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mercredi 15 avril 2020

Intéressant : l'ancien dealer du Tout-Paris Gérard Fauré balance à tout va...











Il a déjà sorti trois bouquins, le troisième le 22 janvier de cette année 2020, et en promet au moins deux autres s’il n’est pas tué avant.

Il donne aussi avec plaisir des interviews, dont les deux ci-dessus.

A suivre…



https://www.lepoint.fr/societe/gerard-faure-confessions-du-prince-de-la-coke-01-02-2020-2360790_23.php#

Gérard Fauré, confessions du prince de la coke


VIDÉO. Hier trafiquant de drogue et braqueur de banques, Gérard Fauré a fait une douzaine de séjours en prison. Il se raconte aujourd’hui dans un livre. Rencontre.


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Modifié le 30/03/2020 à 23:30 – Publié le 01/02/2020 à 14:55 | Le Point.fr

« On m’a qualifié de prince de la coke. On aurait mieux fait de m’appeler le roi de la cocaïne. » En cette fin janvier, de passage à la rédaction du Point, Gérard Fauré fanfaronne. L’ancien trafiquant de drogue, ex-braqueur, (presque) rangé des voitures, est en verve. En pleine promotion du deuxième volume de ses mémoires*, il sort de l’enregistrement d’une émission de radio où il a donné des sueurs froides à son éditeur en évoquant le nom de quelques-uns de ses anciens clients. Dans quelques jours, il sera l’invité de plusieurs émissions télévisées à grande audience. Pour l’heure, le septuagénaire s’échauffe gentiment en revendiquant la place qu’il estime devoir lui revenir dans le paysage de la pègre des années 80.

Intéressant : l'ancien dealer du Tout-Paris Gérard Fauré balance à tout va... dans Corruption 20000406lpw-20008410-embed-libre-jpg_7013690
Son père était médecin du roi Mohamed V. Le jeune Gérard optera pour une carrière dans le grand banditisme. © DR

Né à Fès, au Maroc, en 1946, d’un père militaire, par ailleurs médecin personnel du roi Mohamed V, et d’une mère berbère, Gérard Fauré a passé plus de dix-huit ans de sa vie en prison (« 14 en France, deux en Hollande, un an en Espagne et une année de plus en Belgique », dénombre-t-il). En octobre 2018, à peine sorti de Fleury-Mérogis, il publiait un premier livre autobiographique où il revendiquait avoir été le « dealer du Tout-Paris ». Citant pêle-mêle, parmi ses clients, les noms de Jacques Chirac, Johnny Hallyday mais aussi de Françoise Sagan et Jean-Edern Hallier, dont il laisse aujourd’hui entendre que la mort dans un accident de vélo, en 1997, serait, en réalité, une élimination pure et simple. L’ouvrage avait trusté les premières places des palmarès de ventes pendant près d’un mois.

Du Maroc à la Costa Brava


Gérard Fauré n’a pas été seulement le fournisseur en coke de la jet-set. « C’est vrai que j’ai aussi été braqueur de banques », confesse-t-il. « Mais c’était pour le compte du Service action civique [le SAC], la milice privée de Charles Pasqua : très peu civique mais toujours prête à l’action », se dédouane-t-il. Demande-t-on des éléments de preuve de ce qu’il avance ? Gérard réplique aussitôt : « Je ne suis pas une gamate. » Un terme d’argot qui désigne à la fois un mauvais chanteur d’opéra et un menteur. « Personne n’a saisi les tribunaux pour le premier tome. C’est sans doute que ce que raconte Gérard est vrai », surenchérit son éditeur Yannick Dehée. En sera-t-il de même cette fois-ci ? « Je peux prouver tout ce que j’avance », affirme l’auteur.

L’homme n’a pas seulement de la gouaille. Il affiche et revendique une forme de baraka. Rien ne semble lui faire peur. Surtout pas la perspective de se retrouver poursuivi en diffamation. Il s’amuse que sa maison d’édition ait été approchée par des producteurs de cinéma. « C’est vrai que ma vie pourrait faire un bon film. Car j’ai commencé très tôt », explique Gérard Fauré dans un sourire. « À 5 ans, je faisais chanter les amis de mon père, menaçant de dévoiler leurs infidélités s’ils n’achetaient pas mon silence. À 8 ans, je déterrais, avec deux amis, les cadavres du cimetière de Essaouira où mes parents avaient déménagé. Je dépouillais les corps de leurs bijoux », poursuit-il. Deux ans plus tard, il commençait la contrebande et faisait commerce de devises étrangères dans les bureaux de changes d’Algésiras. Accro au cannabis dès ses 12 ans, il dit s’être mis à dealer au collège.

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À chacun de ses passages en France, ce proche de Gaëtan Zampa vient saluer sa mère à côté de Versailles. © DR

En 1964, son bac en poche, il quitte le Maroc pour s’installer en Espagne où il ouvre un magasin à Torremolinos, près de Marbella. Dans cette station touristique ont trouvé refuge, quelques années auparavant, plusieurs membres du « gang des Tractions Avant » (une bande de malfaiteurs français qui tire son nom des puissantes automobiles à bord desquelles ils sévissaient, NDLR). Quand on lui demande s’il les a rencontrés, Gérard Fauré élude. À l’époque, le jeune homme tient un bar avec son frère aîné, aujourd’hui décédé, qui deviendra consul de France à Cadix. « Georges n’a jamais rien fait d’illégal », tient-il à préciser. On ne peut pas dire la même chose de Gérard. Il en rigole.

Détentions à gogo


Son premier séjour en prison date de 1970. « À cause d’un quiproquo », assure-t-il. Associé dans un commerce d’habillement à un trafiquant d’armes hollandais d’origine indonésienne dont il jure alors ne rien savoir des activités illicites, il est arrêté pour trafic de cuirs de contrebande. « Deux hommes ont déposé des ballots de cuir dans ma boutique. Je leur ai demandé de les reprendre, mais ils ont filé et, deux minutes après, débarquait la Guardia Civil », se défend-il. Gérard Fauré est incarcéré à la prison de Marbella : « Une taule horrible de 12 places dont les lits étaient creusés à même la roche comme des tombeaux », se rappelle-t-il. Il y est si méchamment frappé par les gardiens qu’il atterrit à l’hôpital. Là, une infirmière qui connaît son père alerte sa famille. « Mon père avait des accointances avec le régime franquiste. Il a débarqué avec un député et m’a fait libérer. »

Rebelote deux ans plus tard. Cette fois, son père ne peut rien pour lui. « C’est un commando du SAC qui m’a libéré en débarquant aux portes de la prison », indique Gérard Fauré, qui décide à ce moment-là de s’installer à Amsterdam. « La Hollande a été mon université du crime », plaisante-t-il. Le jeune homme se met à faire de l’import-export de cocaïne et d’héroïne, sans état d’âme. « Bien sûr, j’aurais pu éviter de fournir tous ces gens qui ne pensaient qu’à nuire à leurs prochains, et qui pour être capables de le faire se bourraient le pif de ma cocaïne ! Mais pour être franc, d’une part, à l’époque je me foutais royalement de ce qui se passait dans ce pays, d’autre part, les fournir en coke ou en cannabis m’apportait une adrénaline exceptionnelle », écrit-il.

Il s’acoquine avec un gang de cambrioleurs. « En 1973, nous avons fait plus de 400 maisons », déclare-t-il sur un ton qui pourrait laisser penser qu’il n’en est pas peu fier. Dans son précédent livre, il expliquait aussi avoir été tueur à gages « à l’occasion », toujours pour le compte du Service action civique.

Sous crack


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À Amsterdam, où il emménage en 1973, il tombe dans le crack. © DR

Gérard Fauré explique être, dans ces années 70, « accro » au crack, un dérivé de cocaïne ultra-concentré qui se fume. « J’ai eu du mal à me défaire de cette saloperie », émet-il. Est-ce en raison des effets stupéfiants de ce « caillou » sur son cerveau que ses souvenirs se brouillent un peu ? Il peine à se rappeler le nombre d’allers-retours qu’il effectue alors entre les Pays-Bas, l’Allemagne, la Suisse et le Maroc. Chaque fois, il fait escale en France où sa mère a refait sa vie avec le fils d’un ancien diplomate français, en poste au Vatican. Il pense que cette étiquette place son beau-père au-dessus de tout soupçon. C’est dans leur maison de Versailles qu’il stocke une partie de sa dangereuse marchandise. Il n’en sera pas moins arrêté une nouvelle fois en 1979, en possession d’une tonne de coke, et passera deux ans à l’ombre. Dès sa sortie, il reprend sa place de « grossiste » sur le marché de la blanche. « Je fournissais alors un certain Gianni qui revendait tout ça dans les boîtes de nuit parisiennes. C’est lui qui passait pour le roi de la coke, mais le titre aurait dû me revenir à moi », émet-il, avec orgueil.Dealeur le jour, il flambe la nuit tombée son argent au casino. « Je menais la grande vie : je dormais dans des palaces, je conduisais de luxueuses voitures et je couchais avec des filles somptueuses. » Fauré se dit alors proche de Gaëtan Zampa, croise Francis le Belge, deux grandes figures du banditisme dans les années 80. « Tous mes amis de l’époque sont morts, de mort violente. Je n’en reviens toujours pas d’être en vie, car j’ai plusieurs fois été pris dans des fusillades », confie-t-il. Ce sont ces années-là qu’il raconte dans son livre. Il explique conduire des « go-fast », effectuant des passages de la frontière à très grande vitesse, à bord d’une Ford Mustang GT, le même modèle que conduit Steve McQueen dans Bullit, ou dans une Mercedes 350L, le coupé au volant duquel Richard Gere apparaît dans American Gigolo. Il écrit avoir réchappé plusieurs fois à des embuscades. Certains épisodes semblent abracadabrants (comme ce chapitre où il explique avoir perdu une barquette de coke dans un champ et avoir réalisé qu’une vache l’avait mangée, s’offrant un trip mémorable). Faut-il vraiment prendre au pied de la lettre toutes ces histoires ? « C’est vrai que certaines peuvent sembler invraisemblables », reconnaît-il, beau joueur. Impossible de recouper ses dires. La plupart des témoins ont disparu. Gérard Fauré parle d’autant plus librement qu’il sait ne pas pouvoir être contredit.

Séducteur invétéré


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Gérard Fauré tombe, pour la première fois, pour trafic de drogue, en 1973. © DR

Un brin vantard, l’ancien trafiquant ne se fait pas prier pour étaler ses conquêtes féminines. Il laisse entendre qu’il aurait partagé la même maîtresse que Jacques Chirac (une journaliste politique en vue) et que c’est par jalousie que l’ancien président l’aurait conduit une nouvelle fois en prison. Son livre alterne d’ailleurs évocations érotiques et scènes d’action. Les deux se mêlant parfois. Comme lorsque l’auteur détaille un épisode étonnant où, pour passer la frontière entre la France et la Belgique, il aurait corrompu les douaniers grâce au service de prostituées. « Le sexe occupe, comme la drogue, une place importante dans ma vie », glisse l’ancien trafiquant. « Mais je ne suis visiblement pas le seul », ajoute-t-il, affirmant détenir les preuves qu’un hôtel, proche des Champs-Élysées, abritait un réseau pédophile qui aurait compté en son sein un ancien ministre de François Mitterrand.

La pédophilie occupe, de fait, une place importante dans son ouvrage. L’ancien truand accuse ainsi, sans le citer, un membre de la famille royale britannique d’avoir sollicité des prostitués mineurs dans un hôtel de Tanger. « Le roi du Maroc avait fait installer des caméras cachées. Buckingham Palace a reçu quelques photos où on pouvait voir ce représentant de la Couronne en pleine action… Quarante-huit heures plus tard, la Grande-Bretagne livrait les officiers qui avaient trouvé refuge à Gibraltar après avoir tenté un coup d’État contre Hassan II, en 1972 », assène l’auteur. Une histoire qu’on jurerait sortie d’un épisode de SAS, d’un autre Gérard… de Villiers.

Naissance d’une vocation


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Gérard Fauré, devenu « dealeur du Tout-Paris », sera à nouveau arrêté à l’été 1986. © DR

En juillet 1986, Gérard Fauré est de nouveau arrêté. « Le Tout-Paris perd son fournisseur de cocaïne », titre France-Soir. « Le pourvoyeur du showbiz est tombé », affiche Le Parisien. Désireux de prouver que ce titre n’est pas usurpé, Gérard Fauré prend bien soin d’égrener, dans son livre, quelques noms de vedettes. On y croise ainsi un Alain Delon particulièrement cynique, un Mick Jagger défoncé, mais aussi le producteur de Grease ou de Saturday Night Fever : Robert Stigwood, porté sur la coke. On y entrevoit Claude Brasseur et Bernard Giraudeau. Gérard Fauré règle ses comptes avec Thierry Ardisson, mais aussi Thierry Le Luron. Mais ceux qu’il abhorre le plus, ce sont les avocats qu’il a fait travailler à chacune de ses (nombreuses) interpellations. « Grâce à ces nuls, j’ai failli prendre presque dix ans pour quelques grammes de drogue. Tous ces bavards étaient plus doués pour me prendre mon fric que pour me sortir du trou », peste-t-il.Durant sa détention à Liancourt, dans l’Oise, le voyou reprend ses études. Il passe un CAP puis un BEP de comptabilité ; s’inscrit en DEUG d’anglais et fait même un stage d’horticulture. Surtout, il se met à écrire et prend goût à coucher sa vie sur le papier. « J’ai au moins quatre livres dans mes tiroirs », confie-t-il. Sorti en 1991, il retombe, quelques mois plus tard. C’est là que son chemin croise celui d’Éric Dupont-Moretti, qu’il égratigne tout particulièrement. « Tout ce qu’il a fait, c’est d’énerver le juge. J’en ai repris pour trois ans, là où je n’aurais pas dû prendre plus de 18 mois », tacle-t-il.

Entre 1997 et 2015, Gérard Fauré sera encore impliqué dans trois affaires, dont un double assassinat et une tentative de meurtre. Deux affaires pour lesquelles il s’explique dans son livre. « J’aurai aussi participé à la mise hors d’état de nuire d’un réseau djihadiste », avance-t-il, sans vouloir en dire plus. « Ce sera le sujet de l’un de ses prochains ouvrages », justifie son éditeur. Aujourd’hui libre et remarié à l’ex-femme d’un ancien grand flic, il vit dans une petite commune des Yvelines où ses deux voisins sont d’anciens directeurs de services centraux de police. « Ils se détestent mais moi je les aime bien », plaisante Gérard Fauré. Le septuagénaire rêve de cosigner, avec l’un d’entre eux, un ouvrage en forme de dialogue. Il en a déjà le titre : Le Loup et l’Agneau. « Devinez qui est l’un et qui est l’autre ? » interroge l’ancien trafiquant. Décidément intarissable.

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Après « Dealer du Tout-Paris », Gérard Fauré poursuit le récit explosif de sa vie et nous plonge dans l’intimité des élites parisiennes qui ont fait de la cocaïne une drogue mondaine et populaire (résumé de l’éditeur). © DR

*Prince de la coke, de Gérard Fauré, Nouveau Monde éditions, 224 pages, 17,90 €.



https://www.liberation.fr/france/2018/10/25/gerard-faure-une-clientele-haut-de-came_1687887

Profil

Gérard Fauré, une clientèle haut de came


Par Renaud Lecadre — 25 octobre 2018 à 21:06
Gérard Fauré, auteur de «Dealer du tout-Paris, le fournisseur des stars parle», à Paris, le 16 octobre. Photo Rémy Artiges pour Libération 

L’ancien dealer et braqueur de banque, qui a croisé la route de Charles Pasqua ou de Johnny Hallyday publie son autobiographie. Son parcours hors norme laisse entrevoir les liens entre politique et voyoucratie.

 

  • Dealer de stars : de Pasqua à Hallyday en passant par Chirac, une clientèle haut de came

Barnum garanti. Aujourd’hui sort en librairie l’autobiographie d’un beau voyou. Gérard Fauré (1), fils d’un médecin militaire, fut un authentique trafiquant de cocaïne, doublé d’un braqueur de banques, et tueur à gages à l’occasion. A ce titre, l’intitulé du bouquin, Dealer du tout-Paris, le fournisseur des stars parle (1), pourrait prêter à confusion. Il n’était pas que cela. Mais comme le souligne son éditeur, Yannick Dehée, «c’est la première fois qu’un voyou parle sur les politiques». Et pas n’importe lesquels : Charles Pasqua et Jacques Chirac.

Un quart du manuscrit initial a été expurgé, des noms ont été initialisés ou anonymisés. Demeure le name-dropping dans le milieu du show-biz, visant des personnalités déjà connues pour leur addiction à la coke. Certains lecteurs s’en délecteront, mais il y a mieux – ou pire : l’interférence entre la politique et la voyoucratie, fournisseuse de services en tous genres. «On entre dans le dur», souligne un spécialiste du secteur.

A lire aussiGérard Fauré : «Pasqua ne pouvait quand même pas se mouiller pour un meurtrier»

Pasqua n’était guère cocaïnomane – «j’en suis sûr», atteste notre lascar – mais l’argent parallèle du secteur a pu l’intéresser… Fauré, précoce dealer au Maroc puis un peu partout ailleurs, raconte avoir été très vite pris en charge, dans les années 70, par l’Organisation de l’armée secrète. Initialement dédiée au maintien de l’Algérie française, l’OAS changera très vite de fusil d’épaule : «opérations homo» (assassinats ciblés) contre des indépendantistes basques ou corses, mais aussi braquages de banques. Le Service d’action civique (SAC) prendra ensuite le relais. Fauré, fort de ses compétences en la matière, met la main à l’ouvrage : «La recette Pasqua consistait à constituer des « mouvements patriotiques », en vérité violents, avec des voyous peu recommandables. Comment les rémunérer ? Tout simplement avec l’argent provenant de gros braquages de banques et de bijouteries, commis en toute impunité. Avec Pasqua, tout était possible, du moins pour les membres du SAC. Patriote, certainement prêt à mourir pour son pays, il gardait en revanche un œil attentif sur les caisses du parti. Moyennant la moitié de nos gains, il nous garantissait l’impunité sur des affaires juteuses et triées sur le volet, sachant exactement là ou il fallait frapper.»

L’auteur narre ainsi sa rencontre avec le politique, qu’il situe en 1978 : «Charles Pasqua donnait de sa voix tonitruante des ordres à tout le personnel, toutes les têtes brûlées de France et de l’Algérie française.» Et de lui lancer : «Alors, c’est toi le mec dont on me vante les mérites ? Bien. Tu vas reprendre du service dès aujourd’hui, avec tes amis, si tu veux bien. J’ai une mission de la plus haute importance, que tu ne peux pas te permettre de refuser, ni de rater. Compris ?»

Backgammon


A l’issue de l’entretien, Gérard Fauré croisera illico le parrain marseillais «Tony» Zampa, qui traînait là par hasard, lequel l’entreprend dans la foulée sur différentes affaires à venir : des investissements dans les casinos et la prostitution aux Pays-Bas. Cas peut-être unique dans les annales de la voyoucratie, il fera parallèlement équipe avec l’illustre Francis Vanverberghe, dit «Francis le Belge», «doté d’un savoir-vivre qui valait bien son savoir-tuer». Il en garde un souvenir mi-épaté mi-amusé : «Zampa ou « le Belge », qui pourtant étaient des gangsters d’envergure internationale, se seraient fait descendre comme des mouches s’ils avaient eu la mauvaise idée de mettre les pieds en Colombie ou au Venezuela, car ils étaient prétentieux.» Pour la petite histoire, il reconstitue leur brouille à propos de… Johnny Hallyday : «Tous les deux voulaient le prendre sous tutelle, pour capter sa fortune ou l’utiliser comme prête-nom. Ils ont fini par s’entre-tuer pour ce motif et quelques autres.» Fauré considérait Johnny comme sa «plus belle prise de guerre» dans le microcosme de la coke. Mais lui gardera un chien de sa chienne après que le chanteur l’a balancé sans vergogne aux Stups, contre sa propre immunité.

Notre voyou prétend n’avoir jamais balancé, lui, du moins jusqu’à ce livre. «Si vous le voulez bien, j’attends votre version des faits s’agissant des deux chèques de M. Chirac rédigés à votre ordre. Je vous invite à bien réfléchir avant de répondre» : sollicitation d’une juge d’instruction parisienne en 1986, hors procès-verbal. Tempête sous un crâne à l’issue de laquelle Gérard Fauré évoquera une dette de jeu au backgammon… Dans son bouquin, l’explication est tout autre – «J’avais dû travestir la vérité.» S’il ne peut attester que l’ex-président prenait de la coke, il évoque son penchant pour les femmes… Pour l’anecdote, les deux chèques en question feront l’objet d’une rapide opposition de leur signataire. «Chirac, dont j’avais admiré la prestance et même les idées politiques, s’est avéré mauvais payeur.»

Hommage


Ce livre-confession est une authentique plongée dans le commerce de la drogue. Notre trafiquant, dix-huit ans de prison au compteur, connaît son produit : «Aucune coke ne ressemble à une autre. Certaines, comme la colombienne, vous donnent envie de danser, de faire l’amour, mais rendent très agressif, parano et méfiant. La bolivienne rend morose, triste, et pousse parfois au suicide. La meilleure est la péruvienne, qui augmente votre tonus, votre joie de vivre et pousse à la méditation, au questionnement. La vénézuélienne a des effets uniquement sur la performance sexuelle. Les autres, brésilienne, chilienne ou surinamienne, ne sont que des pâles copies.» Son mode de transport aussi : dans le ventre d’une chèvre, elle-même logée dans l’estomac d’un boa que les douaniers, à l’aéroport d’arrivée, prendront soin de ne pas réveiller. Puis, une fois le coup du boa connu des gabelous, le ventre d’un nourrisson – une technique brésilienne consistant à empailler un bébé mort pour le maintenir en bon état, et ainsi faire croire qu’il dort au moment de passer la frontière…

Le livre s’achève sur cet hommage indirect à la police française : lors d’une perquisition à son domicile, 10 des 15 kilos de cocaïne disparaissent, tout comme 90 % des 300 000 euros logés dans un tiroir. «Je n’ai pas pensé un seul instant me plaindre de la brigade du quai des Orfèvres, dans la mesure où les vols qu’elle commettait chez moi ne pouvaient qu’alléger ma future condamnation.» 

(1) Nouveau Monde, 224 pp., 17,90 €.

photo Rémy Artiges pour Libération
Renaud Lecadre



https://www.liberation.fr/france/2018/10/25/gerard-faure-pasqua-ne-pouvait-quand-meme-pas-se-mouiller-pour-un-meurtrier_1687888

Gérard Fauré : «Pasqua ne pouvait quand même pas se mouiller pour un meurtrier»


Par Renaud Lecadre — 25 octobre 2018 à 21:06

L’ex-trafiquant Gérard Fauré, qui a passé dix-huit ans derrière les barreaux, multiplie les anecdotes dignes d’un thriller.


  • Gérard Fauré : «Pasqua ne pouvait quand même pas se mouiller pour un meurtrier»

Figure du trafic de drogue, Gérard Fauré raconte ses activités à Paris dans les années 80, où il fournissait de la cocaïne à de nombreuses célébrités.
Vous êtes toujours en vie. C’est de la chance ?
Non, pas de la chance. Mon talent de diplomate, de beau parleur. La parole donnée, la correction avant tout. Un jour, un flic me mettait des coups de Bottin dans la gueule pour une histoire de meurtre. Puis m’a relâché faute de preuve en me disant : «Tu as été correct !» Une autre fois, j’avais deux équipes sur le dos, des Gitans et des Kabyles. Heureusement, les flics m’ont arrêté avant eux… Donc un peu de chance, quand même.

A lire aussiGérard Fauré, une clientèle haut de came
L’OAS vous a également bien protégé…
Ils m’ont sorti de prison en Espagne, mitraillettes à la main.
Charles Pasqua aussi ?
Il avait pas mal de comptes à régler. En échange, il nous donnait des plans d’un braquage, les clés de la banque… Mais ce n’était pas toujours garanti : un jour, on fait un coup, croyant comme des cons que tout était bordé, mais une tripotée de flics nous attendait à la sortie.
Apportait-il une garantie policière ?
Oui et non. Pasqua ne pouvait quand même pas se mouiller pour un meurtrier.
Johnny Hallyday était, selon vous, tenu par le milieu dans les années 80…
J’en suis sûr. «Francis le Belge» me l’a raconté : la bande à Tony Zampa rackettait Johnny. Belge comme lui, Francis va le voir : «Lâche-le !» L’autre : «Jamais !» C’est là que les deux clans sont entrés en guerre, à propos de Johnny Hallyday, même s’il y avait peut-être d’autres raisons.
Renaud Lecadre



https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9rard_Faur%C3%A9

  1. Renaud Lecadre, « Gérard Fauré : Pasqua ne pouvait quand même pas se mouiller pour un meurtrier », Libération « L’ex-trafiquant Gérard Fauré, qui a passé dix-huit ans derrière les barreaux, multiplie les anecdotes dignes d’un thriller »,‎ 25 octobre 2018 (lire en ligne [archive])

 

Références radiophoniques

 

Références vidéographiques

 

Références bibliographiques

  1. Fauré et Perltereau 2018, p. 41, chap 5 « L’Espagne, ma deuxième patrie » : […] Un problème de taille que j’eus avec le général Oufkir. […] Ce dernier, après avoir eu vent d’une liaison que j’entretenais avec sa femme du côté de Marbella [lire en ligne [archive]]

 

Liens externes

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2 commentaires:

  1. Incroyable !
    https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-20-marins-du-charles-de-gaulle-toujours-hospitalises-controverse-sur-l-escale-brest-6809737


    Vous allez bien ?

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