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vendredi 5 août 2016
Adel Kermiche, de Saint-Etienne-du-Rouvray : portrait et dérive, jusqu'au 2 août 2016 à 21h51
Adel Kermiche, 19 ans, connu des services
antiterroristes, est l’un des deux assassins du père Hamel le 26 juillet
dernier dans son église de Saint-Etienne-du-Rouvray, près de Rouen, une
ville dont il était lui-même originaire.
Abattu par la police quelques minutes plus tard, son compte Telegram s’est remis à émettre une semaine après sa mort.
Saint-Etienne-du-Rouvray : Adel Kermiche n’avait « plus d’amis, on le fuyait »
Une vue aérienne de la ville de Saint-Etienne-du-Rouvray, le 26/07/2016. ((CHARLY TRIBALLEAU / AFP))
Adel Kermiche fait bien partie des deux assaillants. C’est lui qui
portait un bracelet électronique. Ceux qui étaient avec lui en classe,
disent que c’était « un bouffon ». Reportage.
La menace est partout, les habitants de Saint-Etienne-Du-Rouvray le
savaient bien. Lointaine et proche à la fois, ils la voyaient dans leurs
écrans de télé. Abstraite, difforme, spectaculaire, effrayante. Mardi
26 juillet, elle a pris forme au beau milieu de leurs vies, à l’heure de la messe.
En vrai, vers 9h30. Deux jeunes, dont l’un est un enfant du pays, scolarisé dans la ville, sont venus égorger le prêtre,
prendre en otage quatre autres personnes, en blessant une grièvement.
Saint-Etienne-Du-Rouvray et ses quelques 28.000 habitants tétanisés par
l’effroi, s’est comme liquéfiée.
D’un coup, plus un bruit, plus une âme dans les rues. Ils ont fermé
fenêtres et portes, retenu leur souffle, attendu, « comme si c’était la
guerre et qu’on ne sait pas ce qu’on va devenir », raconte une
habitante, en face de la mairie. Les policiers ont tué les deux
assaillants. « Des morts comme ceux-là, à Saint-Etienne-du-Rouvray… »,
les gens n’en reviennent pas. Et du côté des français d’oringine
algérienne, le choc fait écho à de mauvais souvenirs fuis il y a
plusieurs décennies:
« Un prêtre égorgé dans une église, ça rappelle les années sombres de l’Algérie ».
Antoine, la quarantaine, venait de garer son scooter Vespa rouge sur
le parking face à l’église, pour faire une course à la « coop’ ». Un
policier s’est jeté sur lui, le plaquant au sol. « Il voulait me
protéger, j’ai tout de suite compris que c’était un attentat, chez nous,
ici ». Il a vu une femme courir avec sa petite fille accrochée au bout
de sa main.
« Elle a crié, elle aussi, stupéfaite et effrayée, ‘un attentat !?’
Nous avons été mis à l’abri, et on nous a dit que vers 14 heures, si on
voulait, on pouvait aller parler avec la cellule psychologique. »
Antoine a souri pour remercier, et puis il est rentré chez lui. Quatre heures après les faits, il répète en boucle :
« J’ai eu chaud quand même… Cela veut dire qu’ils sont là, partout,
dans notre dos, dans nos maisons, dans nos vies, cachés, et qu’ils
peuvent surgir et tout détruire. »
Un retraité d’origine italienne, arrivé dans les années 1940 en
France, passe devant chez lui. Il dit à Antoine que « tout le monde
aurait pu s’y trouver ». Son beau-frère, « il va tous les jours à la
messe. Aujourd’hui, exceptionnellement, il n’a pas pu. Parce qu’il est
dresseur de chien, et qu’il fallait qu’il travaille ce matin ».
Des dizaines de fonctionnaires de police ont investi la petite ville.
Et puis les trottoirs se sont remplis au fil des minutes de
journalistes venus de toute la France, avec micros, caméras, camions et
paraboles.
Les gens les ont rejoints autour de la mairie, comme attirés par les
médias. La presse « qui déforme » comme ils disent, mais qui, en
fabriquant ses images, fait écran aussi.
« On s’est tout de suite dit que c’était Adel Kermiche »
A peine une heure après les faits, la jeunesse des quartiers de
Saint-Etienne-du-Rouvray lâchait un nom : « On s’est tout de suite dit
que c’était Adel Kermiche », raconte Abdel, 22 ans.
« Parce qu’on connaissait son histoire, sa tentative de départ en Syrie, et tout le reste. »
Le reste, sa vie minable et sans lendemain, où « il a cru qu’il y
avait de la lumière dans les ténèbres. En vérité, Adel, il avait un
caillou dans le crâne. C’était un faible d’esprit qui n’a jamais rien
réussi ». Et la rumeur s’est vite confirmée.
Adel Kermiche fait bien partie des deux assaillants. C’est lui qui
portait un bracelet électronique. Deuxième d’une fratrie de trois
enfants, dont le plus âgé est handicapé, Adel Kermiche est fils d’un
couple d’origine algérienne. Il a fréquenté l’école primaire et le
collège Paul Eluard du coin. Ceux qui étaient avec lui en classe, disent
que c’était « un bouffon », qui « n’accrochait pas aux
apprentissages ».
Adel Kermiche a grandi dans une famille qui s’en sortait sans se
plaindre, logeant dans une petite maison mitoyenne près du parc Maurice
Thorez. A la maison, le père, âgé, restait entre ses murs. La mère,
elle, était connue des gens du quartier. Une femme « agréable »,
« tranquille », »pas pratiquante », qui n’a « jamais même porté un
petit foulard sur la tête ».
Amir, qui a connu Adel petit, dit que « cette femme s’est battu pour
retenir son fils, mais rien n’y a fait ». Tout le monde pense qu’il a
fait une « mauvaise rencontre », que c’était « facile avec lui de
l’emmener dans n’importe quoi », parce qu’il « n’avait certes pas un
mauvais fond, mais il était influençable, vraiment », poursuit Amir. Il a
voulu partir en Syrie deux fois en 2015, les autorités turques l’ont
intercepté et livré à la France.
Adel Kermiche s’est retrouvé en prison jusqu’en mars 2016 où il a été
placé sous bracelet électronique. Quand il est rentré à
Saint-Etienne-du-Rouvray, « des fidèles au courant de son histoire lui
ont demandé de cesser de venir à la mosquée, il a continué malgré
tout ».
« Personne n’adhérait à ses conneries »
Abdel, un de ses camarades du collège, raconte qu’Adel Kermiche
n’avait alors « plus d’amis, on le fuyait, personne n’adhérait à ses
conneries… Il était dans un autre monde, il parlait des frères musulmans
tués à l’autre bout de la planète, alors qu’il ne connaissait rien à la
religion ».
Et il y a trois semaines, au moment de l’Aïd, Amir l’a croisé pour la
dernière fois. Il était en djellabah devant la mosquée, et s’apprêtait à
aller au supermarché « faire des achats pour les familles syriennes ».
Adel Kermiche a voulu qu’Amir lui donne son numéro de téléphone
« pour qu’on se voit, mais j’ai pas voulu, moi ». Amir a demandé à Adel
Kermiche s’il allait mieux, « parce qu’il avait l’air un peu posé,
peut-être changé ». Mais le jeune homme, qui a égorgé ce matin le prêtre
de la petite ville où il a grandi, a répondu à Amir que non. Rien ne
changeait. « Qu’il s’apprêtait à repartir ».
REPORTAGE – À Saint-Etienne-du-Rouvray, les riverains de la rue
Nikola Tesla, bouleversés, décrivent pour la plupart un jeune homme
normal.
De notre envoyée spéciale
La zone pavillonnaire, si calme d’ordinaire, est en ébullition. Les
voisins sortent voir le dispositif policier, d’autres se cloîtrent
derrière leurs volets. C’est ici, rue Nikola Tesla, à Saint-Etienne du
Rouvray, qu’Adel Kermiche, auteur de l’attentat qui a coûté la vie au père Jacques Hamel,
habitait avec ses parents. Mardi, au soir du drame, l’accès au pavillon
est barré par des véhicules de police, les perquisitions sont en cours.
«C’est la honte!, s’exclame Farida, une mère de famille du quartier,
d’origine algérienne. D’égorger comme ça, c’est incroyable, on n’a
jamais vu ça. Ces gens ne sont pas des musulmans, qui ne tueraient pas
un chat. Ce sont des drogués, une secte. Ils vendent de la drogue la
journée et ils tuent le soir». Près de la maison familiale du jeune
homme de 19 ans, les avis du voisinage sont partagés. Une voisine
immédiate dit qu’«il était fou, il parlait tout seul, il disait
n’importe quoi». Pour Emmeline, 26 ans, sa famille était «ordinaire,
normale», et «lui aussi». Choquée par l’attentat,
la jeune femme licenciée en psychologie, enceinte de 9 mois, dit
pourtant ne pas être inquiète. «C’est surtout ma famille qui est
paniquée, ils m’ont tous appelée toute la journée» . La jeune femme
habite juste à côté mais dit n’avoir «jamais rien remarqué de spécial».
«Il était stagiaire BAFA, il était adorable avec les enfants, il se comportait bien»
Bodri est plus disert. Ce jeune homme de 23 ans, assistant
d’administration dans un club local de fitness, habite lui aussi tout à
côté du pavillon d’Adel Kermiche.
Il a «grandi avec lui», raconte-il en le définissant «comme un petit
frère», et a même travaillé un temps avec lui. Ils étaient animateurs
dans un centre aéré de Saint-Etienne du Rouvray, fin 2015. «Je
l’épaulais, il était stagiaire BAFA, il était adorable avec les enfants,
il se comportait bien. Il était polyvalent, s’occupait des ateliers
manuels et de danse, et il était force de propositions pour organiser
des grands jeux». Bodri n’a «jamais remarqué aucun signe de
radicalisation». Il portait une barbe très courte, pas de djelaba.
«Hier soir encore (la veille de l’attentat, NDLR), je l’ai croisé sur
le parking ici. Il était habillé en jean, il souriait, il était
content, normal», souligne-t-il en précisant qu’il ignorait que le jeune homme portait un bracelet électronique.
«On partageait le même goût pour la musique, de la variété, des
musiques urbaines, il aimait le mannequinat car il était très beau
gosse. Mais c’était un mec posé, qui ne draguait pas les filles». Bodri
ne savait pas qu’«il voulait partir en Syrie,
il ne parlait jamais de ça, je ne connaissais pas du tout ce côté-là de
lui». Au pire de ce qu’il a pu constater, c’est qu’«Adel commençait à
traîner avec des mecs des quartiers». «Je suis choqué, ajoute-t-il, car
cet attentat est atroce mais c’était une bonne personne, avec une
famille qui a des valeurs». Selon lui, Adel Kermiche aurait deux sœurs,
qui ont toutes deux quitté le nid familial, dont une médecin.
«Vous verrez qu’ils tueront aussi des imams!»
Mardi soir, dans le centre ville de Saint-Etienne du Rouvray, le
périmètre de sécurité, encore très important, se réduisait un peu pour
permettre aux habitants d’aller et venir. Près de l’église, on
apercevait des tentes blanches qui barraient toute vue sur les lieux du
massacre. Une bougie à la main, Farida et Nicole, des riveraines de ce
quartier, demandaient aux forces de l’ordre l’autorisation d’aller la
déposer dans l’édifice. Refus formel, aucun accès avec l’enquête des
policiers de l’identité judiciaire. «On va aller se recueillir vers la
mairie, ce n’est pas grave», dit Farida, encore sous le choc. «C’est
répugnant, c’est sauvage, on ne trouve pas les mots. Mes filles sont
effondrées, elles ont trop de peine pour ce pauvre prêtre, si âgé.
Etre égorgé…». Pour elle, ce sont «des criminels qui veulent nous
mettre à genoux», qui tuent indifféremment «enfants et hommes d’église».
«Vous verrez qu’ils tueront aussi des imams!». Nicole, athée, est
épouvantée. «S’en prendre à un prêtre… Mais qu’on respecte la religion
de France comme toutes les autres, quoi!».
Prêtre égorgé : Adel Kermiche était « fou », les langues se délient à Saint-Étienne-du-Rouvray
LINFO.RE – créé le 27.07.2016 à 18h00 – mis à jour le 27.07.2016 à 19h10- La rédaction
Capture d’écran Twitter
Adel Kermiche, 19 ans, connu des services antiterroristes est le
premier terroriste identifié de l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray.
Certains de ses voisins le décrivent comme un homme « fou » d’autres le
trouvait « adorable ».
Adel Kermiche est mort, mais son compte Telegram a encore parlé Lutte contre le terrorisme : les Français ont plus confiance aux forces de sécurité
L’un des deux auteurs de l’attaque menée mardi contre une église française, dans laquelle un prêtre de 86 ans a été égorgé, a été « formellement identifié » comme étant Adel Kermiche.
Un jeune homme de 19 ans qui avait essayé par deux fois de se rendre en
Syrie, avant d’être placé sous surveillance électronique. Son intention
était connue. « On savait qu’il voulait aller en Syrie« , a d’ailleurs témoigné un voisin de la famille à Saint-Etienne de Rouvray.
Adel Kermiche, son portrait contradictoire
Un voisin habitant à côté du pavillon d’Adel Kermiche le défini « comme un petit frère« . Ils ont d’ailleurs travaillé ensemble. Ils étaient animateurs dans un centre aéré de Saint-Etienne du Rouvray, fin 2015. « Je l’épaulais, il était stagiaire BAFA, il était adorable avec les enfants, il se comportait bien« . Il assure n’avoir « jamais remarqué aucun signe de radicalisation« . Une autre voisine parle pourtant d’un fou : « il parlait tout seul, il disait n’importe quoi« , raconte-t-elle. « Il ne nous parlait jamais« , a confié un autre voisin de la famille du jeune homme. « Je ne suis pas étonné, il m’en parlait tout le temps« , a déclaré sur RTL un adolescent qui a assuré faire partie de ses connaissances. « Il
parlait d’islam, qu’il allait faire des trucs comme ça. Il m’a dit ’je
vais aller faire une église’ il y a deux mois. Je l’ai pas cru, il
disait beaucoup de choses« .
Certains amis ou voisins affirment que la transformation d’Adel Kermiche en tueur djihadiste est tout sauf une surprise. Un homme s’est confié au Parisien : « Un gars assez dingue pour faire ça, il n’y avait que lui. On ne le supportait plus« , raconte-t-il. Puis il poursuit : « En
septembre dernier, il était venu au quartier où l’on était une
quinzaine autour d’un barbecue. Il ne parlait que de Syrie, et de son
rêve de tuer des soldats de Bachar…« . Adel Kermiche
n’aurait rien caché sur ses intentions. Un voisin raconte comment sa
sœur, ses parents et lui-même avaient tenté de le raisonner. « Il ne
parlait que de religion. (…) Je lui disais d’arrêter ça, que s’il avait
besoin de se confier à quelqu’un de confiance hors du cercle familial,
j’étais là« , a-t-il expliqué. « Mais il était comme dans une bulle« , affirme ce voisin.
Face à ce terrible drame, les habitants du quartier vivent dans le doute. « Aux
infos, ils n’arrêtent pas de dire qu’il y aurait d’autres jeunes
radicalisés comme lui dans la région… Alors comment on fait ? On ne
laisse plus sortir ses enfants ?« , s’interroge une habitante.
Saint-Etienne-du-Rouvray : pourquoi l’un des auteurs de l’attentat avait été remis en liberté
LE MONDE | 27.07.2016 à 06h34 • Mis à jour le 27.07.2016 à 15h32 | Par Simon Piel et Soren Seelow
Pourquoi Adel Kermiche, 19 ans, identifié comme l’un des meurtriers
du père Jacques Hamel dans l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray, près de
Rouen, mardi 25 juillet, a-t-il été remis en liberté le 18 mars, après dix mois de détention provisoire ?Le Mondea obtenu les pièces du débat judiciaire qui a opposé les juges d’instruction et le parquet de Paris. A l’époque, le jeune homme est mis en examen pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » depuis mars 2015pour avoir tenté de rejoindre les groupes djihadistes en Syrie. D’abord placé sous contrôle judiciaire, il a été incarcéré en mai 2015 après une deuxième tentative de départ.
Une enquête de personnalité est ordonnée par la juge d’instruction
chargée du dossier d’Adel Kermiche. Elle débute en octobre 2015, et la
magistrate en reçoit les conclusions en février. Le jeune homme a connu
un parcours chaotique. Il est suivi depuis qu’il a 6 ans et a été
régulièrement hospitalisé pour des troubles psychologiques. Lors de l’enquête, il évoque ses projets professionnels : il espère deveniraide médico-psychologique. Sa famille assure qu’il dispose de plusieurs possibilités d’emploi comme animateur dans un centre de loisirs municipal. « Je suis un musulman basé sur les valeurs de miséricorde, de bienveillance (…) Je ne suis pas extrémiste », insiste-t-il, avant de préciserfaire deux prières par jour, n’étant « pas réveillé » pour celle du matin.
En prison, Adel Kermiche a partagé la cellule d’un Saoudien et fait
la connaissance d’un jeune Français ayant passé dix-huit mois dans les
troupes de l’EI. Il vit mal son incarcération. Il assure à la magistrate
qu’il regrette ses envies de départ : « J’ai envie de reprendre ma vie, de revoir mes amis, de me marier. »
La juge, qui veut croire à un avenir possible pour ce jeune homme perturbé, motive son ordonnance par le fait qu’il aurait « pris conscience de ses erreurs », qu’il a eu des « idées suicidaires » durant son incarcération, qu’il serait « déterminé à entamer des démarches d’insertion » et que sa famille semble disposée à lui apporter« encadrement » et « accompagnement ».
L’enquête réalisée sur la faisabilité de placement sous bracelet électronique précise que ses parents « avouent qu’ils préfèrent savoir
leur fils incarcéré et vivant que libre et en route pour la Syrie.
S’ils acceptent de l’accueillir, c’est parce qu’ils pensent sincèrement
qu’il sait s’être trompé et qu’il ne tentera plus de partir ».
« Risque très important de renouvellement des faits »
Le parquet est peu sensible à ces arguments et fait appel de l’ordonnance du juge, qu’il juge « peu convaincante ». Dans son réquisitoire, il estime que les contraintes prévues par le contrôle judiciaire « s’avèrent parfaitement illusoires au vu du contexte du dossier ». « Dans
ces conditions, et quoiqu’il fasse état d’une erreur et réclame une
seconde chance, il existe un risque très important de renouvellement des
faits en cas de remise en liberté », insistele ministère public.
La chambre de l’instruction ne suit pas l’appel du parquet. Adel
Kermiche sort de prison. Il est assigné à résidence chez ses parents et
équipé d’un bracelet électronique. Les modalités de son contrôle
judiciaire lui interdisent de quitter le département, l’obligent à se soumettre
à une prise en charge psychologique et ne l’autorisent à quitter le
domicile familial qu’entre 8 h 30 à 12 h 30 en semaine, période durant
laquelle il a commis, mardi, son attentat dans l’église de
Saint-Etienne-du-Rouvray.
Prêtre égorgé: Adel Kermiche hospitalisé à Rouen dans un service spécialisé dans la psychopathologie
Le Monde révèle les principaux éléments du dossier d’Adel Kermiche,
19 ans l’un des deux meurtriers du prêtre égorgé le 26 juillet dans
l’église de Saint-Etienne-du Rouvray .
Durant son incarcération, une enquête de personnalité a été réalisée
(entre octobre 2015 et février 2016). La justice apprend dès lors que de
6 à 13 ans, Adel Kermiche a été suivi dans un centre
médico-psychologique.
« Hyperactif » il suit un « traitement médicamenteux ». À l’école
primaire, ses instituteurs pointent du doigt son comportement troublant.
« Ange ou démon ? Selon les jours… Quelquefois enfant modèle, (…) le
plus souvent agressif, énervé et pas en état de travailler. »
Les « difficultés » s’accentuent durant l’adolescence : il est exclu
de son collège en classe de cinquième pour des « troubles du
comportement ». Il est alors hospitalisé à Rouen dans un service
spécialisé dans la psychopathologie de l’adolescence ; par la suite il
sera suivi à l’hôpital de jour de Saint-Etienne-du-Rouvray. Il a alors
12 ans.
Il devient « ingérable sur le groupe » au point qu’il faut parfois «
le contenir dans une pièce fermée », il est même placé durant quinze
jours en milieu fermé dans l’unité psychiatrique du centre hospitalier
spécialisé du Rouvray. Puis il intègre, à l’âge de 13 ans, un institut
thérapeutique et pédagogique.
Deux ans plus tard, il retrouvera une scolarité normale, en classe de
quatrième. Mais en raison de « problèmes relationnels », il est renvoyé
quelques jours de son lycée en 2013, ce qu’il vit comme une injustice.
Une de ses professeurs rapporte là encore des troubles du
comportement accompagnés de « violences physiques et verbales envers ses
camarades » ainsi qu’un « comportement physique provocateur », tout en
constatant un « niveau scolaire supérieur » aux autres élèves. Sa
scolarité s’arrêtera à l’âge de 16 ans. « J’ai l’impression de ne pas
arriver à concrétiser mes projets. J’essaye de m’insérer, de travailler,
d’avoir une copine, mais à chaque fois il y a une difficulté, et c’est
éprouvant », confiera-t-il à l’enquêteur de personnalité.
En 2015, il n’est plus suivi par l’institut thérapeutique et
pédagogique pour la première fois depuis cinq ans et qu’il est au
chômage. Il fait la connaissance d’Adel Bouaoun et se radicalise en
moins de deux mois. « Il m’a dit que c’était mieux, beaucoup mieux
qu’ici où il n’y a pas de travail, que c’était plus facile là-bas »,
racontera-t-il au juge.
Incarcéré depuis 10 mois à la suite d’une deuxième tentative de
rejoindre la Syrie, la magistrate qui suit son dossier ordonne, le 18
mars dernier, son placement sous contrôle judiciaire.
Elle motive son ordonnance par le fait qu’il aurait « pris conscience
de ses erreurs », qu’il a eu des « idées suicidaires » durant son
incarcération.
Adel Kermiche sort de prison et est assigné à résidence chez ses
parents, équipé d’un bracelet électronique. Son contrôle judiciaire lui
interdit de quitter le département de la Seine-Maritime et il doit se
soumettre à une prise en charge psychologique. Il a l’autorisation de
quitter le domicile familial qu’entre 8 h 30 et 12 h 30 en semaine. Une
messe était célébrée, dans la matinée du 26 juillet, en l’église de
Saint-Etienne du Rouvray. Il passe à l’acte .
Cet homme de 26 ans a rejoint la Syrie avec la carte d’identité
d’Adel Kermiche en 2015. Les enquêteurs se demandent quelle a pu être
son influence sur l’attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray. Son frère est
actuellement entendu par la police.
Adel Bouaoun était-il «le mentor» d’Adel Kermiche, l’un des deux assassins du père Jacques Hamel? C’est une des questions que se posent actuellement les enquêteurs. Les
deux jeunes étaient proches, vivaient tous les deux à
Saint-Etienne-du-Rouvray et partageaient la même envie de rejoindre les
terres du djihad. Le premier, âgé de 26 ans, est parvenu à rejoindre la
Syrie en mars 2015, tandis que le second a, par deux fois, été arrêté à
temps en Allemagne puis en Turquie.
Tout commence au début de l’année 2015. Adel Bouaoun et Adel Kermiche
se rencontrent pour la première fois à la mosquée de
Saint-Etienne-du-Rouvray. Le plus âgé aurait initié le plus jeune à la
propagande de Daech. «J’ai fini par avoir le même mode de pensée que
lui, il s’est collé sur moi», racontera Kermiche devant le juge un peu
plus tard. «Il m’a retourné le cerveau, enfin, on s’est retourné le
cerveau ensemble», selon des propos rapportés par une source proche de l’enquête et cités dans Le Monde.
À en croire son audition, c’est même Adel Bouaoun qui l’aurait incité à
partir et qui lui aurait fourni sur Facebook un itinéraire pour
rejoindre la Syrie. «Il m’a dit que c’était mieux, beaucoup mieux qu’ici
où il n’y a pas de travail, que c’était plus facile là-bas», dit
Kermiche au juge.
Un changement après l’attentat à Charlie Hebdo
Ainsi, le tueur du prêtre Jacques Hamel aurait été influencé. Une version contestée par l’entourage d’Adel Bouaoun. Interrogée par Libération,
la mère du jeune homme pense au contraire que c’est Kermiche qui a
entraîné son fils vers la Syrie. Le 20 mars, celui-ci parvient à
rejoindre la zone irako-syrienne avec la carte d’identité de son nouvel
ami Kermiche. Arrivé sur place, il poste ce message enthousiaste sur
Facebook, relayé sur La Tribune de Genève:«Je
suis arriver sain et sauf les policier me traquait dans toute leurope
mai allah les a aveugler et jai traverser la frontiere de la syrie en
courant al hamdoulilah (…) Si jaurai eter bloquer en france j’aurai
commis de bon meurrtre contre vous habitant de lenfer» (sic).
Impuissants, ses parents avaient vu leur fils se radicaliser.
Interrogé en mai 2015 par le quotidien suisse, son père décrit un
changement très rapide, juste après les événements de Charlie Hebdo. Des connaissances évoquent aussi ses penchants radicaux: «Il était dingue. Dans le bus, il hurlait des Allaouh Akbar», se souvient un proche interrogé par Le Parisien.
Même s’il se disait religieux, «il achetait de la vodka qu’il buvait
pure, puis pétait les plombs. Une autre fois, il gueulait qu’il fallait
faire le djihad».
Depuis son départ, l’apprenti djihadiste donnerait peu de nouvelles à
sa famille et montre des signes de vie via ses comptes Facebook et
Twitter. Selon Le Parisien, il n’hésiterait pas à poster des
photos de lui, fusil d’assaut en main. Il se vante aussi de pouvoir
combattre pendant le ramadan et se ferait appeler «Adel Abu Younes». Le
dernier message reçu par son père date d’il y a 10 jours. Message dans
lequel il disait, en substance, qu’il ne serait peut-être plus là «dans
une semaine», selon un proche de la famille.
Les enquêteurs se demandent quelle influence a pu avoir Bouaoun dans
cette affaire. Son petit frère, né en Algérie et âgé de 16 ans, est
d’ailleurs entendu par la police depuis mardi.
Kader, proche d’Adel Kermiche: « C’est Adel Bouaoun qui lui a lavé la tête »
29/07/2016 à 07h28
TEMOIGNAGE RMC – Adel Kermiche et Adel Bouaoun se sont rencontrés
devant la mosquée de Saint-Etienne-du-Rouvray au début de l’année 2015.
Ils font partie d’une petite cellule de mineurs et jeunes adultes
radicalisés prêts à partir en Syrie rejoindre les rangs de Daesh. Parmi
eux, il y avait Kader. Si aujourd’hui il dit avoir tourné la page, il se
souvient très bien des deux hommes.
L’enquête sur l’attentat de l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray
avance. Trois jours après cette attaque, au cours de laquelle le père
Jacques Hamel a été assassiné, deux hommes sont sous les radars de
l’antiterrorisme: Adel Kermiche et Abdel Malik Petitjean,
qui avaient tenté de rejoindre la Syrie et prêté allégeance au groupe
Etat islamique. Ces deux individus se sont rencontrés en début d’année
dernière près de la mosquée de Saint-Etienne-du-Rouvray et faisaient
partie d’une même cellule de jeunes radicalisés.
« Il était obsédé par Daesh »
Dans cette cellule, il y avait aussi Kader (prénom d’emprunt).
Signalé en janvier 2015 par son établissement scolaire après avoir
revendiqué le droit de dire qu’il « trouve ça bien les attentats de la
semaine passée » (ceux de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher, ndrl), il a
connu Adel Bouaoun au collège. Après ces attentats, les deux jeunes se sont rapidement radicalisés comme il en témoigne ce vendredi sur RMC.
« Adel Bouaoun essayait de faire un petit groupe, assure-t-il. Il était en contact avec plusieurs personnes, dont Adel Kermiche.
Il y avait un autre mec avec qui il allait souvent à la mosquée. Il y
avait aussi une jeune fille qui a essayé de partir en Syrie mais s’est
fait arrêter en Belgique ». D’après Kader, Adel Bouaoun « parlait
toujours de la face cachée d’internet ». « Il était obsédé par Daesh »,
souligne-t-il encore.
Il a croisé Kermiche il y a trois mois
Toujours d’après le jeune homme, Adel Bouaoun et Adel Kermiche se
voyaient souvent depuis janvier 2015. Ils fréquentaient ensemble la
mosquée de Petit Quevilly et avaient prévu de partir ensemble en Syrie
en mars 2015. « Adel Bouaoun s’était rasé les cheveux avant de partir en
Syrie pour correspondre à la photo de la carte d’identité d’Adel Kermiche« ,
révèle Kader. Et d’ajouter: « J’ai vu comment sa mère (celle de
Bouaoun, ndlr) a réagi quand elle a découvert qu’il était parti en
Syrie. Elle était effondrée… J’étais triste pour elle. »
Si aujourd’hui Kader dit avoir tourné la page grâce à son père, il
affirme avoir croisé Adel Kermiche il y a trois mois dans le bus. « Il
avait toujours son comportement un petit peu bizarre, comme avant. Je
lui ai dit ‘Alors tu comptes partir une troisième fois en Syrie’. Il m’a
répondu en rigolant: ‘Non, ça ne sera pas la peine’ ». Mais Adel Kermiche
lui demande avec insistance comment contacter Adel Bouaoun, son modèle,
car celui-ci a réussi à rejoindre la Syrie en mars 2015 au moment où
lui a été interpellé en Turquie.
« Heureusement j’ai rencontré les bonnes personnes »
« Il voulait sûrement essayer de planifier quelques chose ensemble »,
croit savoir Kader qui certifie: « C’est Adel Bouaoun qui lui a lavé la
tête dès le début. J’en suis sûr et certain car c’est quelqu’un de
manipulateur. Moi je suis tombé un petit peu dans le panneau aussi. Mais
heureusement j’ai rencontré les bonnes personnes qui m’ont aidé…
Heureusement je l’ai évité… » Car, rapidement, Kader sent qu’il
« commence à se perdre et à se laisser emporter par Adel Bouaoun ».
En plus de son père qui « heureusement » lui « parle », il se fait
suivre par les Services Territoriaux Educatifs de Milieu Ouvert et
rencontre une éducatrice qui le « raisonne »: « Elle m’a dit ce qui se
passait là-bas. Je suis vraiment content de ne pas être tombé dans le
même trou qu’eux ». Si Kader a gardé quelques temps le contact avec Adel
Bouaoun après son arrivé en Syrie, aujourd’hui, il dit avoir supprimé
toutes les conversations sur Facebook. Et quand il a découvert
l’attentat à la télévision mardi, il assure avoir immédiatement pensé à
Adel Kermiche.
Saint-Etienne-de-Rouvray : qui a décidé de la remise en liberté d’Adel Kermiche ?
LE MONDE | 29.07.2016 à 18h16 • Mis à jour le 01.08.2016 à 16h31 | Par Les Décodeurs
(Une version de cet article contenant des erreurs
factuelles importantes a été brièvement mise en ligne vendredi
29 juillet. Nous nous en excusons une nouvelle fois auprès de nos
lecteurs. En voici une version rectifiée.)
Fallait-il remettreAdel Kermiche en liberté ? C’est la question posée par certains à la suite de l’annonce du procureur de la République de Paris,
François Molins, révélant que l’auteur de l’assassinat du prêtre
Jacques Hamel, à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), était en
liberté conditionnelle sous surveillance électronique.
Relâché en mars, au bout de dix mois de détention provisoire après sa deuxième tentative de départ pour la Syrie,
le djihadiste de 19 ans résidait au domicile de ses parents, équipé
d’un bracelet électronique. C’est lors d’une permission de sortie qu’il a
commis la prise d’otages dans l’église de la ville, en banlieue de Rouen, blessant grièvement un homme et tuant l’auxiliaire du curé de la paroisse. Immédiatement, sur les réseaux sociaux, certains se sont empressés d’accuser la justice d’avoir mal travaillé, d’avoir relâché un homme dangereux et, donc, d’être responsable de l’attaque.
Détention provisoire
Dans les accusations, le juge d’application des peines est cité à
plusieurs reprises. Le juge d’application des peines intervient à la
suite d’une condamnation et supervise l’exécution de la peine et ses
modalités. Il peut décider
d’aménager la peine grâce au recours à la surveillance électronique.
Mais dans l’affaire de Saint-Etienne-du-Rouvray, une instruction était
toujours en cours : il n’y avait donc pas encore eu de condamnation, ni
de peine.
C’est donc un juge d’instruction spécialisé dans la lutte antiterroriste qui a été saisi. Le juge d’instruction peut ordonner de placer
en détention provisoire la personne mise en examen le temps de
l’information judiciaire. Ce qui avait été fait à la suite du retour
d’Adel Kermiche de Turquie, d’où il cherchait à passer en Syrie. Cette demande doit être émise auprès du juge des libertés et de la détention, qui accorde ou refuse la demande du juge d’instruction.
La détention provisoire permet de garantir que le mis en examen reste à disposition de la justice, de mettre fin à l’infraction ou encore de préserver l’ordre public. Dans une procédure antiterroriste comme dans toute autre, la détention provisoire n’est pas la règle mais « l’exception » : pour la prononcer, le juge doit prendre en compte plusieurs facteurs, notamment le risque existant à laisser une personne en liberté. Ce dernier point est le plus délicat. Comment évaluer
avec certitude qu’un individu n’enfreindra pas à nouveau la loi, et ne
représentera en aucun cas un danger pour lui-même ou pour autrui ?
Au bout de plusieurs mois de détention provisoire d’Adel Kermiche, le
juge d’instruction a décidé sa remise en liberté. Il l’avait toutefois
assortie de l’obligation du port d’un bracelet électronique, donc
d’horaires de « sortie » de son domicile (une sortie à d’autres horaires déclenchant une alerte).
Décision collective
Y a-t-il eu manquement dans la décision ? C’est ce que pense Manuel Valls aujourd’hui. Le premier ministre a reconnu un « échec », espérant que les dossiers « d’une très grande complexité » seront traités « compte tenu des pratiques de dissimulation très poussées des djihadistes ».
Néanmoins, la décision de sortir
Adel Kermiche de détention provisoire n’a pas été prise définitivement
par un juge seul. Le juge d’instruction peut être le seul décisionnaire
lorsqu’il s’agit de mettre fin à une mise en examen, mais dans le cas de
la détention provisoire, sa prolongation ou sa suspension impliquent
nécessairement le juge des libertés et de la détention.
Pendant les dix mois d’incarcération temporaire, une enquête de personnalité a été menée pour tenter de déterminer
les risques de départ et le niveau de danger de l’accusé. Puis la
décision du juge d’instruction de mettre Adel Kermiche en liberté
surveillée a été prise.
Cette fois également, la décision n’appartenait pas au seul juge
d’instruction. Chacune de ses décisions peut en effet être contestée et
une procédure d’appel peut se mettre en place pour tenter de la modifier
ou de l’annuler. C’est ce qui s’est passé pour Adel Kermiche : le
parquet antiterroriste de Paris a fait appel, estimant peu crédible la « rédemption » de l’accusé.
La chambre de l’instruction spécialisée dans le crime organisé et le
terrorisme de la cour d’appel de Paris a alors étudié le dossier avant
de confirmer
la décision de remise en liberté sous surveillance électronique. Au
total, quatre magistrats ont donc participé à l’analyse du cas d’Adel
Kermiche.
Adel Kermiche, enfant maudit de Saint-Étienne-du-Rouvray
Ville ouvrière, solidaire par son histoire,
Saint-Étienne-du-Rouvray a vu grandir Adel Kermiche un des assassins du
père Hamel. Un gamin « pas méchant mais compliqué », que sa famille,
malgré ses efforts, n’a pu retenir.
Paru dans leJDD Ville ouvrière, solidaire par son histoire, Saint-Étienne-du-Rouvray a vu grandir l’assassin du père Hamel. (Sipa)
Ce fut comme un retour à la vie. L’instant zéro. Mardi, après l’assassinat dans son église du père Jacques Hamel,
l’émotion d’Hubert Wulfranc redonna une lueur d’humanité aux écrans de
télévision. Les épaisses lunettes du maire de Saint-Étienne-du-Rouvray
ne parvenaient pas à masquer ses larmes ; sa grosse moustache gauloise,
les tremblements de sa voix.
La vidéo a fait le tour des médias et des records de « partage » sur
le Net. « Je n’ai pas réfléchi, raconte-t-il dans son bureau, au premier
étage de sa mairie pavoisée de noir. Après toute cette horreur, j’ai
pensé que cela ne devait pas se reproduire et j’ai dit ce qui m’est venu
spontanément. Il faut que l’on soit les derniers à pleurer. »
D’enfant stéphanais à soldat de Daech
Communiste comme son grand-père Jules, qui a accroché en 1936 le drapeau rouge sur la cheminée des Papeteries de la Chapelle, «Il faut que l’on soit les derniers à pleurer» Hubert
Wulfranc a hérité en 2002 d’une ville aux mains du parti depuis plus de
quarante ans. L’idée qu’un jeune de 19 ans, enfant stéphanais comme
lui, se soit transformé en soldat de Daech lui est insupportable. Et
pourtant… Avant de pénétrer mardi vers 9h30 dans l’église du
centre-ville, Adel Kermiche a laissé un enregistrement de son serment
d’allégeance à l’organisation État islamique (EI). C’est lui qui, avec
son complice Abdel Malik Petitjean, a tranché la gorge d’un prêtre de
85 ans célébrant la messe devant trois religieuses et un couple de vieux paroissiens.
Sans la vivacité de sœur Danielle qui s’est échappée pour prévenir, le
carnage aurait été plus grand encore. Les deux tueurs ont été abattus
sur le parvis de l’église par les policiers de la BRI.
Deux jours après le drame, l’hommage aux victimes organisé dans le
parc Youri-Gagarine a rassemblé quelque 3.000 personnes, habitants de
toutes confessions venus en famille. Hubert Wulfranc insiste alors sur
la prochaine rentrée scolaire. Réflexe d’enseignant en lycée
professionnel? « C’est un moment collectif, et puis c’est nos gamins,
tout ça. Chacun doit se demander ce qu’il fait du sien. » Adel Kermiche
aurait pu être dans la classe d’Hubert Wulfranc. Un élève médiocre au
regard du parcours de ses frères et sœurs, l’aînée chirurgienne, une
autre cadre sociale, un frère ingénieur en informatique, le dernier
titulaire d’un bac pro…
Une famille avec un joli parcours
Saint-Étienne n’est pas une petite bourgade et son église,
trompeuse, n’est que le vestige d’une France agricole disparue. Avec ses
28.000 habitants, c’est une banlieue populaire gangrenée par le chômage
des jeunes (45%) et le trafic de drogue. Les grands ensembles y ont
poussé dans les années 1970 comme des champignons sur les anciens
bidonvilles. Les Normands venus de la campagne et les immigrés ont
découvert ensemble les salles de bains et le confort moderne. « De cette
histoire est née une véritable solidarité », raconte Michèle Ernis,
conseillère municipale Ensemble! Saint-Étienne, désormais, c’est un
centre-ville vieillissant et un plateau qui abrite deux quartiers
difficiles dont le Château-Blanc, où a grandi Adel. Après deux plans de
rénovation urbaine, les grandes barres ont été détruites et la ville a
repris forme humaine.
Les Kermiche vivent aujourd’hui dans un petit pavillon mitoyen d’une
rue tranquille. Une famille avec un joli parcours. Le grand-père
maternel, maçon arrivé dans les années 1960, a fait venir sa femme et a
élevé ses enfants en Normandie. Nacera, la mère d’Adel, a élevé ses cinq
enfants tout en s’engageant dans la vie associative, notamment la
Confédération syndicale des familles, proche de la mairie et très
active dans les quartiers. Puis elle a repris des études pour devenir
institutrice. Elle enseigne aujourd’hui dans un lycée professionnel.
Sans les difficultés d’Adel, la vie aurait été paisible…
Selon d’anciens camarades d’école, le garçon a toujours eu des
difficultés psychologiques et aurait bénéficié d’un suivi dès l’enfance.
Sans être un délinquant, il traînait avec des petits voyous de la cité.
« Un gamin pas méchant mais compliqué » «Un gamin pas méchant mais compliqué»,
raconte un voisin. Puis est venue la « radicalisation ». Depuis
deux ans, la famille vit un enfer. Deux fois, il a fallu aller chercher
Adel lorsqu’il a tenté de se rendre en Syrie, en mars et mai 2015. Il
est alors mis en examen et placé en détention provisoire. Selon les
informations publiées par Le Monde,
il partage sa cellule de Fleury-Mérogis avec un Saoudien et fréquente
un jeune Français revenu du djihad. Sa famille accepte de le reprendre à
la maison pendant son aménagement de peine et son placement sous
bracelet électronique. « Elle a demandé de l’aide aux pouvoirs publics
mais n’en a pas trouvé. Elle s’est sentie seule », confie une relation.
Et puis il y a eu l’affaire « Adel Bouaoun », un copain de quartier
parti en Syrie avec les papiers d’Adel. Farid, le père de Bouaoun, a
porté plainte contre Adel, lui reprochant d’avoir « retourné le
cerveau » de son fils. Les Kermiche avaient plutôt le sentiment du
contraire. « Nous avons dû intervenir », explique Mohammed Karabila,
le président de l’association de la mosquée Yahya. « Les Kermiche ne
fréquentaient pas la mosquée, mais nous avions monté une structure pour
suivre les jeunes en risque de radicalisation, alors nous avons suivi le
dossier. » Faute de moyens et de subventions, l’association a renoncé à
cette initiative. Mardi, alors que le quartier était bouclé par la
police, le jeune frère Bouaoun a été interpellé et placé en garde à vue
pour avoir violé le périmètre de sécurité autour de la maison des
Kermiche…
Vendredi, Abdellatif Hmito, l’imam d’Oissel, choisi pour son
érudition et sa maîtrise parfaite du français, a dit le prêche à la
mosquée de Saint-Étienne-du-Rouvray – l’imam remplaçant celui en congés
ne parlant pas le français… Hmito, qui use à volonté de la formule
« liberté, égalité, fraternité », est plus conforme à l’esprit
républicain. Depuis l’assassinat, les représentants de la communauté
musulmane ont multiplié les signes de soutien à leurs frères
catholiques. L’association des musulmans de Saint-Étienne du Rouvray,
qui a accroché l’inscription « Mosquée en deuil », a invité vendredi deux prêtres à venir s’exprimer avant la prière
devant les fidèles. Les familles musulmanes, elles, se sont déplacées
en nombre pour déposer des gerbes et des bougies devant la mairie,
devant l’église et lors de la manifestation du parc Gagarine.
Les lignes bougent
La mosquée Yahya a pu être construite grâce à l’aide des prêtres de
la paroisse, et notamment du père Jacques Hamel. Le terrain qui avait
été acheté ne disposait pas d’accès à la rue. La paroisse a cédé à vil
prix une bande de terrain pour lever le handicap. « Heureusement que les
catholiques étaient là, car la mairie n’a pas été très coopérative »,
raconte l’un des représentants du culte. Une porte, tout un symbole,
relie les deux communautés. Elle n’est restée qu’entre-ouverte pendant
la cérémonie de vendredi, sans que personne ose réellement la pousser.
Les catholiques invités à la mosquée sont restés de leur côté du mur.
Certains déploraient « les femmes voilées de noir » et ces hommes avec
de « si longues barbes ». Les musulmans, sans doute en raison de la
présence des médias, sont venus moins nombreux que d’habitude. La mort
de Jacques Hamel a fait bouger les lignes, mais timidement.
Dans son bureau du centre-ville, Hubert Wulfranc ne cache pas sa
distance vis-à-vis de la religion. Fier de l’élan de fraternité qui
s’est manifesté dans sa ville, il sait sa fragilité. « Il y a avait
plusieurs milliers de personnes dans les rues, mais je sais aussi qu’il
faut s’adresser à tous ceux qui sont restés chez eux, quelles que soient
leurs croyances. » L’élu, s’il a choisi le parti des ouvriers, sait que
celui des religieux se développe très vite. Quand il tracte sur les
marchés, il voit que des femmes se dérobent de plus en plus souvent
lorsqu’il veut les embrasser. « J’ai mes vieilles pierres », explique ce
passionné de préhistoire, « sans doute ma façon à moi de répondre aux
questions que tout homme se pose. »
Marie-Christine Tabet, envoyée spéciale à Saint-Étienne-Du-Rouvray (Seine-Maritime) – Le Journal du Dimanche
À l’approche du 15 août et de la fête de l’Assomption, le ministre de
l’Intérieur a demandé vendredi aux préfets de veiller au renforcement
de la protection des lieux de culte, toutes confessions confondues. Un
document intitulé « Soyez acteurs de votre sécurité » leur a aussi été
envoyé afin qu’ils le transmettent aux représentants locaux de ces
cultes. Ce mémento demande entre autres aux fidèles de « détecter les
comportements ou tenues non adaptés à l’événement, aux lieux ou à
l’environnement » et de « mémoriser tous les détails sur les personnes,
véhicules ou objets » jugés suspects « afin de pouvoir le cas échéant
renseigner et aider les enquêteurs ».
Par ailleurs, Bernard Cazeneuve rappelle aux représentants de l’État
qu’ils ont la possibilité, au regard de l’état d’urgence et de la
sécurité, d’interdire ou de modifier les conditions d’organisation de
tout rassemblement.
Le quartier de l’église Saint-Etienne bouclé, à
Saint-Etienne-du-Rouvray, après l’attaque, le 26 juillet. Photo Marc
Chaumeil pour Libération
Le mineur de 17 ans avait tenté de partir en Syrie en 2015 avec l’un
des deux auteurs de l’attaque jihadiste de Saint-Etienne-du-Rouvray.
Un proche d’Adel Kermiche arrêté à Genève avant l’attentat
Un mineur de 17 ans, qui avait tenté de partir en Syrie en 2015 avec
Adel Kermiche, l’un des deux auteurs de l’attaque jihadiste de
Saint-Etienne-du-Rouvray, a été arrêté à Genève quelques jours avant cet
attentat, après une nouvelle tentative de départ vers ce pays, a-t-on
appris ce samedi de source proche de l’enquête.
Le jeune homme, alors âgé de 15 ans et résidant à Rouen, avait tenté
le 11 mai 2015 de partir en Syrie avec Adel Kermiche, selon cette source
qui confirme une information de La Tribune de Genève.
Ils avaient réussi à gagner la Turquie, via la Suisse, mais un mandat
d’arrêt avait été délivré à leur encontre par la justice française et
ils s’étaient fait refouler du pays. Abdel Kermiche, qui avait déjà
voulu gagner la Syrie via l’Allemagne deux mois plus tôt, avait été
placé en détention provisoire. Son compagnon de route avait lui été
placé sous contrôle judiciaire vu son âge.
«Rien ne montre» sonimplication dans l’attaque
Le 12 juillet, l’ami de Kermiche a retenté, sans ce dernier mais avec
un autre camarade, le voyage vers la Syrie de nouveau via la Suisse,
mais s’est fait interpeller à Genève. Visé par un nouveau mandat d’arrêt
français, il a été remis à la France, mis en examen le 24 juillet, soit
deux jours avant l’attaque de l’église, pour «association de
malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste» et placé en
détention provisoire. Selon La Tribune de Genève, qui dit connaître son identité, il se trouve encore en prison en France.
A ce stade, «rien ne montre qu’il ait une quelconque implication»
dans l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray, dans lequel le père
Jacques Hamel a été égorgé dans son église, a averti la source proche de
l’enquête.
Saint-Etienne-du-Rouvray: qui sont les hommes qui ont influencé Adel Kermiche
03/08/2016 à 07h08
ENQUÊTE RMC – Une semaine après l’attaque de l’église de
Saint-Étienne du Rouvray, RMC a eu accès à la chaîne Telegram du jeune
terroriste. Sur cette chaîne, Adel Kermiche a laissé des dizaines de
messages audio depuis début juin dans lesquels il évoque notamment son
passage en prison, où il a suivi les enseignements d’un prédicateur
mauritanien et de son co-détenu.
Formellement identifié comme l’un des terroristes de l’attentat à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), Adel Kermiche,
19 ans, avait tenté par deux fois en 2015 de gagner la Syrie et avait
été l’objet d’une fiche S. C’est pour ces faits que le jeune homme a
passé près d’un an en détention provisoire à Fleury-Mérogis, de mai 2015 à mars 2016. Plus précisément, Adel Kermiche est sorti de prison le 22 mars. Selon Le Monde,
la juge à l’époque estime que le jeune détenu a pris conscience de ses
erreurs et qu’il est déterminé à entamer des démarches d’insertion.
Et pourtant, selon nos informations, c’est bien en prison que l’idéologie jihadiste d’Adel Kermiche
s’est durcie encore un peu plus. Tout d’abord parce qu’il est placé en
détention à Fleury-Mérogis, l’un des plus grand centre pénitentiaire
d’Europe où sont incarcérés de nombreux Français de retour de Syrie mais
aussi des détenus très radicalisés. Lorsque Adel Kermiche y est
incarcéré, il a tout juste 18 ans. Il s’agit de son premier passage en
prison.
Inspiré par un prédicateur mauritanien
A son arrivée, le jeune homme a toujours les mêmes convictions
radicales. Pour preuve, selon nos informations, en janvier 2016, il
reçoit un nouveau réfrigérateur pour sa cellule. Une livraison qui le
rend furieux car il estime que ce réfrigérateur, déjà utilisé par un
autre détenu, est impropre parce qu’il a notamment contenu du porc.
Furieux Adel Kermiche aurait alors menacé le surveillant pénitentiaire
en lui lançant: « Vous n’êtes pas musulman, vous acceptez les lois des
mécréants, vous allez voir ».
En prison, Adel Kermiche va aussi étudier les enseignements d’un
prédicateur mauritanien bien connu des milieux radicaux. Le jeune homme
en parle très souvent dans des messages audio laissés sur sa chaîne Telegram
(une messagerie cryptée très prisée des jihadistes, ndlr), chaîne
Telegram à laquelle nous avons eu accès. Dans ces messages, on comprend
que le jeune homme voit ce prédicateur mauritanien comme un savant. Il
assure aussi avoir pu lui parler par téléphone à sa sortie de prison.
Plus précisément, Adel Kermiche affirme qu’il l’a appelé plusieurs fois
pour avoir des réponses à des questions. Le prédicateur, qui parle
français, lui aurait répondu à chaque fois et l’aurait donc inspiré.
Le rôle clé de son co-détenu, son « cheikh »
Sur les messages audio laissés sur Telegram, Adel Kermiche parle
aussi de son co-détenu à Fleury-Mérogis. Selon nos informations, il
semblerait que ce soit cet homme de 32 ans qui l’aurait entraîné encore
un peu plus vers l’idéologie jihadiste. Originaire d’Amiens, suivi de
près depuis 2005, il est très connu des services de renseignements,
Après plusieurs séjours en prison, cet homme est un radical. Ainsi,
selon nos informations, en détention, il refuse de parler aux femmes,
menace souvent les surveillants pénitentiaires. Mais selon une note,
« il inquiète bien moins que d’autres ».
Cet homme va partager la cellule d’Adel Kermiche à partir de novembre 2015. Dans les messages audio qu’Adel Kermiche laisse sur Telegram,
il le désigne comme son « cheikh », son « guide », un homme avec qui,
dit-il, « il a la chance de pouvoir étudier chaque jour ». De plus,
toujours selon nos informations, cet homme a organisé des réunions au
cœur de la prison et donné des cours à d’autres détenus, des cours
suivis par des Français revenus de Syrie notamment. Le co-détenu d’Adel
Kermiche est sorti de prison le 18 mars dernier, après quatre mois de
détention provisoire.
Drague et terreur : la vie sans entraves d’Adel Kermiche sur les réseaux sociaux
Adel Kermiche en juillet 2014, huit mois avant sa première tentative de départ vers la Syrie. ( )
Sur les réseaux sociaux, le jeune homme mélangeait les appels au
djihad et la drague virtuelle. Pratiquement jusqu’au jour même de
l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray.
Libéré en mars 2016 et placé sous bracelet électronique après 10 mois de détention, Adel Kermiche avait semble-t-il réussi à convaincre la justice française qu’il avait « pris conscience de ses erreurs » et qu’il était déterminé à entamer des démarches d’insertion », selon « Le Monde« , qui a obtenu les pièces du débat judiciaire.
Pourtant, le jeune homme, moins d’un an après avoir échoué pour la deuxième fois à rejoindre les rangs de l’Etat islamique en Syrie,
était loin d’avoir abandonné le djihadisme. Sur les réseaux sociaux,
publics et cryptés, il continuait de diffuser la propagande du groupe
terroriste… et se distinguait également par son empressement auprès de
la gente féminine.
Sur Telegram, Adel Kermiche évoquait depuis plusieurs semaines son
projet d’attentat et avait appelé, juste avant de passer à l’acte, la
petite communauté de djihadistes qui le suivait à « partager en masse »
les images de l’attaque sanglante de Saint-Etienne-du-Rouvray. Abattu par la BRI de Rouen, il n’a probablement pas réussi à les transmettre.
Al-Baghdadi en photo de profil
Son dernier compte Twitter, accessible à ses seuls abonnés, avait été
ouvert en mai 2016, quelques semaines seulement après sa libération. Et
Adel Kermiche ne semblait pas craindre la surveillance de son activité
par les renseignements français.
Le djihadiste affichait la couleur : une photo d’Abou Bakr
al-Baghdadi lors de sa première apparition publique à Mossoul (Irak) en
juillet 2014 et un drapeau de l’Etat islamique pour illustrer son compte
Twitter. Très loin donc du profil de repenti présenté à la justice
française.
(Plus 48 heures après l’attentat, Twitter n’a toujours pas fermé le compte du terroriste – Capture d’écran « L’Obs »)
« Si tous les kouffars (mécréants, NDLR) étaient à ma portée, je les
égorgerais tous, fussent-ils un milliard », écrit le terroriste sur sa
page, qui mélange discussions personnelles, appels au djihad et images
de propagande de l’Etat islamique.
(Capture d’écran – L’Obs)
Mauvaise réputation
Les seules mentions de son compte sur le réseau social sont pourtant
peu glorieuses pour celui qui avait choisi la kunia – nom de guerre
- »Abu Jayyed al-Hanafi » : quelques recadrages théologiques et une
mise en garde adressée par une internaute à ses « soeurs » contre celui
qu’elle désigne comme un dragueur.
« Les soeurs faites bien attention à vous », avertit la jeune femme.
Selon nos informations, Adel Kermiche avait plutôt mauvaise
réputation. Dans le petit milieu de l’islam radical, il était connu pour
ses demandes en mariage à répétition depuis sa sortie de prison en mars
2016 et pour avoir répudié son épouse très peu de temps après leur
union devant témoins.
Auprès de « L’Obs », une des connaissances d’Adel Kermiche évoque le
comportement « impudique » de l’ex-épouse pour justifier ce divorce
express. « Elle sortait dehors sans voile et parlait aux hommes »,
assure-t-il. En réalité, celui qui rêvait de partir en Syrie était
surtout soupçonné de briser les unions une fois consommées.
« Un mec complètement taré », selon une jeune femme qui affirme à
« l’Obs » avoir été harcelée » par tous les moyens possibles » pendant
près de 5 ans.
Et quelques jours à peine avant l’attentat contre l’église de
Saint-Etienne-du-Rouvray, Adel Kermiche semblait toujours autant occupé
par ses activités de drague virtuelle. Il avait encore envoyé une photo
de lui – que « l’Obs » a pu consulter - à une femme rencontrée dans le
bus.
Adel Kermiche s’y affichait souriant, en tenue de sport, promettant
le mariage à cette quasi inconnue et lui assurant qu’elle était la
« femme de sa vie ». La photo ressemble à celles qu’on trouve sur les
sites de rencontre mais il s’agit bien du visage de celui qui a
participé à l’exécution du prêtre Jacques Hamel, moins d’une semaine
plus tard.
Un autre compte Twitter ouvert sous pseudo en juillet 2014, le
montre, entre autres, posant dans une voiture de luxe. Ces photos
remontent à huit mois seulement avant sa première tentative de départ en
Syrie et n’indiquent aucun signe de radicalisation.
Sur Facebook, il utilisait également différents pseudos comme « Abu
AbdAllah » ou « Adel Ouzou » pour communiquer. Mais seul un ancien
compte non alimenté depuis 2011 subsistait sous le nom d’Adel Kermiche
et affichait plusieurs photos du terroriste, encore jeune adolescent. Le compte a été fermé dans la soirée de mercredi.
« Partagez en masse »
Mais c’est sur la messagerie cryptée Telegram qu’Adel Kermiche avait
annoncé son intention de commettre un attentat. Depuis plusieurs
semaines, le djihadiste détaillait son projet meurtrier dans un groupe
de discussion, suivi par environ 200 personnes, via des enregistrements
audio « aux allures de journal intime de propagande », note « L’Express » qui a eu accès à son contenu.
Le jeune homme se lançait dans de longs monologues de propagande et
vantait notamment les « idées » d’un « guide spirituel » rencontré lors
de son incarcération à Fleury-Mérogis entre mai 2015 et mars 2016.
Le 25 juillet, la veille de l’attaque de
Saint-Etienne-du-Rouvray, Adel Kermiche promettait des »des gros
trucs » et demandait à « tous ses frères et soeurs » de partager le
contenu du groupe de discussion privé qu’il avait créé : »Je vous
préviendrai à l’avance, trois quatre minutes avant et quand le truc
arrivera, il faudra le partager direct. »
Son dernier message est daté du 26 juillet à 8h30 : »Partager ce qui
va suivre », écrit Adel Kermiche sur Telegram. Moins d’une heure plus
tard, lui et son complice Abdel-Malik Petitjean pénètrent dans l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray et assassinent Jacques Hamel avant d’être abattus.
Adel Kermiche (à gauche) et Abdel Malik Petitjean (à
droite), les deux terroristes de l’attentat contre une église de
Saint-Etienne-du-Rouvray, étaient des adeptes de la messagerie cryptée
Telegram.L’Express
La chaîne privée Telegram de l’auteur de l’attentat de
Saint-Etienne-du-Rouvray a subitement émis de nouveaux messages mardi
soir, à 21h51. Les enquêteurs cherchent en parallèle à identifier une
personne « qui aurait eu une influence » sur le projet d’attentat.
[EXCLUSIF] Adel Kermiche, co-auteur de l’attentat à Saint-Etienne-du-Rouvray, a été abattu par les policiers mardi 26 juillet sur le parvis de l’église. Depuis, sa chaîne privée sur l’application chiffrée Telegram, où il avait diffusé de nombreux enregistrements audio et fait part de ses projets morbides, était restée silencieuse.
Mais mardi soir, une semaine après l’attentat, elle s’est remise à
émettre. A 21h51, une personne non-identifiée prend brièvement
possession du canal privé et parvient à publier plusieurs documents, que
L’Express a pu consulter. Les messages ne restent en ligne que dix
minutes avant d’être supprimés.
Un nouveau message audio glaçant
D’abord trois photos: un cliché de Khaled Kelkal,
terroriste islamiste algérien et membre du GIA impliqué dans les
attentats de 1995. Une capture d’écran de la vidéo de revendication d’Adel Kermiche et Abdel Malik Petitjean, l’autre assassin de l’église. Enfin, un portrait de Larossi Aballa, le terroriste qui a tué deux policiers à Magnanville en juin dernier, issu de la vidéo morbide tournée au domicile de ses victimes. Les clichés sont suivis de la mention « Qu’Allah bénisse les lions solitaires ».
Plus troublant encore, un message audio de moins de deux minutes
achève la séquence. Un homme, dont la voix ne correspond pas à celle d’Adel Kermiche, s’exprime dans un français sans accent. Il félicite chaleureusement ses « frères » pour les « opérations » menées en France.
Capture d’écran de la chaine privée Telegram d’Adel
Kermiche, mardi 2 août à 21h51, une semaine après la mort du
terroriste.L’Express
S’il est difficile d’accorder un quelconque crédit au message proféré, son auteur laisse entendre qu’il se trouve en zone de guerre.
« On s’est habitué au sang, on s’est habitué à la guerre, on s’est
habitué à beaucoup de choses », détaille-t-il notamment. L’homme ajoute
qu’ »ici, des soeurs, des enfants et des hommes » se réjouissent des attentats. En fond sonore, un brouhaha de voix de plusieurs autres personnes est perceptible.
Sur la piste d’un complice virtuel
Ces documents posent de nombreuses questions. Car sur une chaîne privée Telegram,
les abonnés sont cantonnés au rôle d’observateurs et ne peuvent en
aucun cas émettre des messages. Seul l’administrateur peut publier –
dans ce cas, Adel Kermiche. A moins que ce dernier ait nommé, avant sa
mort, un ou plusieurs « co-administrateurs ». Autre possibilité: le
tueur pourrait avoir donné les clefs de l’ensemble de son compte
Telegram. Reste à savoir qui a supprimé les messages dix minutes plus
tard et pour quelles raisons.
La réactivation de cette chaîne Telegram confirme en tout cas que Kermiche n’était pas seulement en contact avec Abdel Malik Petitjean,
mais avec une, voire plusieurs personnes. Contactée par L’Express, une
source proche du dossier confirme que les enquêteurs ont mis en
évidence, si ce n’est un commanditaire, au moins un interlocuteur
susceptible d’avoir exercé « une influence réelle dans le passage à l’acte« .
« Cet individu aurait agi de façon 100% virtuelle. Il a été repéré
sur une discussion Telegram extraite de l’ordinateur de Petitjean »,
explique notre source. A ce stade, impossible de savoir s’il s’agit de
l’homme qui s’exprime dans le dernier message audio.
Deux guides spirituels au coeur des enregistrements
Avant sa mort, Adel Kermiche ne cachait pas avoir été influencé par
des guides spirituels. Dans les messages audio de son canal, il
mentionne deux cheikhs. Le premier serait un « savant » mauritanien
connu des milieux djihadistes avec qui il aurait longuement discuté,
notamment par téléphone. « Allah l’a mis sur ma route à un moment où
j’étais assez éprouvé. Quand j’ai des questions, je l’appelle », déclame
le terroriste.
L’autre, raconte Kermiche, était son « co-détenu » et « professeur
particulier » rencontré en prison, comme précédemment indiqué par
L’Express. Selon RMC,
il pourrait s’agir d’un Saoudien de 32 ans, libéré le 18 mars. Quelques
jours après l’attaque de l’église, Adel Kermiche confiait dans l’un de
ses enregistrements avoir « rendu visite à son cheikh », sans qu’on
comprenne lequel.
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