Le rédacteur en chef du Télégramme est l'auteur d'un édito publié aujourd'hui que j'ai eu un peu de mal à comprendre de prime abord tant il était pour moi hallucinant, mais que finalement je trouve assez éclairant sur la manière dont les journalistes, ou au moins certains d'entre eux, ceux de notre région, conçoivent leur rôle... et s'inquiètent pour leur avenir...
Ceux du Télégramme se plaignent donc que depuis environ un an, cinq d'entre eux ont été convoqués et entendus par la police ou la gendarmerie, à l'instar d'Olivier Cuzon très récemment : une à Lorient pour un présumé recel de violation du secret de l'instruction, trois dans le Finistère suite à une plainte pour diffamation d'un élu qu'ils avaient mis en cause dans un article, et un photographe dans les Côtes d'Armor.
Cette séquence est dite "inédite". Pour les journalistes, il s'agirait de "pressions" exercées sur eux.
Le lecteur lambda dont je suis en déduit qu'auparavant, les journalistes locaux n'ont peut-être jamais fait l'objet d'aucune plainte en diffamation ou relative à une violation du secret de l'instruction, ce qui peut paraître très inquiétant en matière journalistique mais est conforme à ce que l'on observe par ici depuis toujours : nos journalistes n'inquiètent jamais les notables locaux, qu'ils soient élus, fonctionnaires ou autres, ils sont à leur service et n'informent jamais le public de ce qui pourrait les déranger.
Pour retrouver par exemple tous les articles de la presse locale sur les frasques de Christian Barthes, ancien directeur de l'hôpital psychiatrique de Bohars dans les années 1990, violeur, pédophile et proxénète notoire, auteur de violences et malversations diverses, vous pouvez toujours vous accrocher, il n'y en a jamais eu, ou à peine... et à ma connaissance, aucun journaliste ne s'est jamais plaint d'avoir été empêché d'informer le public sur tous les scandales dont cet individu n'était que l'un des protagonistes...
A l'inverse, lorsqu'il s'agit par exemple de calomnier publiquement une victime de la criminelle Josette Brenterch du NPA de Brest, ils se prêtent à l'exercice de bonne grâce, comme ce fut le cas au lendemain de mon procès brestois d'avril 2013.
Nous avons donc une presse aux ordres.
Une presse sans histoires, aussi, certes, ce qui est la marque d'une presse aux ordres.
Or, ce n'est pas ce qu'en attendent ses lecteurs, hormis ceux de la mafia locale.
Les autres n'existant pas aux yeux de nos journalistes locaux se tournent depuis longtemps vers Internet et les réseaux sociaux pour s'informer mutuellement et informer eux-mêmes le public directement, autrement dit faire aussi bien que possible tout le travail que les journalistes professionnels ne font pas, en sachant, comme moi en 2013, qu'il est inutile d'aller porter plainte contre des journalistes aux ordres (j'avoue avoir été très tentée de le faire contre Steven Le Roy pour son torchon du 10 avril 2013, un compte rendu très malhonnête de l'audience de la veille, et n'ai finalement pas déposé de nouvelle plainte, sachant qu'elle finirait comme toutes les autres, puisque j'ai bien contre moi toute la mafia brestoise, ayant le tort, pour commencer, d'avoir toujours été tête de classe durant ma scolarité brestoise, puis femme ingénieure, ce qui est aussi grave que d'avoir toujours eu les meilleures notes en classe, et pour couronner le tout, d'avoir notamment refusé de commettre des crimes et délits contre la Nation pour le compte d'anciens employeurs mafieux et travaillé à l'assèchement de trafics d'armes à partir des stocks de matériels de l'Armée de l'Air, alors qu'à Brest les ouvriers de l'arsenal avaient toujours fait ce qu'ils voulaient avec les stocks de matériels militaires et n'entendaient pas en être privés d'une quelconque manière... ce qui m'a valu à compter des années 1990 de subir du harcèlement moral en entreprise à très haute dose et plusieurs tentatives d'assassinat, la criminelle Josette Brenterch du NPA de Brest et ses complices de la mafia brestoise y ayant toujours été associés).
Cependant, il semblerait que nous ne soyons pas les seuls, puisque les journalistes du Télégramme se plaignent aussi de difficultés croissantes d’accès aux sources policières, de gendarmerie et judiciaires, leur travail habituel de "communication maîtrisée des pouvoirs publics" tendant à leur échapper au profit desdits pouvoirs, "toujours plus tentés d’assurer eux-mêmes leur transmission d’informations, bien souvent sur des plateformes sociales américaines voire chinoise".
Et s'ils devenaient réellement journalistes au lieu de continuer à dépendre exclusivement de ces sources dont la fiabilité peut être sujette à caution ? Y ont-ils parfois songé ?
Ils auraient alors le soutien de tous leurs lecteurs qui ne demandent pas mieux que de découvrir dans leurs quotidiens les résultats de réelles investigations indépendantes et aussi complètes que possible.
Evidemment, cela implique de rompre avec l'establishment et prendre le risque de lui déplaire.
Mais si de toute façon, même en étant servile, le journaliste n'est plus au-dessus des lois et peut se voir lui aussi convoquer par la police ou la gendarmerie pour répondre de plaintes pour diffamation, pourquoi ne pas tenter l'expérience ?
[À nos lecteurs] Une pression inédite sur les journalistes de votre quotidien
Cinq journalistes du Télégramme ont été auditionnés en quelques mois. Une pression que nous souhaitons dénoncer.
La séquence est inédite. En moins d’un an, cinq journalistes du Télégramme ont été convoqués et entendus par la police ou la gendarmerie dans le cadre de leurs fonctions. Cette pression sur notre rédaction n’a jamais été aussi forte depuis la création de votre journal. Nous sommes enclins à penser qu’elle traduit une forme de défiance à l’égard du travail de journalistes professionnels, qui agissent pourtant dans un cadre légal et réglementaire bien charpenté dans notre pays.
Première semonce en mai 2023 : une journaliste de notre rédaction de Lorient est convoquée par l’Inspection générale de la police nationale au commissariat de la ville. Le délit présumé ? Recel de violation du secret de l’instruction. En d’autres termes, l’accusation porte sur la publication d’informations dont nous aurions disposé grâce à une personne ayant violé le secret de l’instruction. La volonté de pression sur une journaliste professionnelle ne fait pas de doute.
Second épisode, en ce mois d’avril : la convocation de trois de nos journalistes, co-auteurs d’un article mettant en cause un élu finistérien. Là encore, trois auditions suite à une plainte pour diffamation. Audition, relevé d’empreintes… La procédure certes, mais, là encore, une pression réelle et contestable.
Enfin, une dernière affaire dont on peine à mesurer l’enjeu. Notre photographe, auteur de la photo prise par drone de l’église incendiée de Bringolo dans les Côtes-d’Armor, suspecté d’utiliser son engin volant sans respecter la loi, a été convoqué ces derniers jours par une brigade de gendarmerie. Entendons-nous bien : les drones sont devenus suspects en cette période de menace d’attentats et c’est normal. Au point de mobiliser la justice sur l’improbable infraction d’un journaliste connu et reconnu dans la région, disposant des autorisations requises ?
« Le rôle des journalistes n’est pas de relayer une communication maîtrisée des pouvoirs publics mais d’informer les citoyens. »
Cette série malencontreuse de convocations et auditions ne vise malheureusement pas que Le Télégramme. Ces derniers mois, des confrères d’autres titres de presse régionale ont subi le même sort. Cette pression intervient dans un contexte bien identifié : difficultés croissantes d’accès aux sources policières, de gendarmerie et judiciaires, corsetage de la communication dans certains parquets, volonté des ministères régaliens de maîtriser depuis Paris l’information sur les troubles à l’ordre public, difficile accès aux données publiques huit ans après la mise en application de la loi pour une République numérique… Qu’elle soit le fruit du zèle de certains ou d’une réelle volonté politique, cette pression est hors de propos à l’heure où l’État s’interroge sur l’avenir des médias d’information.
Pourtant, plus que jamais, le droit à l’information est essentiel. Il ne doit en rien être entravé par ceux qui disent la loi et la font appliquer. Enquêtes empêchées ou abandonnées, affaires dissimulées… Le rôle des journalistes n’est pas de relayer une communication maîtrisée des pouvoirs publics mais d’informer les citoyens. À l’heure où élus ou fonctionnaires seraient toujours plus tentés d’assurer eux-mêmes leur transmission d’informations, bien souvent sur des plateformes sociales américaines voire chinoise, rappelons aujourd’hui que la mission d’information relève des médias et des journalistes professionnels dont les rôles sont établis et reconnus.
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