C’est une première, et l’institution fautive est encore, singulièrement, bretonne…
Karine, violée par un ami de ses parents : l’Etat condamné pour faute lourde
Violée pendant son enfance par un ami de ses parents, la jeune femme a fait condamner l’État pour faute lourde et déni de justice, alors qu’une dizaine de signalements au parquet de Rennes étaient restés sans réponse.
Par Le Parisien avec AFP
Le 18 mai 2021 à 19h08
« C’est une avancée dans la protection de l’enfance », a estimé l’avocat de la victime, Me Grégory Thuan. Karine J. qui, enfant, avait été violée et agressée sexuellement par un homme hébergé chez ses parents, a fait condamner l’État pour faute lourde et déni de justice, mardi, en appel. En première instance, en 2018, le tribunal avait reconnu le déni de justice mais estimé que l’action pour faute lourde était prescrite. La cour d’appel de Paris a infirmé sa décision.
La « succession d’insuffisances […] dans le travail d’enquête et dans la communication interservices, et le manque de clairvoyance qui a gouverné l’appréciation de la situation et les prises de décision, constituent des fautes lourdes engageant la responsabilité de l’Etat », indique la cour dans son arrêt, dont l’AFP a eu connaissance. L’Etat est condamné à verser 55 000 euros en réparation du préjudice à cette jeune femme, maintenant âgée de 23 ans.
Les faits remontent à 2002. Cette année-là, les parents de la jeune femme avaient hébergé à leur domicile Roland Blaudy, en connaissant pourtant ses antécédents de pédophilie. Cet homme de 65 ans a reconnu l’avoir agressée sexuellement et violée entre 2002 et 2005, alors qu’elle était âgée de cinq à sept ans. Il a été condamné à 30 ans de réclusion par la cour d’assises d’Ille-et-Vilaine en 2018.
Les parents de la jeune femme avaient été condamnés pour lui avoir demandé de ne pas raconter ce que Roland Blaudy lui avait fait subir, en la menaçant : trois ans de prison dont six mois ferme pour le père, deux ans avec sursis pour la mère. Cette dernière avait déjà été condamnée dans les années 1980 pour avoir tué à la naissance, de plus d’une centaine de coups de couteau, son premier enfant, issu d’un viol.
Placée chez son oncle et sa tante en 2010, Karine a attaqué l’État pour faute lourde en 2016 car la dizaine de signalements au parquet de Rennes effectués dès sa naissance par les médecins, l’école ou les services sociaux étaient restés sans réponse.
L’avocat de la jeune femme, Me Grégory Thuan, s’est dit « extrêmement satisfait » de la décision. « La cour a été à la hauteur des enjeux, c’est une avancée dans la protection de l’enfance, et des obligations de l’institution judiciaire », s’est-il réjoui. En première instance, le tribunal de Paris avait condamné l’Etat à verser 12 000 euros à la jeune femme en réparation du préjudice subi au titre du déni de justice.