LE SCAN POLITIQUE – L’eurodéputé avait avoué son envie de passer dans
le journal people. Il s’y adresse aux femmes et aux jeunes en mêlant
confidences et politique.
Le fondateur du Parti de gauche a laissé courir le bruit depuis quelques semaines: il s’est livré au magazine people Closer dans une longue interview. Et pour l’occasion, Jean-Luc Mélenchon
s’est départi de son répertoire habituel de pourfendeur des puissants
et des médias pour enfiler son costume du séducteur. Photos posées,
langage de jeunes et petites confidences à l’appui: l’initiateur du
mouvement pour la VIe république (M6R) revendique une «transgression» et
drague ouvertement le lectorat jeune et féminin du magazine. «Je
réponds à Closer pour parler à ses lecteurs (…) Ceux qui le
lisent viennent y prendre un moment de détente? Très bien. Mais en se
faisant plaisir, ils vont peut-être me lire aussi!», se réjouit-il. Il
avait promis de ne pas parler de sa privée. On apprend quand même qu’il
ne conduit pas et se contente d’une tranche saumon à l’huile d’olive le
matin pour faire attention à sa ligne. Mais l’eurodéputé est aussi venu
la besace pleine de messages politiques.
» Mélenchon et le féminisme: la genèse
Il le reconnaît volontiers, Jean-Luc Mélenchon, «un méditerranéen
d’avant», n’est pas né féministe, il l’est devenu vers l’âge de 30 ans. «Jeune, je ne comprenais pas de quoi on parlait.
J’ai eu la chance de croiser une femme exceptionnelle, la romancière
Colette Audry (…) Un jour elle m’a pris à part: ‘Écoute, tu dis trop de
bêtises, les hommes et les femmes sont égaux en droits, mais il y a une
oppression spécifique aux femmes, ça s’appelle le patriarcat’. Elle a
lancé mon esprit comme une boule dans le jeu de quille de mes préjugés
masculins», raconte l’ancien sénateur.
» Mélenchon, défenseur des femmes
Parler à Closer, ça ne veut pas dire lâcher le terrain des
luttes, et notamment contre le travail du dimanche. Selon lui cette
mesure va surtout dégrader la vie des femmes qui constituent, selon lui,
le gros des travailleurs dans la restauration et la grande
distribution, deux secteurs concernés. «Qui décide du temps des
autres commande la société(…) Et les femmes sont le moins propriétaires
de leur temps. La domination des femmes est inscrite dans les horloges»,
assure Jean-Luc Mélenchon. Il plaide également pour que les femmes
prennent une place prépondérante dans son projet de VI ème république.
Il appelle de ses voeux la formation d’une assemblée constituante
paritaire, qui inscrirait dans la constitution le droit des femmes à
disposer de leur corps et donc à l’avortement.
» La compassion à l’égard de Valérie Trierweiler
«J’ai été aimé, j’ai aimé, j’ai connu des passions, j’ai approché des
gens qui m’ont bouleversés, que je n’aurais jamais approché autrement
compte tenu de mes origines sociales», raconte-t-il, assurant être resté
fidèle à ses vingt ans. Un brin sentimental encore, quand il évoque le
sort de la femme bafouée Valérie Trierweiller. «Je la connaissais
d’avant. Quand on connaît les gens, on envie de faire quelque chose de gentil si ils vont mal.
J’ai envoyé un petit message à Mme Trierweiller. Elle était dans la
souffrance». Mais passée l’instant compassion, Mélenchon prend ensuite
ses distances: «Elle est partie dans un délire où je ne me sens plus concerné».
» Mélenchon, neo-geek au langage «djeun’s»
Dans «l’espace de liberté» que représente pour lui Closer,
Jean-Luc Mélenchon vise les femmes, mais aussi la jeunesse au sens
large. Ainsi se fait-il promoteur du cyberespace avec le vocabulaire du
cru: «Ce n’est pas le bac à sable des djeun’s, c’est une nouvelle dimension du réel». Le leader du Front de Gauche confie également qu’il est désormais équipé de deux consoles de jeux vidéo
et qu’il passera une partie des vacances de Noël la manette en main. Il
ne boude pas non plus son plaisir en détaillant son succès sur les
réseaux sociaux: 300.000 followers sur Twitter, 10.000 visites
quotidiennes sur son blog et 197.000 likes sur sa page Facebook. Il a
beau se montrer dans une rédaction de presse people, Mélenchon confie
aussi sa lassitude face à cette célébrité qui lui vaut aujourd’hui «le
destin d’une belle femme». «Tous les relous de la terre se sentent autorisés à faire des commentaires sur mon comportement, ma vie», commente-t-il. Mélenchon voulait avant tout parler dans Closer pour «faire enrager» les autres politiques.
Il prédit aux journalistes du magazine: «Vous serez bientôt harcelés.
Beaucoup vont se bousculer pour être dans votre journal puisque j’y suis
venu!»
Jean-Luc Mélenchon avoue que l’affaire Gayet-Hollande l’a bien « fait rigoler »
Jean-Luc Mélenchon estime que Closer est « un espace de
liberté », dans une longue interview vendredi dans l’hebdomadaire people
connu pour avoir publié les premières photos de Julie Gayet et François
Hollande, ainsi que celles du vice-président du FN et son compagnon.
Il raconte également que »l’affaire Julie Gayet-François Hollande
(l)’a fait rigoler comme tout le monde. »
Il fait la une du magazine people mais pour parler politique. L’ancien candidat Front de gauche à la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon a estimé dans une longue interview au magazine que Closer est « un espace de liberté ».
Interrogé sur le fait de savoir si « la manière de se comporter des
hommes politiques dans leur vie personnelle, y compris quand il s’agit
du président de la République, n’aide pas à la compréhension de leur
personnalité tout court », il répond: « Je ne le crois pas. C’est une
illusion! Est-ce que, pour mieux comprendre le métier des journalistes
de Closer, il faudrait montrer leur vie privée? Quelle blague! »
« Il y a actuellement ce qu’on appelle la tyrannie de l’intimité. Et
c’est d’abord une déroute idéologique pour nous, hommes politiques. Vous
nous infligez un supplice horrible : la transparence. Tout le monde a
besoin d’un jardin secret, de sa part d’ombre. Alors que personne ne
peut être parfait… » poursuit-il. »L’affaire Julie Gayet-François Hollande
m’a fait rigoler comme tout le monde. Après, on se dit quand même
‘ouille, ouille, ça va très loin, cette histoire…’ Mais je suis prudent.
Autrefois, je pensais que vous étiez juste des inquisiteurs
déplaisants. Et puis, un jour, un copain photographe m’a dit: ‘Parfois,
ce sont certaines célébrités qui nous disent de venir. Ce ne sont pas
des photos volées, mais voulues…’ »
« Les prétentieux, les arrogants vont nous faire le coup du dégoût »
Les médias classiques « sont souvent le lieu d’un ‘entre soi cruel et
vaniteux’, affirme l’eurodéputé du Front de Gauche, qui a passé
plusieurs heures à visiter la rédaction du magazine. « Je suis un
rebelle. Je ne suis pas une sorte de Manuel Valls en plus âgé. Face à ce
robot qui construit un mur de phrases toutes faites dans les médias
officiels, je dois tout le temps trouver des failles dans le mur par
lesquelles passer le message. A cet instant, vous êtes pour moi un
espace de liberté. »
« Moi, ce qui m’intéresse ici (chez Closer), c’est le grand
nombre, qui a des goûts simples, qui ne se prend pas trop au sérieux.
Les prétentieux, les arrogants vont nous faire le coup du dégoût… Ils ne
s’occuperont pas de ce que j’ai pu dire, mais du lieu où je l’ai dit »,
s’indigne-t-il.
Jean-Luc Mélenchon dans «Closer», une opération gagnant-gagnant
Jean-Luc Mélenchon à Nantes, le 2 décembre 2014. – JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP
Maud Pierron
Créé le 19.12.2014 à 07:16
Mis à jour le 19.12.2014 à 07:50
Il récidive à peu près tous les deux ans. Dans Voici en 2010, il disait tout le bien qu’il pensait de Carla Bruni. A Gala en 2012, il confessait vouloir écrire un roman d’amour. Ce vendredi, c’est sur le papier glacé d’un autre magazine people, un poil plus sulfureux, Closer, que Jean-Luc Mélenchon se confie. «Tout est parti d’un pari» en février dernier quand, après le scandale Hollande-Gayet, il avait dit, sur le ton du défi, qu’il irait bien parler chez Closer, se souvient pour 20 Minutes
Laurence Pieau, la directrice de la rédaction de l’hebdomadaire. Elle a
saisi la balle au bond et quelques mois après, le leader du Front de
gauche parle de son cheminement vers le féminisme tout en critiquant le
travail du dimanche dans les pages de l’hebdomadaire…
C’est «le premier homme politique de cette envergure» à accorder un
entretien à l’hebdomadaire, se félicite-t-elle. Car en matière de
communication, comme ailleurs, Jean-Luc Mélenchon aime provoquer,
transgresser, sortir du cadre. L’an dernier, en mai 2013, le leader du
Front de gauche était aussi le premier politique à se rendre sur le
plateau de Touche pas à mon poste pour écouter les blagues potaches de Cyril Hanouna.
A la recherche du peuple
Et pourtant, l’ex-candidat à la présidentielle n’a jamais de mot
assez dur pour villipender le travail de la presse people quand lui
protège jalousement sa vie privée. «S’il méprise ces journaux, il n’a
pas de mépris pour leur lectorat», explique un observateur. Car pour
lui, c’est un moyen de rentrer chez les coiffeurs, dans les salles
d’attente des médecins, d’accompagner les Français en vacances. Surtout
ceux qui ne sont pas forcément lecteurs du Monde ou téléspectateurs assidus de Mots-Croisés.
«Il va à Closer pour parler aux lecteurs de Closer»,
commente-t-on sobrement dans son entourage, tout en mettant en avant
l’intérêt de parler à des personnes qui sont plutôt dans un moment de
détente. Quoi de plus logique, aussi, pour celui qui se veut le guide
du «peuple» pour mener la «révolution citoyenne», que d’aller sur son
terrain. Une manière aussi de s’assurer quelques reprises médiatiques,
alors que dans son entourage, on rappelle qu’il a donné une interview au
Monde la semaine dernière, la première depuis un an, qui a à peine été relevée.
Un gain d’image
Laurence Pieau résume plus crûment les enjeux, même si elle salue
son «initiative de parler sans tabou à un magazine people»: «En audience
globale, on pèse neuf millions de lecteurs. Aucun homme politique ne
peut ignorer la puissance de notre magazine.»
Si pour Mélenchon l’opération est un bon coup, Closer y trouve évidemment aussi son compte. «Une interview, c’est un pacte: d’un côté, Closer, surtout après l’épisode Philippot, se
rachète une forme de respectabilité et de reconnaissance. De l’autre
côté, Mélenchon peut dire: »Voyez comme je suis transgressif »»,
analyse Christian Delporte, professeur d’histoire contemporaine et
directeur de la revue Le temps des médias. D’autres interviews
viendront, même si l’expérience n’a pas vocation à se renouveler chaque
semaine. Jusqu’à ce que le pacte gagnant-gagnant pour l’instant soit
rompu par l’une des deux parties: des politiques dont les secrets
d’alcôve auraient été trop trahis ou des journaux qui considèrent que le
gain d’image ne vaut pas une éventuelle perte de lecteurs.
Retrouver Mélenchon dans un « moment de détente », ce n’est plus du
tout de la détente, c’est sûr, ou alors seulement celle du bras qui
envoie valser le journal.
Si j’étais médecin, je pense que j’éviterais absolument d’infliger à
mes patients le spectacle de cet individu jouant au rebelle dans Closer
juste avant de passer sur la table d’examen ou de subir des actes
nécessitant qu’ils soient parfaitement détendus.
En revanche, je ne manquerais pas de les informer sur les agissement
des sbires du même individu à l’hôpital public : vol de dossiers
médicaux, viol du secret médical pour les délits les plus bénins.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire