Si la famille connaissait le problème, les amis aussi.
Où sont-ils ? Où sont leurs proches ou leurs enfants pour les décédés ?
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"Dans la famille, on savait que l'Abbé Pierre avait des problèmes avec sa sexualité", témoigne Guy Tuscher, son neveu
- France Bleu Isère ,
- France Bleu ,
- France Bleu Normandie (Seine-Maritime - Eure)
EXCLUSIF. Le Grenoblois Guy Tuscher, neveu de l'Abbé Pierre, a accepté pour la première fois de nous dire comment il vit la chute de la star de sa famille. Il savait que son oncle ne respectait pas son vœu de chasteté, mais il n'était pas au courant des agressions sexuelles. "C'est violent" dit-il.
Guy Tuscher, 71 ans, est le neveu de l'Abbé Pierre. Sa mère était la petite sœur d'Henri Grouès, dont elle était très proche, malgré leurs douze années de différence. Après les témoignages de 24 femmes qui accusent le prêtre d'agressions sexuelles et de viols, il a accepté de nous dire comment il vivait la chute du fondateur d'Emmaüs. Pour lui, il était simplement Henri. Quand il était enfant, l'Abbé Pierre venait souvent se ressourcer en famille, dans la maison de ses parents. "Je l'admirais beaucoup. C'était troublant pour nous de savoir qu'on avait un oncle aussi célèbre" se souvient Guy Tuscher. Puis, à l'adolescence, il s'en est éloigné. Il a renoué avec lui bien plus tard, notamment quand il a été élu à la Ville de Grenoble et que le combat de son oncle contre le mal-logement est devenu aussi le sien. Il l'a vu ensuite régulièrement, jusqu'à sa mort en 2007.
France Bleu Isère - Quand l'affaire des agressions sexuelles et des viols de l'Abbé Pierre sur 24 femmes a été révélée cet été par la Fondation Emmaüs, comment avez-vous réagi ?
Guy Tuscher - Cela a été violent. Mais, en fait, moi, je savais. Nous, dans la famille, on savait tous que la sexualité de notre oncle était problématique. Ma mère nous en avait parlé. Par contre, les agressions sexuelles telles qu'elles ont été décrites, non, on ne les connaissait pas. Ma mère Anne-Marie, sa sœur, elle s'était énormément engueulée avec lui sur le sujet. Elle savait très bien que le célibat, pour lui, c'était quelque chose d'insupportable. En fait, elle lui en a énormément voulu quand il est devenu prêtre parce qu'elle savait que ça ne correspondait pas à ce qu'il était. C'était son frère préféré. C'était un garçon brillant, plein de vie, mais il a choisi d'abord de se faire moine chez les Capucins, un ordre très rigoureux qu'il a quitté au bout de sept ans car il était tombé malade. C'était exactement l'inverse de sa personnalité. Ma mère lui disait de faire une psychanalyse pour régler ses problèmes, mais il n'a jamais voulu. Ma mère disait souvent aux personnes qui l'interrogeaient : "J'ai le redoutable privilège d'être la sœur de l'Abbé Pierre".
Et vous, que ressentez-vous aujourd'hui vis-à-vis de lui ?
En fait, c'est une déception par rapport à l'homme. Pourquoi a-t-il pris le risque qu'un jour cela se sache et de détruire toute l'œuvre qu'il avait accomplie humainement et politiquement ? Moi, je soutiens ces femmes qui ont raconté ce qu'elles ont subi. Elles doivent parler pour qu'un processus de guérison se mette en place et pour mettre loin d'elles ce qu'elles ont vécu avec lui. Mais on ne peut pas non plus dire que tout ce qu'il a fait est à jeter. Ce n'est pas possible.
"Quel était l'homme derrière ? Eh bien, l'homme, on le découvre maintenant..."
Ce qui pose problème dans les révélations qui ont été faites cet été, c'est le non-consentement de ces femmes. Elles sont face à l'Abbé Pierre, c'est Dieu sur Terre. Et puis d'un seul coup, elles se font agresser sexuellement par lui, n'est-ce pas destructeur ?
C'est inacceptable. On le sait, les victimes ont mis beaucoup de temps à parler. On peut considérer qu'il y a une sidération, mais en fait, sans le mouvement #MeToo, qui les aurait crues ? En même temps, tout le monde savait qu'il y avait un problème, l'Église, l'État, qui n'a pas voulu lui remettre la Légion d'honneur, et même Emmaüs, qui n'avait pas intérêt à l'époque à ce que cela se sache.
N'y a-t-il pas de l'hypocrisie, de l'orgueil aussi, dans l'attitude de votre oncle de compter justement sur sa célébrité, son côté intouchable, pour que tout cela reste impuni ?
C'est possible parce que pour moi, c'était un homme très intelligent. Donc pourquoi est-ce qu'il a eu cette attitude-là ? Ça reste un mystère. Peut-être qu'il s'est dit : j'ai fait tellement de bien que finalement, j'irai quand même au paradis. Je ne sais pas. Et puis toujours le prétexte de se dire : de toute façon, ma célébrité me sert pour mon action humanitaire et politique. En fait, tout le monde était subjugué par le mythe de l'Abbé Pierre. Et quel était l'homme derrière ? Eh bien, l'homme, on le découvre maintenant...
Quelle est l'image qui vous reste de votre oncle ?
Bien sûr, il reste mon oncle, je ne le renie pas. C'est un homme avec ses forces et ses faiblesses. Il avait dit une phrase assez étrange au général de Gaulle, un jour, après la guerre. Il lui avait dit : "Nous, mon général, on n'a que de petites qualités parce que nous n'avons que de petits défauts, alors que vous, vous avez de grandes qualités". Cela sous-entendait que le général avait aussi de grands défauts. Et je pense que cette phrase, elle pouvait très bien le concerner lui aussi.
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