Rappelons ici qu'en hôpital psychiatrique, les abuseurs n'ont même pas besoin de s'embêter à mettre leurs proies sous emprise, puisqu'elles y sont de toute façon enfermées sans plus aucun droit et s'y trouvent donc totalement et entièrement à leur merci, à tout instant, et de surcroît toujours contraintes d'avaler toutes sortes de drogues comme celles du viol, faute de quoi elles reçoivent ces psychotropes de force par injection, toujours avec des violences et humiliations injustifiées, les femmes, même les plus petites et menues incapables de toute agressivité et toute résistance physique, étant par exemple entièrement déshabillées par ou devant toute une équipe de mâles appelés en renfort pour l'occasion.
D'où, non seulement de nombreux viols, mais également le développement d'activités de proxénétisme au sein des hôpitaux psychiatriques, comme ce fut le cas à Brest ou à Bohars (CHU de Brest) au moins sous la direction du dénommé Christian Barthes, en collaboration avec des psychiatres comme Michel Walter et Jean-Yves Cozic, dans les années 1990.
Emprise et agressions par un psy: les mécanismes de la domination
La personne qui soigne a toutes les cartes en main pour installer une relation de domination dont elle peut ensuite tirer profit à sa guise.
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Il y aurait trente-sept fois plus de risques d'être victime de viol de la part de son psychiatre ou psychologue que dans des situations de la vie quotidienne. Ce chiffre effarant, qui provient des États-Unis, trouve un certain écho dans différentes affaires dévoilées en France, au cours de ces dernières années, dans le milieu du soin en santé mentale. Le contexte du soin psychique est-il particulièrement propice aux abus et aux situations d'emprise? Très certainement, notamment du fait d'une relation asymétrique, mais aussi en raison des compétences particulières du psy et de la vulnérabilité des patients.
Le 26 novembre dernier, la presse s'est fait écho de la radiation d'un psychiatre normand accusé de viol par trois de ses patientes. Jean-Baptiste Alexanian s'était fait connaître par sa chaîne YouTube «Fou de Normandie» et ses prises de position sur Twitter. Les témoignages des victimes lus dans la presse attestent de relations d'emprise ayant permis des agressions sexuelles: une des plaignantes dit avoir été victime de viols répétés au sein du cabinet du psychiatre.
Une autre, mère de famille, «a rencontré le psychiatre alors qu'il commence à suivre son fils en 2016 et n'entame avec elle des séances. Les deux adultes communiquent ensuite sur Messenger et Telegram et, dans une “situation d'emprise” selon les termes de l'Agence régionale de santé, la patiente lui rend visite au cabinet vers 23h00 une nuit de 2018. Jean-Baptiste Alexanian lui propose sur place un “contrat de soumission” sexuelle, “imprimé sur des feuilles”. Devant son insistance, elle se voit dans l'obligation de lui faire une fellation.» Une autre femme témoigne également de «faits sexuels sous contrainte et [de] chantage affectif».
Un terrain fertile
Dès l'annonce de sa suspension, un groupe de soutien au psychiatre s'est constitué sur Facebook à l'initiative de patients, puis un autre créé par un patient expliquant son sentiment d'abandon à la suite de la radiation d'Alexanian, ce qui témoigne d'une certaine relation de dépendance. De son côté, l'individu s'est reconverti en coach en santé mentale autoproclamé sur OnlyFans, où il prodigue ses conseils à ses abonnés pour 5 dollars par mois lors de lives hebdomadaires. Durant ces sessions, la désinformation sur la santé mentale, la nutrition ou le Covid-19 (dont il affirme que ce n'est pas un enjeu de santé publique) va bon train, d'après les enregistrements que nous avons pu nous procurer.
Si le cas de Jean-Baptiste Alexanian n'est malheureusement qu'un exemple parmi d'autres, il constitue une porte d'entrée vers une problématique qui existe en psychiatrie: l'instauration d'une relation d'emprise par la personne qui soigne sur la personne soignée, ce qui crée un climat propice à la manipulation et aux abus.
Cet aspect de désinformation est un point intéressant pour appréhender l'entrée dans l'emprise, notamment lorsqu'elle est le fait d'une personne détentrice de l'autorité comme c'est le cas d'un psychiatre. C'est ce qu'explique Pascale Jamoulle, docteure en anthropologie, assistante sociale et autrice de Je n'existais plus – Les mondes de l'emprise et de la déprise: «La désinformation est une manière de faire rentrer l'autre dans l'emprise. La désinformation, qui sera aussi appelée “lavage de cerveau”, permet de construire des systèmes de pensée en dehors des valeurs dans laquelle la personne vivait auparavant.»
Pour l'anthropologue, il se crée un «dispositif de maître à élève, sans contre-pouvoir, qui noyaute la pensée» et participe à faire disparaître la subjectivité de la victime. Les schémas et mécanismes de l'emprise sont souvent similaires, qu'il s'agisse d'une relation familiale, de couple, de soin ou de travail: «Les manipulateurs et abuseurs ne sont pas très imaginatifs», explique t-elle. «En général, les victimes se retrouvent prises dans un système nodal avec des liens qui se serrent et se desserrent, permettant l'emprise et la déprise et faisant que l'emprise peut avoir différents degrés.»
Les leviers de la domination
Pascale Jamoulle décrit la situation d'emprise comme une relation qui dépossède la personne de son corps, de sa vitalité, de sa capacité de pensée et de sa parole: «Les personnes deviennent l'objet de l'autre, elles sont comme vides, dépossédées de leur “moi”.» Ce qui laisse inexorablement la porte ouverte à des agressions et violences sexuelles.
L'anthropologue note enfin que si les victimes présentent souvent un terreau favorable à l'emprise (genre, exil, historique d'agressions...), «les abuseurs et prédateurs ont la faculté de déployer une aura d'autorité tout en répondant à des besoins chez leur victime». Ceci induit une relation de dépendance affective, mêlée de peur et d'une sorte d'amour fou pour son bourreau.
Une fois posées ces généralités sur l'emprise, il nous faut comprendre les spécificités liées à la relation thérapeutique en psychiatrie et en psychologie.
Pierre Bordaberry, docteur en psychologie et psychothérapeute, créateur de la chaîne PsykoCouac, explique que «l'emprise exercée par un psy commence souvent par la dépendance. De manière générale, le patient a besoin du psy pour aller mieux. Mais, si certains soignants cherchent à développer l'autonomie de leurs patients, d'autres cherchent au contraire à instaurer une dépendance: le patient se retrouve dans une situation où il va accepter des choses comme des relations sexuelles non réellement consenties pour ne pas perdre la relation.» On rappelle en effet que céder n'est pas consentir.
Outre la dépendance, d'autres biais interviennent dans la relation de soin, rendant possible manipulations et agressions: «Non seulement le psy est une figure d'autorité, puisque lorsqu'il demande quelque chose, la personne est censée se soumettre, mais il sait aussi exactement sur quoi jouer pour obtenir ce qu'il veut. Il peut également jouer la carte du sauveur à qui on ne peut rien refuser, pour lequel on doit se sacrifier», explique le psychologue. «Un autre levier de la domination est de rabaisser l'estime de soi de sa victime, laquelle va être amenée à penser que tout est de sa faute.»
Et d'ajouter: «Un psychiatre a “sous la main” des personnes vulnérables qu'il est plus facile de mettre sous emprise.» C'est d'autant plus vrai lorsque le patient est isolé et qu'il trouve une forme de réconfort dans la relation: il accepte alors des choses horribles par peur de se retrouver seul. «Les patients acceptent, rationalisent, se sentent coincés. Et comme cette emprise suscite de la honte, ils n'arrivent pas à en parler et s'isolent davantage», complète Pierre Bordaberry.
Fuir pour se sauver
L'ensemble forme un véritable cercle vicieux dont les victimes ne sortent pas indemnes: «Les dégâts sont considérables. L'état psychique de la victime s'aggrave incontestablement, avec hospitalisations et risques de suicide. Elle éprouve des sentiments comparables à ceux éprouvés par des enfants victimes d'inceste», signale le psychologue.
Alors, si bien sûr, la totale responsabilité et culpabilité incombe au psychiatre prédateur, il est important de connaître les éléments alarmants qui doivent inviter à sortir de la relation avant que l'emprise ne soit trop forte. Pierre Bordaberry met ainsi en garde contre toute forme de rapprochement physique qui n'a pas lieu d'être, et contre les professionnels qui auraient tendance à confondre vie professionnelle et vie privée auprès de leurs patients.
«Il convient aussi de fuir dès lors que l'on est amené à ressentir un sentiment de honte dans la relation, explique le docteur. C'est souvent le signe que le soignant essaie de nous soumettre.» Il invite enfin à être particulièrement vigilant dès lors que le psy parle de sexe de manière inappropriée ou injustifiée –par exemple quand vous le consultez pour quelque chose qui n'a rien à voir directement.
Enfin, comme le rappelle Pascale Jamoulle, l'emprise n'est pas une donnée absolue, instaurée une fois pour toutes. La déprise est possible à bien des égards, et une personne sous emprise, à laquelle la subjectivité a été confisquée par un prédateur, peut tout à fait se défaire de ses chaînes et revivre.
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