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lundi 12 mai 2025

Traite et esclavage : pourquoi le Premier ministre a choisi Brest ?

Argh ! Réservé aux abonnés... pas grave, on va le faire avec Franceinfo, où l'on dit que les Bretons aussi ont participé à la traite négrière... peut-être pas tous quand même, au vu des chiffres :

1750 navires sont partis de Nantes entre le XVIIIe et le début du XIXe siècle, contre 200 pour les ports de l'Ouest de la Bretagne, qui se répartissent en 175 pour Lorient, une quinzaine pour Vannes, une dizaine pour Brest, trois pour Morlaix et un seul pour Saint-Brieuc.

Réponse à la question posée : pour culpabiliser et humilier les Bas-Bretons qui paient toujours un très lourd tribut en traite des Blanches.

On rappelle à ce sujet que le traitement judiciaire des affaires de moeurs accuse dès ses tout débuts en France un retard d'au moins 20 ans dans le Finistère et ce seul département. Il ne sera par la suite jamais rattrapé.

 

https://www.letelegramme.fr/finistere/brest-29200/traite-et-esclavage-pourquoi-le-premier-ministre-a-choisi-brest-6814578.php

Traite et esclavage : pourquoi le Premier ministre a choisi Brest

 
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Hervé Chambonnière

Par Hervé Chambonnière

De nombreuses autres villes portuaires, notamment en Bretagne, auraient pu être sollicitées. Pourquoi l’État a-t-il choisi Brest, ce samedi, pour commémorer les mémoires de la traite, de l‘esclavage et de leurs abolitions ?

 

Le Premier ministre François Bayrou - ici entouré par le maire de Brest, François Cuillandre, et l’ancien maire de Nantes et ancien Premier ministre, aujourd’hui président de la Fondation pour la mémoire de l‘esclavage, Jean Marc Ayrault - a présidé cette commémoration, dix ans après l’inauguration de « Mémoires », cette imposante sculpture d’acier de 10 m et de 20 tonnes qui embrasse la rade de Brest, près d’Océanopolis, et rappelle que près de quatre millions de femmes, d’hommes et d’enfants ont connu l’esclavage de 1625 à 1848 dans les colonies françaises.
Le Premier ministre François Bayrou - ici entouré par le maire de Brest, François Cuillandre, et l’ancien maire de Nantes et ancien Premier ministre, aujourd’hui président de la Fondation pour la mémoire de l‘esclavage, Jean Marc Ayrault - a présidé cette commémoration, dix ans après l’inauguration de « Mémoires », cette imposante sculpture d’acier de 10 m et de 20 tonnes qui embrasse la rade de Brest, près d’Océanopolis, et rappelle que près de quatre millions de femmes, d’hommes et d’enfants ont connu l’esclavage de 1625 à 1848 dans les colonies françaises. (Photo Nicolas Créach)

 

C’est une date anniversaire depuis 2006, cinq ans après la loi Taubira ayant reconnu l’esclavage et la traite négrière comme crime contre l’humanité. Tous les 10 mai, la République commémore « les mémoires de la traite, de l‘esclavage et de leurs abolitions ». Pourquoi Brest en 2025 ?

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https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/finistere/brest/esclavage-les-bretons-aussi-ont-participe-a-la-traite-negriere-3151622.html

Entre le XVIIIe et le début du XIXe siècle, 200 expéditions négrières ont pris la mer des ports de l’Ouest de la Bretagne, Lorient, Vannes, Brest, Morlaix. Loin, très loin, de Nantes d'où partirent 1 750 navires constate l’historienne Annick Le Douget autrice de "Juges, esclaves et négriers en Basse-Bretagne". Mais la Bretagne a elle aussi pris part à ce terrible commerce.

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"175 expéditions sont parties de Lorient, une quinzaine de Vannes, une dizaine de Brest, trois de Morlaix et une seule de Saint-Brieuc", décompte Annick Le Douget. "La partie ouest de la Bretagne a été bien moins active dans le commerce des esclaves que Saint-Malo ou Nantes ", remarque l’ancienne greffière du tribunal de Quimper, passionnée d’histoire.

200 expéditions négrières au départ de l'ouest de la Bretagne

En 2000, elle se plonge dans les archives et écrit, "Juges, esclaves et négriers en Basse-Bretagne, l’émergence de la conscience abolitionniste". "Quand 200 équipées quittent l’Ouest Breton, 1 750 partent de Nantes à la même période", résume-t-elle en deux chiffres.

 

Le port de Nantes était un port négrier © mairie de Nantes

 

Cela s’explique, décrit l’autrice, il faut des fonds pour armer un navire négrier. "Nantes, avec ces différents armateurs, était plus à même de lancer de telles campagnes. Les expéditions qui sont parties de Lorient ont bénéficié de l’aide de la Compagnie des Indes qui a financé une bonne part des expéditions. Les trois quarts au moins, précise Annick Le Douget. Brest, en revanche, n’était pas très bien loti. Le port était conséquent mais c’était un port militaire. Les navires de commerce n’y étaient pas forcément les bienvenus."

Des fusils et de la pacotille troqués contre des hommes

Dans son livre, l'autrice retrace l’histoire du bateau baptisé "Duc de Choiseul". Le navire de 120 tonneaux chargé de barils de poudre à canon, de fusils, de pistolets, de pièces de toile, de la pacotille qu’il comptait troquer contre des esclaves le long des côtes africaines.

Le navire fait une première escale à Gorée, puis longe la Guinée pour acheter des esclaves. Certains étaient arrachés à leurs familles puis échangés contre de l’or ou des épices en Guadeloupe ou à Saint-Domingue. 

Plusieurs milliers d’Africains ont été déportés et des centaines sont morts dans des conditions effroyables à bord des navires bretons.

 

Annick Le Douget, historienne, auteur de "Juges, esclaves et négriers en Basse-Bretagne, l’émergence de la conscience abolitionniste" © Christian Polet / France Télévisions

 

Annick Le Douget évoque aussi le destin de "L’Affricain" qui a quitté Brest en 1713 pour le Sénégal et le Gabon. Il a acheté 700 esclaves dont une centaine va périr pendant la traversée et sera jetée par-dessus bord. Entre 1625 à 1848, dans les colonies françaises, l'esclavage a concerné quatre millions de femmes, d'hommes et d'enfants.

Sur le "Duc de Choiseul", l’ambiance est tendue. Les mutineries se suivent. Le 1er mars 1778, alors qu’il rentre en France, le navire est drossé contre les rochers de l’Ile de Sein. Arrivées sur place, les autorités judiciaires constatent la présence de "deux petits noirs dans la cabine du capitaine."

La naissance d'une conscience abolitionniste

"Très peu de voix s’élevaient alors contre l’esclavagisme. Mais Théophile-Marie Laennec, un magistrat de Quimper, juge de l’amirauté, s’est exprimé de façon admirable, souligne Annick Le Douget, et on est bien avant la Révolution", insiste-t-elle.

"Quand il a vu les négrillons, comme on disait à l’époque, le magistrat s’est indigné de voir leur état de santé : ils étaient à bout de forces. Ils sont d’ailleurs morts peu après", détaille l'historienne. Ils avaient été baptisés Versailles et Chantelou. Et cela a été l’occasion pour le magistrat de développer ses idées contre la traite négrière dans ses réquisitoires et dans ses actes de justice. "Le capitaine Morel avoue avoir fait une trentaine de voyages en Guinée. Il s’est accoutumé à voir apprécier les hommes au poids d’un métal" écrit-il.

"Veut-on qu'un capitaine, qui sait à point nommé ce qu'un homme doit lui coûter d'étoffe ou de ferraille, se souvienne toujours que lui-même n'est qu'un homme armé du fouet et du bâton au milieu de ces malheureux africains qu'il embarque comme de vils troupeaux ? ". Il dénonce "ce trafic honteux que la mollesse ou plutôt la barbarie des Européens leur fait regarder comme nécessaire à la culture de leurs colonies, et contre lequel l'humanité réclamera dans tous les temps ses droits imprescriptibles".

"Ses propos, conclut Annick Le Douget, sont vraiment une voix de résistance importante qui fait honneur à la Bretagne."

"Juges, esclaves et négriers en Basse-Bretagne, l’émergence de la conscience abolitionniste", Édité chez l’auteur, 2000 (Prix du Salon de Bretagne du Livre d’Histoire, Pontivy en 2001).

(Avec Maëlle Kerguenou)


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