Alors là, il n’y a pas de problème, je coche tout.
Je suis à la fois HPE et HPI, ce que j’ai quasiment toujours su,
notamment pour avoir été évaluée très tôt, dans le cadre scolaire, mais
mes résultats scolaires exceptionnels et l’énorme décalage qui a
toujours existé entre mes camarades de classe et moi étaient aussi bien
là, ne laissant planer le doute pour personne.
Même mes institutrices de maternelle me savaient déjà hors norme, par
l’intelligence comme par la force de caractère. Ce qu’elles n’ont par
contre sans doute jamais soupçonné, c’est que j’analysais déjà tout le
monde sans problème, les adultes comme les enfants, ce qui me permettait
de dépasser assez facilement des situations à l’évidence
traumatisantes, de pardonner aux plus faibles, et même de faire preuve
de magnanimité à l’égard de certains adultes, du haut de mes cinq ans
tout au plus.
Mine de rien, j’étais déjà plus mature et cette différence
essentielle s’est encore accrue et renforcée au fil des ans, des
expériences et de mon propre développement.
Totalement à l’opposé, voyez ce que répète assez souvent le pervers
narcissique Pascal Edouard Cyprien Luraghi, un type qui a quitté l’école
à 14 ans en situation d’échec scolaire et naturellement sans aucun
diplôme :
Il dit lui-même n’avoir mentalement jamais dépassé l’âge de douze
ans, encore ne s’agit-il que de sa propre estimation, se référant à ses
douze ans, ceux du cancre qu’il était à cet âge-là, particulièrement en
mathématiques, et à l’évidence, donc, totalement incapable
d’abstraction.
De fait, le psychopathe Pascal Edouard Cyprien Luraghi n’a toujours rien d’un intellectuel aujourd’hui.
Il se prétend « écrivain » tout en confessant avoir toujours été
incapable d’écrire autre chose que des récits autobiographiques, sans
même pouvoir les contextualiser, car il ne perçoit pas le monde qui
l’entoure tel qu’il est réellement. En fait, en partisan résolu du
moindre effort, il n’a jamais cherché à voir la réalité de ce monde qui
dépasse très largement son entendement (d’où sa myopie très prononcée),
préférant toujours l’imaginer comme il aimerait qu’il soit pour flatter
son ego démesuré.
Il n’assène donc toujours à ses lecteurs comme « vérités »
intrinsèques que ses délires ou fantasmes de pervers narcissique,
lesquels n’ont d’intérêt que dans le cadre d’une étude de son
personnage, de ses pathologies et de ses crimes.
On répète : totalement incapable d’appréhender le monde tel qu’il
est, il s’en crée un autre, imaginaire, qui lui convient, et qu’il
impose ou tente d’imposer à tous par tous les moyens, y compris les plus
violents.
Parce qu’il est avant tout totalement incapable de se confronter à
ses insuffisances, ses défauts, ses incapacités. Son ego surdimensionné
l’en empêche.
Voilà qui est réellement Pascal Edouard Cyprien Luraghi et comment il fonctionne.
Il n’est jamais crédible en rien. C’est un mythomane qui ment et affabule en permanence.
Dans ses récits prétendument « autobiographiques », qui tous le
mettent en scène, lui, comme héros ou personnage principal ou plutôt
supérieur, d’essence quasi divine (qui aurait idée d’aller raconter son
enfance depuis sa naissance comme s’il s’agissait de la Genèse, comme il
l’a fait dès ses tout débuts sur Internet, dans un texte intitulé
« L’enfance du Cyp », sinon pareil psychopathe ?), il s’attribue
toujours de beaux rôles qu’en réalité il n’a jamais eus, décrivant à
l’inverse tous ceux qui l’ont un jour bien malgré eux « agressé » avec
des capacités qu’il n’avait pas comme les pires « déchets de
l’humanité » (sic).
Bien sûr, c’est mon cas. Il ne pouvait pas en être autrement à partir
du moment où il a pu m’apercevoir telle que j’étais, dans les colonnes
de commentaires du site Rue89, en 2008, sans que pour part je ne l’eusse
encore remarqué.
Du coup, en réponse à ses déluges d’insultes et calomnies publiques,
du fait qu’il me répétait sans cesse folle à lier, malade mentale ou
handicapée mentale, et tous ses complices cybercriminels et harceleurs à
petits QI de même, pour la première fois de ma vie, je me suis mise à
évoquer ce QI beaucoup trop élevé à leur goût que tous mes précédents
harceleurs et agresseurs m’avaient en fait toujours reproché.
Je n’en avais jamais parlé plus tôt précisément parce que je fais
partie de ces personnes qui considèrent toujours toute chose avec
beaucoup de recul et de circonspection, et que de toute façon, cet
aspect de ma personnalité, que je n’ignorais absolument pas mais qui ne
m’avait jamais fait ni chaud ni froid, n’avait non plus jamais été l’un
de mes centres d’intérêt.
Ce sont plutôt de mes limites dont j’avais toujours eu une conscience
particulièrement aiguisée, cherchant autant que possible à les reculer
ou les dépasser.
Encore une fois, je ne suis pas le psychopathe Pascal Edouard Cyprien Luraghi, tout nous oppose.
Retour sur le conflit ukrainien six mois après les débuts de
l’intervention russe, avec les analyses de Jacques Baud, spécialiste,
parmi les plus fiables sur cette question.
Comme prévu, la folledingue Josette Brenterch du NPA de Brest et tous
les Brestois qui la suivent, dont ceux qui ont nous ont imposé à la
tête de l’Etat le … [mettez ce que vous voulez] que nous allons encore
devoir supporter un certain temps, nous ont bien conduits au grand
plongeon.
Les menteurs qui nous gouvernent n’inspirent plus confiance qu’à leurs complices, et encore, certainement pas tous.
Je leur avais indiqué avant l’élection présidentielle que le choix
qu’ils nous proposaient entre plusieurs candidats de profils à peu près
semblables n’en était pas vraiment un, ni forcément le meilleur pour
diriger un pays, surtout quand l’exercice devient de plus en plus
périlleux.
Aussi, ils ont cru bon de désigner une femme ingénieure comme Première Ministre.
Ces femmes-là nagent mieux que les autres, c’est un fait, mais quand
même pas lorsqu’elles sont lestées comme il faut pour couler à pic.
Vidéo édifiante sur le cas de ce jeune américain dont le visage a
retenu mon attention alors que j’allais faire un tour sur Youtube pour y
chercher autre chose, raison pour laquelle je m’y suis attardée.
Plus le temps de visionnage passait, et plus j’étais persuadée d’en
connaître un sosie sans pouvoir me rappeler de qui il s’agissait. Et
tout d’un coup, bingo ! mais c’est bien sûr… Jean-Marc Donnadieu !
Et c’est bien le même type de psychopathe…
Voyez sa photo sur son CV du printemps 2013, c’est exactement Joe Clark avec quelques années en plus :
A noter : pour pouvoir retrouver jambes et mobilité, sa dernière
victime le jeune Thad Phillips, qui à tout juste douze ans a réussi à
échapper à une mort certaine dans les conditions relatées dans la vidéo,
a dû subir par la suite nombre d’interventions chirurgicales durant
plusieurs années.
Enterrement de victimes de la peste noire à Tournai. Les Chroniques de Gilles Li Muisis (1272-1352), abbé de Saint-Martin de Tournai. Bibliothèque royale de Belgique, MS 13076-77, f. 24v.
La peste noire, ou mort noire, est une pandémie de peste (principalement bubonique) qui a sévi au milieu du XIVe siècle (pendant le Moyen Âge). Cette pandémie touche l’Eurasie, l’Afrique du Nord et peut-être l’Afrique subsaharienne. Son nom lui a été donné par les historiens modernes ;
elle n’est ni la première ni la dernière pandémie de peste, mais c’est
la seule à porter ce nom. C’est aussi la première pandémie à avoir été
bien décrite par les chroniqueurs de l’époque. Elle est parfois
également appelée grande peste.
Elle tue entre 30 et 50 % des Européens en cinq ou six ans
(1347-1352), faisant environ 25 millions de victimes. Les conséquences
sur la civilisation européenne sont sévères et longues, d’autant que
cette première vague est considérée comme le début explosif et
dévastateur de la deuxième pandémie de peste, qui dure de façon plus sporadique jusqu’au début du XIXe siècle.
Cette pandémie provoque indirectement la chute de la dynastie Yuan en Chine, affecte l’Empire khmer et affaiblit encore plus ce qui reste de l’Empire byzantin, déjà moribond depuis la fin du XIe siècle et qui tombe finalement face aux Ottomans en 1453.
Origines du terme
Les contemporains désignent cette épidémie sous de nombreux termes :
« grande pestilence », « grande mortalité », « maladie des bosses »,
« maladie des aines »1, et plus rarement « peste universelle »2 (qui doit être compris comme un équivalent de fléau universel). Le terme « peste noire » ou « mort noire » apparaît au XVIe siècle. Il semble que « noir » doive ici être pris au sens figuré (terrible, affreux), sans allusion médicale ou clinique1.
La popularité de l’expression serait due à la publication, en 1832, de l’ouvrage d’un historien allemand Justus Hecker(de) (1795-1850), Der schwarze Tod im vierzehnten Jahrhundert (« La Mort noire au XIVe siècle »). L’expression devient courante dans toute l’Europe. En Angleterre, le terme usuel de Black Death (mort noire) apparaît en 1843 dans un livre d’histoire destiné à la jeunesse1. Au début du XXIe siècle, Black Death reste le nom habituel de cette peste médiévale pour les historiens anglais et américains. En France, le terme « peste noire » est le plus souvent utilisé3.
Dans son ouvrage initial de 1832, Hecker dresse la liste des
explications de l’emploi de l’adjectif « noir » : le deuil continu,
l’apparition d’une comète noire avant l’épidémie, le fait qu’elle ait d’abord frappé les Sarrasins (à peau foncée), la provenance apparente de pays à pierres ou de terres noires, etc.1. Cet ouvrage est à la base de celui d’Adrien Phillippe4 paru en 1853 Histoire de la peste noire5.
Dans le langage médical français, jusqu’aux années 1970, le terme peste noire désignait plus particulièrement les formes hémorragiques de la peste septicémique ou de la peste pulmonaire6.
Épidémies précédentes
Le Moyen Âge fut traversé par de nombreuses épidémies, plus ou moins virulentes et localisées, et souvent mal identifiées (incluant grippe, variole et dysenteries)2 qui se déclenchèrent sporadiquement. Hormis peut-être le mal des ardents, qui est dû à une intoxication alimentaire, la plupart de ces épidémies coïncidèrent avec les disettes ou les famines qui affaiblissaient l’organisme. Le manque d’hygiène
général et notamment la stagnation des eaux usées dans les villes, la
présence de marais dans les campagnes favorisèrent également leur
propagation. Ainsi, l’Artois est frappé à plusieurs reprises en 1093, 1188, 1429 et 1522.
La peste de Justinien (541-767) qui ravagea l’Europe méditerranéenne a été clairement identifiée comme peste due à Yersinia pestis. Elle fut sûrement à l’origine d’un déficit démographique pendant le haut Moyen Âge en Europe du Sud, et indirectement, de l’essor économique de l’Europe du Nord. Elle est considérée comme la première pandémie de peste ; sa disparition au VIIIe siècle reste énigmatique7.
L’absence de la peste en Europe dura six siècles. Quand l’Europe occidentale fut de nouveau touchée en 1347-1348,
la maladie revêtit tout de suite, aux yeux des contemporains, un
caractère de nouveauté et de gravité exceptionnelle, qui n’avait rien de
commun avec les épidémies habituelles8. Pour les plus lettrés, les seules références connues pouvant s’en rapprocher étaient la peste d’Athènes et la peste de Justinien.
Contrairement à la peste de Justinien, qui fut essentiellement bubonique, la peste noire, due aussi à Yersinia pestis9, a pu revêtir deux formes : principalement bubonique10,11, mais aussi pulmonaire12, selon les circonstances.
Chroniqueurs et historiens
Histoire classique
Il ne manque pas d’écrits contemporains de la peste noire, comme la Nuova chronica du chroniqueur florentin Giovanni Villani, lui-même victime de la peste en 1348. Sa chronique s’arrête en 1346, mais elle est poursuivie par son frère Matteo Villani avec le récit détaillé de cette épidémie. Gabriel de Mussis(en) (1280-1356) de Plaisance est l’auteur d’un Historia de morbo en 134813.
De nombreux auteurs, médicaux ou non, ont donné par la suite avis et
observations, mais une approche proprement historique de la peste
médiévale n’apparaît qu’à la fin du XVIIIe siècle avec Christian Gottfried Gruner(de) (1744-1815) et Kurt Sprengel.
Le tournant décisif est pris en 1832 par Justus Hecker (voir section
précédente) qui insiste sur l’importance radicale de la peste noire
comme facteur de transformation de la société médiévale. L’école
allemande place la peste noire au centre des publications
médico-historiques avec Heinrich Haeser(de) (1811-1885), et August Hirsch (1817-1894). Ces travaux influencent directement l’école britannique, aboutissant au classique The Black Death (1969) de Philip Ziegler13.
Histoire multidisciplinaire
La découverte de la bactérie causale Yersinia pestis (1894), puis celle du rôle des rats et des puces, permettent de déterminer un modèle médical de la peste moderne dans la première moitié du XXe siècle.
Ce modèle s’impose aux historiens pour expliquer et évaluer la peste
médiévale. En même temps, ces chercheurs ont accès à de nouvelles
sources locales officielles et semi-officielles, avec l’arrivée dans la
deuxième moitié du XXe siècle de démographes, d’épidémiologistes et de statisticiens13.
Le modèle initial de Hecker, représentatif d’une
« histoire-catastrophe », quasi apocalyptique, est corrigé et nuancé. La
peste noire n’est plus un séparateur radical ou une rupture totale dans
l’histoire européenne. Nombre de ses effets et de ses conséquences
étaient déjà en cours dès le début du XIVe siècle ;
ces tendances ont été exacerbées et précipitées par l’arrivée de
l’épidémie. Le phénomène « peste noire » est mieux situé dans un
contexte historique plus large à l’échelle séculaire d’un ou plusieurs
cycles socio-économiques et démographiques13.
Un apport décisif est celui de Jean-Noël Biraben qui publie en 1975, Les hommes et la peste en France et dans les pays européens et méditerranéens,
où la peste noire (Europe occidentale ,1348-1352) n’est qu’un aspect
particulier des épidémies de peste qui se succèdent jusqu’au XVIIIe siècle,
englobant l’Europe de l’Est et le Moyen-Orient. Il est suivi en cela
par nombre de chercheurs qui abordent la peste à différentes échelles
spatio-temporelles, pas forcément centrées sur la peste noire du milieu
du XIVe siècle, la plus connue du grand public.
À la fin du XXe siècle,
l’étude de la peste noire médiévale apparaît de plus en plus comme
multidisciplinaire avec le traitement des données par informatique,
l’arrivée de nouvelles spécialités comme l’archéozoologie, la paléomicrobiologie ou la palynologie.
Si les notions initiales des premiers historiens paraissent se
confirmer en général, la peste noire historique comporte encore de
nombreux problèmes en suspens, non ou mal expliqués. Au début du XXIe siècle,
elle reste un objet vivant de recherches : mise en cause de données
acquises, disputes et controverses avec pluralité de points de vue13,17,18.
Nature de la maladie
Le premier savoir biomédical moderne sur la peste est fondé sur les travaux menés dans la première moitié du XXe siècle à l’occasion de la troisième pandémie de peste, dite peste de Chine
ou peste de Hong Kong. Cette troisième pandémie a donc servi de modèle
pour expliquer la peste noire (début de la deuxième pandémie de peste)19.
Cependant, à partir des années 1970, des historiens et des
épidémiologistes notent d’importantes différences entre la peste
médiévale et les pestes modernes du XXe siècle.
Par exemple, la peste médiévale a un taux de mortalité très élevé par
rapport à la peste moderne (d’avant les antibiotiques), et elle se
diffuse beaucoup plus vite. De plus les chroniqueurs européens médiévaux
ne mentionnent pas de mortalité chez les rats19,13.
Quelques auteurs ont alors proposé d’autres hypothèses : la peste noire serait une maladie du charbon, une fièvre hémorragique virale
pulmonaire, voire « toute maladie autre que la peste bubonique
transmise par puce du rat ». D’autres comme une peste, mais transmise
différemment par puce de l’homme (sans avoir besoin de rat)19,13.
En 1998, des microbiologistes ont pu mettre en évidence la présence d’ADN de Yersinia pestis dans la pulpe dentaire de squelettes retrouvés sur des sites de la deuxième pandémie20. Ces premiers travaux, d’abord contestés, ont été confirmés dans les années 2010, y compris pour la peste noire médiévale21,22,23.
Quoiqu’il existe de nombreuses questions non résolues, la très grande
majorité des auteurs (historiens, épidémiologistes, microbiologistes…)
considèrent que la peste noire, comme la peste de Justinien (première pandémie de peste), est bien la peste (bubonique ou pneumonique) causée par le bacille Yersinia pestis19,13.
Chronologie
Origines
Hypothèses
Les historiens sont en désaccord sur l’origine géographique exacte de
la peste noire, mais ils sont unanimes sur son arrivée par la route de la soie, par le nord ou par le sud de la mer Caspienne24,25.
Principales routes de la soie, à la fin de l’Antiquité.
Pour les chroniqueurs musulmans andalous, comme Ibnul Khatib de Grenade, l’épidémie vient de Chine. Ils s’appuient sur le témoignage de marchands venant de Samarcande. Ils rapportent aussi une rumeur circulant chez les voyageurs chrétiens selon laquelle la peste est venue d’Abyssinie. La thèse de l’origine chinoise est reprise jusqu’au début du XXe siècle par des auteurs qui ne font, le plus souvent, que se recopier24.
Elle s’appuie principalement sur Joseph de Guignes (1758) qui, en
citant des annales chinoises, atteste que la capitale est atteinte en
133426.
Quelques chroniqueurs chrétiens voient l’origine de la maladie aux Indes, Giovanni Villani y fait allusion en parlant de feux souterrains et de pluies d’insectes dans ces pays. Des auteurs plus modernes situent l’origine sur les pentes sud de l’Himalaya, en surinterprétant le témoignage d’Ibn Battûta sur une épidémie sévissant à Mathura en 1332 (confusion probable avec Matrah selon Jean-Noël Biraben, en 1975)24.
Depuis le dernier quart du XXe siècle, les historiens ont tendance à déplacer l’origine de la peste noire vers la mer Noire et le sud de la Russie, réduisant la distance du trajet de la peste noire. Les uns s’appuient sur des données phylogénétiques de Yersinia pestis pour localiser l’origine de la peste noire au Kurdistan irakien, d’autres se basent sur des chroniques médiévales russes pour la placer entre le bassin du Don et celui de la Volga25.
Extension de la peste noire 1346-1351, hypothèse de l’Asie centrale.
Si des historiens s’appuient sur l’existence d’une Pax Mongolica favorisant le commerce, d’autres opposent les troubles politico-militaires de l’islamisation de chefs mongols (ce serait alors les guerres et non le commerce qui facilitent l’épidémie)24.
Déroulement
En 1346, les Mongols de la Horde d’orassiégèrent Caffa, comptoir et port génois des bords de la mer Noire, en Crimée. L’épidémie, ramenée d’Asie centrale
par les Mongols, toucha bientôt les assiégés, car les Mongols
catapultaient les cadavres des leurs par-dessus les murs pour infecter
les habitants de la ville31. Cependant, pour Boris Bove
il est plus plausible d’imaginer que la contamination des Génois fut le
fait des rats passant des rangs mongols jusque dans la ville31, ou selon une théorie récente, plutôt des gerbilles32.
Le siège fut levé, faute de combattants valides en nombre suffisant :
Génois et Mongols signèrent une trêve. Les bateaux génois, pouvant
désormais quitter Caffa, disséminèrent la peste dans tous les ports où
ils faisaient halte : Constantinople est la première ville touchée en 134733, puis la maladie atteignit Messine fin septembre 134734, Gênes et Marseille en novembre de la même année. Pise est atteinte le premier janvier 1348, puis c’est le tour de Spalato, la peste gagnant les ports voisins de Sebenico et de Raguse, d’où elle passe à Venise le 25 janvier 1348. En un an, la peste se répandit sur tout le pourtour méditerranéen8.
Dès lors, l’épidémie de peste s’étendit à toute l’Europe du sud au nord, y rencontrant un terrain favorable : les populations n’avaient pas d’anticorps contre cette variante du bacille de la peste, et elles étaient déjà affaiblies par des famines répétées35, des épidémies36, un refroidissement climatique sévissant depuis la fin du XIIIe siècle, et des guerres37.
Entre 1345 et 1350, le monde musulman et la région du croissant fertile sont durement touchés par la pandémie. Partie de Haute-Égypte, elle touche Alexandrie, Le Caire en septembre 1348, atteint la Palestine, touche successivement Acre, Sidon, Beyrouth, Tripoli et Damas en juin de la même année. Au plus fort de l’épidémie, Damas perd environ 1 200 habitants par jour et Gaza est décimée. La Syrie perd environ 400 000 habitants, soit un tiers de sa population. C’est après avoir ravagé l’Égypte, le Maghreb et l’Espagne qu’elle se répand finalement en Europe38.
La diffusion rapide de la peste est à imputer à l’arrivée du Rat noir en Europe. Natif d’Asie, il s’est rapidement propagé par les navires de commerces. Rattus rattus est le réservoir de la peste bubonique, dont le bacille est transmis à l’Homme via des puces, elles autochtones d’Europe.
La peste noire se répand comme une vague et ne s’établit pas durablement aux endroits touchés. Le taux de mortalité
moyen — environ trente pour cent de la population totale et soixante à
cent pour cent de la population infectée — est tel que les plus faibles
périssent rapidement, et le fléau ne dure généralement que six à neuf
mois. Seulement cette épidémie de peste a duré plusieurs années à cause
des rats et des puces, vecteurs de la maladie, qui entretenaient les
contaminations.
Cette progression n’est pas homogène, les régions n’étant pas toutes
touchées de la même façon. Des villages, et même certaines villes sont
épargnés comme Bruges, Milan et Nuremberg, au prix de mesures d’exclusion drastiques, et il en est de même pour le Béarn et la Pologne (carte ci-contre).
Afrique sub-saharienne
On a longtemps supposé que la peste, actuellement endémique dans une
partie de l’Afrique, était arrivée sur ce continent depuis l’Inde et/ou la Chine au XIXe siècle. Des indices, notamment examinés par le programme de recherche GLOBAFRICA de l’Agence nationale de la recherche
française, laissent cependant penser qu’on a sous-estimé la présence et
les effets de l’épidémie dans la zone subsaharienne médiévale40.
À cause du manque d’archives écrites pour cette région et du peu de
traces archéologiques dans les zones de forêt tropicale, les historiens
et archéologues ont d’abord estimé que la bactérie Yersinia pestis
n’avait pas traversé le Sahara vers le sud via les puces et rats ou des
navires marchands côtiers. On n’avait pas non plus retrouvé dans ces
régions de grandes « fosses à peste » comme en Europe. Et les récits
d’explorateurs venus d’Europe aux XVe et XVIe siècles ne rapportent pas de témoignages sur une grande épidémie40.
Depuis, l’archéologie s’est alliée à l’histoire et à la génétique,
plaidant pour une possible dévastation de la zone subsaharienne par la
peste à l’époque médiévale. Elle s’y serait propagée via les voies
commerciales reliant alors ces régions à d’autres continents40.
À Akrokrowa (Ghana)
les archéologues ont trouvé une communauté agricole médiévale très
développée qui a subi un effondrement démographique au moment même où la
peste noire ravageait l’Eurasie et l’Afrique du Nord, puis des
découvertes similaires ont été faites dans le cadre du projet GLOBAFRICA
pour des périodes situées au XIVe siècle à Ife (Nigeria chez les Yorubas), de même sur un site étudié à Kirikongo (Burkina Faso) où la population semble avoir été brutalement divisée par deux durant la seconde moitié du XIVe siècle.
Dans ces cas il n’y a pas de signes contemporains de guerre ou de
famine, ni de migration. Ces changements évoquent ceux observés
ailleurs, notamment dans les îles britanniques lors de la peste justinienne du VIe au VIIIe siècle40.
Les archives historiques éthiopiennes ont aussi commencé à livrer des
mentions d’épidémies jusqu’ici ignorées pour la période allant du XIIIe au XVe siècle,
dont l’une évoque une maladie qui a tué « un si grand nombre de gens
que personne n’a été laissé pour enterrer les morts » et au CNRS, une
historienne (Marie-Laure Derat) a découvert qu’au XVe siècle, deux saints européens adoptés par la culture et l’iconographie éthiopienne ancienne étaient associés à la peste (Saint Roch et Saint Sébastien)40. En 2016 les généticiens ont aussi mis en évidence un sous-groupe distinct de Y. pestis qui pourrait être arrivé en Afrique de l’Est vers le XVe – XVIe siècle, uniquement trouvé en Afrique orientale et centrale, phylogénétiquement proche de l’une des souches connue pour avoir dévasté l’Europe au XIVe siècle (c’est même le parent encore vivant de la peste noire le plus proche note une historienne de la peste Monica Green)41.
Un autre variant de la bactérie (aujourd’hui disparu) avait déjà sévi
dans l’ouest de l’Afrique et peut-être même au-delà. Pour étayer cette
hypothèse, de l’ADN ancien est cependant encore nécessaire40.
Guerres et peste
Les rapports entre la guerre et la peste s’expliquent de diverses
façons selon les historiens, et il n’est pas toujours facile de
distinguer entre les causes et les conséquences.
Guerre de Cent Ans
Les effets de la guerre de Cent Ans
paraissent limités, car elle n’est jamais totale (étendue géographique,
et dans le temps – existence de trêves). L’impact démographique direct
est faible et ne concerne que la noblesse, quoique des massacres de
populations civiles soient attestés (Normandie,
région parisienne). Il n’en est pas de même pour les conséquences
indirectes liées à l’économie de guerre (pillage, rançon, impôts) : la
misère, l’exode, la mortalité sont aggravés. Le bon sens populaire
associe la guerre et la peste dans une même prière : « Délivre-nous,
Seigneur, de la faim, de la peste et de la guerre »42.
La peste frappe Anglais et Français, assiégeants et assiégés,
militaires et civils, sans distinction. Cette mortalité par peste est
sans commune mesure avec les pertes militaires au combat (une armée de
plus de dix mille hommes est exceptionnelle à l’époque). La guerre tue
par milliers sur un siècle, la peste par millions en quelques années. La
peste est l’occasion d’interrompre la guerre de Cent Ans (prolongation
de la trêve de Calais en 1348), mais elle n’en change guère le cours en
profondeur43.
La proximité de la peste limite les opérations (évitement des zones où
la peste sévit). Des bandes armées ont pu disséminer la peste, mais
aucune armée n’a été décimée par la peste durant la guerre de Cent Ans44.
Autres conflits
D’autres historiens insistent sur l’influence de la peste sur le
déroulement des opérations militaires, surtout en Méditerranée : la fin
du siège de Caffa, la mort d’Alphonse XI lors du siège de Gibraltar, la réduction des flottes de guerre de Venise et de Gênes, l’ouverture de la frontière nord de l’Empire byzantin, la dispersion de l’armée de Abu Al-Hasan après la bataille de Kairouan (1348), l’arrêt de la Reconquista pour plus d’un siècle45, etc.
Conséquences démographiques et socio-économiques
La peste eut d’importantes conséquences démographiques, économiques, sociales et religieuses.
Les sources documentaires sont assez éparses et couvrent généralement
une période plus longue, mais elles permettent une approximation assez
fiable. Les historiens s’entendent pour estimer la proportion de
victimes entre 30 et 50 % de la population européenne, soit entre 25 et
45 millions de personnes46.
Les villes sont plus durement touchées que les campagnes, du fait de la
concentration de la population, et aussi des disettes et difficultés
d’approvisionnement provoquées par la peste (chute de la production
céréalière dans les campagnes).
Au niveau mondial, il faut ajouter les morts de l’empire byzantin, du
monde musulman, du Moyen-Orient, de la Chine et de l’Inde, dont les
données sont peu connues. Adrien Philippe estimait les pertes comme
suit :
« Le tiers au moins de la population européenne a été emportée par le
fléau. L’Europe comptant aujourd’hui 210 millions d’habitants (en
1853), on peut sans exagérer porter à 110 millions la population de ce
continent au XIVe siècle [ce chiffre parait aujourd’hui surestimé, on
pense que l’Europe pouvait compter environ 75 millions d’habitants].
Cette partie du monde a donc perdu 37 millions d’habitants, auxquels il
faut ajouter les 13 millions de la Chine [selon l’historien arabe Aboul Mahassen (1411-1470) cité p. 13], et les 24 millions des autres contrées de l’Asie et de l’Afrique (du Nord) [Rapport fait au Pape Clément VI, cité p. 15] : ce qui élève le total pour le monde entier à 74 millions. C’est le minimum5. » [Adrien Philippe, p. 138-139].
En effet, la population de la Chine aurait diminué de moitié entre
1200 et 1400 (passant de 120 à 65 millions), du fait de l’invasion
mongole, de catastrophes climatiques, de famines et de la peste, dont il
est difficile de mesurer les parts respectives ; par ailleurs, des
recherches archéologiques récentes faites en Afrique subsaharienne, non
seulement sur la côte Est, activement fréquentée par les Arabes, mais
aussi à l’Ouest, le long du golfe de Guinée, ont révélé l’existence de
nombreuses cités abandonnées à cette époque, sans trace de violence,
mais en des lieux devenus tabous et désertés ; on constate aussi la
disparition (provisoire) de certaines techniques comme l’art du bronze.
Il conviendrait donc d’ajouter environ 20 millions d’Africains à ce
bilan.
Selon les sources, la peste noire aurait fait entre 75 et 200 millions de morts au XIVe siècle47,48 ;
mais en réalité, les sources universitaires attribuent le chiffre de
200 millions de victimes à l’ensemble des trois épidémies mondiales de
peste, depuis la peste de Justinien (541-767) jusqu’au début du XXIe siècle49,50.
Cette pandémie fut certainement la plus considérable de l’histoire,
avec une létalité des malades supérieure à 50 %, et une mortalité
d’environ 20 % de la population mondiale (30 % sur les trois continents
touchés), qui comptait alors 420 à 450 millions d’individus51, et qui tomba à 360 millions. Par comparaison, la grippe espagnole
(1917-1922) a peut-être tué 100 millions de personnes en chiffres
absolus, mais sur une population de 1,8 milliard, soit moins de 6 %, ce
qui, joint aux pertes de la guerre mondiale, explique son moindre impact
dans l’imaginaire collectif de l’époque.
Il existait déjà une récession économique depuis le début du XIVe siècle, à cause des famines et de la surpopulation (il y eut en 1315-1317 une grande famine européenne qui stoppa l’expansion démographique et prépara le terrain à l’épidémie).
Cette récession se transforme en chute brutale et profonde avec la
peste noire et les guerres. La main-d’œuvre vint à manquer et son coût
augmenta, en particulier dans l’agriculture. De nombreux villages furent
abandonnés, les moins bonnes terres retournèrent en friche
et les forêts se redéveloppèrent. En France, la production céréalière
et celle de la vigne chutent de 30 à 50 % selon les régions42.
Les propriétaires terriens furent contraints de faire des concessions
pour conserver (ou obtenir) de la main-d’œuvre, ce qui se solda par la
disparition du servage.
Les revenus fonciers s’effondrèrent à la suite de la baisse du taux des
redevances et de la hausse des salaires ; le prix des logements à Paris
fut divisé par quatre52.
Les villes se désertifièrent les unes après les autres, la médecine
de l’époque n’ayant ni la connaissance de la cause de l’épidémie ni les
capacités de la juguler. Cette désertification est compensée par un
exode rural pour repeupler les villes, dans un rayon moyen de 30 à 40 km autour des villes et des gros bourgs53.
Mortalité et démographie
La France ne retrouva son niveau démographique de la fin du XIIIe siècle que dans la seconde moitié du XVIIe siècle.
En France, entre 1340 et 1440,
la population a décru de 17 à 10 millions d’habitants, une diminution
de 41 %. La France avait retrouvé le niveau de l’ancienne Gaule. Le registre paroissial de Givry, en Saône-et-Loire,
l’un des plus précis, montre que pour environ 1 500 habitants, on a
procédé à 649 inhumations en 1348, dont 630 de juin à septembre, alors
que cette paroisse en comptait habituellement environ 40 par an : cela
représente un taux de mortalité de 40,6 %. D’autres registres, comme
celui de l’église Saint-Nizier de Lyon, confirment l’ordre de grandeur de Givry (30 à 40 %)54.
Une source indirecte de mortalité est l’étude des séries de legs et testaments enregistrés. Par exemple, les historiens disposent des données de Besançon et de Saint-Germain-l’Auxerrois,
qui montrent que les legs et les testaments décuplent en 1348-1349 par
rapport à 1347, mais l’interprétation en est délicate. « La mortalité
précipite les hommes non seulement chez leur confesseur mais aussi chez leur notaire
[…] mais [cela] ne permet pas de la mesurer, car il dépend autant,
sinon plus, de la peur de la maladie qui multiplie les legs pieux que
des ravages de la peste elle-même »55.
C’est l’Angleterre
qui nous a laissé le plus de témoignages ce qui, paradoxalement, rend
l’estimation du taux de mortalité plus ardue, les historiens fondant
leurs calculs sur des documents différents : les chiffres avancés sont
ainsi entre 20 et 50 %. Cependant, les estimations de population entre 1300 et 1450
montrent une diminution située entre 45 et 70 %. Même si là encore la
baisse de population était en cours avant l’éclosion de la peste, ces
estimations rendent le 20 % peu crédible, ce taux étant fondé sur des
documents concernant des propriétaires terriens laïcs qui ne sont pas
représentatifs de la population, essentiellement paysanne et affaiblie
par les disettes.
Dans le reste de l’Europe, les historiens tentent d’approcher la
mortalité globale par des études de mortalité de groupes
socio-professionnels mieux documentés (médecins, notaires, conseillers
municipaux, moines, évêques). En Italie, il est communément admis par les historiens que la peste a tué au moins la moitié des habitants. Seule Milan
semble avoir été épargnée, quoique les sources soient peu nombreuses et
imprécises à ce sujet. Des sources contemporaines citent des taux de
mortalité effrayants : 80 % des conseillers municipaux à Florence, 75 % à Venise, etc. En Espagne, la peste aurait décimé de 30 à 60 % des évêques56.
En Autriche, on a compté 4 000 victimes à Vienne, et 25 à 35 % de la population mourut. En Allemagne, les populations citadines auraient diminué de moitié, dont 60 % de morts à Hambourg et Brême57.
Empire byzantin
L’Empire byzantin est durement touché lui aussi par la peste, il connaîtra 9 vagues épidémiques majeures du XIVe siècle au XVe siècle (de 1347 à 1453) d’une durée moyenne de trois ans espacées d’une dizaine d’années. La peste touche particulièrement Constantinople, le Péloponnèse, la Crète et Chypre.
Cependant, l’Empire byzantin est aussi affaibli par des défaites
militaires, des guerres civiles ou des tremblements de terre, en sorte
que la peste noire accentue son déclin, mais ne le provoque pas.
L’histoire médiévale de cette région montre que les ambitions
économiques, politiques et militaires étaient plus fortes que la peur de
la peste. Le commerce et la guerre contribuent à propager la maladie,
les hommes finissant par intégrer la peste comme une part de leur vie33. Après la chute de Constantinople, l’Empire ottoman subira aussi de graves épidémies de peste jusqu’à la fin du XVIe siècle.
Monde musulman
Ibn Khaldoun, philosophe et historien musulman du XIVe siècle, de Tunis, évoque dans son autobiographie
la perte de plusieurs membres de sa famille dont sa mère en 1348 et son
père en 1349, de ses amis et de ses professeurs à cause de la peste. Il
évoquera à plusieurs reprises ces événements tragiques, notamment dans
la Muqaddima (traduite en Prolégomènes)58 :
« Une peste terrible vint fondre sur les peuples de
l’Orient et de l’Occident ; elle maltraita cruellement les nations,
emporta une grande partie de cette génération, entraîna et détruisit les
plus beaux résultats de la civilisation. Elle se montra lorsque les
empires étaient dans une époque de décadence et approchaient du terme de
leur existence ; elle brisa leurs forces, amortit leur vigueur,
affaiblit leur puissance, au point qu’ils étaient menacés d’une
destruction complète. La culture des terres s’arrêta, faute d’hommes ;
les villes furent dépeuplées, les édifices tombèrent en ruine, les
chemins s’effacèrent, les monuments disparurent ; les maisons, les
villages, restèrent sans habitants ; les nations et les tribus perdirent
leurs forces, et tout le pays cultivé changea d’aspect59. »
Le bilan humain en Méditerranée orientale est difficile à évaluer,
faute de données fiables (manque de données démographiques, difficulté à
interpréter les chroniques)33. On cite quelques données significatives : la plus grande ville de l’islam à cette époque était Le Caire avec près de 500 000 habitants, sa population chute en quelques années à moins de 300 000. La ville avait 66 raffineries de sucre
en 1324, elle en a 19 en 1400. Le repeuplement des grandes villes se
fait aux dépens des campagnes, dans un contexte de disettes et de crises
économiques et monétaires. En Égypte, le dirham d’argent est remplacé par du cuivre. Alexandrie qui comptait encore 13 000 tisserands en 1394, n’en compte plus que 800 en 143460.
Réactions collectives
Face à la peste, et à l’angoisse de la peste, les populations
réagissent par la fuite, l’agressivité ou la projection. La fuite est
générale pour ceux qui en ont la possibilité. Elle se manifeste aussi
dans le domaine moral, par une fuite vers la religion, les médecins,
charlatans et illuminés, ou des comportements par mimétisme (manie
dansante, hystérie collective…)61.
L’agressivité se porte contre les Juifs et autres prétendus semeurs
de peste (lépreux, sorcières, mendiants…), ou contre soi-même (de
l’auto-flagellation jusqu’au suicide). La projection est l’œuvre des
artistes : les figurations de la peste et leurs motivations seraient
comme une sorte d’exorcisme, modifiant les sensibilités61, en particulier les danses macabres62.
Les réactions les plus particulières à l’époque de la peste noire
sont les violences contre les Juifs et les processions de flagellants61. Le Juif Agimet de Genève par exemple aurait été envoyé à Venise, en Calabre, en Apulie et encore à Toulouse par le rabbin Peyret de Chambray’ avec des doses de poisons à placer dans des puits63.
En juillet, le roi de France Philippe VI fait traduire en justice des Juifs accusés d’avoir empoisonné les puits. Six Juifs sont pris à Orléans et exécutés. Le 6 juillet, le pape Clément VI d’Avignon proclame une bulle
en faveur des Juifs, montrant que la peste ne fait pas de différences
entre les Juifs et les chrétiens, il parvient à prévenir les violences
au moins dans sa ville. Ce n’est pas le cas dans le comté de Savoie qui, au mois d’août, devient le théâtre de massacres. Le comte Amédée VI tente de protéger puis laisse massacrer les Juifs du ghetto de Chambéry. En septembre 1348, des Juifs de la région du château de Chillon sur le lac Léman, sont torturés jusqu’à ce qu’ils avouent, faussement, avoir empoisonné les puits66.
Leurs confessions provoquent la fureur de la population qui se livre à
des massacres et à des expulsions. En octobre, les massacres continuent
dans le Bugey, à Miribel et en Franche-Comté67.
Les Ashkénazes d’Allemagne sont victimes de pogroms. Trois cents communautés sont détruites ou expulsées. Six mille Juifs sont tués à Mayence. Nombre d’entre eux fuient vers l’est, en Pologne et en Lituanie.
Plusieurs centaines de Juifs sont brûlés vifs lors du pogrom de Strasbourg le 14 février134968, d’autres sont jetés dans la Vienne à Chinon. En Autriche,
le peuple, pris de panique, s’en prend aux communautés juives, les
soupçonnant d’être à l’origine de la propagation de l’épidémie, et Albert II d’Autriche doit intervenir pour protéger ses sujets juifs69.
Interprétations
Si les accusations contre les Juifs ont été largement répandues dans
toute l’Europe occidentale, les violences se concentrent dans des
régions bien limitées (essentiellement l’axe économique Rhône-Rhin).
En Angleterre, les Juifs sont accusés, mais non persécutés, à cause de
leur évidente pauvreté (les banquiers et riches commerçants juifs ont
été expulsés par Édouard Ier
en 1290). En Scandinavie, on accuse aussi les Juifs d’empoisonner les
puits, mais il n’y a pas de Juifs en Scandinavie. Les chroniqueurs arabes, de leur côté, ne mentionnent pas de persécutions contre les Juifs à l’occasion d’épidémies de peste70.
Un autre facteur est l’importance des communautés médicales juives en Provence. Du tiers à la moitié des médecins provençaux connus du XIIe siècle au XVe siècle étaient juifs. La petite ville de Trets comptait six médecins juifs et un chrétien au XIVe siècle71.
L’arrivée de la peste noire en Provence met à nu l’impuissance de la
médecine, et par là, celle des Juifs, dont le savoir des remèdes se
serait retourné contre eux. On croit qu’ils reçoivent, par la mer, des
sachets de venin réduits en poudre qu’ils sont chargés de répandre72.
Selon J.N. Biraben, la richesse des Juifs aurait pu jouer un rôle, à
cause de leur situation de prêteurs, faisant appel aux autorités pour
faire régler leurs débiteurs. La peste aurait mis le feu aux poudres,
les héritiers des morts de peste se retrouvant débiteurs ; cela est bien
documenté pour la région de Strasbourg, mais reste hypothétique
ailleurs73.
Selon l’historien Samuel Kline Cohn, les persécutions sont le fait de
personnes de haut rang qui les planifient avant de les mettre en œuvre,
non pas tant pour des raisons économiques, que pour des raisons
sacrificielles. Dans les villes allemandes, les massacres précèdent
l’épidémie, ce qui indiquerait qu’ils étaient censés apaiser la colère
divine74.
Trésors de peste
Bague juive de mariage, début du XIVe siècle, or ciselé et émaillé, du trésor de Colmar.
Lorsque les violences s’approchent des régions rhénanes, durant
l’hiver 1348-1349, les familles juives d’Allemagne cachent monnaies et
objets précieux dans ou autour de leur maison. De nombreux trésors
furent enterrés ou emmurés, puis abandonnés à la mort ou la fuite de
leurs propriétaires. Plusieurs de ces trésors ont été retrouvés,
témoignant de la vie et de la culture juive médiévale en Europe75.
Parmi les trésors étudiés les plus importants, le premier a été trouvé à Weissenfels en 1826, d’autres à Colmar (1863), Bâle (1937), Cologne (1953)… Le plus récent a été découvert à Erfurt en 1998.
Le trésor de Colmar appartient au musée de Cluny de Paris75
qui l’a exposé avec le trésor d’Erfurt du 25 avril au 3 septembre 2007.
Ces trésors sont identifiés par leur lieu de découverte, leur datation
et la présence caractéristique de bagues de mariage juives76.
Des groupes de flagellants se formèrent, tentant d’expier les péchés, avant la parousie,
dont ils pensaient que la peste était un signe annonciateur. Cependant
ces groupes restaient extrêmement marginaux, la plupart des chrétiens
firent face au fléau par une piété redoublée, mais ordinaire et encadrée
par un clergé qui réprouvait les excès77.
Danses maniaques
La disparition d’une partie du clergé entraîne une résurgence de
comportements superstitieux ou inhabituels, liés à une contagion par
imitation lors de stress collectifs. C’est notamment le cas de la manie dansante ou épidémie de danse de saint Guy (ou saint Vit ou Vitus)78.
Déjà signalée dans les populations germaniques au XIIIe siècle, une manie dansante survient en Lusace, près de la Bohême, en 1349 à l’approche de la peste noire. Des femmes et jeunes filles se mettent à danser devant un tableau de la Vierge78. Elles dansent nuit et jour, jusqu’à l’effondrement, puis se relèvent et recommencent après un sommeil réparateur79.
En juillet 1374, dans plusieurs villes du Rhin moyen,
des centaines de jeunes couples se mettent à danser et chanter,
circulant dans toute la région. Les spectateurs les imitent et se
joignent à eux. Le mauvais temps les arrête en novembre, mais chaque
été, ils recommencent jusqu’en 1381. Le clergé parvient à les contrôler
en les conduisant en pèlerinage78.
Le phénomène se retrouve en 1414 à Strasbourg pour se répandre en Allemagne, il se répète en 1463 à Metz78. Le plus documenté est l’épidémie dansante de 1518 à Strasbourg, liée à des tensions sociales et économiques, et aux menaces répétées et imprévisibles d’épidémies de peste79.
Le rapport entre ces danses maniaques et le thème artistique de la danse macabre reste peu clair79.
Moyens thérapeutiques
La médecine du XIVe siècle
était impuissante face à la peste qui se répandait. Les médecins
utilisaient plusieurs moyens simultanément, car nul traitement unique
n’avait de succès ou même n’était meilleur qu’un autre. La médecine galénique, basée sur la théorie humorale, privilégiait les remèdes internes, mais dès le début de la peste noire, elle tend à être supplantée par une théorie miasmatique
basée sur un « venin » ou « poison ». Le poison de la peste pénètre le
corps à partir de l’air infect ou par contact (personne ou objet).
Toutes ces théories pouvaient se combiner : la peste est une
pourriture des humeurs due à un poison transmissible par air ou par
contact. Ce poison est un principe de corruption provenant des
profondeurs de la terre (substances en putréfaction), qui s’élève dans l’air, à la suite d’un phénomène « météo-géologique » (tremblement de terre, orage…) ou astronomique (conjonction de planètes, passage de comète…), et qui retombe sur les humains80.
La distinction entre moyens médicaux, religieux, folkloriques ou
magiques est faite par commodité, mais l’ensemble de ces moyens était
largement accepté par les médecins savants de l’époque81.
Remèdes externes
Ils ont pour but soit d’empêcher la pénétration du poison, soit de
faciliter sa sortie. Contre l’air empoisonné, on se défend par des fumigations de bois ou de plantes aromatiques.
Les médecins arabes avaient remarqué que les survivants de peste étaient plutôt ceux dont les bubons
avaient suppuré (vidés de leur pus). Selon leur avis, les chirurgiens
de peste incisaient ou cautérisaient les bubons. Ils le faisaient dans
des conditions non stériles, occasionnant souvent des surinfections.
De nombreux onguents de diverses compositions (herbes, minéraux, racines, térébenthine,
miel…) pouvaient enduire les bubons et le reste du corps (à visée
préventive ou curative). On utilisait parfois des cataplasmes à base de
produits répugnants (crapauds, asticots, bile et fiente d’origines
diverses…) selon l’idée que les poisons attirent les poisons82. Ainsi les parfums empêchent la pénétration du poison, et les mauvaises odeurs facilitent sa sortie.
Les saignées avaient pour but d’évacuer le sang corrompu, ce qui le plus souvent affaiblissait les malades.
Les bains chauds, les activités physiques qui provoquent la sudation
comme les rapports sexuels sont déconseillés, car ils ouvrent les pores
de la peau rendant le corps plus vulnérable aux venins aériens.
Remèdes internes
La médecine de Galien
insiste sur les régimes alimentaire et de vie. Selon la théorie des
humeurs, la putréfaction est de nature « chaude et humide », elle doit
être combattue par des aliments de nature « froide et sèche », faciles à
digérer. La liste et les indications de tels aliments varient selon les
auteurs de l’époque83.
Une attitude morale tempérée est protectrice car les principales
passions qui ouvrent le corps à la pestilence sont la peur, la colère,
le désespoir et la folie.
Les contre-poisons utilisés sont des herbes telles que la valériane, la verveine, ou des produits composés complexes connus depuis l’Antiquité comme la thériaque.
Les antidotes minéraux sont des pierres ou métaux précieux, décapés ou
réduits en poudre, pour être avalés en jus, sirop, ou liqueur : or, émeraude, perle, saphir82.
Les remèdes visent à expulser le poison, ce sont les émétiques, les purgatifs, les laxatifs, ce qui épuisait les malades plus qu’autre chose.
L’Église organise des processions religieuses solennelles pour éloigner les démons84,
ou des actes de dévotion spectaculaire pour apaiser la colère divine,
par exemple la confection de cierges géants, la procession à pieds nus,
les messes multiples simultanées ou répétées85.
Le culte à la Vierge cherche à répéter le miracle survenu à Rome en 590. Cette année-là, lors de la peste de Justinien, une image de la vierge censée peinte par saint Luc, promenée dans Rome, dissipa aussitôt la peste. À ce culte s’ajoute celui des saints protecteurs de la peste : saint Sébastien et saint Roch86.
Des amulettes et talismans
sont portés comme le symbole visible d’un pouvoir invisible, par les
Juifs, les chrétiens et les musulmans. Les musulmans portent des anneaux
où sont inscrits des versets du Coran,
quoique l’opinion des lettrés diverge sur ce point, de nombreux textes
musulmans sur la peste recommandent des amulettes, incantations et
prières contre la peste provenant non pas d’Allah, mais des démons ou djinns81.
En Occident, en dépit de la désapprobation de l’Église, les chrétiens
utilisent charmes, médaillons, textes de prière suspendus autour du
cou. L’anneau ou la bague ornée d’un diamant ou d’une pierre précieuse,
portée à la main gauche, vise à neutraliser la peste et tous les venins.
C’est l’origine magique, à partir de la pharmacopée arabe, du solitaire ou bague de fiançailles des pays occidentaux87.
Les processions de flagellants, notamment à partir de 1349, sont mises en avant comme un effort pour détourner le châtiment divin, tel qu’est perçu le fléau88
Mesures sociales
Gestion des décès
Par leur nombre, les morts ont posé un problème aigu au cours de la
peste noire. D’abord pour les évaluer, l’habitude sera prise de
recensements réguliers, avant et après chaque épidémie. Le clergé sera
chargé d’établir les enregistrements des décès et l’état civil. De
nouveaux règlements interdisent de vendre les meubles et vêtements des
morts de peste. Leurs biens, voire leur maison, sont souvent brûlés. Dès
1348, des villes établissent de nouveaux cimetières extra muros, Il est
désormais interdit d’enterrer autour des églises, à l’intérieur même
des villes, comme on le faisait auparavant89.
Les règlements de l’époque indiquent que l’on devait enterrer les
cadavres de pestiférés au plus tard six heures après la mort. La tâche
est extrêmement dangereuse pour les porteurs de morts, qui viennent
bientôt à manquer. On paye de plus en plus cher les ensevelisseurs qui
seront, dans les siècles suivants, affublés de noms et d’accoutrements
divers selon les régions (vêtus de cuir rouge avec grelots aux jambes,
ou de casaques noires à croix blanche)90.
En dernière ressource on utilise la main-d’œuvre forcée : prisonniers de droit commun, galériens,
condamnés à mort… à qui on promet grâce ou remises de peine. Ces
derniers passent dans les maisons ou ramassent les cadavres dans les
rues pour les mettre sur une charrette. Ils sont souvent ivres, voleurs
et pilleurs. Des familles préfèrent enterrer leurs morts dans leur cave
ou jardin, plutôt que d’avoir affaire à eux90.
Lorsque les rites funéraires d’enterrement y compris en fosse commune
ne sont plus possibles de par l’afflux de victimes, les corps peuvent
être immergés comme en la Papauté d’Avignon dans le Rhône en 1348, dont les eaux ont été bénies pour cela par le Pape. De même, à Venise des corps sont jetés dans le Grand Canal, et un service de barges est chargé de les repêcher91. Les sources mentionnent rarement l’incinération de cadavres, comme à Catane en 1347 où les corps des réfugiés venus de Messine sont brûlés dans la campagne pour épargner à la ville la puanteur des bûchers89.
Pour les trois religions monothéistes, le respect du mort est essentiel, la promesse de vie éternelle et de résurrection dissuade en fait toute crémation ou autre forme de destruction de l’intégrité corporelle. Le rite funéraire
est simplifié et abrégé, mais maintenu autant que possible, mais
lorsque les membres du clergé eux-mêmes disparaissent, mourir de peste
sans aucun rituel devient encore plus terrifiant pour les chrétiens. En
pays d’islam, la difficulté de maintenir les rites est plus supportable
pour les musulmans car mourir de peste fait partie des cinq martyrs (chahid). Comme la mort lors du djihad, elle donne accès immédiat au Paradis92.
En Occident, durant la peste noire, la lutte contre les pillages et
les violences de foule est d’abord assurée par les sergents de ville
ordinaires. Plus tard, les conseils municipaux engageront des troupes
spéciales chargées de garder, en temps de peste, les villes désertées
par leurs habitants93.
Règlements sanitaires
Au début du XIVe siècle,
les règlements d’hygiène publique sont pratiquement inexistants, à
l’exception de quelques grandes villes d’Italie comme Florence
(surveillance du ravitaillement, dont la qualité des viandes, et de la
santé des habitants). La peste noire prend la population au dépourvu et
elle sera le point de départ des administrations de santé en Europe. Dès
1348 (première année de la peste noire), plusieurs villes italiennes se
dotent d’un règlement de peste : Pistoie, Venise, Milan, Parme, etc., tout comme Gloucester en Angleterre. Ces villes interdisent l’entrée des voyageurs et des étrangers venant de lieux infectés94.
Les premières villes à édicter un isolement radical de la ville elle-même sont Reggio en 1374, Raguse (Dubrovnik
depuis 1918) en 1377, Milan (1402) et Venise (1403). Ces premières
mesures sont des tentatives et des tâtonnements, le plus souvent par
emprunts d’une ville à l’autre. Elles sont très diverses, depuis
l’interdiction de donner le sang des saignées des pestiférés aux
pourceaux (Angers, 1410) jusqu’à l’interdiction de vendre des objets appartenant à des pestiférés (Bruxelles, 1439)94.
Les premiers isolements préventifs (quarantaine)
apparaissent à Raguse en 1377, tous les voyageurs qui arrivent d’un
lieu infecté devant passer un mois sur une île avant d’entrer dans la
ville. Venise adopte le même système la même année en portant le délai à
40 jours, comme Marseille en 1383. Ce système est adopté par la plupart des ports européens durant le XVe siècle95.
La quarantaine sur terre est adoptée d’abord en Provence (Brignoles, 1464), et se généralise pour les personnes et les marchandises durant le XVIe siècle95. C’est aussi en Provence (Brignoles 1494, Carpentras 1501) qu’apparaît le « billet de santé » ou passeport sanitaire
délivré aux voyageurs sortant d’une ville saine, et exigé par les
autres villes pour y entrer. L’usage du billet de santé se répand
lentement et ne se généralise que vers le début du XVIIe siècle (Paris, 1619)96.
Peu à peu se mettent en place des « règlements de peste », de plus en
plus élaborés au fil du temps : c’est le cas des villes en France à
partir du XVe siècle.
L’application de ces mesures dépend d’un « bureau de santé » composé de
plusieurs personnes ou d’une seule dite « capitaine de santé », le plus
souvent dotés d’un pouvoir dictatorial en temps de peste. Cette
institution apparaît d’abord en Italie et en Espagne, puis elle gagne le
sud-est de la France à la fin du XVe siècle. Elle s’étend lentement au nord de la France (Paris, 1531)97.
Durant le XVIe siècle, ces règlements sont codifiés par les parlements provinciaux, ajustés et précisés à chaque épidémie au cours du XVIIe siècle. Ils relèvent du niveau gouvernemental au début du XVIIIe siècle97.
Personnels de santé
À la fin du XIIIe siècle,
quelques villes italiennes engagent des médecins pour soigner les
pauvres (en dehors des œuvres de charité de l’Église). À l’arrivée de la
peste, de nouveaux médecins sont engagés à prix d’or (par manque de
candidats). En 1348, c’est le cas d’Orvieto et d’Avignon. Des médecins de peste sont ainsi engagés durant les XVe et XVIe siècles,
de même que des chirurgiens, apothicaires, infirmiers, sages-femmes…
pour assurer les soins en temps de peste, souvent pour remplacer ceux
qui ont fui, abandonnant leur poste, car les risques sont considérables98.
La mort d’artistes, d’ouvriers qualifiés, de mécènes, etc., entraîne des effets directs, notamment l’arrêt ou le ralentissement de la construction des cathédrales, comme celle de la cathédrale de Sienne, dont le projet initial ne sera jamais réalisé. Des historiens anglais attribuent l’apparition du style gothique perpendiculaire aux restrictions économiques liées à la peste noire99. En France, la plupart des grands chantiers ne reprendront qu’après 1450100.
Sur les lieux où la peste s’arrête ou se termine, des chapelles ou autres petits édifices dédiés (chapelles votives, oratoires…) sont construits invoquant ou remerciant la Vierge, des saints locaux, Saint Sébastien ou Saint Roch101…
Paradoxalement en Italie (particulièrement à Sienne et à Florence)
une recrudescence de commandes d’art permet de perpétuer le souvenir des
familles décimées par la peste et surtout des survivants ayant hérité
des biens familiaux : « Le spécialiste de la peste noire en Europe, le
professeur Samuel Kline Cohn, a analysé 3 226 testaments du XIIe siècle
à 1425. Il en ressort que de 1364 à 1375, les testaments contiennent
essentiellement des commandes d’œuvres d’art, chapelles ou peintures
pour glorifier le (futur) défunt et sa lignée. »102.
Sensibilités religieuses
La crainte, de la part des familles riches, des enterrements de masse
et des fosses communes, entraîne par réaction un développement de l’art funéraire : caveaux et chapelles familiales, tombes monumentales… Le gisant, statue mortuaire représentant le défunt dans son intégrité physique et en béatitude, tend à être remplacé par un transi, représentant son cadavre nu en décomposition99.
La peste marque également la peinture. Selon Meiss103, les thèmes optimistes de la Vierge à l’enfant, de la Sainte Famille et du mariage laissent la place à des thèmes d’inquiétudes et de douleurs104, comme la Vierge de pitié qui tient, dans ses bras, son fils mort descendu de la croix99, ou encore celui de la Vierge de miséricorde ou « au manteau » qui abrite et protège l’humanité souffrante105.
La représentation du Christ en croix passe du Christ triomphant sur la croix à celle du Christ souffrant sur la croix où un réalisme terrible détaille toutes les souffrances : les sueurs de sang, les clous, les plaies, et la couronne d’épines99.
La représentation du supplice de saint Sébastien évolue : de l’homme mûr habillé, à celle d’un jeune homme dénudé, juste vêtu d’un pagne à l’image du Christ99.
Selon Michel Vovelle,
le thème de la vie brève s’accompagne d’une « âpreté à vivre », avec la
recherche de joies et de plaisirs, comme dans l’œuvre de Boccace, le Décaméron107.
Dès le XIIIe siècle, des thèmes macabres apparaissent comme le Dit des trois morts et des trois vifs sur des fresques ou des miniatures,
où de jeunes gens rencontrent des morts-vivants qui leur parlent :
« nous avons été ce que vous êtes, vous serez ce que nous sommes ».
Apparu en Italie et en France, ce thème se répand et se développe
jusqu’au XVIe siècle. Un autre thème plus célèbre est celui de la danse macabre où les vivants dansent avec les morts, ce thème se retrouve surtout sur les fresques d’églises de l’Europe du Nord108.
Selon Vovelle : « C’est à peine exagérer que de dire que, jusqu’à
1350, on n’a point su comment représenter la mort, parce que la mort
n’existait pas109. »
De rares représentations avant cette date, la montrent comme un monstre
velu et griffu, à ailes de chauve-souris. Cette mort figurée perd ses
références chrétiennes en rapport avec le péché et le salut.
Elle devient une image autonome et « laïque » : c’est un transi
avec une chevelure féminine, qui se décharne de plus en plus jusqu’au
squelette proprement dit. C’est la mort implacable, d’origine
pré-chrétienne, celle que rappelle le Memento mori.
Cette mort monte à cheval, armée d’une faux ou d’un arc, elle frappe
en masse. C’est le thème du triomphe de la mort, dont les
représentations les plus célèbres sont celles du palais Sclafani à Palerme, et Le Triomphe de la Mort de Brueghel109.
Au XVe siècle, et jusqu’à 1650, toute une littérature se développe sur « l’art de bien mourir », c’est l’Ars moriendi.
Il s’agit de rituels destinés à se substituer à l’absence de prêtres
(en situation d’épidémie de peste). Différentes versions apparaissent
après la Réforme : anglicane, luthérienne et calviniste99.
Des thèmes picturaux se rattachent directement à la peste noire,
comme celui du nourrisson s’agrippant au sein du cadavre de sa mère.
Selon Mollaret, ces œuvres « sont d’hallucinants documents, en
particulier lorsqu’elles furent peintes par des artistes ayant
personnellement vécu la peste »105.
Avec Hans Baldung (1484-1545) apparaît le thème de la femme nue au miroir où la mort montre un sablier. Ce serait un premier exemple de peintures de vanité,
où la mort-squelette laissera la place à des objets symboliques :
sablier, horloge, lampe éteinte, bougie presque consumée, crâne,
instrument de musique aux cordes brisées105…
Poésie en Islam
De nombreux passages poétiques sont incorporés dans des chroniques historiques ou médicales, comme celles de Ibn al-Wardi(en) (mort en 1349) d’Alep, ou d’Ibrahim al-Mimar du Caire.
Les descriptions poétiques de la peste noire expriment l’horreur, la
tristesse, la résignation religieuse mais aussi l’espoir des musulmans
en situation épidémique110.
Dans la culture contemporaine
Littérature et cinéma
Plusieurs uchronies ont été écrites sur le thème de la peste noire. Ainsi, dans La Porte des mondes de Robert Silverberg,
l’auteur imagine que la peste noire est bien plus meurtrière, éliminant
les trois quarts de la population européenne et changeant complètement
l’histoire du monde. Cette idée est également reprise par Kim Stanley Robinson dans Chroniques des années noires,
mais dans cette uchronie c’est la totalité des habitants de l’Europe
qui périt, entraînant, de la même façon que dans le roman précédent, une
histoire complètement différente de celle que l’on connaît.
Connie Willis donne aussi ce cadre à son roman, Le Grand Livre, où une historienne du XXIe siècle qui voyage dans le temps tombe par erreur en pleine peste noire, la confrontant ainsi aux horreurs de cette pandémie.
Ken Follett représente bien les conséquences de la peste noire dans son roman Un monde sans fin
où les habitants de la ville fictive de Kingsbridge doivent affronter
l’épidémie. L’auteur s’attarde particulièrement sur les différentes
stratégies pour guérir les malades et les mesures entreprises par la
ville pour diminuer la propagation de la peste.
Le Septième Sceau (Det sjunde inseglet) est un filmsuédois d’Ingmar Bergman, sorti en 1957, qui évoque la mort jouant aux échecs pendant une épidémie de peste avec un chevalier revenant des croisades.
Dans Medieval II: Total War,
la peste noire frappe l’Europe à partir du tour 135, décimant aussi
bien les unités militaires que les habitants, ce qui provoque une baisse
notable de l’ordre public, augmentant ainsi les risques de révoltes.
Elle reste environ une dizaine de tours, et elle frappe les régions les
plus éloignées de l’Italie sur la carte en dernier (telle que l’Égypte).
Le jeu A Plague Tale: Innocence, publié en 2019, se déroule en pleine guerre de Cent Ans ; la peste noire et les invasions de rats sont utilisés comme des éléments de gameplay, notamment pour la résolution d’énigmes.
Crusader Kings 2 : The Reaper’s Due :
le DLC du jeu de gestion ajoute des problématiques liées aux épidémies
et aux différentes façons de les gérer. La Peste Noire y apparaît via un
événement et peut évoluer plus ou moins fidèlement à la réalité.
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Le Joueur de flûte (1972), film de Jacques Demy sur une légende germanique se déroulant durant la période de la peste noire.
Le Dernier des Templiers (2010), film de Dominic Sena : durant les croisades du XIVe siècle,
une jeune sorcière est soupçonnée d’être à l’origine d’une épidémie de
la peste noire. Deux chevaliers templiers déserteurs, Behmen (Nicolas Cage) et Felson (Ron Perlman),
sont chargés par l’Église catholique romaine de la convoyer vers un
monastère de moines exorcistes détenteurs d’un manuscrit du roi Salomon.
Black Death (2010), film de Christopher Smith : en pleine épidémie, le jeune moine Osmund (Eddie Redmayne) est chargé de mener le chevalier Ulrich (Sean Bean) et son groupe de mercenaires vers un village que la rumeur dit être épargné par la peste et abritant un nécromancien capable de ramener les morts à la vie.