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mardi 22 octobre 2024

Patrick Poivre d'Arvor : une affaire loin d'être terminée...

De nouvelles plaintes, un dossier de 2005 qui vient d'être exhumé, et des évolutions intéressantes sur la question de la prescription...

 

https://www.humanite.fr/medias/affaires-judiciaires/affaire-ppda-une-premiere-plainte-et-une-perquisition-a-tf1-des-2005

Affaire PPDA : une première plainte et une perquisition à TF1 dès 2005

« Le Monde » a retrouvé Caroline Merlet, qui accuse l’ancien animateur Patrick Poivre d'Arvor de l’avoir violée en 2005. Malgré une enquête lancée à l’époque, dont des interrogatoires et une visite des locaux de TF1 par la police judiciaire, cette affaire n’a refait surface que ces derniers jours.

 

La plainte déposée par la journaliste Florence Porcel, le 15 février 2021, était considérée comme étant la première. Cette dernière, appuyée par la suite par une dizaine d’autres plaignantes, avait permis de mettre en lumière un système de prédation bien rodé au sein de la première chaîne de télévision européenne. Il n’en est finalement rien : Patrick Poivre d’Arvor (PPDA), ex-animateur star de TF1, était déjà visé par la justice en 2005 pour une accusation de viol. Et ce, alors même que le journaliste et le groupe ont basé leur défense sur cette plainte de 2021, déposée par une « amoureuse éconduite » et censée avoir déclenché une vague de récits « mensongers », par la suite. Florence Porcel dénonce un rapport sexuel forcé, en 2004, et l’accuse de l’avoir forcée à réaliser une fellation, en 2009.

C’est pourtant une tout autre réalité qui se dévoile avec le récit de Caroline Merlet, 29 ans à l’époque. Alors sans emploi, en proie à une période de doutes, cette dernière décide d’envoyer une lettre à l’animateur. Elle qui sort à peine d’un épisode d’anorexie, qui souhaite reprendre des études de psychologie, a trouvé dans la tragédie vécue par la famille Arvor – la fille du journaliste, Solenn, s’est suicidée en 1995 – le déclic pour reprendre en main sa vie. PPDA lui laisse un message vocal : « Il me dit « venez au journal et on parlera ensuite ensemble », raconte Caroline Merlet au Monde, qui a dévoilé l’affaire. Il me laisse un numéro à rappeler pour prendre rendez-vous et me dit « à bientôt j’espère, au revoir Caroline. » L’invitation était maladroite. »

Interrogé le 5 octobre 2005

Le rendez-vous est pris le 14 mars 2005. Comme la dizaine de plaignantes qui ont pris la parole ces dernières années, Caroline Merlet décrit un schéma reproduit à de nombreuses reprises par l’animateur. Celui qui trône sur la tour TF1, située à Boulogne-Billancourt, se montre froid au premier abord. L’étudiante en psychologie attend ainsi dans un coin du studio, le temps que PPDA anime le journal télévisé du 20 heures. Puis, une fois ce dernier conclu, une assistante du journaliste emmène l’invitée dans le bureau de PPDA, absent. Caroline Merlet l’attend une dizaine de minutes. Une fois arrivé, l’animateur lui demande si elle est « amoureuse de lui », l’embrasse de force, lui demande une fellation, puis la viole sur son bureau, sans préservatif.

Caroline Merlet décide de porter plainte pour viol au commissariat de Rochefort, trois mois plus tard. La plainte sera ensuite transférée au parquet de Nanterre. Le 5 octobre 2005, PPDA est interrogé par la section criminelle de la sous-direction de la police judiciaire (SDPJ) 92. Il en va de même pour deux de ses assistantes. Malgré les éléments de la justice (dont des mails échangés par PPDA et la victime supposée, où cette dernière l’accuse frontalement de l’avoir violé), l’animateur nie toute agression. « Peut-être a-t-elle eu le sentiment que je ne lui avais pas accordé assez d’attention », lance-t-il même à ses interrogateurs, comme l’indique le procès-verbal consulté par les journalistes du Monde. Les enquêteurs se rendent, par la suite, dans les locaux de TF1, pour inspecter le bureau de PPDA.

Toujours pas d’enquête interne à TF1

L’affaire est finalement classée sans suite, faute d’éléments. Pire, ni le principal accusé ni ses proches n’ont fait part de cette accusation lors des interrogatoires réalisés en 2021. Questionnés par le Monde, le groupe TF1 et sa maison mère, Bouygues, campent sur leur position : ils affirment n’être au courant de rien. Comme en 2021, la chaîne plaide ainsi une méconnaissance des faits : « La direction actuelle du groupe, qui a été renouvelée plusieurs fois depuis l’époque des faits, a connaissance de ces événements (de l’affaire PPDA) au fil de leur médiatisation. » À ce jour, cette dernière n’a d’ailleurs toujours pas lancé d’enquête interne.

L’affaire PPDA est cependant loin d’être terminée. Cinq nouvelles instructions ont notamment été ouvertes par le parquet de Nanterre cet été, comme l’a révélé Libération. Une plainte, avec constitution de partie civile, a ainsi été déposée par Marie-Laure Eude-Delattre, Hélène Devynck, Stéphanie Khayat et Margot Cauquil-Gleizes, le 19 juin dernier. Au total, 23 femmes accusent Patrick Poivre D’Arvor de viols, d’agressions ou d’harcèlement sexuel.

 

https://www.lefigaro.fr/actualite-france/affaire-ppda-deux-nouvelles-femmes-deposent-plainte-avec-constitution-de-partie-civile-20241021

Affaire PPDA : deux nouvelles femmes déposent plainte avec constitution de partie civile


Patrick Poivre d'Arvor assiste à la cérémonie funéraire de l'ancien ministre de la Culture, écrivain et animateur de télévision français Frédéric Mitterrand, à Paris le 26 mars 2024.
Patrick Poivre d'Arvor assiste à la cérémonie funéraire de l'ancien ministre de la Culture, écrivain et animateur de télévision français Frédéric Mitterrand, à Paris le 26 mars 2024. STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

 

Le parquet de Nanterre a confirmé par ailleurs ce lundi au Figaro l’existence d’une première plainte pour viol déposée dès 2005 contre l’ex-présentateur du journal de TF1.

Deux nouvelles femmes ont porté plainte avec constitution de partie civile contre Patrick Poivre d'Arvor, après que leurs plaintes ont été initialement classées sans suite pour prescription, a indiqué lundi le parquet de Nanterre, sollicité par l'AFP. 

Cinq autres femmes avaient elles aussi déposé plainte en juin dernier, entraînant la saisie de deux juges d'instruction le 19 juillet, et qui ont depuis été jointes à l'information judiciaire ouverte en décembre 2021 après la plainte avec constitution de partie civile de l'autrice Florence Porcel, qui accuse l'ancien présentateur de l'avoir violée à deux reprises. PPDA a été mis en examen en décembre 2023 pour l'un de ces viols. «Lors des précédentes constitutions de parties civiles, les juges saisis de la plainte de Florence Porcel ont été désignés et ils ont ordonné la jonction avec leur affaire initiale», a précisé le parquet.

Cette information judiciaire avait été élargie en février à deux autres viols et une agression sexuelle dénoncés par trois femmes. Au total, plus de 40 femmes ont témoigné auprès de la justice contre l'ancien présentateur des JT d'Antenne 2 puis de TF1, âgé de 77 ans, qui conteste les accusations de viols et d'agressions sexuelles. 

Une plainte déjà déposée en 2005

L'une d'elles l'avait dénoncé il y a 19 ans, Caroline Merlet avait déposé plainte pour viol contre Patrick Poivre d'Arvor en juin 2005. Contacté par Le Figaro, le parquet de Nanterre a affirmé «qu'une plainte pour viol avait bien été déposée en mai 2005 dans le ressort du tribunal de Rochefort, et classée sans suite en octobre 2005 par le parquet de Nanterre, faute de preuve après audition du mis en cause qui a contesté les faits, l'analyse ADN étant négative», confirmant une information du Monde. 

Le parquet affirme néanmoins avoir «identifié le dossier et l'a étudié dans le cadre de ses vérifications réalisées pour rechercher une éventuelle connexité avec les autres procédures dont le parquet était saisi. Cette connexité a permis d'interrompre les prescriptions, et le délai est alors reparti à zéro à partir des derniers actes d'enquête d'octobre 2005. Au vu des délais de prescription prévus par la loi à l'époque, les faits délictuels se sont donc prescrits en octobre 2008 et les faits criminels en octobre 2015, soit avant l'entrée en vigueur de la loi de 2017 qui a allongé ces délais sans rétroactivité, c'est-à-dire sans pouvoir revenir sur les délais complètement écoulés. Ils sont donc prescrits aujourd'hui». Dans le cadre de cette enquête, l'animateur avait donc été auditionné par les enquêteurs de la police judiciaire des Hauts-de-Seine, et des policiers s'étaient rendus dans son bureau de la tour TF1, située à Boulogne-Billancourt à l'ouest de Paris, pour effectuer des constatations. 

TF1 accusé de «protéger» PPDA

Caroline Merlet avait 29 ans à l'époque, et les faits qu'elle dénonce se sont produits le 14 mars 2005 dans le bureau du présentateur, après le journal télévisé auquel elle avait assisté, détaille Le Monde. Le 16 juin 2005, elle se rend au commissariat de Rochefort (Charente-Maritime) pour déposer plainte pour viol contre l'animateur, plainte qui n'a jamais été rendue publique, ajoute le quotidien. Mais la suppression du tribunal de cette ville «lors de la réforme de la carte judiciaire en 2007 a complexifié les recherches», a expliqué le parquet de Nanterre. Le ministère public a toutefois «identifié le dossier et l'a étudié dans le cadre de ses vérifications réalisées pour rechercher une éventuelle connexité avec des procédures dont le parquet était saisi». Contactée par l'AFP, l'avocate de PPDA, Me Jacqueline Laffont, n'était pas immédiatement joignable.

Quant à la direction de la chaîne, elle a expliqué auprès de l'AFP n'avoir pas eu connaissance de cette procédure en 2005, affirmant que la direction «a été renouvelée plusieurs fois depuis l'époque des faits» et «a connaissance de ces événements au fil de leur médiatisation». «C'est inimaginable», conteste la journaliste Hélène Devynck, jointe par l'AFP, qui a déposé plainte avec constitution de partie civile en juin dernier contre PPDA. «C'est impossible de rentrer» dans les locaux de TF1 et «de perquisitionner un bureau sans que la direction ne soit au courant», a-t-elle souligné, accusant TF1 de «protéger» son ancienne vedette et d'avoir «dissimulé» cette plainte. Elle et les autres plaignantes sont «dans une colère noire», ajoute-t-elle: «Si j'avais su en 2005, peut-être que j'aurais témoigné» cette année-là, «peut-être que beaucoup des 46 femmes qui ont témoigné aujourd'hui l'auraient fait aussi» il y a 19 ans. 

 

https://www.lessurligneurs.eu/affaire-ppda-derriere-louverture-de-nouvelles-instructions-une-possible-evolution-de-la-prescription/

Affaire PPDA : derrière l’ouverture de nouvelles instructions, une possible évolution de la prescription

 

 
Création : 5 août 2024

Autrice : Clotilde Jégousse, journaliste

Relecteur : Etienne Merle, journaliste


La réouverture de prescriptions clauses pourrait être décidée, pour la première fois, dans les affaires visant Patrick Poivre d’Arvor pour viols et agressions sexuelles.

L’évolution serait à la mesure de l’onde de choc médiatique provoquée par les accusations en cascade de viol à l’encontre du présentateur star Patrick Poivre d’Arvor depuis 2021. Mardi 30 juillet, le journal Libération a révélé l’ouverture de cinq nouvelles instructions pour viols et viols aggravés sur cinq femmes différentes, après le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile le 19 juin. Pourtant, les faits concernés avaient été considérés prescrits par le parquet de Nanterre en février dernier. 

Au moment où les victimes présumées se manifestent et portent plainte, entre 2021 et 2022, les faits sont en effet déjà anciens : ils auraient eu lieu entre 1985 et 1994, soit 37 ans avant pour les plus lointains, et 27 ans pour les plus récents. Or le délai de prescription concernant le viol – la durée au-delà de laquelle une action en justice n’est plus possible – était de dix ans au moment de faits. C’est donc logiquement que le parquet de Nanterre avait décidé d’un classement sans suite cet hiver.  

Toutefois, le procureur n’était pas allé jusqu’au stade de la saisine d’un juge d’instruction. “La décision qu’a rendue le parquet n’était donc pas dite ‘juridictionnelle’, c’est-à-dire qu’elle n’avait pas éteint l’action publique”, précise Jean-Baptiste Thierry, professeur de droit pénal à l’université de Lorraine.

Cela a permis à l’avocate des plaignantes, Corrinne Herrmann, de déposer à nouveau plainte mi-juin. Dans les colonnes de Libération, la spécialiste des crimes en série et des affaires non résolues s’appuie sur un principe de sérialité pour contester la prescription : selon elle, parce que Patrick Poivre d’Arvor aurait sévi à l’aide du même mode opératoire pendant plusieurs décennies, la prescription globale devrait courir à partir des faits les plus récents. En l’occurrence, sur les 22 plaintes visant l’ex-tête d’affiche de TF1, trois concernent des viols et agressions sexuelles qui auraient eu lieu entre 2007 et 2018, et ne sont donc pas prescrites. 

“Prescription glissante”

Pourraient-elles alors permettre à la justice de se prononcer sur des agissements vieux de 30 ans ? “Normalement, en droit, on ne peut pas revenir sur des faits déjà déclarés prescrits, tranche d’abord Audrey Darsonville, professeure de droit pénal à l’université Paris Nanterre, avant de nuancer : La notion de série existe en matière de viol, mais il s’agit d’une circonstance aggravante. Elle n’est pas utilisée en matière de prescription, sauf pour les mineurs avec la prescription glissante.” 

En effet, depuis la loi du 21 avril 2021, adoptée pour protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, si une infraction s’inscrit dans une “série” perpétrée par le même auteur, la justice considère que chaque agissement ultérieur fait repartir la prescription du précédent à zéro. Ce principe, prévu à l’article 7 du code de procédure pénale, a déjà été appliqué par le tribunal judiciaire de Brest le 5 juillet 2021 pour des incestes commis au sein d’une fratrie. Le tribunal a jugé que la plainte déposée par l’un des enfants des années auparavant avait interrompu le délai de prescription d’une sœur, pour qui les faits auraient été prescrits. 

À priori, cette prescription “glissante” ne s’applique pas en matière de viol sur un majeur. Toutefois, selon Audrey Darsonville, il existe une jurisprudence sur laquelle le tribunal de Nanterre pourrait s’appuyer pour faire droit à la demande de l’avocate des plaignantes. “Dans un arrêt du 29 novembre 2005 au sujet d’abus de faiblesse, la chambre criminelle de la Cour de cassation a innové en disant que, puisqu’il s’agissait de faits en série concernant la même victime, les poursuites devaient être étendues à tous les faits, y compris les prescrits. Or, ce n’était déjà pas prévu par la loi”, décrypte la spécialiste de droit pénal. 

Dans cette affaire, il ne s’agissait pas d’un crime, mais d’un délit, et une seule victime était concernée sur toute la période. Mais la tendance de ces dernières années, marquées par l’explosion du mouvement #MeToo et la libération de la parole des femmes, pourrait aller dans le sens d’une interprétation extensive de cette jurisprudence, selon la juriste. Alors que l’on connaît de mieux en mieux les mécanismes et les obstacles qui peuvent empêcher des victimes de se manifester dans un premier temps, “il y a une intolérance sociale de plus en plus forte au sujet de la prescription”, estime-t-elle. 

Rien ne dit toutefois qu’une décision du tribunal judiciaire de Nanterre en ce sens ne serait pas censurée par la chambre de l’instruction – qui traite les appels contre les décisions des juges d’instruction – ou la Cour de cassation. D’autant qu’elle ouvrirait une abyssale boîte de pandore. “Elle pourrait être appliquée aux cas de Gérard Depardieu, Benoît Jacquot ou Jacques Doyon, tous mis en cause pour des faits prescrits, abonde Audrey Darsonville. Il y aurait une réaction en cascade”.

 

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