel circuit suivent ces dossiers ?
Lorsque cette dernière rédige une note, elle s’efforce « d’être loyale », c’est-à-dire en mentionnant les éléments à charge et à décharge. « Il s’agit d’un résumé de l’enquête en cours. Aucun document lié à l’instruction n’est transmis », précise Catherine Denis. « On ne communique pas, non plus, des actes de procédure à venir tels que des perquisitions »,
précise Caroline Nisand, procureure d’Evry. Ces informations sont
envoyées au procureur général qui lui-même les transmet à Direction des
affaires criminelles et des grâces (DACG), un service du ministère de la
Justice. C’est cette dernière qui rédige alors une fiche d’action
publique – c’est cette fiche que Jean-Jacques Urvoas a transmise à
Thierry Solère – qui est ensuite adressée au ministre et à quelques
personnes de son cabinet.
Ce circuit, loin d’être obscur, figure dans le code de procédure pénal et est précisé dans une circulaire ministérielle. « C’est
nécessaire que le ministre soit informé d’un certain nombre d’affaires
sur lesquelles il peut être interrogé : par les parlementaires, par
exemple. Il serait tout de même paradoxal que le ministre de la Justice
ne soit pas au courant alors que le ministre de l’Intérieur l’est », observe la procureure.
« Cette remontée d’informations est indispensable à état
démocratique. C’est le ministre de la Justice qui a en charge la
politique pénale », indique Robert Gelli, ancien directeur de la DACG.
Certaines demandes sont urgentes
Selon Catherine Denis, le procureur général adresse un rapport tous
les six mois, sur l’évolution des affaires sensibles, à la DACG. Mais il
peut arriver qu’il y ait des demandes d’informations urgentes. La
procureure se souvient notamment d’une affaire dans laquelle l’une des
victimes était un membre d’une famille royale d’Arabie saoudite, famille
avec laquelle le gouvernement était en discussion pour la vente
d’avions de chasse. « Là, la demande d’informations était extrêmement urgente », se souvient la magistrate.
Dans le cas de Jean-Jacques Urvoas, la demande émise le 4 mai 2017
avait été « pressante ». Une première demande émise vers 10 h le matin,
puis une autre vers 18 h. Pour quelles raisons le ministère avait-il un
besoin si urgent d’informations sur l’enquête visant Thierry Solère qui a
été l’un des porte-parole du candidat François Fillon durant l’élection
présidentielle ? Et pour quelle raison l’ex-ministre a transmis cette
fiche confidentielle au député LR ?
Sur ces deux questions, Jean-Jacques Urvoas, ce mardi matin, n’a pas
apporté d’explications. Il a juste indiqué qu’il n’a pas transmis ces
fiches au nom d’une quelconque « fraternité, parce que nous serions membres de la franc-maçonnerie. Je ne suis pas franc-maçon », a tenu à préciser l’ex-ministre.
L’enquête sur la permanence parlementaire de Jean-Jacques Urvoas est classée sans suite
« Il n’y a pas d’infraction pénale qui peut être reprochée » à
l’ex-député du Finistère, a expliqué à l’AFP Laureline Peyrefitte,
procureur de la République à Lorient.
L’ex-garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, le 17 mai 2017 à Paris. (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)
L’enquête pour « détournement de bien public » visant Jean-Jacques Urvoas est classée. Elle avait été ouverte sur des soupçons de détournement de fonds publics après l’achat puis la mise en vente par l’ex-garde des Sceaux de sa permanence parlementaire à Quimper. « Il n’y a pas d’infraction pénale qui peut être reprochée » à l’ex-député du Finistère, a expliqué à l’AFP Laureline Peyrefitte, procureur de la République à Lorient.
L’enquête, ouverte fin janvier et confiée à la PJ de Rennes, faisait
suite à un signalement de l’association du Finistère Cicero 29, qui
lutte pour la « probité des affaires publiques ». Elle avait été ouverte par le parquet de Lorient, après le dessaisissement de celui de Quimper, pour des soupçons de « détournement de fonds publics ».
Conforme aux »règles établies à l’époque »
Pour acquérir en 2008 cette permanence parlementaire de 126 m2 située
en plein centre de Quimper, Jean-Jacques Urvoas a bénéficié d’un prêt
bonifié, remboursé par ses indemnités de député (IRFM). Les locaux ont
ensuite été loués, puis proposés à la vente par l’ancien député
socialiste, battu aux législatives en juin 2017. Et ce pour une somme de
212 750 euros, comme l’avait dénoncé Jérôme Abbassene, membre de Cicero
29. Ce dernier pointait du doigt « l’enrichissement personnel » de Jean-Jacques Urvoas via cette opération.
« Le prêt a été consenti par l’Assemblée nationale de façon tout à fait transparente et selon les règles établies à l’époque », l’appartement a « été utilisé pour y installer sa permanence parlementaire » et, selon ces mêmes règles, « le fait que le bien tombe dans le patrimoine personnel n’était pas contraire à la loi » à cette époque, a noté Laureline Peyrefitte. Ces pratiques sont interdites depuis le 1er janvier 2018.
Jérôme Abassène, lanceur d’alerte, avait dénoncé les conditions
d’acquisition de la permanence de l’ex-député (PS) du Finistère par un
SMS envoyé à Christian Gouérou, directeur de l’agence de Ouest-France à
Quimper (Finistère). Si les faits imputés à Jean-Jacques Urvoas (une
rente immobilière permise par la location du local acquis par ses
indemnités de frais de mandat) sont encore dans les mains de la justice,
la diffusion d’informations le concernant par un directeur de presse a
permis à l’ex-garde des Sceaux d’engager une procédure en référé pour
« violation de la vie privée ». Sauf que cette mise au jour
d’informations destinées au travail d’investigation fait bondir les
organisations syndicales de journalistes. Le SNJ-CGT dénonce notamment
des pratiques où « la protection des sources passe après le souhait de
maintenir de bonnes relations avec les édiles locaux ». C’est maintenant
à Jean-Jacques Urvoas d’être visé par une enquête préliminaire pour
« violation de la correspondance privée ».
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