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Politique : enquête chez les ultras, à la rencontre des extrêmes (1/3)
Par la rédaction pour La Voix du Nord, Publié le 06/01/2015
Sophie Filippi-Paoli et Pierre-Laurent Flamen
La tension est montée d’un cran entre ultra-droite et antifascistes avec de gros affrontements en septembre à Calais, puis en octobre à Lille. Plus ou moins bien structurés, ces groupuscules mêlent idéologie radicale et méfiance vis-à-vis des médias. Premier volet de notre enquête en trois volets.
Où l’on traque l’extrême gauche
Samedi 8 novembre, à Lille, tentative (avortée) de prise de contact. On vient de lancer l’enquête. Une manifestation en mémoire de Rémi Fraisse est organisée sur la grand-place de Lille. Lors des manifs précédentes, des autonomes étaient dans le cortège, ça ne s’est pas forcément bien passé avec les collègues de la presse. Raison de plus pour aller jeter un œil.
À l’heure convenue, pas grand monde. Et soudain, en quelques minutes, ils sont là. Visages couverts par des écharpes, habillés en noir pour la plupart. Une jeune fille prend la parole dans un mégaphone aux couleurs du syndicat CNT (anarchistes) et dénonce un État assassin. La grenade qui a tué Rémi Fraisse est très mal passée. On ne peut que le comprendre. La jeune fille est entourée de quatre-cinq types qui la dissimulent. Ils demandent aux photographes de ne pas déclencher : « Pas de photos, on ne veut pas de photos, c’est tout ! » On tente d’expliquer qu’on est là pour parler de la manif, que les visages ne sont pas identifiables. Peine perdue.
Le cortège s’ébranle. Visiblement, les autonomes ont fait le plein de pétards de gros volume. Ça explose de partout. Quand on passe devant les banques, ils lancent des billes de peinture. Un pétard explose entre mes jambes. Pas de bobo, juste un petit saut de cabri qui n’a pas dû être un modèle d’élégance. J’essaie de parler à plusieurs manifestants. À chaque fois, la réponse est similaire : « La Voix du Nord ? On n’a pas aimé ce que vous avez écrit. La dernière fois, vos collègues ont reçu de la lacrymo, mais ce sont eux qui ont commencé. Je n’ai rien contre les journalistes qui font de l’investigation. Mais vous, vous êtes au service du pouvoir. J’ai pas envie de vous parler. » Discussion compliquée, voire impossible.
Quand la manif passe devant « la Frite rit », établissement réputé pour pencher franchement à l’extrême droite (lire ci-dessous), ça se corse. Le volet mécanique en prend plein la tronche. Des CRS s’approchent. Quelques canettes vides volent, des poubelles brûlent. Il n’y aura pas d’autre contact avec les forces de l’ordre. Ni avec nous d’ailleurs…
Lundi 10 novembre : quelque part dans la métropole lilloise, tentative de contournement de l’obstacle. L’action directe ( sic ) sur le terrain n’ayant rien donné, on tente par des voies détournées. On a un pote qui a, autrefois, donné dans le militantisme (très) actif. Un repenti en somme. Lui aura peut-être des contacts. La cinquantaine bien tassée, il en profite pour se remémorer ses vieux souvenirs. Il est un tantinet hilare, tout de même, quand il évoque ce temps où il avait participé à l’aventure d’une librairie parallèle : « À l’époque, il y avait au moins une vingtaine d’organisations, la Gauche prolétarienne, le Parti communiste révolutionnaire marxiste-léniniste, Vive la révolution, la Ligue révolutionnaire, Lutte ouvrière, les lambertistes… » Notre contact et sa bande étaient « un peu bordéliques, un peu voleurs. On était anti-organisations. On a ouvert un squat. On s’est rapprochés des anars mais ils étaient aussi curés que ceux de la Ligue. » Ceci étant dit, il nous promet de retrouver les coordonnées d’un vieux pote qui est proche du CNT, la Confédération nationale du travail qui donne dans l’anarcho-syndicalisme.
Jeudi 20 novembre : le bureau, au téléphone. On s’abandonne sur la messagerie de l’anarcho-syndicaliste en question : « Bonjour, je suis le journaliste dont X vous a probablement parlé. Merci de me rappeler. » La scène va se répéter plusieurs fois. Sans la moindre réponse.
Samedi 22 novembre : une soirée dans la métropole lilloise. La piste des anciens semble compromise. On tente notre chance avec des trentenaires dont on sait qu’ils fréquentent parfois le « Resto Soleil » à Lille. Un lieu où plusieurs incidents ont opposé des antifascistes (qui y ont leurs habitudes) à des groupuscules d’extrême droite. Coup de chance : un couple connaît des types qui militent chez les antifas de la région. Le garçon comme sa copine promettent de les contacter et de me tenir au courant.
Samedi 27 novembre : échanges de SMS avec la jeune fille de la soirée du 22. - « T’as des nouvelles pour les antifas ? »
- « Réponse de mon pote : Pour ton ami, je serais prêt à faire un effort même si je me méfie des journalistes. Je vais en parler aux copains du groupe, voir si quelqu’un est prêt à m’accompagner. Je te donne des nouvelles bientôt. »
Lundi 1er décembre : enfin ! À 19 h 32, un SMS est tombé. Deux membres des antifas sont disposés à me rencontrer. Rendez-vous est pris pour le lundi suivant dans un café du quartier de Wazemmes à Lille.
Lundi 8 décembre : la rencontre. Le café est fermé. Il pleut des cordes. On patiente devant l’église Saint-Pierre – Saint-Paul. Sur le parvis, un « Antifas » tracé à la bombe de peinture. Un type, cheveux rasés, se présente. On dira qu’il se prénomme Manu. Un autre, franchement plus chevelu, Julien, ne va pas tarder. On se dirige vers un troquet. Trois grands cafés commandés plus tard, on entame la discussion.
Les deux gars, la trentaine, militent à l’Action antifasciste NP2C comme Nord – Pas-de-Calais. Pour parler à un journaliste, Manu et Julien ont « demandé l’accord des camarades ». Leur groupe, ils le décrivent comme « étant plutôt sur des bases libertaires, même s’il n’y a pas que des anarchistes ». Un groupe « autonome, pas lié à une formation politique traditionnelle ». D’après eux, on trouve des groupes antifas à Calais, Bruay-La Buissière, Valenciennes et Lille. Et pourquoi se masquer le visage et refuser les photos quand ils manifestent dans la rue ? « Il y a la répression policière et, surtout, on veut éviter de se faire ficher par les groupes d’extrême droite. »
Des groupes d’ultra-droite qui renaissent de cendres qu’on croyait éteintes depuis longtemps : « Il y a une présence de groupes d’ultra-droite qu’il n’y avait plus ou qu’il y avait moins. Avec la Manif pour tous, l’ultra-droite s’est recomposée. Avec le côté on adoucit les mœurs au FN, ces ultras ne s’y reconnaissent plus. » Quant aux affrontements réguliers qui les opposent : « Ce sont des épiphénomènes. Il y a eu deux attaques de petits nazillons lillois en quatre ou cinq ans. On ne cherche pas l’affrontement avec eux. S’il a lieu, il a lieu. On n’est pas obnubilés par la violence, on ne la refuse pas coûte que coûte par principe. Ce n’est pas de gaieté de cœur. Eux n’hésitent pas à recourir à la violence. Il n’y a rien qui nous lie. Ils cultivent la virilité. S’ils n’existaient pas, on ne taperait pas sur des gens dans la rue.
Où l’on rencontre l’extrême droite
Jeudi 13 novembre, Lille, devant « la Frite rit ». Mercenaire en Angola, Congo et Croatie, leader officieux de l’ex-Maison flamande à Lambersart, professionnel de la sécurité, notamment pour le Front national, Claude Hermant est l’une des figures de l’ultra-droite lilloise. Il a d’ailleurs été partie prenante lors des échauffourées de la nuit du 25 au 26 octobre rue Massena à Lille (une barricade, quatre interpellations) qui ont opposé l’extrême droite et l’ultra-gauche. Il donne quand même rendez-vous devant « la Frite rit », l’un des lieux de l’affrontement, où il travaille: « On m’a frappé avec un tesson de bouteille, juste à côté de la jugulaire là, vous voyez ? »
Habitué à la violence (« pour vous, une chaise qui vole, c’est remarquable ; pour moi, c’est le quotidien »), Claude Hermant souligne cependant que « cette fois, c’est allé très loin : des deux côtés, on avait des jeunes qui voulaient juste se battre ». Quant à un point de vue plus général sur les forces en présence dans la ville, il préfère se taire : « J’ai eu assez de soucis comme ça. »
Le même jour, on discute avec une source d’extrême droite, un vieux de la vieille rencontré lors de précédents reportages qui souhaite rester anonyme. Il nous explique qu’il y a trois secteurs de tensions « idéologiques » entre ultra-droite et ultra-gauche : Calais, les Flandres et Lille (1). « Il y a eu une vague avec la création de la Maison flamande mais elle est passée. Aujourd’hui, les deux mouvements montants pour l’extrême droite, c’est Sauvons Calais et Génération identitaire, soit entre 60 et 80 militants à chaque fois. » Ce dernier collectif « refuse de nous parler dans le cadre d’une enquête mais accepte un reportage autonome » (lire l’encadré). « La gauche radicale est plus difficile à compter, reprend notre source, ils sont beaucoup moins structurés mais, d’après moi, ils sont, à Lille, une bonne quarantaine, surtout des jeunes qui ont fait des études et sont très présents dans les lycées, plus que nous. » Au final, il nous donne un nom à citer dans un bar pour trouver un militant d’extrême gauche : « Eh oui, à force, on se connaît tous. »
1. Beaucoup ajoutent le bassin minier.
Samedi 8 novembre, à Lille, tentative (avortée) de prise de contact. On vient de lancer l’enquête. Une manifestation en mémoire de Rémi Fraisse est organisée sur la grand-place de Lille. Lors des manifs précédentes, des autonomes étaient dans le cortège, ça ne s’est pas forcément bien passé avec les collègues de la presse. Raison de plus pour aller jeter un œil.
À l’heure convenue, pas grand monde. Et soudain, en quelques minutes, ils sont là. Visages couverts par des écharpes, habillés en noir pour la plupart. Une jeune fille prend la parole dans un mégaphone aux couleurs du syndicat CNT (anarchistes) et dénonce un État assassin. La grenade qui a tué Rémi Fraisse est très mal passée. On ne peut que le comprendre. La jeune fille est entourée de quatre-cinq types qui la dissimulent. Ils demandent aux photographes de ne pas déclencher : « Pas de photos, on ne veut pas de photos, c’est tout ! » On tente d’expliquer qu’on est là pour parler de la manif, que les visages ne sont pas identifiables. Peine perdue.
Le cortège s’ébranle. Visiblement, les autonomes ont fait le plein de pétards de gros volume. Ça explose de partout. Quand on passe devant les banques, ils lancent des billes de peinture. Un pétard explose entre mes jambes. Pas de bobo, juste un petit saut de cabri qui n’a pas dû être un modèle d’élégance. J’essaie de parler à plusieurs manifestants. À chaque fois, la réponse est similaire : « La Voix du Nord ? On n’a pas aimé ce que vous avez écrit. La dernière fois, vos collègues ont reçu de la lacrymo, mais ce sont eux qui ont commencé. Je n’ai rien contre les journalistes qui font de l’investigation. Mais vous, vous êtes au service du pouvoir. J’ai pas envie de vous parler. » Discussion compliquée, voire impossible.
Quand la manif passe devant « la Frite rit », établissement réputé pour pencher franchement à l’extrême droite (lire ci-dessous), ça se corse. Le volet mécanique en prend plein la tronche. Des CRS s’approchent. Quelques canettes vides volent, des poubelles brûlent. Il n’y aura pas d’autre contact avec les forces de l’ordre. Ni avec nous d’ailleurs…
Lundi 10 novembre : quelque part dans la métropole lilloise, tentative de contournement de l’obstacle. L’action directe ( sic ) sur le terrain n’ayant rien donné, on tente par des voies détournées. On a un pote qui a, autrefois, donné dans le militantisme (très) actif. Un repenti en somme. Lui aura peut-être des contacts. La cinquantaine bien tassée, il en profite pour se remémorer ses vieux souvenirs. Il est un tantinet hilare, tout de même, quand il évoque ce temps où il avait participé à l’aventure d’une librairie parallèle : « À l’époque, il y avait au moins une vingtaine d’organisations, la Gauche prolétarienne, le Parti communiste révolutionnaire marxiste-léniniste, Vive la révolution, la Ligue révolutionnaire, Lutte ouvrière, les lambertistes… » Notre contact et sa bande étaient « un peu bordéliques, un peu voleurs. On était anti-organisations. On a ouvert un squat. On s’est rapprochés des anars mais ils étaient aussi curés que ceux de la Ligue. » Ceci étant dit, il nous promet de retrouver les coordonnées d’un vieux pote qui est proche du CNT, la Confédération nationale du travail qui donne dans l’anarcho-syndicalisme.
Jeudi 20 novembre : le bureau, au téléphone. On s’abandonne sur la messagerie de l’anarcho-syndicaliste en question : « Bonjour, je suis le journaliste dont X vous a probablement parlé. Merci de me rappeler. » La scène va se répéter plusieurs fois. Sans la moindre réponse.
Samedi 22 novembre : une soirée dans la métropole lilloise. La piste des anciens semble compromise. On tente notre chance avec des trentenaires dont on sait qu’ils fréquentent parfois le « Resto Soleil » à Lille. Un lieu où plusieurs incidents ont opposé des antifascistes (qui y ont leurs habitudes) à des groupuscules d’extrême droite. Coup de chance : un couple connaît des types qui militent chez les antifas de la région. Le garçon comme sa copine promettent de les contacter et de me tenir au courant.
Samedi 27 novembre : échanges de SMS avec la jeune fille de la soirée du 22. - « T’as des nouvelles pour les antifas ? »
- « Réponse de mon pote : Pour ton ami, je serais prêt à faire un effort même si je me méfie des journalistes. Je vais en parler aux copains du groupe, voir si quelqu’un est prêt à m’accompagner. Je te donne des nouvelles bientôt. »
Lundi 1er décembre : enfin ! À 19 h 32, un SMS est tombé. Deux membres des antifas sont disposés à me rencontrer. Rendez-vous est pris pour le lundi suivant dans un café du quartier de Wazemmes à Lille.
Lundi 8 décembre : la rencontre. Le café est fermé. Il pleut des cordes. On patiente devant l’église Saint-Pierre – Saint-Paul. Sur le parvis, un « Antifas » tracé à la bombe de peinture. Un type, cheveux rasés, se présente. On dira qu’il se prénomme Manu. Un autre, franchement plus chevelu, Julien, ne va pas tarder. On se dirige vers un troquet. Trois grands cafés commandés plus tard, on entame la discussion.
Les deux gars, la trentaine, militent à l’Action antifasciste NP2C comme Nord – Pas-de-Calais. Pour parler à un journaliste, Manu et Julien ont « demandé l’accord des camarades ». Leur groupe, ils le décrivent comme « étant plutôt sur des bases libertaires, même s’il n’y a pas que des anarchistes ». Un groupe « autonome, pas lié à une formation politique traditionnelle ». D’après eux, on trouve des groupes antifas à Calais, Bruay-La Buissière, Valenciennes et Lille. Et pourquoi se masquer le visage et refuser les photos quand ils manifestent dans la rue ? « Il y a la répression policière et, surtout, on veut éviter de se faire ficher par les groupes d’extrême droite. »
Des groupes d’ultra-droite qui renaissent de cendres qu’on croyait éteintes depuis longtemps : « Il y a une présence de groupes d’ultra-droite qu’il n’y avait plus ou qu’il y avait moins. Avec la Manif pour tous, l’ultra-droite s’est recomposée. Avec le côté on adoucit les mœurs au FN, ces ultras ne s’y reconnaissent plus. » Quant aux affrontements réguliers qui les opposent : « Ce sont des épiphénomènes. Il y a eu deux attaques de petits nazillons lillois en quatre ou cinq ans. On ne cherche pas l’affrontement avec eux. S’il a lieu, il a lieu. On n’est pas obnubilés par la violence, on ne la refuse pas coûte que coûte par principe. Ce n’est pas de gaieté de cœur. Eux n’hésitent pas à recourir à la violence. Il n’y a rien qui nous lie. Ils cultivent la virilité. S’ils n’existaient pas, on ne taperait pas sur des gens dans la rue.
Où l’on rencontre l’extrême droite
Jeudi 13 novembre, Lille, devant « la Frite rit ». Mercenaire en Angola, Congo et Croatie, leader officieux de l’ex-Maison flamande à Lambersart, professionnel de la sécurité, notamment pour le Front national, Claude Hermant est l’une des figures de l’ultra-droite lilloise. Il a d’ailleurs été partie prenante lors des échauffourées de la nuit du 25 au 26 octobre rue Massena à Lille (une barricade, quatre interpellations) qui ont opposé l’extrême droite et l’ultra-gauche. Il donne quand même rendez-vous devant « la Frite rit », l’un des lieux de l’affrontement, où il travaille: « On m’a frappé avec un tesson de bouteille, juste à côté de la jugulaire là, vous voyez ? »
Habitué à la violence (« pour vous, une chaise qui vole, c’est remarquable ; pour moi, c’est le quotidien »), Claude Hermant souligne cependant que « cette fois, c’est allé très loin : des deux côtés, on avait des jeunes qui voulaient juste se battre ». Quant à un point de vue plus général sur les forces en présence dans la ville, il préfère se taire : « J’ai eu assez de soucis comme ça. »
Le même jour, on discute avec une source d’extrême droite, un vieux de la vieille rencontré lors de précédents reportages qui souhaite rester anonyme. Il nous explique qu’il y a trois secteurs de tensions « idéologiques » entre ultra-droite et ultra-gauche : Calais, les Flandres et Lille (1). « Il y a eu une vague avec la création de la Maison flamande mais elle est passée. Aujourd’hui, les deux mouvements montants pour l’extrême droite, c’est Sauvons Calais et Génération identitaire, soit entre 60 et 80 militants à chaque fois. » Ce dernier collectif « refuse de nous parler dans le cadre d’une enquête mais accepte un reportage autonome » (lire l’encadré). « La gauche radicale est plus difficile à compter, reprend notre source, ils sont beaucoup moins structurés mais, d’après moi, ils sont, à Lille, une bonne quarantaine, surtout des jeunes qui ont fait des études et sont très présents dans les lycées, plus que nous. » Au final, il nous donne un nom à citer dans un bar pour trouver un militant d’extrême gauche : « Eh oui, à force, on se connaît tous. »
1. Beaucoup ajoutent le bassin minier.
http://www.lavoixdunord.fr/region/politique-enquete-chez-les-ultras-a-calais-23-ia0b0n2584945
Politique : enquête chez les ultras, à Calais (2/3)
Par la rédaction pour La Voix du Nord, Publié le 06/01/2015
DOSSIER RÉALISÉ PAR SOPHIE FILIPPI-PAOLI
La tension est montée d’un cran entre ultras avec un face-à-face en septembre à Calais puis un affrontement en octobre à Lille.
Où l’on discute avec l’extrême gauche
Lundi 3 et vendredi 7 novembre, Calais. Il pleut à verse sur Calais. On s’approche de la maison de Sonia qui nous attend avec trois de ses amis rencontrés cinq jours plus tôt, lors de la venue de Bernard Cazeneuve. Ces militants d’extrême gauche voulaient interpeller le ministre de l’Intérieur pour lui parler des migrants, à coup de slogans et de casseroles. Ils ont été refoulés par les CRS, on a pris leur numéro de portable. Sonia, donc, une belle plante de 29 ans, qui accueille des migrants chez elle et a épousé un Afghan religieusement.
Ses premiers réflexes : proposer un café, enlever la batterie de son portable – « On est tous sur écoute » – et inciter ses copains à faire pareil. Elle nous présente « Crapaud Buffle », un intermittent de 40 ans, caché derrière un foulard lors de la manif, qui est lié aux Antifas de Lille. Puis Aurore, 42 ans, proche des No Border, familière des squats. Puis, enfin, Medhi, d’aucun groupe et qui lutte simplement pour les migrants. Quatre amis, quatre activistes bien connus de leurs ennemis de Sauvons Calais. Avec une mention spéciale pour Sonia qui faisait partie du collectif : « Je ne me rendais pas trop compte. J’étais en fait amoureuse de Kevin Reche (le leader de Sauvons Calais) et il avait l’air de savoir ce qu’il faisait. » Elle rencontre des migrants, une association, tout change. Depuis, les rapports avec Sauvons Calais sont hyper tendus. Le groupe s’indigne, évoque des insultes, des tentatives d’intimidation : « Ils savent où on habite et nous, on a leur portable, on se traite par textos aussi. » En fait, ils se surveillent mutuellement. Sonia insiste d’ailleurs pour savoir où nous allons les rencontrer ensuite, à coups de blagues et de noms de bars. Mais les radicaux de Sauvons Calais n’ont pas encore d’endroit officiel, le choix du bar est dû au hasard. L’extrême gauche serait souvent vue à la Crypte. Eux, on ne sait pas.
Quelles sont leurs idées ? Clairement, une volonté lie fortement Medhi, Sonia, Aurore et « Crapaud Buffle » : la protection des migrants et l’obtention de meilleures conditions de vie pour eux. « On est aussi tous contre le racisme. » Ensuite, Aurore est, comme les No Border, pour la libre circulation des individus sans que des papiers soient nécessaires. Pour, en fait, l’absence de frontière. Ni No Border ni anarchiste, leur copain anonyme ajoute à cela l’autogestion, la suppression de l’argent et d’un quelconque gouvernement. Mehdi, lui, est « pour l’humain avant tout » : « Je n’appartiens pas vraiment à un groupe. »
Où l’on écoute les militants de Sauvons Calais
Vendredi 7 novembre. On a rendez-vous au « Cheval noir » avec, au programme, un « apéro militant » qui succède à la conférence de presse de Kevin Reche pour son entrée en politique. À 20 ans, le leader de Sauvons Calais rejoint très officiellement le Parti de la France.
De ruelle sombre en pavés mouillés, on arrive devant un bar où attendent des jeunes au crâne rasé, avec bombers à doublure écossaise et rangers au pied. Dans l’après-midi, Kevin Reche nous a appelés trois fois pour nous dire tout d’abord que non, on ne pourrait pas assister à « l’apéro militant », puis que oui puis, finalement, non : « Le Parti de la France n’y tient pas, ce sont eux qui ont loué la salle. » Intéressant.
À l’entrée, on nous fait répéter qui on est avant de nous guider jusqu’à une arrière-salle où Thomas Joly (secrétaire général du Parti de la France), Carl Lang (ex-élu régional Front national du Nord et actuel président du parti) et le leader aux allures adolescentes s’alignent derrière une table et devant des journalistes de la BBC.
D’entrée, ça parle protection des Calaisiens, unité nationale, identité française, « destruction des identités par l’immigration-colonisation »… Frêle silhouette à la voix peu sûre, Kevin Reche sera bref : « C’est avec la politique que nous pouvons changer les choses. » La main sera vite reprise par l’ex-frontiste Carl Lang.
On en profite pour se glisser dans le couloir, histoire de discuter avec la « garde rapprochée » du chef de file de Sauvons Calais, qui « le suit lors de tous ses déplacements ». Bigre. En fait de garde, on trouve trois ados (17 ans et 19 ans) qui manient avec délice les termes de nationalistes et d’insécurité. Ils ont l’air de jouer à la guerre. Et ce n’est pas dû qu’aux bombers : ils contrôlent chaque entrée de leur apéro avec une liste d’invités (une cinquantaine de noms), parlent de « gérer » les gens, sortent si des voix s’élèvent. Tout ça avec des joues enfantines, un sérieux qui prêterait presque à sourire et des idées ultra-tranchées sur le « problème » que représentent les migrants.
Tous trois ont des familles qui votent Front national et deux sont entrés très jeunes dans les mouvements nationalistes. « Marine Le Pen nous a dit : Vous êtes trop radicaux, cassez-vous. Elle a tort, il y a de l’électorat à Calais et l’élue FN est trop discrète. »
Oui, Tanguy, Sylvain et Benjamin croient en Kevin : « Il peut y arriver. » Au quotidien, ils surveillent le camp d’en face : « On connaît tous les sites antifas comme La Horde » et se plaignent de Sonia : « C’est n’importe quoi ce qu’elle fait. » Des lycéens qui manient les mots comme des grenades et en veulent à leur ex-copine.
Lundi 3 et vendredi 7 novembre, Calais. Il pleut à verse sur Calais. On s’approche de la maison de Sonia qui nous attend avec trois de ses amis rencontrés cinq jours plus tôt, lors de la venue de Bernard Cazeneuve. Ces militants d’extrême gauche voulaient interpeller le ministre de l’Intérieur pour lui parler des migrants, à coup de slogans et de casseroles. Ils ont été refoulés par les CRS, on a pris leur numéro de portable. Sonia, donc, une belle plante de 29 ans, qui accueille des migrants chez elle et a épousé un Afghan religieusement.
Ses premiers réflexes : proposer un café, enlever la batterie de son portable – « On est tous sur écoute » – et inciter ses copains à faire pareil. Elle nous présente « Crapaud Buffle », un intermittent de 40 ans, caché derrière un foulard lors de la manif, qui est lié aux Antifas de Lille. Puis Aurore, 42 ans, proche des No Border, familière des squats. Puis, enfin, Medhi, d’aucun groupe et qui lutte simplement pour les migrants. Quatre amis, quatre activistes bien connus de leurs ennemis de Sauvons Calais. Avec une mention spéciale pour Sonia qui faisait partie du collectif : « Je ne me rendais pas trop compte. J’étais en fait amoureuse de Kevin Reche (le leader de Sauvons Calais) et il avait l’air de savoir ce qu’il faisait. » Elle rencontre des migrants, une association, tout change. Depuis, les rapports avec Sauvons Calais sont hyper tendus. Le groupe s’indigne, évoque des insultes, des tentatives d’intimidation : « Ils savent où on habite et nous, on a leur portable, on se traite par textos aussi. » En fait, ils se surveillent mutuellement. Sonia insiste d’ailleurs pour savoir où nous allons les rencontrer ensuite, à coups de blagues et de noms de bars. Mais les radicaux de Sauvons Calais n’ont pas encore d’endroit officiel, le choix du bar est dû au hasard. L’extrême gauche serait souvent vue à la Crypte. Eux, on ne sait pas.
Quelles sont leurs idées ? Clairement, une volonté lie fortement Medhi, Sonia, Aurore et « Crapaud Buffle » : la protection des migrants et l’obtention de meilleures conditions de vie pour eux. « On est aussi tous contre le racisme. » Ensuite, Aurore est, comme les No Border, pour la libre circulation des individus sans que des papiers soient nécessaires. Pour, en fait, l’absence de frontière. Ni No Border ni anarchiste, leur copain anonyme ajoute à cela l’autogestion, la suppression de l’argent et d’un quelconque gouvernement. Mehdi, lui, est « pour l’humain avant tout » : « Je n’appartiens pas vraiment à un groupe. »
Où l’on écoute les militants de Sauvons Calais
Vendredi 7 novembre. On a rendez-vous au « Cheval noir » avec, au programme, un « apéro militant » qui succède à la conférence de presse de Kevin Reche pour son entrée en politique. À 20 ans, le leader de Sauvons Calais rejoint très officiellement le Parti de la France.
De ruelle sombre en pavés mouillés, on arrive devant un bar où attendent des jeunes au crâne rasé, avec bombers à doublure écossaise et rangers au pied. Dans l’après-midi, Kevin Reche nous a appelés trois fois pour nous dire tout d’abord que non, on ne pourrait pas assister à « l’apéro militant », puis que oui puis, finalement, non : « Le Parti de la France n’y tient pas, ce sont eux qui ont loué la salle. » Intéressant.
À l’entrée, on nous fait répéter qui on est avant de nous guider jusqu’à une arrière-salle où Thomas Joly (secrétaire général du Parti de la France), Carl Lang (ex-élu régional Front national du Nord et actuel président du parti) et le leader aux allures adolescentes s’alignent derrière une table et devant des journalistes de la BBC.
D’entrée, ça parle protection des Calaisiens, unité nationale, identité française, « destruction des identités par l’immigration-colonisation »… Frêle silhouette à la voix peu sûre, Kevin Reche sera bref : « C’est avec la politique que nous pouvons changer les choses. » La main sera vite reprise par l’ex-frontiste Carl Lang.
On en profite pour se glisser dans le couloir, histoire de discuter avec la « garde rapprochée » du chef de file de Sauvons Calais, qui « le suit lors de tous ses déplacements ». Bigre. En fait de garde, on trouve trois ados (17 ans et 19 ans) qui manient avec délice les termes de nationalistes et d’insécurité. Ils ont l’air de jouer à la guerre. Et ce n’est pas dû qu’aux bombers : ils contrôlent chaque entrée de leur apéro avec une liste d’invités (une cinquantaine de noms), parlent de « gérer » les gens, sortent si des voix s’élèvent. Tout ça avec des joues enfantines, un sérieux qui prêterait presque à sourire et des idées ultra-tranchées sur le « problème » que représentent les migrants.
Tous trois ont des familles qui votent Front national et deux sont entrés très jeunes dans les mouvements nationalistes. « Marine Le Pen nous a dit : Vous êtes trop radicaux, cassez-vous. Elle a tort, il y a de l’électorat à Calais et l’élue FN est trop discrète. »
Oui, Tanguy, Sylvain et Benjamin croient en Kevin : « Il peut y arriver. » Au quotidien, ils surveillent le camp d’en face : « On connaît tous les sites antifas comme La Horde » et se plaignent de Sonia : « C’est n’importe quoi ce qu’elle fait. » Des lycéens qui manient les mots comme des grenades et en veulent à leur ex-copine.
http://www.lavoixdunord.fr/region/politique-enquete-chez-les-ultras-dans-les-flandres-33-ia0b0n2586674
Politique: enquête chez les ultras, dans les Flandres (3/3)
Par la rédaction pour La Voix du Nord, Publié le 07/01/2015
Sophie Filippi-Paoli
La tension est montée d’un cran entre ultras avec un face-à-face en septembre à Calais puis un affrontement en octobre à Lille.
Où un radical de gauche livre son analyse
7 décembre, Flandres intérieures. Un village flamand . Grâce au collègue d’un collègue, on a déniché un portable puis un rendez-vous avec un militant actif d’extrême gauche qui habite un village des Flandres et souhaite rester anonyme.
Il était à la manif de Calais qui, en septembre, a mis en présence les quelque 200 à 300 militants de Sauvons Calais et des dizaines d’antifas. Il assure qu’il y a eu des affrontements physiques : « Quand t’as dix bonhommes qui t’arrivent dessus, tu réfléchis pas, tu te défends. »
Il n’est pas pour la violence mais souligne qu’« elle fait partie des moyens de lutte » : « J’ai déjà pris des coups de la part des flics ou des fachos mais je ne suis pas radical, je vais pas me cagouler et m’habiller en noir et je n’ai jamais fait partie du black bloc (NDLR : les Black Blocs forment, dans les manifestations, des groupes éphémères, dont l’objectif est de commettre des actions illégales, en restant anonymes. C’est pourquoi ces individus portent des vêtements noirs, ce qui rend difficile le travail d’identification.). Pour moi, défoncer un faf pour défoncer un faf, ça fait pas avancer la lutte. »
Globalement, l’extrême droite est, pour lui, mieux structurée avec des militants plus nombreux. « Dès qu’il y a une grosse mobilisation de notre côté, c’est souvent grâce à des interventions extérieures, avec des antifas de Paris, Marseille ou Londres. Et puis, on a des anarchistes qui ne veulent pas entendre parler de hiérarchie. »
Dans les Flandres plus précisément, on évoque l’actuel collectif anti-mosquée d’Hazebrouck, l’affrontement entre syndicalistes et ultras (dont Claude Hermant) à Auchel en 2011, la feue Maison de l’Artois qui avait réuni des néo-nazis, l’implantation d’une antenne de Génération Identitaire…
Rien à faire : pour lui, le combat est devenu souterrain. « S’il y a un concert, par exemple, oui il y aura des affrontements mais aujourd’hui tout passe par les réseaux sociaux. Il n’y a plus d’endroits idéologiques clairement identifiés. Vous évoquez Génération Identitaire dans les Flandres mais ça a fait flop, il n’ont fait aucune action, ils n’existent que par Internet et encore ! »
Là, il nous parle d’une boutique de vêtements identitaires à Merville qui aurait déménagé à cause de trop fortes tensions. ∙∙∙
Où l’on cherche l’ultra-droite
Merville. On y va. Sweat à capuche, chemises, tee-shirts noirs, treillis… Urban ressemble à n’importe quelle boutique de streetwear. Sauf que les marques n’ont rien d’anodin : Fred Perry, Lonsdale, Thor Steinart. On retrouve un peu l’ambiance de celle de Luc Pécharman, en moins offensif. Le client peu vigilant peut totalement passer à côté.
Très mal à l’aise, le gérant accepte du bout des lèvres de nous dire que son déménagement près de la gendarmerie est simplement dû à un loyer trop élevé et n’a rien à voir avec une quelconque pression. « J’ai parfois des remarques mais c’est aussi parce que j’ai été sur une liste Front national. »
Il voit qui est Luc Pécharman, situe sa boutique mais « reste dans son coin ». On n’en saura pas plus.
Des clients entrent. Jeunes, cheveux courts, bardés de marques qui se trouvent déjà dans la boutique. On les attend à la sortie et leurs réponses s’avèrent décevantes. Morgan, 20 ans, d’Hazebrouck et Christopher, 21 ans, de Steenvoorde adorent ce genre de marques parce qu’elles sont provoc’s et qu’il y a un défi à entrer avec en boîte de nuit.
«On les interdit parce qu’elles sont conotées racistes. Mais une fois j’ai réussi à entrer avec un Fred Perry. Regardez, j’ai la photo.» On regarde, on le voit faire la fête avec son tee-shirt. Ils sont une vingtaine en tout, habillés avec ces fringues-là « pour le délire ». «On ne cherche pas ce qu’elles veulent dire, on évite juste de les mettre quand on va à Lille parce qu’on sait que là, on aurait des problèmes. » Fausse piste.
Bailleul. Il fait nuit. On s’oriente vers la gare. Notre source ultra-droite lilloise nous a indiqué qu’il y a encore des skinheads dans ce coin-là. Et là, rien, personne.
On attend, on attend. On pousse la porte d’un café où on nous indique que oui, il y en a eu. Mais qu’ils sont partis. Poussés par la SNCF pour les uns, par la police pour les autres. Non, personne ne sait où ils sont partis. «Ils ne se montrent plus. Pour voir des ultras dans le coin, il faut que vous alliez à des concerts antifas ». Oui, on sait.
7 décembre, Flandres intérieures. Un village flamand . Grâce au collègue d’un collègue, on a déniché un portable puis un rendez-vous avec un militant actif d’extrême gauche qui habite un village des Flandres et souhaite rester anonyme.
Il était à la manif de Calais qui, en septembre, a mis en présence les quelque 200 à 300 militants de Sauvons Calais et des dizaines d’antifas. Il assure qu’il y a eu des affrontements physiques : « Quand t’as dix bonhommes qui t’arrivent dessus, tu réfléchis pas, tu te défends. »
Il n’est pas pour la violence mais souligne qu’« elle fait partie des moyens de lutte » : « J’ai déjà pris des coups de la part des flics ou des fachos mais je ne suis pas radical, je vais pas me cagouler et m’habiller en noir et je n’ai jamais fait partie du black bloc (NDLR : les Black Blocs forment, dans les manifestations, des groupes éphémères, dont l’objectif est de commettre des actions illégales, en restant anonymes. C’est pourquoi ces individus portent des vêtements noirs, ce qui rend difficile le travail d’identification.). Pour moi, défoncer un faf pour défoncer un faf, ça fait pas avancer la lutte. »
Globalement, l’extrême droite est, pour lui, mieux structurée avec des militants plus nombreux. « Dès qu’il y a une grosse mobilisation de notre côté, c’est souvent grâce à des interventions extérieures, avec des antifas de Paris, Marseille ou Londres. Et puis, on a des anarchistes qui ne veulent pas entendre parler de hiérarchie. »
Dans les Flandres plus précisément, on évoque l’actuel collectif anti-mosquée d’Hazebrouck, l’affrontement entre syndicalistes et ultras (dont Claude Hermant) à Auchel en 2011, la feue Maison de l’Artois qui avait réuni des néo-nazis, l’implantation d’une antenne de Génération Identitaire…
Rien à faire : pour lui, le combat est devenu souterrain. « S’il y a un concert, par exemple, oui il y aura des affrontements mais aujourd’hui tout passe par les réseaux sociaux. Il n’y a plus d’endroits idéologiques clairement identifiés. Vous évoquez Génération Identitaire dans les Flandres mais ça a fait flop, il n’ont fait aucune action, ils n’existent que par Internet et encore ! »
Là, il nous parle d’une boutique de vêtements identitaires à Merville qui aurait déménagé à cause de trop fortes tensions. ∙∙∙
Où l’on cherche l’ultra-droite
Merville. On y va. Sweat à capuche, chemises, tee-shirts noirs, treillis… Urban ressemble à n’importe quelle boutique de streetwear. Sauf que les marques n’ont rien d’anodin : Fred Perry, Lonsdale, Thor Steinart. On retrouve un peu l’ambiance de celle de Luc Pécharman, en moins offensif. Le client peu vigilant peut totalement passer à côté.
Très mal à l’aise, le gérant accepte du bout des lèvres de nous dire que son déménagement près de la gendarmerie est simplement dû à un loyer trop élevé et n’a rien à voir avec une quelconque pression. « J’ai parfois des remarques mais c’est aussi parce que j’ai été sur une liste Front national. »
Il voit qui est Luc Pécharman, situe sa boutique mais « reste dans son coin ». On n’en saura pas plus.
Des clients entrent. Jeunes, cheveux courts, bardés de marques qui se trouvent déjà dans la boutique. On les attend à la sortie et leurs réponses s’avèrent décevantes. Morgan, 20 ans, d’Hazebrouck et Christopher, 21 ans, de Steenvoorde adorent ce genre de marques parce qu’elles sont provoc’s et qu’il y a un défi à entrer avec en boîte de nuit.
«On les interdit parce qu’elles sont conotées racistes. Mais une fois j’ai réussi à entrer avec un Fred Perry. Regardez, j’ai la photo.» On regarde, on le voit faire la fête avec son tee-shirt. Ils sont une vingtaine en tout, habillés avec ces fringues-là « pour le délire ». «On ne cherche pas ce qu’elles veulent dire, on évite juste de les mettre quand on va à Lille parce qu’on sait que là, on aurait des problèmes. » Fausse piste.
Bailleul. Il fait nuit. On s’oriente vers la gare. Notre source ultra-droite lilloise nous a indiqué qu’il y a encore des skinheads dans ce coin-là. Et là, rien, personne.
On attend, on attend. On pousse la porte d’un café où on nous indique que oui, il y en a eu. Mais qu’ils sont partis. Poussés par la SNCF pour les uns, par la police pour les autres. Non, personne ne sait où ils sont partis. «Ils ne se montrent plus. Pour voir des ultras dans le coin, il faut que vous alliez à des concerts antifas ». Oui, on sait.
http://www.lavoixdunord.fr/region/trafic-d-armes-claude-hermant-figure-de-la-mouvance-ia0b0n2613554
Trafic d’armes : Claude Hermant, figure de la mouvance identitaire régionale, en garde à vue
Publié le 22/01/2015 – Mis à jour le 22/01/2015 à 11:37
PAR BENJAMIN DUTHOIT, VINCENT DEPECKER ET LAKHDAR BELAID
Claude Hermant, une figure de la mouvance identitaire régionale, est en garde à vue depuis mardi dans les locaux de la PJ de Lille. Il est entendu dans le cadre d’une enquête sur un trafic d’armes. Une proche a également été placée en garde à vue.
Des perquisitions ont été menées à différents endroits, notamment dans une maison de Comines-Belgique, mardi soir : durant trois heures, 82 habitants de cette ville située non loin de la métropole lilloise ont été évacués en toute urgence. Les services de police et les démineurs ont inspecté une maison suspectée d’être une cache d’armes. Si aucune arme ni explosif n’ont été découvert, le parquet de Tournai fait état de la saisie de « documents intéressants ».
Selon nos informations, la police judiciaire de Lille mène depuis mardi des opérations d’envergure afin de démanteler un trafic d’armes. C’est dans ce cadre que Claude Hermant, figure de la mouvance identitaire régionale, est en garde à vue. L’homme, âgé d’une cinquantaine d’années, est par ailleurs employé à la Frite Rit, rue Solférino à Lille. Une proche a également été placée en garde à vue.
Perquisitions dans le Nord et en Belgique
Des perquisitions ont été menées à différents endroits dans le Nord et en Belgique, des armes auraient été découvertes. Ces investigations, sur commission rogatoire internationale d’un juge lillois, ont ainsi débouché sur une spectaculaire descente de la police belge, mardi soir, à Comines-Belgique : une trentaine d’habitations situées le long de la Grand-Rue ont été évacuées en urgence. D’après les premiers éléments recueillis sur les lieux, il s’agissait d’une « importante opération » visant à « sécuriser » un domicile pouvant servir de cache d’arme. Sur place, de nombreux policiers belges ainsi que leur service de déminage étaient présents.
Comme nous vous l’annoncions dans notre édition papier publiée ce mercredi matin, la perquisition n’a rien donné. Ou presque. Aucune arme ni explosif n’ont été découverts dans cette maison. « Il fut par contre procédé à la saisie de nombreux objets pouvant intéresser l’affaire. Les habitants purent regagner leur domicile de manière progressive à partir de 20h45. Les devoirs judiciaires ont été clôturés vers 23h00 », précise dans un communiqué Frédéric Bariseau, substitut du procureur du roi de Tournai.
Commission rogatoire délivrée le 18 décembre 2014
Le parquet tournaisien confirme par ailleurs l’information selon laquelle cette « descente » est liée à une enquête menée par la police judiciaire française concernant un dossier de vente illégale d’armes. Les autorités belges agissaient sous couvert d’une commission rogatoire internationale délivrée le 18 décembre dernier par un juge d’instruction lillois. Bien avant, donc, les attentats commis à Paris, début janvier.
De par la nature du dossier, des mesures particulières furent mises en oeuvre en raison du risque de présence de produits explosifs. Le service de déminage est dès lors intervenu de 18h30 à 20h00 en collaboration avec un maître-chien spécialisé en recherche d’explosifs. L’habitation sécurisée, la perquisition a pu être menée par quatre membres de la police judiciaire fédérale de Mons-Tournai. Deux membres des services de police français les accompagnaient.
« Il s’agissait d’une intervention sur une possible planque, expliquait une source judiciaire française. Les démineurs n’ont rien découvert dans la maison ». Rien à voir, donc, avec la sphère djihadiste. Mais plutôt avec le milieu des trafiquants d’armes.
Côté belge, on évoquait, mardi soir, un lien entre cette opération et l’interpellation d’une personne, mardi après-midi, dans la métropole lilloise. Celle-ci aurait été en possession d’un pistolet-mitrailleur. C’est cette arrestation qui aurait conduit les policiers et les démineurs jusqu’à cette petite maison de Comines. Cette information ne nous a pas été confirmée.
Au total, ce sont donc 82 personnes qui ont été priées de quitter leur habitation en toute hâte. La police a demandé aux riverains concernés de se rendre à l’Office du Tourisme de Comines-Warneton dans les plus brefs délais. Un centre d’accueil y avait été installé en urgence par les autorités.
À 21 heures, trois heures après le début des opérations, les forces de l’ordre ont quitté les lieux et les premiers habitants ont pu commencer à regagner leur domicile dans une atmosphère pesante.
http://www.lavoixdunord.fr/region/trafic-d-armes-la-police-judiciaire-va-t-elle-remonter-ia0b0n2617224
Trafic d’armes : la police judiciaire va-t-elle remonter de l’ultra-droite jusqu’à Coulibaly ?
Publié le 23/01/2015 – Mis à jour le 23/01/2015 à 18:05
PAR B. DUTHOIT, V. DEPECKER, P. RADENOVIC ET L. belaid
La garde à vue de Claude Hermant, figure de l’ultra-droite régionale, s’est poursuivie ce jeudi. Selon différentes sources, les enquêteurs s’intéressent à un éventuel lien entre le trafic d’armes présumé et les attentats commis en région parisienne. Pour le moment, rien n’est confirmé officiellement.
L’affaire de trafic d’armes dans laquelle Claude Hermant est en garde à vue depuis mardi a-t-elle une ampleur supplémentaire ? Selon plusieurs sources concordantes, les enquêteurs de la PJ de Lille vérifient si des armes utilisées lors des attentats sanglants en région parisienne peuvent provenir de la filière présumée de cette figure de la mouvance identitaire. Ces éléments sont pour l’instant à prendre avec prudence. Interrogés, le parquet de Lille, celui de Paris, tout comme la PJ et l’avocat de Claude Hermant se refusent au moindre commentaire. Ni confirmation, ni démenti. Un black-out total, de part et d’autre de la frontière, rare et troublant.
Si rien n’est donc encore avéré, un proche du dossier concède que des « rebonds » ne sont pas à exclure dans les investigations, dirigées par un juge d’instruction lillois depuis décembre.
Des armes saisies
Ce qui est sûr, c’est que Claude Hermant et sa compagne sont en garde à vue pour trafic d’armes en bande organisée. Leurs auditions peuvent durer 96heures. Des armes ont été saisies. Mais on ignore leur nature et là où elles ont été trouvées. Plusieurs lieux ont été perquisitionnés. À commencer par la Frite Rit, à Lille, où tous deux travaillent.
Le terrain de paintball, rue de la Vallée à Ennetières-en-Weppes, géré notamment par Claude Hermant, a été perquisitionné mercredi, aux alentours de 10 h. « Il y avait une dizaine de policiers », indique une voisine. Y ont-ils trouvé des armes ? La question reste en suspens. Quant aux propriétaires du terrain, les riverains décrivent « des gens discrets, qui gèrent tout par Internet ». Et le maire avoue ne pas les connaître. Le son de cloche est identique à Comines (B) où la police belge avait déployé les grands moyens, mardi soir. Selon le parquet de Tournai, aucune arme ni explosif n’ont été découverts. Mais des éléments « intéressants pour l’enquête » ont été saisis.
Depuis l’Europe de l’Est
Selon nos informations, la PJ lilloise travaille sur un trafic d’armes remilitarisées en provenance d’Europe de l’Est, notamment de la République tchèque. « Nous sommes dans le cadre d’un trafic d’armes, explique une source judiciaire. Pas dans la sphère terroriste. Rien n’indique que les têtes d’un tel réseau s’intéressent à la destination finale de ces armes, marchandises comme une autre. »
Si cette piste est avérée, elle ne serait cependant pas une surprise. Depuis les attentats, policiers belges et français sont persuadés que certaines armes proviennent d’outre-Quiévrain. Ils s’intéressent à celles utilisées par Amédy Coulibaly, notamment un Skorpio tchèque. Le Français aurait d’ailleurs cherché à s’approvisionner auprès d’un fournisseur belge. Aux enquêteurs de déterminer si le clan Hermant est l’un des maillons, même indirect, de la chaîne.
http://www.20minutes.fr/lille/1525815-20150126-lille-trois-personnes-ecrouees-trafic-armes
Lille: trois personnes écrouées pour trafic d’armes
M.L. avec AFP
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- Publié le 26.01.2015 à 16:40
- Mis à jour le 26.01.2015 à 16:40
Les trois personnes entendues la semaine dernière dans le cadre de l’enquête sur un trafic d’armes en bande organisée, entre le Nord et la Belgique, ont été mises en examen et écrouées, a-t-on appris, lundi, de source judiciaire.
Détention provisoire
Ces trois personnes ont été entendues, par la police judiciaire de Lille, au cours de 96 heures de garde à vue, comme l’autorise la loi dans le cadre d’enquêtes portant sur le trafic d’armes. Parmi elles, se trouvait Claude Hermant, figure de la mouvance identitaire du Nord, ainsi que son épouse. Les chefs de mise en examen retenus contre lui n’ont cependant pas été détaillés. Tous trois ont été placés en détention provisoire.
Avant les mises en examen de ces trois personnes, le parquet de Lille avait cité, dans un communiqué, les chefs d’accusation suivants: «exercice sans autorisation, en bande organisée, d’activité intermédiaire pour la fabrication ou le commerce de matériels de guerre, armes ou munitions» et «association de malfaiteurs en vue de la préparation de crimes et de délits punis de dix ans d’emprisonnement».
L’information judiciaire, qui a mené à ces mises en examen, avait été ouverte au tribunal de grande instance de Lille le 7 mai 2014 et l’enquête confiée à la police judiciaire de Lille. Le 20 janvier, une perquisition avait été menée dans une maison à Comines, en Belgique, dans le cadre d’une commission rogatoire internationale du 18 décembre 2014 émanant des autorités françaises. L’opération avait été exécutée par des policiers belges, accompagnés de collègues français. Aucune arme ni aucun explosif n’avaient été découverts.
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