Avec Roger Nols, ancien garçon de café, s'éclairent tous les vols de boissons et paquets de café par les tueurs du Brabant entre 1981 et 1985, ainsi que les attaques de terrasses de cafés à Paris le 13 novembre 2015, les frères Abdeslam, tenant eux-mêmes un bar à Molenbeek-Saint-Jean, ayant pris la relève de leurs prédécesseurs du début des années 1980. Leur rattachement à la commune de Schaerbeek est par ailleurs manifeste.
A lire :
https://journals.openedition.org/brussels/6055
Faut-il déboulonner le buste de Roger Nols à Schaerbeek ? L'étude des historiens ne tranche pas
Par Karim Fadoul
"Roger Nols : un bourgmestre (in)déboulonnable ?". Ce titre trône au-dessus d’un article qui paraît ce lundi sur le site de la revue scientifique "Brussels Studies". Ses auteurs, deux professeurs d’histoire, Serge Jaumain (ULB) et Joost Vaesen (VUB) ont été mandatés par la commune de Schaerbeek, dont Roger Nols a été bourgmestre de 1970 à 1989, pour trouver une réponse à l’épineuse question.
Roger Nols, responsable politique ouvertement xénophobe, libéral passé par le FDF, le PRL puis le Front National a marqué l’histoire de Schaerbeek. Décédé en 2004, celui qui a invité Jean-Marie Le Pen à Schaerbeek, fait fermer des écoles, interdit les cours de religion islamique et créé des guichets séparés pour les habitants néerlandophones au début de son mandat, a fait de sa commune, osons le dire, un repoussoir et le centre de l’attention des médias de l’époque.
Mais avec deux décennies aux commandes de l’une des plus importantes entités du pays, difficile de lui refuser son buste du souvenir en marbre, installé après sa disparition dans l’hôtel communal. En 2017, le MRAX, Mouvement de lutte contre le racisme et la xénophobie, demande pourtant aux autorités locales de le faire retirer. Le bourgmestre Bernard Clerfayt (DéFI) ne tranche pas et se tourne alors vers les historiens Jaumain et Vaesen, qui viennent de rendre leurs conclusions.
M. Jaumain, pourquoi s’intéresser à Roger Nols ?
Je le rappelle, ceci est d’abord et avant tout une demande de la commune de Schaerbeek. Cela est lié bien sûr à la situation que l’on connaît aujourd’hui avec les débats autour des statues que l’on retrouve dans l’espace public, mais aussi des plaques de rues. On a vu ces dernières années, notamment depuis le mouvement Black Lives Matter un certain nombre de questionnements par rapport à la place de statues dans l’espace public. Les débats ont été très variés sur le sujet. A Schaerbeek, il y a eu en 2017 cette interpellation du MRAX concernant le buste de Roger Nols. J’ai trouvé à ce moment-là les attitudes des autorités très intéressantes. Plutôt que de dire, ce qui aurait été le plus facile, c’est enlever le buste et on le met dans les réserves, elles ont dit que Roger Nols a joué un rôle important dans la vie de Schaerbeek. Le cacher aurait posé un problème car ce n’est pas par hasard si le buste est là. On parle d’une personnalité qui a été élue et réélue avec de très confortables scores électoraux.
La commune est donc venue vers vous…
Vers nous, le Brussels Studies Institute, organe de chercheurs qui travaillons sur Bruxelles… La commune, le bourgmestre Bernard Clerfayt, nous a demandé de réaliser une étude sur Roger Nols. Pas pour mettre le personnage en valeur mais, au contraire, pour comprendre le contexte dans lequel tous les événements le concernant se sont passés. Et ensuite, la commune verra ce qu’elle fera avec le buste.
Dès lors, vous ne prenez pas position et ne répondez pas à la question. Faut-il déboulonner ou pas le buste de Roger Nols ?
Le rôle des historiens est d’aider la commune à réfléchir. Nous apportons nos connaissances sur le sujet. Nous avons réalisé une synthèse historique. Alors, pas de nouvelles révélations à attendre sur Roger Nols. Mais nous voulions apporter nos éléments historiques dans le débat. L’objectif n’est pas de prendre uniquement la personnalité de Nols mais d’analyser aussi la situation de la commune, son évolution, son urbanisation… Et à partir de là, essayer de remettre tous ces éléments dans leur époque. Et au final, la décision sur ce qu’il y a lieu de faire sur le buste ne nous appartient pas. Cela doit être discuté de manière très large.
C’est une décision politique malgré tout…
Oui. Mais politique au sens large. Ce n’est pas une question qui ne devrait être débattue qu’au conseil communal de Schaerbeek. Il est important de discuter avec les habitants de la commune, les personnes extérieures à la commune… Le buste doit permettre l’organisation d’un débat pas uniquement sur son maintien mais aussi sur la personnalité de Roger Nols. Quand il se promène en djellaba à dos de chameau dans Schaerbeek, l’image a peut-être fait sourire mais c’est effroyable. Un des points importants à avoir en tête et c’est ce que montre notre étude, c’est que Nols est avant tout un opportuniste.
Nols, un opportuniste, c’est-à-dire ?
Un opportuniste de premier plan qui a cette capacité à surfer sur la vague. Il le fait de manière à se construire des succès électoraux très importants. Nols est un populiste avant l’heure qui a utilisé les médias de manière très impressionnante sans faire l'objet de profondes critiques sur son attitude. Mais cela, on ne peut s’en rendre compte qu’avec notre regard d’aujourd’hui. Avec les scores qu’il fait aux élections européennes, cela montre quand même qu’on est dans un contexte où il n’y a pas beaucoup d’opposition. Des gens sont peut-être choqués par ses actes et ses propos. Mais il a un soutien considérable.
Quel est donc le contexte "Roger Nols"?
Il y a d’abord une personnalité. On l’a dit : opportuniste qui sait sentir d’où vient le vent et qui va tout faire pour se maintenir au pouvoir. Tout le monde a en tête ses positions sur les immigrés. Mais il a d’abord et surtout été connu suite à la question des guichets qui est tout de même une forme assez dure de discrimination à l’égard des Flamands de Bruxelles. Pour rappel, en 1975, il décide d’organiser des guichets séparés pour les néerlandophones de Schaerbeek. Son argument : ils ne sont pas nombreux et il faut derrière les guichets des fonctionnaires capables de s’adresser à eux en néerlandais. Oubliant, au passage, qu’il y a une règle qui fait que l’administration doit être bilingue. Cette décision a été reprise par l’ensemble de la presse nationale et il y a eu des manifestations contre cette mesure.
Et après l’affaire des guichets et la discrimination à l’égard des Flamands ?
Il passe à la discrimination sur base de la nationalité après la discrimination sur base linguistique. Chaque fois, il essaie d’utiliser des éléments qui ont une certaine résonance. Sur les étrangers, il explique que leurs dossiers sont plus difficiles à traiter. Et donc, il met en place des guichets séparés. Dans son esprit, ce n’est pas une discrimination. Quand au départ, il se fait connaître avec son combat linguistique, un certain nombre de francophones se sont reconnus en Nols. C’est pour cela qu’il a fait des scores impressionnants aux européennes car des francophones qui n’habitaient pas Schaerbeek ont voté pour lui.
Extrait du JT de la RTBF du 12 avril 1983
Populiste, opportuniste… Mais encore ?
Il y a le contexte communal. On est à une époque avec Schaerbeek qui est en pleine transformation. La commune va subir une urbanisation forcée et pas toujours correctement planifiée. On pense au plan Manhattan dans le quartier Nord. Une transformation très violente de Bruxelles avec des quartiers complètement abandonnés, qui vont devenir de plus en plus pauvres et accueillir des populations migrantes… Nols va utiliser cet élément-là pour aller chercher un électorat traditionnel, belge, qui s’oppose à cette migration. Cela, même si Roger Nols, qui avait le sens du contact, était capable de discuter et bien s’entendre avec les immigrés…
Il y a aussi un contexte plus large, celui de Bruxelles en général…
Exactement, avec des classes moyennes qui vont quitter Bruxelles et s’établir en banlieues. Des quartiers vont donc souffrir. Ensuite, il y a des mesures au niveau national qui vont permettre aux bourgmestres de limiter l’inscription dans leur commune de non-Belges. Il va utiliser cela et il ne sera pas le seul. Ce n’est pas un personnage isolé. Il a un soutien fort de ses électeurs et il s’inscrit dans un contexte. Il n’a pas toujours provoqué d’opposition généralisée.
Lui accordez-vous d’autres circonstances atténuantes, quarante ou cinquante ans plus tard ?
Grâce à lui – je dis "grâce" avec beaucoup de guillemets -, Schaerbeek est devenue une commune tout à fait exceptionnelle dans le développement d’associations progressistes. On y a vu fleurir des organisations extrêmement diversifiées venant en aide aux immigrés et aux plus précaires. Schaerbeek était devenue une commune de combat où on luttait contre les politiques de Roger Nols. Cela a participé aussi au développement de la commune.
Ceci étant, Nols est libéral, passe au FDF, puis au PRL, crée sa propre liste qui porte son propre nom avant de finir au Front national…
Ce n’est pas parce qu’il est opportuniste que cela peut le dédouaner d’une quelconque manière de ses opinions. Il y a eu une évolution d’un homme de droite vers l’extrême droite. Dans un premier temps, son discours lui permet de capter beaucoup de voix. Mais son rapprochement par rapport à Jean-Marie Le Pen et le fait qu’il va totalement épouser les idées d’extrême droite jusqu’à la soutenir, cela montre qu’il s’enfonce dans cette idéologie. Il y croit. La fin de son règne, de son parcours politique, est marquée par l’extrême droite. A ce moment-là, il perd une majorité de ses électeurs. Tant qu’il n’était pas relié directement aux partis d’extrême droite, il apparaissait encore comme quelqu’un de fréquentable. Mais dès qu’il prend ses engagements d’extrême droite, le soutien dont il bénéficie s’érode très rapidement.
Vous voulez aussi souligner ce qu’il a représenté lorsqu’il est devenu bourgmestre pour la première fois en 1970. De quoi s’agit-il ?
Quand il est élu, il incarne quelque chose de nouveau. Les élus en place sont là depuis longtemps à Schaerbeek. Et cet homme, ancien garçon de café, qui vient du monde de l’hôtellerie, qui apparaît comme quelqu’un de proche du peuple donne une image d’anti-élite avec la volonté de bousculer les politiques traditionnels. Certains ont pensé qu’un vent nouveau soufflait sur la commune et il en a profité.
Plus de 30 ans après son dernier mandat de bourgmestre, il demeure une figure qui a marqué l’histoire de Schaerbeek au point de lui donner une image négative encore perçue aujourd’hui…
Ce n’est peut-être pas la manière dont toute la population de Schaerbeek aurait voulu qu’on parle d’elle à l’époque. Tout le monde connaissait Nols dans ces années-là alors que tout le monde n’était pas capable de citer le nom d’au moins dix bourgmestres en Belgique. Le nolsisme aura marqué à long terme l’image de la commune. Même s’il faut, je le rappelle, souligner le dynamisme associatif schaerbeekois. C’est quelque chose que Nols a réussi, malgré lui, à faire connaître. Schaerbeek, aujourd’hui, s’est détaché de la personnalité de Nols. Ses successeurs ont pris leurs distances, en tenant compte en même temps de l’évolution de la population de Schaerbeek. Et concernant ce buste, l’objectif est qu’aujourd’hui Schaerbeek se réapproprie son passé. Détruire, ce n’est pas une façon d’analyser ce passé, de le comprendre, avant de décider. Le buste en soi, n’est pas le cœur du débat. Le plus important, c’est ce qu’a représenté Nols à l’époque.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Roger_Nols
Roger Nols
Saint-Nicolas
Décès |
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Dinant
Nationalité | |
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Activité |
Roger Nols est un homme politique libéral belge né le à Tilleur (Liège) et décédé le , à Dinant.
Restaurateur1 et militant du Front démocratique des francophones, il est élu conseiller communal en 1956 et occupera la fonction de bourgmestre de Schaerbeek entre 1970 et 19892.
Il siégea pendant la 47e législature de la Chambre des représentants.
En 1971, il met sur pied un Conseil communal consultatif des immigrés, un des premiers en région bruxelloise. En 1975, il provoque une polémique linguistique nationale (« l'affaire des guichets ») en instaurant un guichet séparé à l'administration communale pour les néerlandophones, ce qui équivaut à dispenser les employés des autres guichets de l'obligation légale de bilinguisme français-néerlandais ainsi que l'envoi par le gouvernement national d'un commissaire pour y mettre fin à cette pratique. Sous sa gouvernance l'enseignement communal néerlandophone fut négligé et finalement fermé3.
Les partis démocratiques bruxellois lui reprochent d'avoir mené dans les années 1980 une politique de délaissement des quartiers historiques, où s'était établie la population immigrée, tout en faisant preuve de démagogie xénophobe forcenée allant jusqu'à inviter Jean-Marie Le Pen à Schaerbeek dans les années 1980, à interdire les enseignes de magasin dans d'autres langues que le français ou le néerlandais, à interdire les rassemblements vespéraux de plus de trois personnes sur la voie publique, interdire les cours de religion musulmane dans les écoles communales, bloquer l'inscription d'étrangers auprès de l'administration communale4,5.
La majorité issue des élections communales de 1994 rompt avec le nolsisme tout en conservant quelques édiles ex-nolsistes comme le bourgmestre Francis Duriau, associés au FDF, au Parti Socialiste et à Ecolo et Jean-Pierre Van Gorp (ancien des listes Nols). Pour la première fois, des Belges d’origine marocaine puis albanaise, entrent au conseil communal, et six ans plus tard au sein du Collège communal.
Campagne électorale controversée
En arrivant à dos de chameau à l'hôtel communal de Schaerbeek — mise en scène diffusée à la télévision belge le — Roger Nols caricaturait ce qui aurait résulté, selon lui, de l'extension du droit de vote aux étrangers6.
Du PRL au Front national
Il a été également élu député du Front démocratique des francophone (FDF) puis du PRL. Le slogan de sa campagne électorale pour les élections de 1991 était : « Sécurité d'abord - Stop à l'invasion » (nord-africaine, comme l'image [Quoi ?] le démontrera)7.
En 1995, il rejoint le Front National de Daniel Féret avec d'autres transfuges du FDF et du PRL. Roger Nols figure en deuxième place sur la liste du Sénat déposée par le FN pour les élections législatives.
En 1996, après le clash survenu en au sein du Front national, l'ex-bourgmestre de Schaerbeek va soutenir Marguerite Bastien (venant également du PRL), la nouvelle députée fédérale et meneuse des frontistes anti-Féret. Avec l'appui de Roger Nols, cette dernière va fonder un nouveau FN qui prend le nom de Front nouveau de Belgique (FNB) en 1996. Le FNB reçoit alors l'appui du FN français de Jean-Marie Le Pen8.
Il prend ses distances avec la fédération bruxelloise du Parti libéral et, aux élections régionales bruxelloises de 1999 notamment, se présente sur les listes du Front National, puis du FNB3.
Remarié, il avait pris ses distances avec la politique pour des motifs de santé1.
L'homme politique bruxellois s'éteint le , à Dinant, à la suite des complications d’une tumeur au cerveau9.
Notes et références
- La Libre.be, « Décès de Roger Nols » [archive], sur LaLibre.be, (consulté le ).
Voir aussi
Bibliographie
- Roger Nols, La Belgique en danger, Éditions La Ligne Claire, 1987, 136 pages (ISBN 287115001X).
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