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mercredi 1 avril 2020
Affaire Matzneff : l'ancienne ministre Michèle Barzach complice du pédophile
Hier a été publiée dans le New York Times une interview
de Francesca Gee, seconde victime du pédophile Gabriel Matzneff à sortir
du silence pour livrer son témoignage sur sa relation « cataclysmique »
avec l’écrivain, à lire ici :
Je l’ai déjà évoquée hier dans cet article en soulignant les
relations multiples avec des psychiatres de mes harceleurs pédophiles
manifestement très proches de Gabriel Matzneff :
Ce nouveau témoignage permet d’approfondir la question de toutes les
complicités dont a bénéficié l’écrivain pédophile et pédopornographe.
Incidemment, nous apprenons aussi que les enquêteurs s’y sont déjà intéressés.
Avec les deux nouveaux articles copiés ci-dessous, plus détaillés que
celui d’hier, plus édifiants à propos de ces complicités, je vous
propose ici de retrouver tous ceux de mes articles de blog où j’ai cité
ou commenté cette affaire depuis son émergence dans les médias fin
décembre 2019.
Affaire Matzneff : le témoignage de sa victime Francesca Gee, après 44 ans de silence
Elle avait 15 ans quand elle a rencontré l’écrivain, au début des
années 1970. Le livre de Vanessa Springora l’a encouragée à prendre la
parole. Glaçant.
Le portrait de Francesca Gee, reproduit sans son accord,
sur la couverture d’« Ivre du vin perdu », roman de Gabriel Matzneff
inspiré de sa relation avec la jeune fille.
Avant Vanessa Springora, il y eut Francesca. Francesca Gee. En prenant à son tour la parole dans le « New York Times »,
mardi 31 mars, cette victime de Gabriel Matzneff, retrouve aussi un nom
de famille et son identité propre, après avoir été transformée en
personnage de fiction, enfermée dans les journaux et les romans de
l’écrivain pédophile, aujourd’hui sous le coup d’une enquête
préliminaire « pour viol commis sur la personne d’un mineur de moins de quinze ans ». Son témoignage, qui vient briser un silence de quarante-quatre ans, est crucial.
Cela fait longtemps, très longtemps, que Francesca Gee, 62 ans,
souhaitait s’exprimer, donner enfin sa version des faits. Bien avant que
Vanessa Springora publie « le Consentement », le récit qui a brisé à
jamais l’image de Casanova sulfureux que Matzneff s’était façonnée avec
l’aide d’une intelligentsia émoustillée, Francesca Gee avait écrit un
livre où elle racontait, elle aussi, l’emprise exercée par l’écrivain,
prédateur et non séducteur.
C’était en 2004. Francesca Gee avait soumis son manuscrit à plusieurs
éditeurs, dont Albin Michel et Grasset – l’éditeur de Vanessa
Springora. Mais à l’époque, personne n’avait accepté de le publier.
Matzneff était encore un nom qui comptait, un homme avec son réseau de
fidèles et de complices. Interviewé par le quotidien américain, Thierry
Pfister, alors éditeur chez Albin Michel, qui avait été sensible au
récit de Francesca Gee, se souvient :« A l’époque, Matzneff n’était
pas le vieux monsieur un peu isolé qu’il est aujourd’hui. Il était
encore à Paris avec ses réseaux, ses amitiés. »« On a pris la
décision en disant, on ne va pas croiser le fer avec cette bande. Il y
[avait] plus de coups à prendre que de gains à en tirer. J’ai plaidé sa
cause. Je n’ai pas été suivi. »
En face de cette « bande », comptant notamment des personnalités
influentes comme Philippe Sollers, Francesca ne pesait pas lourd. Son
livre, pourtant, constituait, à n’en pas douter, un témoignage fort. On y
retrouvait, rapporte le « New York Times », des thèmes et un
vocabulaire similaires à ceux utilisés par Vanessa Springora.
Quand « l’affaire Matzneff » a éclaté, début janvier, avec la
parution du « Consentement », les langues ont commencé à se délier. La
rumeur du manuscrit de Francesca Gee a circulé. Nous avions alors
contacté Martine Boutang, éditrice chez Grasset, qui avait eu le texte
entre les mains. Elle nous avait confié que ne pas l’avoir publié
restait l’un de ses plus grands regrets.
« Cataclysme »
Francesca Gee a rencontré Gabriel Matzneff en 1973. Elle avait
15 ans, l’auteur de « l’Archimandrite », 37. Elle est avec sa mère quand
elle fait sa connaissance. L’écrivain est régulièrement invité à la
table des parents de l’adolescente, trop heureux de compter parmi leurs
hôtes un homme jouissant de l’aura du fin lettré. Le père de Francesca,
journaliste britannique basé à Paris et mort en 2014, encourage la
relation de sa fille avec Matzneff.
Celle-ci durera trois ans. Trois ans durant lesquels Gabriel Matzneff
isole Francesca, la coupe de toute vie sociale, et l’attend tous les
jours à la sortie du lycée. Un enquêteur, qui travaille sur l’affaire
Matzneff et qui a entendu Francesca Gee, a qualifié cette relation de « prise d’otage ». Elle, elle parle d’un « cataclysme » qui
a changé le cours de son existence. Mais pendant longtemps, aveuglée et
manipulée, elle a cru qu’il s’agissait d’une histoire d’amour.
Matzneff, comme il le fera plus tard avec Vanessa Springora, et avec
de nombreuses proies, a poussé Francesca à entretenir avec lui une
correspondance amoureuse. C’était un piège. Il se servira plus tard de
ces lettres, notamment dans « les Passions schismatiques » (1977), pour
prouver que les sentiments étaient réciproques et que la jeune fille
était consentante. Pour, en somme, justifier la pédophilie.
Michèle Barzach, une gynécologue très conciliante
Très vite, après avoir mis Francesca dans son lit, l’écrivain la
couche dans ses livres. Son pamphlet pédophile publié en 1974, « les
Moins de seize ans », est dédié à la jeune fille. Dans la préface à la
réédition de 1994, il parle de leur « amour fou ». Et dans celle de 2005, il s’abrite encore derrière son nom pour se défendre d’être un « violeur d’enfants ». Il reproduit ses lettres en précisant, avec perversité : « Les
lettres de la petite fille m’ont été écrites par l’adolescente de
quinze ans à qui ce livre est dédié. Il n’y a pas un mot qui ne soit
d’elle. »
Ces lettres, Francesca Gee les a bien écrites, mais estime qu’elles lui ont été « extorquées ».
Ce que nous disait aussi Vanessa Springora, précisant que cela
participait de la dépossession d’identité. Tout comme le processus
consistant à enfermer les adolescentes dans une fiction, celle du grand
amour, que Matzneff fantasme dans ses livres. Il consacre ainsi à
Francesca « la Passion Francesca », des poèmes, et un roman, « Ivre du
vin perdu », qui paraît en 1981, à La Table ronde.
Francesca y devient Angiolina. Sur la couverture de l’édition de
poche, qui sort deux ans plus tard, figure le visage de Francesca. Et
dans le livre, certaines de ses lettres encore. Le portrait, comme les
lettres, a été reproduit sans le consentement de Francesca. Cela fait
dix ans qu’elle a rompu avec lui, mais elle est toujours sa prisonnière.
En 1991, Matzneff publie le tome de son journal qui couvre les années
de son histoire avec la jeune fille : « Elie et Phaéton ». Il raconte
notamment les visites chez une gynécologue très conciliante qui prescrit
la pilule à Francesca :
« Michèle Barzach est une jeune femme douce, jolie, attentive,
qui à aucun moment n’a cru devoir faire la morale à ce monsieur de
trente-sept ans et à sa maîtresse de quinze. Elle a, je pense, tout de
suite compris que nous formons un vrai couple, que nous nous aimons. »Il
s’agit bien de Michèle Barzach, future ministre de la Santé et
présidente de la branche française de l’Unicef, l’agence des Nations
unies pour la protection de l’enfance. Après Francesca, Gabriel Matzneff
continuera de lui envoyer les jeunes mineures qu’il fréquente. Il
continuera également à poursuivre longtemps Francesca, en lui écrivant
et en l’évoquant dans ses livres, y compris dans le dernier, paru en
novembre.
Longtemps journaliste, Francesca Gee vit désormais dans le sud de la
France. Elle travaille à un nouveau livre sur Gabriel Matzneff. Quand
nous avions rencontré Vanessa Springora, voici ce qu’elle nous avait
dit :
« Il paraît que Francesca, autre jeune fille séduite par Matzneff
quand elle avait quinze ans, aurait aussi envisagé d’écrire un livre.
J’ai appris ça et j’en ai été bouleversée. Matzneff avait publié des
photos d’elle sur son site qu’elle a réussi à faire retirer. A priori,
elle ne garde pas un meilleur souvenir de lui que moi. Ça me toucherait
beaucoup de parler avec elle. »Francesca comme Vanessa ont
aujourd’hui la parole. Mais les faits qu’elles relatent sont prescrits.
La police a lancé, en février, un appel à témoignages, espérant que d’autres voix se fassent entendre.
Ministre de la Santé et de la Famille sous Jacques Chirac de
1986 à 1988, Michèle Barzach pourrait bien être entendue dans le cadre
de l’enquête ouverte à l’encontre de l’écrivain pédophile : médecin
gynécologue, elle n’était pas regardante pour prescrire la pilule aux
conquêtes mineures de Gabriel Matzneff.
Du début des années 1970 jusqu’à son entrée au gouvernement, Michèle Barzach exerce comme gynécologue dans le XVe
arrondissement de Paris. A son entrée au gouvernement, celle qui a fait
ses premières armes en politique comme conseiller d’arrondissement puis
adjointe au maire du XVe grâce à la protection que lui prodigue déjà
Jacques Chirac – il l’a même propulsée déléguée nationale du RPR aux
affaires sociales – est présentée par le journal Le Monde comme « modérément libérale ».
Dans le contexte de l’époque, cela veut dire qu’elle « modérément de
droite ». Elle le prouvera d’ailleurs assez vite puisque, quelques
semaines après sa nomination, elle s’opposera à l’arrêt du remboursement
de l’avortement par la Sécurité sociale, souhaité par la nouvelle
majorité RPR-UDF. Le docteur Bernard Savy, député RPR de la Nièvre, a
même déposé un amendement en ce sens. Elle explique alors à l’Assemblée
qu’il est important de « conserver un dispositif permettant de ne priver
aucune femme de la possibilité de choisir l’IVG pour insuffisance de
ressources », même s’il faut aider les femmes à ne pas recourir à
l’avortement, en développant l’information sur la contraception.
Depuis la loi Neuwirth (1973), la vente de produits contraceptifs est
autorisée mais leur délivrance aux mineures restera soumise à
autorisation parentale jusqu’en 1974, date à laquelle la ministre de la
Santé Simone Veil lèvera cette obligation et accordera aux mineures le
droit à l’anonymat. Or les policiers de l’Office central de répression
des violences aux personnes (OCRVP), agissant dans le cadre de l’enquête
ouverte par le parquet de Paris à la suite des accusations portées
contre Gabriel Matzneff par l’éditrice Vanessa Springora dans le livre Le Consentement
(Grasset), sont tombés à plusieurs reprises sur le nom de Michèle
Barzach à une époque où, si on en croit ce qu’il a écrit, elle était le
témoin privilégié, pour ne pas la complice, de ses agissements.
Ainsi que l’a confié au Journal du dimanche l’éditeur
Antoine Gallimard, qui a retiré de la vente tous les ouvrages de
Matzneff (ainsi que l’ont fait la plupart de ses autres éditeurs), « on
nous a demandé par écrit que l’on adresse à l’OCRVP un exemplaire de
chaque volume du Journal de Gabriel Matzneff ». La même requête
a été effectuée auprès de ses autres maisons d’édition, dont La Table
ronde. Et la lecture de ses journaux intimes et néanmoins publics a
commencé : une quinzaine de tomes publiés entre 1976 et 2019 et ne
cachant pas grand-chose de sa vie privée, détaillée au jour le jour (et
parfois heure par heure !), de 1953 à 2018, soit sur une durée de
soixante-cinq ans !
Elie et Phaéton (La Table ronde) couvre la période 1970-1973. Le 11 août 1973, veille de son 37e
anniversaire, il tombe, au quartier Latin, sur une vieille connaissance
– enfin, vieille, façon de parler –, « accompagnée d’une jolie
adolescente de quinze ans, sa fille, Francesca » : « Cette rencontre
m’émeut et me trouble. » Quatre jours plus tard, il dîne chez elles.
« Je suis sous le charme de cette céleste de quinze ans », écrit-il,
ajoutant ceci, qui en dit beaucoup sur la véritable nature de ses
attirances : « Je lui trouve une ressemblance avec Erik Pyrieff, le
gamin qui joue le rôle d’Ivan enfant dans la deuxième partie d’Ivan le Terrible
d’Eisenstein : visage ovale, grands yeux de velours, nez fin, lèvres
gonflées, sensuelles. » Quand le film a été tourné, Pyrieff (ou Pyriev)
avait treize ans…
Quoi qu’il en soit, et qui relève de la psychanalyse, Francesca passe
bientôt de la table maternelle au lit de Matzneff. Mais si elle tombe
enceinte ? Si elle était déjà tombée enceinte ? Nous sommes le
9 novembre et Matzneff s’en inquiète : « J’achète un truc à la pharmacie
pour savoir si on attend un bébé ou non. Francesca sèche l’école, vient
chez moi faire le test. Ouf ! c’est négatif. Toutefois, il faut que
nous trouvions un gynécologue qui accepte de lui prescrire la pilule
sans prévenir sa mère. Si nous tombons sur un médecin réac, hyper-catho,
c’est fichu. »
Oui mais où et comment dénicher ce toubib pas bégueule ? Pour
Matzneff, qui fréquente le Tout-Paris, quatre jours vont suffire pour
trouver la perle rare et obtenir un rendez-vous. Il a fallu une
entremetteuse, il en donne le nom : Juliette Boisriveaud. Aujourd’hui,
il faut avoir été féministe dans les années 1970 pour savoir de qui il
s’agit. En novembre 1973, lorsque Gabriel Matzneff fait appel à son
carnet d’adresses, Juliette Boisriveaud a 41 ans « et un CV déjà long
comme le combat des femmes vers l’émancipation », dixit Libération, et, journaliste à Paris Match, elle travaille au lancement, le mois suivant, du journal dont elle va être la rédactrice en chef, Cosmopolitan.
A la date du 13 novembre 1973, Matzneff peut ainsi écrire : « Je
crois qu’aujourd’hui, chez la gynéco, Francesca a pris la pleine mesure
de mon amour, qu’elle a éprouvé que je me sens responsable d’elle, que
je l’aime vraiment, et pas qu’au lit. C’est grâce à Juliette Boisriveaud
que nous avons eu ce rendez-vous chez le docteur Michèle Barzach. Nous y
sommes allés avec la crainte d’être critiqués, sermonnés, aussi
avons-nous été très agréablement surpris. Michèle Barzach est une jeune
femme douce, jolie, attentive, qui à aucun moment n’a cru devoir faire
la morale à ce monsieur de trente-sept ans et à sa maîtresse de quinze.
Elle a, je pense, tout de suite compris que nous formons un vrai couple,
que nous nous aimons. »
Nous avons vérifié : la Michèle Barzach qui est désignée à la page 378 d’Elie et Phaéton
par Matzneff n’est pas un homonyme. Juliette Boisriveaud et Michèle
Barzach étaient amies. Et du même camp. La première a publié des textes
de la deuxième dans Cosmo. Elle lui a même présenté son mari,
Jean-Pierre Renard. Quelques années et deux enfants plus tard, l’époux
de Juliette ne l’était plus : il était devenu celui de Michèle.
Nous avons – et les enquêteurs de l’OCRVP ont – épluché les journaux
de l’écrivain. Après cette première consultation qui l’a pleinement
satisfait, Michèle Barzach va devenir en quelque sorte la gynéco
attitrée de Matzneff. On en trouve un autre exemple, mais ce n’est pas
le seul, dans Les Soleils révolus (1979-1982) (Gallimard).
« Hier, mardi 3 juillet 1979, raconte-t-il, Marie-Elisabeth, seize ans,
est devenue ma maîtresse. […] Tout l’après-midi, donc, nous nous sommes
aimés, délicieusement […] Elle m’a permis […] et, lorsque je m’apprêtais
à la pénétrer, elle m’a seulement rappelé dans un murmure (elle
tremblait de tous ses membres) qu’elle ne prenait pas la pilule. Je lui
ai donc fait l’amour. J’ai été très progressif, très doux. Pour moi,
cela a été enchanteur ; pour elle aussi, je crois. »
Il croit ? Deux jours plus tard, elle a surtout « très peur d’avoir
un bébé Matzneff ! » Il lui répond qu’il a « fait attention »… Il
n’empêche que l’inquiétude grandit. Le 6 septembre, il accompagnera
Marie-Elisabeth chez le docteur Barzach. Cette fois, il restera dans la
salle d’attente. Marie-Elisabeth ressortira du cabinet « radieuse » :
« Le bébé Matzneff était une fausse alerte. »
Dans Un galop d’enfer (La Table ronde), son journal des
années 1977-1978, Gabriel Matzneff fait cet aveu : « Mon Dieu ! quand je
compare le désir raisonnable que m’inspire une belle jeune femme telle
que Véronique au bouleversement absolu qu’une jolie jeune fille de
quinze ans comme Marie-Elisabeth opère en moi, il me fait bien l’avouer
que, quoi que j’en aie parfois, je suis foncièrement, et
irrémédiablement, pédophile. »
Michèle Barzach, qui était aussi psychanalyste, ne s’en était-elle pas aperçue ? En juin 2012, on pouvait lire dans Le Quotidien du médecin :
« Médecin gynécologue, psychanalyste et ministre de la santé et de la
famille du deuxième gouvernement Chirac, Michèle Barzach a été élue à la
présidence de l’Unicef France. » La nouvelle présidente avait déclaré :
« Dans la continuité de ma vie consacrée aux femmes et aux enfants, je
servirai avec conviction et enthousiasme la stratégie de l’Unicef fondée
sur la notion d’équité, pour permettre l’accès des plus vulnérables aux
droits fondamentaux que sont la santé, la nutrition, l’éducation et la
protection. » Son mandat s’est achevé en juin 2015.
Journaliste indépendant, Bruno Larebière collabore à divers titres de
la presse parisienne, dont le mensuel L’Incorrect dont il dirige les
pages politiques. Auteur d’une vingtaine d’ouvrages, la plupart en tant
que « prête-plume », il exerce aussi l’activité de conseiller en
communication.
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