En 2009, lors du premier procès des assassins de ce dernier à la cour d’assises de Quimper, j’avais publié sur Le Post toute une série d’articles à ce sujet. Pascal Edouard Cyprien Luraghi venait quotidiennement « commenter » ces publications à sa manière, c’est-à-dire qu’il me harcelait sur ce média comme précédemment sur le site Rue89 avec ses amis « déconnologues ».
Après la suppression de mon compte sur le Post fin février 2010, et la disparition subséquente de tous ces articles, l’un d’eux avait été republié par la Rédaction du Post en date du 17 avril 2010. Les réactions toujours présentes à ce jour à la suite de cet article initialement publié le 16 octobre 2009 ne reflètent pas la réalité de toutes les discussions à l’époque des faits, car il en manque une bonne partie, et notamment mes réponses aux accusations calomnieuses du psychopathe et cyberdélinquant Cyprien Luraghi, signant toutes ses interventions de son petit nom habituel de « Cyp ». En particulier, il est totalement faux que j’aie pu traiter quiconque de « pédophile ».
Rappelons qu’à cette époque il m’avait aussi menacée de représailles violentes de la part des amis gangsters de celui qu’il présentait partout mensongèrement comme son « ex beau-frère », l’ancien braqueur de banques Thierry Chatbi, décédé en 2006, sous prétexte que j’avais évoqué dans une première version de cet article d’octobre 2009 ses commentaires le concernant sur le site Rue89, où il se plaisait à intimider les personnes qu’il harcelait en étalant toutes ses relations dans le grand banditisme.
Il a toujours continué à activer ces relations et m’en menacer au cours des années suivantes.
http://tempsreel.nouvelobs.com/charlie-hebdo/20150113.OBS9836/amedy-coulibaly-et-hayat-boumeddiene-du-braquage-au-carnage.html
Amedy Coulibaly et Hayat Boumeddiene : du braquage au carnage
Condamné à de nombreuses reprises pour des faits de banditisme, le tueur de Vincennes a été « recruté » lors d’un séjour en prison. Quel rôle a joué sa compagne, enfuie en Syrie ?
Ce matin-là, dès que les premiers coups de feu retentissent porte de Châtillon, Maimouna publie sur son compte Twitter :
Quelques minutes plus tard, cette habitante de Montrouge donne des précisions : « Des sirènes à n’en plus finir, routes barrées. Ça s’est passé sur Pierre-Brossolette… C’est à la limite de Malakoff et Montrouge à 400 mètres de la porte de Châtillon ».
La veille, à la suite de l’attentat contre Charlie Hebdo, cette danseuse professionnelle réputée, toujours vêtue de rouge et spécialiste de la Booty Therapy, chorégraphe et auteur d’un spectacle sur son enfance « Hee Mariamou » joué de Paris à San Francisco, avait modifié sa photo de profil pour un cliché d’elle en Marianne black, bustier tricolore et bonnet phrygien sur la tête en signe de solidarité.
L’ancienne animatrice de Trace TV, vue également sur les plateaux du « Grand Journal » et de « La France a un incroyable talent », avait aussi maintenu son cours de danse prévu le soir même : « Je refuse de m’arrêter de vivre suite à ce massacre immonde !, écrit-elle sur Facebook. J’invite toutes les personnes qui veulent se défouler, libérer leurs tensions, exprimer leur tristesse ou haine naissante à venir nous rejoindre ! A transformer toute cette tristesse, colère en force pour ne pas sombrer. »
A ce moment, Maimouna ne sait pas encore que le tireur de Montrouge, l’autoproclamé soldat du califat, celui qui vient de semer la panique dans sa rue en tuant une policière municipale et qui tuera le lendemain quatre autres personnes dans l’Hyper Cacher de Vincennes, est son propre frère, Amedy. Contactée par « l’Obs », la danseuse âgée de 39 ans et mère de famille n’a pas souhaité s’exprimer. Amedy, Maimouna, une même famille, sept ans d’écart, deux parcours aux antipodes.
Amedy Coulibaly voit le jour le 27 février 1982 à Juvisy. Il est le septième enfant et le seul garçon au sein de cette fratrie de dix enfants.
Construite à la fin des années 1960, la cité imaginée par l’architecte Emile Aillaud se voulait originellement à taille humaine et à visée utopique : petits immeubles aux formes sinusoïdales, espaces verts, voies piétonnières, nombreuses places pour donner un esprit « village ». Quelques années plus tard, l’utopie architecturale va se fracasser sur d’autres courbes : celles des crises économiques à répétition et du chômage de masse, de la hausse de la délinquance et de la communautarisation croissante de la société française.
(Une allée de la cité de la Grande Borne à Grigny, en juillet 2002. Située à 25 kilomètres de Paris, Grigny abrite deux cités dites « sensibles », la Grande Borne et Grigny 2. A la fin des années 60, Grigny n’était qu’un village de 3.000 habitants qui est devenu en l’espace de six années et après la construction de ces deux cités HLM une ville de 26.000 habitants. Crédit : Mehdi Hafi/AFP Photo)
Si la Grande Borne fait parler d’elle aujourd’hui, c’est pour ses trafics, ses accès de fièvre, son taux de chômage qui atteint 40% chez les jeunes, ses revenus fiscaux qui atteignent, en moyenne, 8.000 euros par foyer et par an. Le basculement s’est amorcé dans les années 1980. C’est dans cet environnement à la renverse que commence à grandir Amedy Coulibaly.
Les parents fréquentent les différentes associations maliennes. Ce sont des gens simples mais dont la vie ne l’est pas toujours. Ouvrier, le père travaille dur. Mère au foyer, son épouse se rend tous les vendredis à la Laverie, un appartement du quartier équipé de machines à laver et de fers à repasser où les femmes se retrouvent entre elles pour parfaire leur français, discuter et s’informer. Ancrés dans les traditions de leur pays natal, ces parents se heurtent aux velléités d’émancipation de leurs enfants.
Le jour de son mariage, une union arrangée par la famille, la sœur aînée s’enfuit en Angleterre. L’épisode incitera les parents à ne plus renouveler l’expérience. Maimouna, de son côté, choisit la section théâtre de son lycée. Adolescent, Amedy, ancien gamin « frêle » et « mignon », selon des proches, ne parvient pas, lui, à trouver sa voie.
Mauvaises rencontres, appât du gain, besoin d’exister. Titulaire d’un BEP d’installateur conseil en audiovisuel électronique, Amedy délaisse peu à peu les bancs du lycée pour emprunter les chemins de la délinquance. Il y monte vite en graine. A cette période, la mort de son ami, Ali Rezgui, un voleur de moto abattu de plusieurs balles en 2000 par un gardien de la paix l’aurait profondément marqué.
Le 29 août 2001, il est condamné pour la première fois à trois ans de prison avec deux ans de mise à l’épreuve pour un vol aggravé commis en mai 2000. Il n’a pas encore 18 ans. Une semaine plus tard, il écope d’une nouvelle condamnation de 4 ans de prison dont 2 ans de mise à l’épreuve pour le braquage d’un magasin de vêtements de l’Essonne dans la nuit du 1er au 2 septembre 2000. L’affaire est rocambolesque. Après leur méfait, Amedy Coulibaly et ses complices prennent la fuite en empruntant la Francilienne mais finissent par planter la voiture juste avant d’arriver à Evry. Légèrement blessé, Amedy Coulibaly, lui, s’extrait du véhicule et, comme si de rien n’était, se rend à pied vers son lycée. Damien Brossier, son avocat de l’époque, se souvient :
Ses premières condamnations n’ont aucun effet dissuasif sur lui. A 20 ans, le jeune homme semble plus intéressé par l’argent que par Allah. En 2002, Amedy Coulibaly interrompt sa formation en bac pro. Et, le 7 septembre de la même année, il s’attaque à une agence bancaire de la BNP d’Orléans en compagnie de deux complices dont un mineur. Les trois comparses repartent avec un butin de 25.000 euros et prennent en moto la direction de Paris. Une fois arrivés dans la capitale, ils commettent coup sur coup deux attaques de cafés pour s’emparer de la caisse. Les trois hommes seront finalement interpellés en flagrant délit.
Pour le braquage de la banque, Amedy Coulibaly écopera d’une peine de 6 ans et est incarcéré à Fleury-Mérogis, la plus grande prison d’Europe située à quelques kilomètres de Grigny. Sa famille est effondrée.
Damien Brossier reverra son client quelques années plus tard, une fois sa peine effectuée. Au cours de leur entretien, ce dernier lui fait part d’un projet de documentaire télé. En compagnie de cinq autres détenus, il a tourné clandestinement des images de la prison de Fleury-Mérogis. Diffusées en avril 2009 dans l’émission « Envoyé spécial » sur France 2, elles en dévoilent la promiscuité, le délabrement, l’incroyable violence qui y règne. Dans le film, Amedy Coulibaly a été rebaptisé Hugo La Masse, une référence certainement à sa silhouette trapue et musclée. Il partage son réduit carcéral avec un certain « Ficelle » qui vient du même quartier, a fréquenté le même collège et atterri dans la même cellule. Sur les murs de celle-ci est accrochée une affiche du film « Miami Vice », dont les deux détenus semblent priser le slogan « Ni loi ni ordre ».
La prison de Fleury-Mérogis filmée par des détenus par lemondefr
Décrit comme un fan de jeux vidéo, Amedy Coulibaly s’est acheté une Playstation lors de son incarcération et tue le temps en fumant des joints. Malgré les risques encourus, avec ses images volées, les six anciens détenus espéraient « faire connaître la face sombre de Fleury et entamer un travail de prévention à l’égard des plus jeunes ».
De prime abord, il n’en laisse rien paraître. A sa sortie de prison, il décroche un contrat de professionnalisation dans l’usine de Coca-Cola à Grigny. Il y travaille sur la chaîne de production et donne entière satisfaction à ses supérieurs. Un de ses anciens collègues se souvient :
(En juillet 2009, Amedy Coulibaly était reçu à l’Elysée par Nicolas Sarkozy lors d’une rencontre avec cinq cents jeunes en formation en alternance. A droite, le cliché pris avec son portable. Crédit : Le Parisien Essonne / Doc L’Obs)
C’est à cette période qu’Amedy Coulibaly se marie religieusement avec Hayat Boumeddiene et emménage avec elle à Bagneux. Deux ans plus tôt, il a rencontré cette jeune fille de 19 ans, un peu paumée comme lui. « On s’est connus grâce à des amis qu’on avait en commun, à savoir une fille, Kasso, et son petit ami Pea, des connaissances du lycée », dira-t-elle plus tard. Stéphane H., un braqueur de Trappes converti à l’islam radical qui fut marié à une sœur d’Hayat, a peut-être aussi joué les entremetteurs.
Originaires d’Oran, en Algérie, les parents Boumeddiene se sont installés à Villiers-sur-Marne à la fin des années 1980. Le père, Mohamed, est livreur à Rungis. Halima, la mère, élève ses six enfants dans cette ville du Val-de-Marne, calme et pavillonnaire, en apparence loin des extrémistes. « C’était une famille modeste, courageuse, travailleuse. Les enfants semblaient heureux », se souvient avec émotion Ali Oumari, le président de l’association Al-Islah qui gère la mosquée de Villiers-sur-Marne réputée modérée et tolérante où viennent prier les Boumeddiene.
Cette harmonie familiale explose au moment du décès brutal de la maman en 1996. L’aînée est tout juste majeure. Le petit dernier a 2 ans. Hayat, elle, a 8 ans. Le père se retrouve avec six enfants à élever alors qu’il part très tôt le matin pour son travail. « C’est devenu peu à peu ingérable », raconte Abdelkader, un proche de la famille.
« Les trois aînés ont quitté le foyer en premier », raconte Abdelkader. Pour Hayat, être séparée de sa sœur aînée, avec qui elle s’entendait très bien, est une déchirure. Elle-même est placée dans un foyer à l’âge de 12 ans. Elle devient une adolescente mal dans sa peau, turbulente, parfois agressive. Elle change plusieurs fois de foyer en un an. A l’âge de 13 ans, elle se bat avec un éducateur et finit en garde à vue au commissariat où elle a un nouveau problème avec une fonctionnaire.
Pendant un moment, Hayat trouve une certaine stabilité dans une famille d’accueil à Emerainville (Seine-et-Marne). Elle fréquente le lycée Langevin-Wallon à Champigny-sur-Marne où elle prépare un bac STG (gestion) qu’elle n’obtiendra jamais. Malgré tout, elle trouve un emploi comme caissière dans un magasin de la chaîne Boulanger. Elle a alors coupé les ponts avec son père, mais continue de voir ses amies d’enfance. « On se voyait de temps en temps pour manger ensemble entre amies », se souviennent Leila et Nadia (les prénoms ont été changés), jointes par téléphone. « Elle était douce, généreuse, accueillante, toujours pleine d’amour pour les autres. Elle nous appelait ses sœurs… », raconte Leila, des sanglots dans la voix.
Tout bascule après la rencontre avec Amedy Coulibaly. Les jeunes gens mènent au début la vie normale d’un jeune couple. Ils partent en vacances sur les plages ensoleillées de Crète. Prennent des selfies d’amoureux dans l’avion. Elle se fait photographier en bikini, lui fait du ski nautique. C’est ensemble qu’ils vont progressivement se tourner vers la religion.
(Lors de vacances en Crète, peu de temps après leur rencontre. Crédit : Doc L’Obs)
Jusque-là croyante mais peu pratiquante, Hayat s’enfonce dans l’islam le plus rigoriste. Plus tard, elle confiera aux policiers qui enquêtent sur le couple :
Elle tente de proposer ses services de couturière à domicile pour gagner sa vie et décide de s’unir avec Amedy. C’est la seule fois où Hayat retourne voir son père pour obtenir son assentiment. Le mariage a lieu à Grigny, le 5 juillet 2009, chez ses parents à lui, avec un imam choisi par le père d’Amedy. « Moi, je ne l’ai pas vu car, en islam, la femme n’est pas obligée d’être présente. En l’occurrence, là, c’est mon père qui m’a représentée », confiera-t-elle aux enquêteurs.
Cette radicalisation correspond au moment où Amedy Coulibaly renoue des contacts réguliers avec Djamel Beghal qui vient de sortir de prison. C’est l’un des lieutenants de ce dernier qui l’a recontacté. « L’émir de Fleury-Mérogis » est assigné en résidence à Murat, dans le Cantal. A partir de la mi-2009, Amedy Coulibaly lui rend visite toutes les trois semaines, parfois en compagnie de Chérif Kouachi. Selon un rapport de police de 2010 :
(Hayat Boumeddiene à Murat, dans le Cantal, en 2010. Crédit : Rex/Sipa)
En mai 2010, Amedy Coulibaly est arrêté par les services antiterroristes. Il est soupçonné d’avoir participé à un projet d’évasion de Smaïn Aït Ali Belkacem. Sur écoute, un des conjurés fait d’ailleurs état de la confiance dont bénéficie Coulibaly dit « le petit Noir » auprès de Djamel Beghal, dit Abou Hamza, le cerveau de la tentative d’évasion :
Fréquentant les islamistes, Coulibaly pratique, pourtant, selon la justice, « une religion de façade ». Sa femme Hayat contribue à donner cette impression :
(Le couple en avril 2008, un an après le début de leur relation. Crédit : Doc L’Obs)
Interrogé par le juge d’instruction antiterroriste, Thierry Fragnoli, sur les dissensions entre les chiites et les sunnites, Coulibaly répond : « Je ne sais rien. Je ne me casse pas la tête avec cela, c’est de la perte de temps ». Par contre, le magistrat remarque son intérêt prononcé pour un seul aspect de l’islam : la possibilité de prendre une seconde femme, une question qui nourrit ses échanges avec son émir Djamel Beghal. »Cet intérêt, très circonscrit et pour ne pas dire utilitariste de la religion musulmane, laissait dubitatif sur la sincérité et la réalité de son engagement spirituel », note le magistrat instructeur.
La réalité est bien plus complexe. Il semble être un adepte de la Taqyia, cet art de la dissimulation qu’enseignent les islamistes les plus radicaux pour mieux abuser « les mécréants ». Une conversation interceptée entre Coulibaly et « l’émir » Beghal aurait dû attirer l’attention des enquêteurs. L’apprenti terroriste demande :
(Amedy Coulibaly lors d’une de ses visites à Djamel Beghal dans le Cantal. Crédit : Rex/Sipa)
Lors de son procès en octobre 2013, il est condamné à cinq ans de prison. « Personnalité immature et psychopathique », décrivent les experts psychiatres et psychologues relevant la « pauvreté de ses capacités d’introspection », « le caractère très rudimentaire de la motivation de ses actes », « son sens moral très déficient », « s’inscrivant au travers de ses actes dans la recherche de puissance ». Un proche du dossier qui l’a côtoyé à cette époque-là ajoute : « Seul garçon élevé au milieu des filles, il cherchait toujours quelque chose pour affirmer son ascendant. » A Bagneux, dans l’appartement du couple, les policiers ont découvert en mai 2010 une pièce dédiée à la musculation.
Prisonnier modèle lors de sa détention à Villepinte, Amedy Coulibaly passe son brevet de secourisme, n’écopant que d’une légère peine pour détention de portable. Gravement malade, le père de Coulibaly décède durant la dernière détention de son fils. Avec toutes les peines du monde, son avocate de l’époque obtient auprès du juge d’instruction le droit pour le fils d’aller faire une dernière visite à l’hôpital mais pas d’assister à l’enterrement. Bénéficiant d’une remise de peine, Amedy Coulibaly sort en mars 2014. Il est toutefois tenu de porter un bracelet électronique jusqu’en mai de la même année. Avec sa femme, il quitte Bagneux pour emménager dans un immeuble propret du centre-ville de Fontenay-aux-Roses, à deux pas du RER. Au milieu des retraités et des cadres moyens, le couple ne fait aucune vague.
Ces derniers temps, selon ses proches, Hayat Boumeddiene avait abandonné le niqab pour revenir au foulard. Elle semblait plus sereine depuis son retour de La Mecque à l’automne 2014. Le couple s’est également rendu au Mali pour se recueillir sur la tombe du père. Amedy Coulibaly se rend régulièrement à Grigny pour rendre notamment visite à sa mère diabétique. Aux copains qu’il croise alors, il dit chercher du travail.
Pourtant, dans la même période, les contacts avec Chérif Kouachi, son ancien codétenu de l’époque de Fleury-Mérogis, s’intensifient. Sur l’année 2014, les enquêteurs ont dénombré plus de 500 appels entre les deux portables enregistrés au nom de leur compagne et régulièrement utilisés par leurs maris. Dans sa vidéo de revendication de ses attentats, Amedy Coulibaly, alias Abou Bassir Abdallah al-Ifriqi, son nom de guerre, affirme avoir donné quelques milliers d’euros aux frères Kouachi pour financer l’attaque de « Charlie Hebdo« . D’où venait cet argent qui a entre autres permis d’acheter l’arsenal de guerre retrouvé dans l’une de ses planques à Gentilly ?
(Amedy Coulibaly, alias Abou Bassir Abdallah al-lfriqi, dans la vidéo diffusée après sa mort et où il se revendique de l’Etat islamique. Crédit : AFP)
Dès samedi, la mère et les sœurs d’Amedy Coulibaly ont condamné publiquement les actes sanglants perpétrés par leur fils et frère. La famille d’Hayat Boumeddiene ne s’est pas encore exprimée mais elle est tout aussi choquée. « Ses frères et sœurs sont anéantis. Ils sont français, ils travaillent, ils ne comprennent pas comment le nom de leur famille peut être mêlé à tout ça », témoigne une proche amie de l’une des sœurs. « Quand j’ai vu son visage apparaître sur toutes les télés vendredi, je me suis mise à trembler et j’arrivais plus à m’arrêter », raconte Leila, son amie d’enfance.
Violette Lazard, Caroline Michel, Vincent Monnier, Céline Rastello, Olivier Toscer.
http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/01/13/amedy-coulibaly-la-prison-c-est-la-putain-de-meilleure-ecole-de-la-criminalite_4555233_3224.htmlmaimouna coulibaly @maimouna75 Suivre
Et une fusillade au bout de ma rue…
Quelques minutes plus tard, cette habitante de Montrouge donne des précisions : « Des sirènes à n’en plus finir, routes barrées. Ça s’est passé sur Pierre-Brossolette… C’est à la limite de Malakoff et Montrouge à 400 mètres de la porte de Châtillon ».
La veille, à la suite de l’attentat contre Charlie Hebdo, cette danseuse professionnelle réputée, toujours vêtue de rouge et spécialiste de la Booty Therapy, chorégraphe et auteur d’un spectacle sur son enfance « Hee Mariamou » joué de Paris à San Francisco, avait modifié sa photo de profil pour un cliché d’elle en Marianne black, bustier tricolore et bonnet phrygien sur la tête en signe de solidarité.
L’ancienne animatrice de Trace TV, vue également sur les plateaux du « Grand Journal » et de « La France a un incroyable talent », avait aussi maintenu son cours de danse prévu le soir même : « Je refuse de m’arrêter de vivre suite à ce massacre immonde !, écrit-elle sur Facebook. J’invite toutes les personnes qui veulent se défouler, libérer leurs tensions, exprimer leur tristesse ou haine naissante à venir nous rejoindre ! A transformer toute cette tristesse, colère en force pour ne pas sombrer. »
Elle ne sait pas encore que le tireur est son propre frère
A ce moment, Maimouna ne sait pas encore que le tireur de Montrouge, l’autoproclamé soldat du califat, celui qui vient de semer la panique dans sa rue en tuant une policière municipale et qui tuera le lendemain quatre autres personnes dans l’Hyper Cacher de Vincennes, est son propre frère, Amedy. Contactée par « l’Obs », la danseuse âgée de 39 ans et mère de famille n’a pas souhaité s’exprimer. Amedy, Maimouna, une même famille, sept ans d’écart, deux parcours aux antipodes.
Amedy Coulibaly voit le jour le 27 février 1982 à Juvisy. Il est le septième enfant et le seul garçon au sein de cette fratrie de dix enfants.
Une famille traditionnelle issue de l’immigration économique et pratiquant un islam modéré », décrit un proche.
Nés au Mali et issus de l’ethnie soninké, les parents, Mahamadou et Diawe, ont d’abord vécu du côté de Dreux avant de s’installer dans le quartier de la Grande Borne à Grigny où réside une importante communauté malienne.Construite à la fin des années 1960, la cité imaginée par l’architecte Emile Aillaud se voulait originellement à taille humaine et à visée utopique : petits immeubles aux formes sinusoïdales, espaces verts, voies piétonnières, nombreuses places pour donner un esprit « village ». Quelques années plus tard, l’utopie architecturale va se fracasser sur d’autres courbes : celles des crises économiques à répétition et du chômage de masse, de la hausse de la délinquance et de la communautarisation croissante de la société française.
(Une allée de la cité de la Grande Borne à Grigny, en juillet 2002. Située à 25 kilomètres de Paris, Grigny abrite deux cités dites « sensibles », la Grande Borne et Grigny 2. A la fin des années 60, Grigny n’était qu’un village de 3.000 habitants qui est devenu en l’espace de six années et après la construction de ces deux cités HLM une ville de 26.000 habitants. Crédit : Mehdi Hafi/AFP Photo)
Un environnement à la renverse
Si la Grande Borne fait parler d’elle aujourd’hui, c’est pour ses trafics, ses accès de fièvre, son taux de chômage qui atteint 40% chez les jeunes, ses revenus fiscaux qui atteignent, en moyenne, 8.000 euros par foyer et par an. Le basculement s’est amorcé dans les années 1980. C’est dans cet environnement à la renverse que commence à grandir Amedy Coulibaly.
Les parents fréquentent les différentes associations maliennes. Ce sont des gens simples mais dont la vie ne l’est pas toujours. Ouvrier, le père travaille dur. Mère au foyer, son épouse se rend tous les vendredis à la Laverie, un appartement du quartier équipé de machines à laver et de fers à repasser où les femmes se retrouvent entre elles pour parfaire leur français, discuter et s’informer. Ancrés dans les traditions de leur pays natal, ces parents se heurtent aux velléités d’émancipation de leurs enfants.
Le jour de son mariage, une union arrangée par la famille, la sœur aînée s’enfuit en Angleterre. L’épisode incitera les parents à ne plus renouveler l’expérience. Maimouna, de son côté, choisit la section théâtre de son lycée. Adolescent, Amedy, ancien gamin « frêle » et « mignon », selon des proches, ne parvient pas, lui, à trouver sa voie.
Ses proches font état d’une enfance heureuse et d’une scolarité moyenne avec un changement de comportement à 17 ans imputé à ses fréquentations. »
C’est ce que l’on peut lire dans le rapport de personnalité le concernant brossé bien plus tard, en 2013, lors de son procès pour avoir participé à un projet d’évasion de plusieurs détenus condamnés pour terrorisme.Graine de délinquant
Mauvaises rencontres, appât du gain, besoin d’exister. Titulaire d’un BEP d’installateur conseil en audiovisuel électronique, Amedy délaisse peu à peu les bancs du lycée pour emprunter les chemins de la délinquance. Il y monte vite en graine. A cette période, la mort de son ami, Ali Rezgui, un voleur de moto abattu de plusieurs balles en 2000 par un gardien de la paix l’aurait profondément marqué.
Le 29 août 2001, il est condamné pour la première fois à trois ans de prison avec deux ans de mise à l’épreuve pour un vol aggravé commis en mai 2000. Il n’a pas encore 18 ans. Une semaine plus tard, il écope d’une nouvelle condamnation de 4 ans de prison dont 2 ans de mise à l’épreuve pour le braquage d’un magasin de vêtements de l’Essonne dans la nuit du 1er au 2 septembre 2000. L’affaire est rocambolesque. Après leur méfait, Amedy Coulibaly et ses complices prennent la fuite en empruntant la Francilienne mais finissent par planter la voiture juste avant d’arriver à Evry. Légèrement blessé, Amedy Coulibaly, lui, s’extrait du véhicule et, comme si de rien n’était, se rend à pied vers son lycée. Damien Brossier, son avocat de l’époque, se souvient :
C’était un jeune très souriant, toujours d’une humeur égale, ne parlant pas beaucoup et donnant l’impression que tout glissait sur lui. Pas un leader mais un type bien aimé dans son environnement et n’ayant pas froid aux yeux. »
D’autres le décrivent comme une « bombe en puissance » sous des dehors rigolards.« Mouton noir » de sa famille
Ses premières condamnations n’ont aucun effet dissuasif sur lui. A 20 ans, le jeune homme semble plus intéressé par l’argent que par Allah. En 2002, Amedy Coulibaly interrompt sa formation en bac pro. Et, le 7 septembre de la même année, il s’attaque à une agence bancaire de la BNP d’Orléans en compagnie de deux complices dont un mineur. Les trois comparses repartent avec un butin de 25.000 euros et prennent en moto la direction de Paris. Une fois arrivés dans la capitale, ils commettent coup sur coup deux attaques de cafés pour s’emparer de la caisse. Les trois hommes seront finalement interpellés en flagrant délit.
Pour le braquage de la banque, Amedy Coulibaly écopera d’une peine de 6 ans et est incarcéré à Fleury-Mérogis, la plus grande prison d’Europe située à quelques kilomètres de Grigny. Sa famille est effondrée.
Pour eux, il est le mouton noir, le seul garçon et le seul à amener la justice dans la famille », explique une source proche.
Sa mère l’appelle « le voleur ». Son père, « pas du tout complaisant avec les actes de son fils », selon son avocat, semble dépassé par l’ampleur des événements. A chacun des rendez-vous au cabinet de l’avocat, il est accompagné par l’une de ses filles aînées, plutôt bien insérée et mère de famille qui ne cache pas son ras-le-bol à l’égard des méfaits de son frère. C’est elle qui règle les frais d’avocat.Séjour à Fleury-Mérogis et radicalisation
Damien Brossier reverra son client quelques années plus tard, une fois sa peine effectuée. Au cours de leur entretien, ce dernier lui fait part d’un projet de documentaire télé. En compagnie de cinq autres détenus, il a tourné clandestinement des images de la prison de Fleury-Mérogis. Diffusées en avril 2009 dans l’émission « Envoyé spécial » sur France 2, elles en dévoilent la promiscuité, le délabrement, l’incroyable violence qui y règne. Dans le film, Amedy Coulibaly a été rebaptisé Hugo La Masse, une référence certainement à sa silhouette trapue et musclée. Il partage son réduit carcéral avec un certain « Ficelle » qui vient du même quartier, a fréquenté le même collège et atterri dans la même cellule. Sur les murs de celle-ci est accrochée une affiche du film « Miami Vice », dont les deux détenus semblent priser le slogan « Ni loi ni ordre ».
La prison de Fleury-Mérogis filmée par des détenus par lemondefr
Décrit comme un fan de jeux vidéo, Amedy Coulibaly s’est acheté une Playstation lors de son incarcération et tue le temps en fumant des joints. Malgré les risques encourus, avec ses images volées, les six anciens détenus espéraient « faire connaître la face sombre de Fleury et entamer un travail de prévention à l’égard des plus jeunes ».
Je me disais qu’il avait peut-être eu un déclic en prison », se souvient avoir espéré Me Brossier.
Mais si déclic il y eut, ce ne fut pas celui-là. C’est lors de son incarcération à Fleury-Mérogis qu’Amedy Coulibaly fait la connaissance de Chérif Kouachi, l’un des deux auteurs du massacre de « Charlie Hebdo ». Les deux hommes ne se seraient côtoyés que sept mois mais cela a suffi à nouer entre eux des liens forts. Un enquêteur précise :A Fleury-Mérogis, Coulibaly faisait partie de la petite cour réunie autour de Djamel Beghal, le terroriste qui faisait alors fonction ‘d’émir’ pour les islamistes de la prison. »
Coulibaly est en effet incarcéré dans le même bâtiment que celui qui purge une peine de dix ans de prison pour son séjour dans un camp d’Al Qaida en Afghanistan au début des années 2.000. Cette rencontre marque-t-elle le début de sa radicalisation religieuse ?Reçu à l’Elysée par Nicolas Sarkozy
De prime abord, il n’en laisse rien paraître. A sa sortie de prison, il décroche un contrat de professionnalisation dans l’usine de Coca-Cola à Grigny. Il y travaille sur la chaîne de production et donne entière satisfaction à ses supérieurs. Un de ses anciens collègues se souvient :
Je l’ai reconnu quand j’ai découvert son visage sur l’écran de télé. J’étais scié. C’était un type très souriant, travailleur. Il n’y a jamais eu le moindre problème avec lui, ni sautes d’humeur ni positions fondamentalistes. »
Figurant parmi les bons éléments de l’entreprise, il est même choisi par celle-ci pour rencontrer Nicolas Sarkozy à l’Elysée en juillet 2009 au milieu de cinq cents autres jeunes en formation en alternance. Une visite qui lui vaut les honneurs d’un article avec sa photo dans l’édition du « Parisien de l’Essonne » : « A Grigny, nous n’avons pas l’habitude d’aller souvent à l’Élysée. Les réceptions, je ne connais pas. En plus, dans les cités, auprès des jeunes, Sarkozy n’est pas vraiment très populaire. Mais cela n’a rien de personnel. En fait, c’est le cas de la majorité des politiques », y déclare Coulibaly. Avant d’ajouter : « Le rencontrer en vrai, c’est impressionnant. Qu’on l’aime ou pas, c’est quand même le président ». Comme un gosse, il mitraille Nicolas Sarkozy avec son portable.(En juillet 2009, Amedy Coulibaly était reçu à l’Elysée par Nicolas Sarkozy lors d’une rencontre avec cinq cents jeunes en formation en alternance. A droite, le cliché pris avec son portable. Crédit : Le Parisien Essonne / Doc L’Obs)
Hayat Boumeddiene, un peu paumée comme lui
C’est à cette période qu’Amedy Coulibaly se marie religieusement avec Hayat Boumeddiene et emménage avec elle à Bagneux. Deux ans plus tôt, il a rencontré cette jeune fille de 19 ans, un peu paumée comme lui. « On s’est connus grâce à des amis qu’on avait en commun, à savoir une fille, Kasso, et son petit ami Pea, des connaissances du lycée », dira-t-elle plus tard. Stéphane H., un braqueur de Trappes converti à l’islam radical qui fut marié à une sœur d’Hayat, a peut-être aussi joué les entremetteurs.
Originaires d’Oran, en Algérie, les parents Boumeddiene se sont installés à Villiers-sur-Marne à la fin des années 1980. Le père, Mohamed, est livreur à Rungis. Halima, la mère, élève ses six enfants dans cette ville du Val-de-Marne, calme et pavillonnaire, en apparence loin des extrémistes. « C’était une famille modeste, courageuse, travailleuse. Les enfants semblaient heureux », se souvient avec émotion Ali Oumari, le président de l’association Al-Islah qui gère la mosquée de Villiers-sur-Marne réputée modérée et tolérante où viennent prier les Boumeddiene.
Cette harmonie familiale explose au moment du décès brutal de la maman en 1996. L’aînée est tout juste majeure. Le petit dernier a 2 ans. Hayat, elle, a 8 ans. Le père se retrouve avec six enfants à élever alors qu’il part très tôt le matin pour son travail. « C’est devenu peu à peu ingérable », raconte Abdelkader, un proche de la famille.
Mohamed n’était pas là de la journée et les enfants parfois n’allaient même pas à l’école ».
Deux ans plus tard, le père épouse une lointaine cousine qu’il fait venir d’Algérie. Ils ont ensemble une petite fille. Mais les frères et les sœurs du premier lit n’acceptent pas ce remariage trop rapide à leurs yeux. « Une fois, je suis allé chez eux pour essayer de réconcilier les enfants avec le papa et la belle-mère », raconte Ali Oumari, le patriarche de la communauté musulmane de Villiers-sur-Marne, mais il n’y avait rien à faire ». Mohamed semble dépassé par la fracture au sein de sa propre famille.Une adolescente mal dans sa peau, turbulente, parfois agressive
« Les trois aînés ont quitté le foyer en premier », raconte Abdelkader. Pour Hayat, être séparée de sa sœur aînée, avec qui elle s’entendait très bien, est une déchirure. Elle-même est placée dans un foyer à l’âge de 12 ans. Elle devient une adolescente mal dans sa peau, turbulente, parfois agressive. Elle change plusieurs fois de foyer en un an. A l’âge de 13 ans, elle se bat avec un éducateur et finit en garde à vue au commissariat où elle a un nouveau problème avec une fonctionnaire.
Pendant un moment, Hayat trouve une certaine stabilité dans une famille d’accueil à Emerainville (Seine-et-Marne). Elle fréquente le lycée Langevin-Wallon à Champigny-sur-Marne où elle prépare un bac STG (gestion) qu’elle n’obtiendra jamais. Malgré tout, elle trouve un emploi comme caissière dans un magasin de la chaîne Boulanger. Elle a alors coupé les ponts avec son père, mais continue de voir ses amies d’enfance. « On se voyait de temps en temps pour manger ensemble entre amies », se souviennent Leila et Nadia (les prénoms ont été changés), jointes par téléphone. « Elle était douce, généreuse, accueillante, toujours pleine d’amour pour les autres. Elle nous appelait ses sœurs… », raconte Leila, des sanglots dans la voix.
Du bikini au niqab
Tout bascule après la rencontre avec Amedy Coulibaly. Les jeunes gens mènent au début la vie normale d’un jeune couple. Ils partent en vacances sur les plages ensoleillées de Crète. Prennent des selfies d’amoureux dans l’avion. Elle se fait photographier en bikini, lui fait du ski nautique. C’est ensemble qu’ils vont progressivement se tourner vers la religion.
Un déclic de couple », dit-elle à ses proches.
(Lors de vacances en Crète, peu de temps après leur rencontre. Crédit : Doc L’Obs)
Jusque-là croyante mais peu pratiquante, Hayat s’enfonce dans l’islam le plus rigoriste. Plus tard, elle confiera aux policiers qui enquêtent sur le couple :
C’est quelque chose qui m’apaise. J’ai eu un passé difficile, et cette religion a répondu à toutes mes questions. »
En mai 2009, Hayat décide de porter le niqab, même si cela l’oblige à quitter son emploi chez Boulanger. « Depuis, je sors beaucoup moins. Quelquefois c’est dur pour moi, même si c’est un choix personnel », assume-t-elle.Elle tente de proposer ses services de couturière à domicile pour gagner sa vie et décide de s’unir avec Amedy. C’est la seule fois où Hayat retourne voir son père pour obtenir son assentiment. Le mariage a lieu à Grigny, le 5 juillet 2009, chez ses parents à lui, avec un imam choisi par le père d’Amedy. « Moi, je ne l’ai pas vu car, en islam, la femme n’est pas obligée d’être présente. En l’occurrence, là, c’est mon père qui m’a représentée », confiera-t-elle aux enquêteurs.
« Sous l’emprise de Djamel Beghal »
Cette radicalisation correspond au moment où Amedy Coulibaly renoue des contacts réguliers avec Djamel Beghal qui vient de sortir de prison. C’est l’un des lieutenants de ce dernier qui l’a recontacté. « L’émir de Fleury-Mérogis » est assigné en résidence à Murat, dans le Cantal. A partir de la mi-2009, Amedy Coulibaly lui rend visite toutes les trois semaines, parfois en compagnie de Chérif Kouachi. Selon un rapport de police de 2010 :
Il apparaissait comme étant sous l’emprise de Djamel Beghal qui le conseillait au quotidien et l’encourageait pour certains aspects de sa pratique religieuse. »
Coulibaly se met à désavouer ses parents en raison de leurs « actes de kouffars (mécréants) » et refuse d’aider financièrement ses sœurs car elles « n’élèvent pas leurs enfants dans la religion ». A plusieurs reprises en 2010, Hayat Boumeddiene l’accompagne dans le Cantal. Si elle ne peut rencontrer l’émir, elle peut néanmoins lui poser des questions relatives à la pratique religieuse depuis une pièce voisine. Lors de ces séjours, elle s’exerce au tir à l’arbalète vêtue de pied en cap de son niqab.(Hayat Boumeddiene à Murat, dans le Cantal, en 2010. Crédit : Rex/Sipa)
Apprenti-terroriste
En mai 2010, Amedy Coulibaly est arrêté par les services antiterroristes. Il est soupçonné d’avoir participé à un projet d’évasion de Smaïn Aït Ali Belkacem. Sur écoute, un des conjurés fait d’ailleurs état de la confiance dont bénéficie Coulibaly dit « le petit Noir » auprès de Djamel Beghal, dit Abou Hamza, le cerveau de la tentative d’évasion :
Moi, Abou Hamza, il m’a dit, c’est un bon », dit-il en parlant de Coulibaly.
Lors d’une perquisition à son domicile, en 2010, les enquêteurs retrouveront 240 cartouches pour Kalachnikov. Il affirme les avoir achetées 1 euro pièce et vouloir les revendre 3 euros dans la rue. Sont également retrouvés cinq clichés pédo-pornographiques, un courrier en arabe de Djamel Beghal sollicitant auprès d’Omar Bouallouche, l’un des chefs d’un réseau Takfir en Europe, des faux documents administratifs pour « des impératifs d’une très grande importance qui dépassent mes intérêts personnels ». Chez Coulibaly, il y a aussi une machine à compter les billets, pièce incontournable de la panoplie du parfait malfaiteur.« Une religion de façade »
Fréquentant les islamistes, Coulibaly pratique, pourtant, selon la justice, « une religion de façade ». Sa femme Hayat contribue à donner cette impression :
Amedy n’est pas vraiment très religieux, il aime bien s’amuser, tout ça, il travaille chez Coca-Cola, il n’est pas du genre à se balader tout le temps en kamis, la tenue traditionnelle », témoigne-t-elle sur procès-verbal.
(Le couple en avril 2008, un an après le début de leur relation. Crédit : Doc L’Obs)
Interrogé par le juge d’instruction antiterroriste, Thierry Fragnoli, sur les dissensions entre les chiites et les sunnites, Coulibaly répond : « Je ne sais rien. Je ne me casse pas la tête avec cela, c’est de la perte de temps ». Par contre, le magistrat remarque son intérêt prononcé pour un seul aspect de l’islam : la possibilité de prendre une seconde femme, une question qui nourrit ses échanges avec son émir Djamel Beghal. »Cet intérêt, très circonscrit et pour ne pas dire utilitariste de la religion musulmane, laissait dubitatif sur la sincérité et la réalité de son engagement spirituel », note le magistrat instructeur.
J’essaie de pratiquer le minimum obligatoire comme la prière, le ramadan, etc. mais j’y vais doucement », minimise alors l’apprenti-terroriste.
Adepte de la Taqyia, l’art de la dissimulation
La réalité est bien plus complexe. Il semble être un adepte de la Taqyia, cet art de la dissimulation qu’enseignent les islamistes les plus radicaux pour mieux abuser « les mécréants ». Une conversation interceptée entre Coulibaly et « l’émir » Beghal aurait dû attirer l’attention des enquêteurs. L’apprenti terroriste demande :
Tu sais, quand on dit que quand tu décèdes il faut pas laisser de dettes ? », débute-t-il. « Est-ce qu’il y a des circonstances où on peut partir avec des dettes ? »
A cette date, Coulibaly envisage-t-il déjà de mener une attaque-suicide ? Les policiers ne jugent pas nécessaire de creuser cette piste.(Amedy Coulibaly lors d’une de ses visites à Djamel Beghal dans le Cantal. Crédit : Rex/Sipa)
Lors de son procès en octobre 2013, il est condamné à cinq ans de prison. « Personnalité immature et psychopathique », décrivent les experts psychiatres et psychologues relevant la « pauvreté de ses capacités d’introspection », « le caractère très rudimentaire de la motivation de ses actes », « son sens moral très déficient », « s’inscrivant au travers de ses actes dans la recherche de puissance ». Un proche du dossier qui l’a côtoyé à cette époque-là ajoute : « Seul garçon élevé au milieu des filles, il cherchait toujours quelque chose pour affirmer son ascendant. » A Bagneux, dans l’appartement du couple, les policiers ont découvert en mai 2010 une pièce dédiée à la musculation.
Couple modèle ?
Prisonnier modèle lors de sa détention à Villepinte, Amedy Coulibaly passe son brevet de secourisme, n’écopant que d’une légère peine pour détention de portable. Gravement malade, le père de Coulibaly décède durant la dernière détention de son fils. Avec toutes les peines du monde, son avocate de l’époque obtient auprès du juge d’instruction le droit pour le fils d’aller faire une dernière visite à l’hôpital mais pas d’assister à l’enterrement. Bénéficiant d’une remise de peine, Amedy Coulibaly sort en mars 2014. Il est toutefois tenu de porter un bracelet électronique jusqu’en mai de la même année. Avec sa femme, il quitte Bagneux pour emménager dans un immeuble propret du centre-ville de Fontenay-aux-Roses, à deux pas du RER. Au milieu des retraités et des cadres moyens, le couple ne fait aucune vague.
Ces derniers temps, selon ses proches, Hayat Boumeddiene avait abandonné le niqab pour revenir au foulard. Elle semblait plus sereine depuis son retour de La Mecque à l’automne 2014. Le couple s’est également rendu au Mali pour se recueillir sur la tombe du père. Amedy Coulibaly se rend régulièrement à Grigny pour rendre notamment visite à sa mère diabétique. Aux copains qu’il croise alors, il dit chercher du travail.
500 appels avec Chérif Kouachi en 2014
Pourtant, dans la même période, les contacts avec Chérif Kouachi, son ancien codétenu de l’époque de Fleury-Mérogis, s’intensifient. Sur l’année 2014, les enquêteurs ont dénombré plus de 500 appels entre les deux portables enregistrés au nom de leur compagne et régulièrement utilisés par leurs maris. Dans sa vidéo de revendication de ses attentats, Amedy Coulibaly, alias Abou Bassir Abdallah al-Ifriqi, son nom de guerre, affirme avoir donné quelques milliers d’euros aux frères Kouachi pour financer l’attaque de « Charlie Hebdo« . D’où venait cet argent qui a entre autres permis d’acheter l’arsenal de guerre retrouvé dans l’une de ses planques à Gentilly ?
(Amedy Coulibaly, alias Abou Bassir Abdallah al-lfriqi, dans la vidéo diffusée après sa mort et où il se revendique de l’Etat islamique. Crédit : AFP)
Dès samedi, la mère et les sœurs d’Amedy Coulibaly ont condamné publiquement les actes sanglants perpétrés par leur fils et frère. La famille d’Hayat Boumeddiene ne s’est pas encore exprimée mais elle est tout aussi choquée. « Ses frères et sœurs sont anéantis. Ils sont français, ils travaillent, ils ne comprennent pas comment le nom de leur famille peut être mêlé à tout ça », témoigne une proche amie de l’une des sœurs. « Quand j’ai vu son visage apparaître sur toutes les télés vendredi, je me suis mise à trembler et j’arrivais plus à m’arrêter », raconte Leila, son amie d’enfance.
Je pense qu’elle s’est fait ‘engrener’ par son mari », veut croire Nadia.
Leila et Nadia, l’estomac noué, le cœur en vrac, ont participé à la marche républicaine dimanche après-midi à Paris.Violette Lazard, Caroline Michel, Vincent Monnier, Céline Rastello, Olivier Toscer.
Amedy Coulibaly : « La prison, c’est la putain de meilleure école de la criminalité »
Le Monde.fr | 13.01.2015 à 13h42 • Mis à jour le 13.01.2015 à 17h16 | Par Luc Bronner
C’était un jeune homme sorti de prison comme on en rencontre régulièrement en reportage lorsqu’on explore les quartiers les plus difficiles de la banlieue parisienne. Un « black », musculeux, soupçonneux, condamné pour des affaires de braquage. Avec quatre autres détenus et ex-détenus de la prison de Fleury-Mérogis (Essonne), Amedy Coulibaly, l’auteur des attaques terroristes de Montrouge et de la porte de Vincennes, avait organisé l’entrée d’une caméra au sein de la maison d’arrêt pour décrire les conditions de vie carcérales. Les images, filmées dans la clandestinité pendant plusieurs mois, en 2007, et révélées par Le Monde en 2008, montraient la vétusté des locaux et la violence au sein de l’établissement pénitentiaire.
Personne ne pouvait imaginer qu’Amedy Coulibaly, originaire de la ville voisine de Grigny, finirait sa vie en tuant une policière municipale à Montrouge, jeudi 8 janvier au lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo et le jour suivant en prenant des otages dans un supermarché casher porte de Vincennes, au nom du djihad, exécutant quatre personnes de confession juive. Personne ne pouvait non plus imaginer qu’une vidéo serait ensuite diffusée, le montrant, dans des tenues de combattant, puis avec une robe de prière, justifiant les actes terroristes. L’enquête a montré qu’il était équipé d’une caméra GoPro pendant la prise d’otages.
« Un des patrons de la prison »
Lorsque nous l’avions rencontré, sous stricte condition d’anonymat, en 2008, le jeune homme, alors âgé de 26 ans, déjà condamné à de nombreuses reprises, affirmait vouloir montrer la réalité de la situation des prisons. « Quand on est en détention, on voit plein de reportages télé sur les prisons, nous avait expliqué Amedy Coulibaly. Mais ils ne montrent jamais ce qui se passe vraiment parce que l’administration organise les visites et ne montre que les bâtiments en bon état. On s’est dit qu’il fallait montrer l’autre côté de la détention ».Grâce à deux caméras introduites par les parloirs, les détenus, en se relayant, avaient réussi à filmer 2 h 30 d’images et une centaine de photos – authentifiées par plusieurs sources, notamment l’Observatoire international des prisons (OIP). La vidéo était de qualité médiocre mais montrait des cellules en très mauvais état et des conditions d’hygiène déplorables. Elle montrait également des scènes de bagarre extrêmement violentes. Sur l’une d’entre elles, on apercevait un homme se faire rouer de coups par d’autres détenus. « La loi du fort », avait-il expliqué – lui se situant du côté des leaders, des intouchables de la prison. « Je suis un des patrons de la prison », disait-il.
L’aspect financier n’était pas dissimulé. En faisant connaître l’existence de ces images, le jeune délinquant espérait pouvoir négocier avec des chaînes de télévision pour leur vendre les images. « Je suis pas un héros de la terre, expliquait-il. On prend beaucoup de risques, et il faut qu’on prépare nos arrières, au moins pour payer nos avocats ». Après plusieurs tentatives avortées avec des boîtes de production, les images, confiées à deux réalisateurs, avaient donné lieu à un documentaire diffusé sur France 2 dans l’émission « Envoyé Spécial », en 2009.
« La meilleure école de la criminalité »
Mais l’aspect financier ne constituait qu’une partie des motivations d’Amedy Coulibaly. L’homme justifiait la démarche par la volonté de dénoncer les conditions de vie et ce qu’il décrivait comme les vexations ou punitions décidées par l’administration pénitentiaire. La violence. Les brimades, réelles ou supposées. L’impossibilité d’avoir des soins corrects. « On nous soigne au Doliprane, on n’a pas de vrai médecin ». Plusieurs détenus témoignaient, le visage flouté, sur l’absence de chauffage, les sanctions décidées par les gardiens, la « gamelle » pour s’alimenter, les violences dans les douches, les vitres cassées dans les cellules.Amedy Coulibaly assurait que s’il voulait témoigner c’était pour faire bouger « l’Etat français » sur le système carcéral. « La prison, c’est la putain de meilleure école de la criminalité. Dans une même promenade, tu peux rencontrer des Corses, des basques, des musulmans, des braqueurs, des petits vendeurs de stups, des gros trafiquants, des assassins », soulignait-il. « Là bas, tu prends des années d’expérience. Au début, quand je suis arrivé en détention après avoir fait une connerie, je me disais j’arrête tout. Après le temps passe et je me dis, je nique tout, ils me rendent ouf. Comment vous voulez apprendre la justice avec l’injustice ? ».
La prison crée de la haine, ajoutait-il, et la prison donne des réseaux criminels. Six ans plus tard, après avoir tué une policière municipale et quatre juifs retenus en otage dans un supermarché casher, Amedy Coulibaly est mort sous les balles de la police en « soldat du califat », le titre donné à la vidéo de revendication. Une vidéo qui débute avec des images visiblement tournées, clandestinement, dans une prison.
- Luc Bronner
Journaliste au Monde
Quand Amedy Coulibaly dénonçait les conditions de détention à Fleury-Mérogis
Le Monde.fr | 12.01.2015 à 18h17 • Mis à jour le 12.01.2015 à 19h27 | Par Emeline Cazi et Luc Bronner
La prison de Fleury-Mérogis filmée par des détenus par lemondefr
Amedy Coulibaly, responsable de la mort de cinq personnes dans des attaques terroristes à Montrouge et dans un supermarché casher de la porte de Vincennes, avait fait un coup d’éclat à l’hiver 2008. Alors incarcéré pour des faits de braquage, il avait filmé, avec d’autres détenus, en cachette, le quotidien au sein de la plus grande prison d’Europe à Fleury-Mérogis, dans l’Essonne.
Dans une vidéo intitulée « Soldat du califat », publiée sur Internet dimanche 11 janvier, Amedy Coulibaly a revendiqué ces attaques terroristes. La vidéo débute par une scène visiblement tournée en prison, où le djihadiste enchaîne des pompes avant d’expliquer longuement ses actes.
Démarche militante
La vidéo tournée à Fleury-Mérogis avait fait grand bruit tant par sa démarche militante que par ce qu’elle montrait et dénonçait. Le témoignage avait alors contribué à relancer le débat sur les conditions de vie carcérale. Cinq détenus de la maison d’arrêt avaient introduit une caméra à l’intérieur de la prison et avaient filmé pendant des mois pour raconter leur quotidien dans ces cellules surpeuplées, dénoncer les conditions d’hygiène déplorables, montrer les douches aux « murs gluants ».Leur témoignage choc avait fait prendre conscience de la vétusté des locaux en montrant en images ce que dénonçaient depuis des années les associations de défense des prisonniers. En plein mois de novembre, les détenus dormaient dans des cellules aux vitres cassées. « C’est bientôt Noël, on est là, on caille comme des SDF. Même les SDF dehors, ils sont mieux que nous », témoignait un détenu devant sa fenêtre.
Le projet est amené par le codétenu d’Amedy Coulibaly, un garçon qui a grandi comme lui dans une des cités de l’Essonne, au sud de Paris. Le preneur d’otages de la porte de Vincennes participait activement au projet, il apparaît même sur la vidéo. A cinq, ils sont parvenus à faire entrer le matériel nécessaire à la prise de vues, à tourner plus de deux heures et demie de rushs en cachant la caméra aux gardiens. Y compris des scènes de bagarres, dont une scène d’une rare violence, où un détenu est passé à tabac et laissé inconscient.
Révéler la réalité de la prison
Les détenus avaient expliqué au Monde vouloir révéler la réalité de la prison, sans le filtre de l’administration pénitentiaire, qui ne présente « que les bâtiments en bon état ». « On s’est dit qu’il fallait montrer l’autre côté de la détention », avait expliqué un détenu, sous couvert d’anonymat. Mais, derrière ce travail, il y avait aussi la volonté de casser l’image positive des prisons pour une partie de la jeunesse des quartiers. « Beaucoup pensent qu’aller en prison c’est pas grave et qu’ils en sortiront plus forts. Nous, on veut leur montrer que c’est vraiment la merde et que tu deviens fou là-bas. »
Le film diffusé en décembre 2008 sur Le Monde.fr avait également donné lieu à un reportage diffusé sur France 2 dans l’émission « Envoyé spécial ». Les deux réalisateurs du documentaire avaient ensuite publié un livre, Reality-taule. Au-delà des barreaux. L’ouvrage est dédié « à ceux qui feront tout pour ne jamais aller en prison et ceux qui feront tout pour ne jamais y retourner ». La dédicace est signée « Hugo et Karim ». Hugo, c’était le pseudonyme qu’avait choisi Amedy Coulibaly pour ce projet.
- Emeline Cazi
Journaliste au Monde
- Luc Bronner
Journaliste au Monde
Incarcéré, Amedy Coulibaly avait filmé l’intérieur de la prison de Fleury
Florence Méréo | Publié le Lundi 12 Janv. 2015, 16h44 | Mis à jour : 18h07
La vidéo, « Fleury, les images interdites », avait fait l’effet d’un électrochoc lors de sa diffusion en avril 2009 dans l’émission de France 2 « Envoyé Spécial ». Pendant près d’un an, deux détenus, avec la complicité de trois autres, avaient filmé de l’intérieur et en toute illégalité la plus grande maison d’arrêt d’Europe.
Un des deux détenus à tenir la caméra n’était autre qu’Amedy Coulibaly, l’assassin de la policière municipale de Montrouge (Hauts-de-Seine) et des otages du supermarché casher de Vincennes (Val-de-Marne). Sous le pseudonyme d’« Hugo », Amedy Coulibaly, qui purgeait une de ses nombreuses peines pour braquage, avait ainsi immortalisé un passage à tabac d’un détenu dans le préau de la prison, la drogue qui circule, les douches lamentables, le système D pour réchauffer la nourriture…
Son ancien codétenu a tenté de le raisonner vendredi
De ces images était né un livre, Reality Taule, dont la dédicace inaugurale, glace aujourd’hui le sang. « Nous dédions ce livre à ceux qui feront tout pour ne jamais aller en prison et ceux qui feront tout pour ne jamais y retourner », signait Amedy Coulibaly (sous son pseudo), avec son codétenu qui a tenté vendredi dernier de se rendre Porte de Vincennes pour « raisonner » celui avec qui il a passé une partie de sa jeunesse, à la Grande-Borne, à Grigny (Essonne) et de ses années . Mais il n’a pas réussi à le joindre.
Dans ce livre, où Amedy Coulibaly apparaît en photo sur la couverture, de dos, regardant par les barreaux de la prison, on découvre le parcours de braqueur multirécidiviste, son tempérament « blasé, pessimiste et fataliste », comment la prison est devenue son « école du crime » ou encore son désamour de la police dès ses « 13/14 ans ».
Son codétenu raconte aussi comment il a demandé à Amedy Coulibaly de détruire certaines images avec lesquelles il n’était pas d’accord. Coulibaly y filmait un détenu parlant arabe dont les propos devaient alimenter Al-Jazira. « Je ne sais pas ce qu’il a dit, mais j’ai jamais voulu le savoir, écrit-il. Certains juges ne rigolent pas du tout avec ce qui touche au terrorisme ou à la sécurité nationale… »
Amédy Coulibaly: aux origines de la haine par BFMTV
Publié par
jexiste
post non vérifié par la rédaction
Affaire Algret: Freitas expulsé de la salle d’audience – petite réflexion sur le crime et la prison
jexiste
post non vérifié par la rédaction
Affaire Algret: Freitas expulsé de la salle d’audience – petite réflexion sur le crime et la prison
Liminaire : un malade mental dangereux vient d’obtenir de la
modération la suppression de mon post du 15/10/2009 à 00:46 portant le
même titre que celui-ci au motif que je lui avais incorporé deux de ses
commentaires sur un site d’information public; cette reprise, identique
par ailleurs, ne contient donc plus, ni ces réactions, ni aucune mention
à leur auteur – nous en étions à 2268 lectures.
La prison de Fleury-Mérogis filmée par des détenus par lemondefr
Les trois journaux locaux qui suivent ce procès ont annoncé dans l’après-midi l’expulsion d’Antonio Freitas de la salle d’audience à 15h. Christophe Le Gall, un gendarme de la section de recherches de Rennes, se tenait à la barre pour témoigner sur l’enquête menée après la disparition de Bernard Algret. Or, il a fait ressurgir un fait oublié, déclenchant aussitôt la fureur de Freitas qui s’échinait depuis ce matin à détailler ses alibis pour la journée du 16 décembre 2005 : comme Joël Bogaert, Soler a raconté toute l’histoire de l’enlèvement et du meurtre de Bernard Algret en garde à vue. Il a changé de version dix jours avant le début du procès.
Affolé, l’intéressé s’est mis à bredouiller : « Je vais m’expliquer. J’ai été mis en garde à vue. J’ai nié au départ. Puis on m’a dit « si vous êtes là c’est qu’on a déjà beaucoup de choses sur vous ». Dans ma tête, il y en a donc un qui a parlé. C’est là que j’ai sorti une version. »
C’est l’occasion de revenir sur la personnalité et le parcours de Christian Soler avec ce compte rendu d’audience que je n’avais pas vu samedi :
Affaire Algret : Chiffon, le « meilleur ennemi » – Nantes
Christian Soler, c’est « l’homme à tout faire » de Bernard Algret, un patron et un ami qu’il admirait. Il a travaillé pour lui pendant des années. Et il a fini par le haïr au point de s’associer à Freitas pour « lui donner une bonne correction dont il se souviendrait toute sa vie ».
« Mais qu’est-ce qui vous a conduit dans cette galère ? », demande la présidente Marie-Carmen Angel. « Je suis monté dans un train, sans retour. Un train qui ne s’arrête jamais », résume Christian Soler, en décrivant son parcours dans le milieu. Âgé de 46 ans, ce Roubaisien, au fort accent chti, retrace les principales étapes de sa vie. Son enfance difficile, son placement dans des foyers à l’âge de 10 ans, son mariage raté, son fils qu’il ne voit plus depuis ses 5 ans. Et ses errances, l’alcool pendant les périodes de chômage, les cambriolages, la violence. « Soler a toujours eu un rapport douloureux avec son histoire et il manque de repères, affirme un expert psychiatre. Il n’a pas eu de place, pas plus que dans le milieu. »
Il débarque à Brest dans les années 1990 et travaille dans les bars d’Algret. « Je faisais tout : la plonge, le service, les petits travaux. J’suis pas passé par les grandes écoles, mais je suis un bosseur. Le problème, c’était pour se faire payer. » Les rapports avec Bernard Algret s’enveniment au fil des embrouilles. « Il me traitait comme une merde. Un jour, j’en ai eu marre. J’ai pété un watt ! »
Christian Soler veut refaire sa vie plusieurs fois. Mais il revient toujours vers Algret qui lui en met plein la vue avec sa villa de Plougastel, son bateau, les filles. Dette d’argent, cambriolages, trahisons. La haine fait place à l’admiration. Soler veut se venger. Et il finit par s’allier avec l’ennemi d’Algret, Freitas. Une trahison très mal perçue par les proches de la victime, venues témoigner. « Je l’ai pourtant souvent reçu à manger », témoigne l’ex-compagne de Bernard Algret.
De son côté, s’emportant, Antonio Freitas s’est encore plaint de ses conditions de détention :
« On m’a torturé en prison ! On m’a envoyé à Fleury, à l’isolement ! J’me casse ! Je ne reviens plus à ce procès ! Vous avez trop écouté Bogaert ! Tout a été magouillé ! C’est trop ! Je ne reviens plus ! »
Il l’avait déjà fait à plusieurs reprises la semaine dernière :
« L’examen de l’enfance et de l’adolescence de l’accusé, né au Portugal et arrivé à Nantes à l’âge de 5 ans, n’a posé aucun souci. Mais à l’évocation de son fils, aujourd’hui âgé de 18 ans, Freitas, jusque-là posé, est subitement sorti de ses gonds : « Je ne l’ai pas vu depuis trois ans et demi ! Et j’ai les boules vous pouvez pas savoir ! On m’empêche de voir mon fils à cause d’une déposition de Bogaert ! »"
« Antonio Freitas continue – entre les différentes questions de la présidente de la cour, Marie-Carmen Angel – de dénoncer ses conditions de détention, « à l’isolement ». Lui se présente comme un détenu modèle. Des rapports le décrivent comme un provocateur et un meneur, avec des liens à l’intérieur comme à l’extérieur. Reste que son témoignage, comme celui de Joël Bogaert, autre accusé, fait froid dans le dos. Ils évoquent des règlements de comptes entre détenus, la présence de drogue et la loi de la survie qui prévaut. « Je ne souhaite pas la prison à mon pire ennemi », lance Antonio Freitas.
« M. Freitas et d’autres détenus ont filmé un certain nombre de scènes à Fleury-Mérogis, qui ont été diffusées sur France 2, explique Me Fabrice Petit, son avocat. Tous ces détenus ont été éparpillés dans différentes maisons d’arrêt. On ne veut pas voir ce qui se passe en prison, alors qu’il s’y passe des choses incroyables. » « On est entièrement d’accord », soupire la présidente, qui a déjà déploré plusieurs fois au cours de ce procès les conditions d’incarcération. Mais elle coupe court : « C’est un autre débat. On parle de vous cinq ici pendant ces trois semaines », précise-t-elle à Antonio Freitas et aux quatre autres accusés. »
Au mois de décembre 2008, Rue89 avait parlé de ce film et des prisons.
Ceux qui s’intéressent à ce sujet liront aussi cet article avec profit.
En voici l’introduction :
« De l’Enfermement au Bannissement…
Les empêchements à la réintégration
24 janvier 2007
(Mise à jour septembre 2007)
Thierry Chatbi s’est suicidé en mars 2006 ; il avait été libéré fin 2005, après avoir cumulé 25 ans de prison.
» L’aube s’étire, plus lascive, plus molle. La brume, le ciel plombé sont déchirés, balafrés par le faisceau blafard du balai incessant, soutenu, inquisiteur, du mirador. L’obscurité est mise à nu, à jour en coupes sombres. C’est big brother… Même la nuit leur appartient ! Les oiseaux se sont tus, l’humidité saisie, ralentie, endolorie, la bête est engourdie…
C’est l’automne. « Thierry Chatbi »
Signalons encore sur cette question la parution ce mois-ci d’un essai sur Thierry Chatbi.
Notons enfin qu’en début d’après-midi, Ouest-France a remonté en une son article d’hier sur l’affaire Algret, comme ceux du jour un peu plus tard.
Précédent rapport :
Affaire Algret: les témoins se succèdent à la barre
La prison de Fleury-Mérogis filmée par des détenus par lemondefr
Les trois journaux locaux qui suivent ce procès ont annoncé dans l’après-midi l’expulsion d’Antonio Freitas de la salle d’audience à 15h. Christophe Le Gall, un gendarme de la section de recherches de Rennes, se tenait à la barre pour témoigner sur l’enquête menée après la disparition de Bernard Algret. Or, il a fait ressurgir un fait oublié, déclenchant aussitôt la fureur de Freitas qui s’échinait depuis ce matin à détailler ses alibis pour la journée du 16 décembre 2005 : comme Joël Bogaert, Soler a raconté toute l’histoire de l’enlèvement et du meurtre de Bernard Algret en garde à vue. Il a changé de version dix jours avant le début du procès.
Affolé, l’intéressé s’est mis à bredouiller : « Je vais m’expliquer. J’ai été mis en garde à vue. J’ai nié au départ. Puis on m’a dit « si vous êtes là c’est qu’on a déjà beaucoup de choses sur vous ». Dans ma tête, il y en a donc un qui a parlé. C’est là que j’ai sorti une version. »
C’est l’occasion de revenir sur la personnalité et le parcours de Christian Soler avec ce compte rendu d’audience que je n’avais pas vu samedi :
Affaire Algret : Chiffon, le « meilleur ennemi » – Nantes
Christian Soler, c’est « l’homme à tout faire » de Bernard Algret, un patron et un ami qu’il admirait. Il a travaillé pour lui pendant des années. Et il a fini par le haïr au point de s’associer à Freitas pour « lui donner une bonne correction dont il se souviendrait toute sa vie ».
« Mais qu’est-ce qui vous a conduit dans cette galère ? », demande la présidente Marie-Carmen Angel. « Je suis monté dans un train, sans retour. Un train qui ne s’arrête jamais », résume Christian Soler, en décrivant son parcours dans le milieu. Âgé de 46 ans, ce Roubaisien, au fort accent chti, retrace les principales étapes de sa vie. Son enfance difficile, son placement dans des foyers à l’âge de 10 ans, son mariage raté, son fils qu’il ne voit plus depuis ses 5 ans. Et ses errances, l’alcool pendant les périodes de chômage, les cambriolages, la violence. « Soler a toujours eu un rapport douloureux avec son histoire et il manque de repères, affirme un expert psychiatre. Il n’a pas eu de place, pas plus que dans le milieu. »
Il débarque à Brest dans les années 1990 et travaille dans les bars d’Algret. « Je faisais tout : la plonge, le service, les petits travaux. J’suis pas passé par les grandes écoles, mais je suis un bosseur. Le problème, c’était pour se faire payer. » Les rapports avec Bernard Algret s’enveniment au fil des embrouilles. « Il me traitait comme une merde. Un jour, j’en ai eu marre. J’ai pété un watt ! »
Christian Soler veut refaire sa vie plusieurs fois. Mais il revient toujours vers Algret qui lui en met plein la vue avec sa villa de Plougastel, son bateau, les filles. Dette d’argent, cambriolages, trahisons. La haine fait place à l’admiration. Soler veut se venger. Et il finit par s’allier avec l’ennemi d’Algret, Freitas. Une trahison très mal perçue par les proches de la victime, venues témoigner. « Je l’ai pourtant souvent reçu à manger », témoigne l’ex-compagne de Bernard Algret.
De son côté, s’emportant, Antonio Freitas s’est encore plaint de ses conditions de détention :
« On m’a torturé en prison ! On m’a envoyé à Fleury, à l’isolement ! J’me casse ! Je ne reviens plus à ce procès ! Vous avez trop écouté Bogaert ! Tout a été magouillé ! C’est trop ! Je ne reviens plus ! »
Il l’avait déjà fait à plusieurs reprises la semaine dernière :
« L’examen de l’enfance et de l’adolescence de l’accusé, né au Portugal et arrivé à Nantes à l’âge de 5 ans, n’a posé aucun souci. Mais à l’évocation de son fils, aujourd’hui âgé de 18 ans, Freitas, jusque-là posé, est subitement sorti de ses gonds : « Je ne l’ai pas vu depuis trois ans et demi ! Et j’ai les boules vous pouvez pas savoir ! On m’empêche de voir mon fils à cause d’une déposition de Bogaert ! »"
« Antonio Freitas continue – entre les différentes questions de la présidente de la cour, Marie-Carmen Angel – de dénoncer ses conditions de détention, « à l’isolement ». Lui se présente comme un détenu modèle. Des rapports le décrivent comme un provocateur et un meneur, avec des liens à l’intérieur comme à l’extérieur. Reste que son témoignage, comme celui de Joël Bogaert, autre accusé, fait froid dans le dos. Ils évoquent des règlements de comptes entre détenus, la présence de drogue et la loi de la survie qui prévaut. « Je ne souhaite pas la prison à mon pire ennemi », lance Antonio Freitas.
« M. Freitas et d’autres détenus ont filmé un certain nombre de scènes à Fleury-Mérogis, qui ont été diffusées sur France 2, explique Me Fabrice Petit, son avocat. Tous ces détenus ont été éparpillés dans différentes maisons d’arrêt. On ne veut pas voir ce qui se passe en prison, alors qu’il s’y passe des choses incroyables. » « On est entièrement d’accord », soupire la présidente, qui a déjà déploré plusieurs fois au cours de ce procès les conditions d’incarcération. Mais elle coupe court : « C’est un autre débat. On parle de vous cinq ici pendant ces trois semaines », précise-t-elle à Antonio Freitas et aux quatre autres accusés. »
Au mois de décembre 2008, Rue89 avait parlé de ce film et des prisons.
Ceux qui s’intéressent à ce sujet liront aussi cet article avec profit.
En voici l’introduction :
« De l’Enfermement au Bannissement…
Les empêchements à la réintégration
24 janvier 2007
(Mise à jour septembre 2007)
Thierry Chatbi s’est suicidé en mars 2006 ; il avait été libéré fin 2005, après avoir cumulé 25 ans de prison.
» L’aube s’étire, plus lascive, plus molle. La brume, le ciel plombé sont déchirés, balafrés par le faisceau blafard du balai incessant, soutenu, inquisiteur, du mirador. L’obscurité est mise à nu, à jour en coupes sombres. C’est big brother… Même la nuit leur appartient ! Les oiseaux se sont tus, l’humidité saisie, ralentie, endolorie, la bête est engourdie…
C’est l’automne. « Thierry Chatbi »
Signalons encore sur cette question la parution ce mois-ci d’un essai sur Thierry Chatbi.
Notons enfin qu’en début d’après-midi, Ouest-France a remonté en une son article d’hier sur l’affaire Algret, comme ceux du jour un peu plus tard.
Précédent rapport :
Affaire Algret: les témoins se succèdent à la barre
L’idiot du village le 17/10/2009 à 13:49
Une question: vu que tu n’écris que sur cette affaire, tu serais pas du genre obsessionnel?
Une question: vu que tu n’écris que sur cette affaire, tu serais pas du genre obsessionnel?
Cyp’ le 18/10/2009 à 14:03
@ les RG :
traiter quelqu’un publiquement de pédophile, comme le fait jexiste ici-même, ce n’est pas passible de poursuites ?
@ les RG :
traiter quelqu’un publiquement de pédophile, comme le fait jexiste ici-même, ce n’est pas passible de poursuites ?
Banana y croutons le 18/10/2009 à 14:22
@ RG(erbeux)
« traiter quelqu’un publiquement de pédophile, comme le fait jexiste ici-même, ce n’est pas passible de poursuites ? » comme dit Cyp
Donc, chez les gerbeux, il y a deux poids deux mesures ?
Hé bé, mais on est pas dans la merde avec des anars pareils….
@ RG(erbeux)
« traiter quelqu’un publiquement de pédophile, comme le fait jexiste ici-même, ce n’est pas passible de poursuites ? » comme dit Cyp
Donc, chez les gerbeux, il y a deux poids deux mesures ?
Hé bé, mais on est pas dans la merde avec des anars pareils….
Banana y croutons le 18/10/2009 à 14:39
@ Hammer
tout est noté et les fils montrés à qui de « droit » hé hé hé , c’est le cas de le dire
salute à toi, Â Hammer !
@ Hammer
tout est noté et les fils montrés à qui de « droit » hé hé hé , c’est le cas de le dire
salute à toi, Â Hammer !
Hammer le 18/10/2009 à 14:57
@Banana,
Bonjour Banana, merci, mais tu sais, je n’ai vraiment pas la tete a rire. Je me sens sali, oui, voila le mot, par ces perfides accusations qui mettent en questions ma droiture, moi qui n’ai jamais fornique, selon les engagements pris devant monsieur le cure il y a des lustres, Toute une vie d’honneur et de droiture avilie sur le net, je sens que je vais en parler a monisuer l’eveque, que ces gens la soient excommunies. A dimanche Banana, si tu souhaites prier avec nous, je suis bedot a la chapelle de Saint-Sulpice.
@Banana,
Bonjour Banana, merci, mais tu sais, je n’ai vraiment pas la tete a rire. Je me sens sali, oui, voila le mot, par ces perfides accusations qui mettent en questions ma droiture, moi qui n’ai jamais fornique, selon les engagements pris devant monsieur le cure il y a des lustres, Toute une vie d’honneur et de droiture avilie sur le net, je sens que je vais en parler a monisuer l’eveque, que ces gens la soient excommunies. A dimanche Banana, si tu souhaites prier avec nous, je suis bedot a la chapelle de Saint-Sulpice.
Banana y croutons le 18/10/2009 à 15:07
@ Hammer
j’ai toujours cherché à savoir ce qu’il y avait sous le saugrenu vocable de bedot. Aussi accours-je du plus vite que je puis
Taxi ! à Saint Sulpice, et fissa, ah ah ah !
@ Hammer
j’ai toujours cherché à savoir ce qu’il y avait sous le saugrenu vocable de bedot. Aussi accours-je du plus vite que je puis
Taxi ! à Saint Sulpice, et fissa, ah ah ah !
Hammer le 18/10/2009 à 15:39
Bedeau, Banana, excuse l’orthographe, la bataille faisant rage j’en perds mes moyens…
Bedeau, Banana, excuse l’orthographe, la bataille faisant rage j’en perds mes moyens…
Banana y croutons le 18/10/2009 à 15:47
Alors, va pour « bedeau », Hammer, et haut les coeurs, chaud devant !
Alors, va pour « bedeau », Hammer, et haut les coeurs, chaud devant !
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