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samedi 25 janvier 2020

Procès d'Harvey Weinstein : une psychiatre non brestoise déconstruit les mythes autour du viol


Je souligne que celle-là n’est pas brestoise, car la fonction principale des psychiatres de l’hôpital psychiatrique de Bohars, du CHU de Brest, est toujours de protéger violeurs et pédophiles contre les plaintes potentielles ou effectives de leurs victimes.

Barbara Ziv est tout au contraire une psychiatre médico-légale à l’américaine, c’est-à-dire sans l’ombre d’une quelconque déformation trotskyste.

Elle ne fait pas profession de manipuler tous azimuts (individus, masses, jurés), elle dit simplement ce qui est.

Pour ma part, j'ajoute à toutes ses explications une évidence qui est trop souvent oubliée : d'innombrables victimes de viols ou d'autres agressions sexuelles ne sont plus là pour dénoncer ce qu'elles ont subi ou en parler, car elles y ont laissé leur vie. Quant aux autres, dès le tout premier instant de leur agression - si elles étaient conscientes, bien entendu -, elles ont aussi pensé que pour elles, tout était fini, et n'ont dès lors été guidées dans toutes leurs réactions, aussi diverses soient-elles, souvent fonction des circonstances, que par l'instinct de survie.



https://www.francetvinfo.fr/culture/cinema/affaire-harvey-weinstein/proces-d-harvey-weinstein-pour-contrer-la-defense-une-psychiatre-vient-deconstruire-les-mythes-autour-du-viol_3799249.html

Procès d’Harvey Weinstein : pour contrer la défense, une psychiatre vient déconstruire les mythes autour du viol


Barbara Ziv, psychiatre médico-légale, avait témoigné en 2018 au procès de Bill Cosby pour agressions sexuelles. Elle est venue contredire, recherches à l’appui, plusieurs des arguments de la défense d’Harvey Weinstein.

La psychiatre médico-légale Barbara Ziv, accompagnée des procureures Joan Illuzzi-Orbon et Meghan Hast, quitte la Cour suprême de New York (Etats-Unis), le 24 janvier 2020. 
La psychiatre médico-légale Barbara Ziv, accompagnée des procureures Joan Illuzzi-Orbon et Meghan Hast, quitte la Cour suprême de New York (Etats-Unis), le 24 janvier 2020.  (JEENAH MOON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)


Son expertise était très attendue au 15e étage de la Cour suprême de New York. « Nous appelons à la barre la docteure Barbara Ziv. » Les cheveux au carré, une veste noire cintrée, Barbara Ziv prend place dans la salle d’audience et jure de dire « toute la vérité, rien que la vérité ». Sur le grand écran derrière elle apparaît une présentation intitulée « Les mythes sur le viol ». 

Au lendemain du terrible témoignage d’Annabella Sciorra, l’une des femmes accusant Harvey Weinstein de l’avoir violée, l’accusation a fait intervenir pendant plus de deux heures cette psychiatre médico-légale au procès du producteur déchu. Barbara Ziv, spécialiste des violences sexuelles et des traumatismes qu’elles engendrent, a démonté un par un les clichés les plus communs sur le viol et les agressions sexuelles, apportant un solide contrepoids aux arguments avancés par la défense.

Les viols sont rarement commis par des inconnus


L’enseignante de l’université de Temple, en Pennsylvanie, compte « plus de 1 000″ évaluations de victimes et auteurs de violences sexuelles à son actif. Barbara Ziv connaît bien l’exercice auquel elle se prête, face à Harvey Weinstein. En 2018, la psychiatre avait apporté son savoir au procès de l’ancienne star de la télévision américaine Bill Cosby, jugé pour agression sexuelle. Ce dernier avait ensuite été reconnu coupable et incarcéré.

« Les gens pensent savoir des choses au sujet des violences sexuelles. Ils évaluent ces agressions avec des idées préconçues, qui sont souvent fausses. C’est cela, les mythes sur le viol », commence Barbara Ziv. Parmi les clichés les plus communs, l’idée selon laquelle un viol est forcément commis par un parfait inconnu. « Faux », tranche avec certitude la psychiatre, pourcentages à l’appui. Dans plus de 85% des cas, le violeur est au contraire une connaissance, et bien souvent un proche de la victime. L’exposé de Barbara Ziv résonne avec une autre parole à la barre, 24 heures plus tôt : celle d’Annabella Sciorra, en réponse à une question de l’accusation :

« Pensiez-vous avoir été violée à ce moment-là ? 

- Non, car c’était quelqu’un que je connaissais. Je pensais que les viols étaient commis dans des ruelles, par de sombres inconnus. » 

Sur l’écran ce vendredi matin, un nouveau mythe apparaît en lettres majuscules. Celui selon lequel les victimes de violences sexuelles résistent forcément à leurs agresseurs. La défense d’Harvey Weinstein en a largement fait usage, jeudi, pour discréditer le témoignage d’Annabella Sciorra. « Avez-vous crié ? Oui ? Avez-vous continué de crier ? L’avez-vous griffé, avez-vous tenté de le blesser aux yeux ? » avait questionné sans vergogne Donna Rotunno.

Il est très commun de croire cela et pourtant, c’est faux. Seulement 20% à 40% des personnes agressées crient, très peu s’enfuient en courant. Il est rare de voir des victimes de violences sexuelles résister.Barbara Ziv, experte psychiatre au procès d’Harvey Weinstein

Il est encore plus rare de les voir porter plainte, poursuit la psychiatre. Nombre de victimes, développe-t-elle, parlent à un ami. Très peu se confieront à un médecin, encore moins à un policier. Le viol, souligne Barbara Ziv, « est le crime le moins signalé aujourd’hui ». Un éclairage pour mieux comprendre pourquoi Annabella Sciorra — et tant d’autres femmes — n’ont jamais porté plainte.

« Elles peuvent rester en lien avec leur agresseur »


A la barre, la psychiatre continue de détricoter les idées reçues. Depuis les plaidoiries d’ouverture de la défense, mercredi, une question se pose dans ce procès pour viols et agressions sexuelles : pourquoi les deux plaignantes, Miriam Haleyi et Jessica Mann, ont-elles gardé contact avec leur agresseur présumé, Harvey Weinstein ? Pour quelles raisons Jessica Mann a-t-elle même eu une relation intime avec l’ancien magnat d’Hollywood, après le viol qu’elle affirme avoir subi ? Les avocats de l’accusé entendent bien l’emporter sur ce point : pour eux, ces communications et contacts parfois intimes impliqueraient une relation consentie dès le départ.

« Il y a un autre cliché très répandu sur les viols : le fait que les victimes n’ont plus aucun contact avec leur agresseur après », réplique Barbara Ziv. En réalité, bien souvent, ces contacts persistent. « Cela peut être une relation qui continue, ou même une relation qui se développe avec le violeur », détaille l’enseignante.

Souvenez-vous que dans 85% des cas, il s’agit de quelqu’un qu’elles connaissent. Parfois, elles ne veulent pas croire que cela leur est arrivé ; elles restent donc en lien avec l’agresseur. Barbara Ziv, experte psychiatre au procès d’Harvey Weinstein

Une réaction aussi causée, au-delà du déni, par la peur « que les choses empirent » si elles cessent tout contact. Face aux jurés, la spécialiste des violences sexuelles rappelle que les victimes font souvent face à des menaces de la part de leur violeur. « Elles ne veulent pas qu’il mette en péril leur carrière, leurs relations amicales… Il y a toujours, chez les victimes, la crainte que l’agresseur ne ruine leur vie. »

Barbara Ziv aborde ensuite la question des souvenirs de ces violences sexuelles. Une victime de viol peut ainsi se rappeler certains détails tout en oubliant des éléments plus évidents. « Elles peuvent se tromper sur leur tenue ce jour-là, ou sur le jour de la semaine où cela a eu lieu. Cela ne veut pas dire que leurs accusations sont fausses », souligne-t-elle.

La défense d’Harvey Weinstein a répliqué lors de son contre-interrogatoire. Damon Cheronis, l’un des avocats de l’ancien magnat d’Hollywood, a évoqué la possibilité, pour des femmes, de requalifier un rapport sexuel consenti en viol, parfois des années plus tard. « Tout est possible, [mais] ce n’est pas habituel », a assuré la psychiatre. Et l’experte d’ajouter sans filtre, une fois interrogée sur l’idée d’« un rapport sexuel non voulu mais consenti » : « C’est un concept ridicule. »


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