Nous venons de voir les statistiques de Petitcoucou pour le mois d’août 2015.
Voici celles de Justinpetitcoucou, pas moins instructives :
Ce graphe des statistiques « basiques » montre comme pour Petitcoucou
une belle pointe le 3 août, puis d’autres plus discrètes le 8 août,
puis le 11 août, du 14 au 19 août, surtout les 17 et 19 août, le 22 août
et le 26 août, avant la reprise de grosses pointes du 27 au 30 août
2015.
Le statistiques « avancées » du blog montrent des visites réelles
assez différentes de celles présentées dans le graphe des statistiques
« basiques », avec de grands nombres de visites les 3 et 4 août 2015,
surtout le 3 août, puis à nouveau le 26 août, mais pas les derniers
jours du mois :
Visiteurs – 30 derniers jours
Date
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31/08/2015
8
7
5
30/08/2015
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29/08/2015
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28/08/2015
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27/08/2015
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9
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18/08/2015
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08/08/2015
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07/08/2015
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06/08/2015
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04/08/2015
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03/08/2015
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02/08/2015
5
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3
Unique TOTAL Somme: 355 Moyenne: 12
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2015 janvier archive at Justinpetitcoucou
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Des statistiques du Petitcoucou pour le mois d’août 2015 at Justinpetitcoucou
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Justinpetitcoucou
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NEMROD34 s’en va-t-en guerre, le déni en bandoulière at Justinpetitcoucou
Depuis que les cyberdélinquants de la bande de Cyprien Luraghi ont
commencé à me jouer les Chinois de Thaïlande le 25 juillet de l’année
dernière, je publie régulièrement de mes statistiques de blog attestant
de ce phénomène et quelques autres.
Voici donc celles du jour, donnant aussi un bon aperçu de celles du mois d’août 2015 :
Apparaissent nettement sur ce graphe des statistiques « basiques »
trois belles pointes, les 3, 16 et 25 août, ainsi qu’une remontée des
clics du Chinois à compter du 17 août 2015 après quelques jours
d’accalmie.
Le détail de ces visites pour aujourd’hui montre l’intérêt de mes
lecteurs pour les tout derniers articles que j’ai publiés, ce qui est
tout à fait normal tant qu’ils portent comme ceux-ci sur un sujet
d’actualité faisant couler beaucoup d’encre :
Les statistiques « avancées » mettent en évidence de grands nombres
de visites réelles les 3 août, puis 17 et 18 août, et enfin ces derniers
jours, mais dans ce dernier cas cela n’a rien d’étonnant, comme nous
l’avons déjà fait observer plus haut :
Visiteurs – 30 derniers jours
Date
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31/08/2015
47
45
34
30/08/2015
37
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29/08/2015
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22/08/2015
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30
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21/08/2015
22
22
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20/08/2015
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19/08/2015
28
26
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18/08/2015
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17/08/2015
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16/08/2015
27
25
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15/08/2015
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27
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14/08/2015
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29
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13/08/2015
28
28
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12/08/2015
20
20
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11/08/2015
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10/08/2015
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09/08/2015
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08/08/2015
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22
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07/08/2015
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06/08/2015
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05/08/2015
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04/08/2015
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03/08/2015
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Unique TOTAL Somme: 941 Moyenne: 31
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La famille Merah impliquée dans une exécution de l’Etat Islamique | Petitcoucou
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LCR – NPA | Petitcoucou
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Nouvel assassinat à Toulouse hier soir | Petitcoucou
Les journalistes n’avaient semble-t-il pas écrit une ligne du livre
qu’ils préparaient sur le roi du Maroc et son entourage, mais seulement
réuni informations et documents.
Selon les extraits de leurs discussions avec l’émissaire du roi
publiés ce dimanche dans le Journal du Dimanche, ils ont dû lui en
montrer avant de signer une transaction jeudi, 27 août.
Donnant sa version des faits dans une interview publiée dans la
soirée par Le Monde, Eric Laurent dit avoir maintenant envie d’écrire ce
livre et de le sortir.
Reste qu’il reconnaît s’être réellement engagé à ne jamais partager
ses informations avec qui que ce soit en l’échange d’un million d’euros
et sa consoeur de même, ce qui est une vraie trahison de leurs sources
et tout à fait crapuleux à l’égard de celles-ci.
Des enregistrements semblent confirmer le chantage de deux journalistes envers le roi du Maroc
Le Monde.fr avec AFP | 30.08.2015 à 08h28
Ils sont soupçonnés d’avoir voulu faire chanter le royaume du Maroc.
Et des enregistrements clandestins de conversations entre le journaliste
Eric Laurent – mis en examen samedi avec sa collègue Catherine Graciet –, et un avocat du royaume chérifien, publiés dimanche 30 août par le Journal du dimanche,
semblent aller dans ce sens. Le journaliste français y réclamerait
trois millions d’euros en échange de la non-publication d’un ouvrage à
charge contre le roi du Maroc.
« Je veux trois. – Trois quoi, Trois mille ?, interroge l’avocat. – Non, trois millions. – Trois millions de dirhams ? – Non, trois millions d’euros »,
aurait déclaré Eric Laurent lors de la première rencontre avec
l’avocat, qui a enregistré l’échange avec son téléphone, dans un palace
parisien le 11 août.
Après la première rencontre, le Maroc porte plainte, et la deuxième
se fait sous la surveillance de la brigade de répression de la
délinquance contre la personne (BRDP), mais c’est toujours l’avocat
marocain qui effectue les enregistrements à l’insu des journalistes.
Une lettre engageant à « renoncer à la publication » signée
Il y résume la situation : « vous et madame Graciet, [êtes]
disposés à renoncer à la publication de cet ouvrage, et de façon plus
générale, [que] les informations sensibles que vous avez, vous étiez
disposés à prendre l’engagement de les oublier », rapporte le JDD. A la demande de l’avocat, le journaliste assure que sa co-auteure Catherine Graciet sait pour « les trois millions ».
L’hebdomadaire évoque la troisième rencontre et la méfiance de la
journaliste, présente pour la première fois, qui fait changer le lieu de
rendez-vous et demande à l’avocat de ranger son téléphone, alors posé
sur la table.
Dans une lettre que s’est procurée le JDD, les deux journalistes s’engagent à « ne plus rien écrire sur le roi du Maroc, en contrepartie du versement de la somme de deux millions d’euros »,
et réclament une avance. L’avocat leur aurait remis une enveloppe de 40
000 euros chacun et la journaliste rédige alors un protocole manuscrit.
A leur sortie du palace où a lieu la réunion les deux journalistes sont
interpellés. Il ont été mis en examen dans la nuit de vendredi à samedi
pour chantage et extorsion de fonds et laissés libres sous contrôle
judiciaire.
Les journalistes « piégés » selon leur avocat
Selon une source proche du dossier, Eric Laurent a reconnu durant sa
garde à vue, entamée jeudi soir, avoir formulé une offre de 3, puis 2
millions d’euros au Maroc pour le renoncement de la publication de leur
livre.
L’avocat de Catherine Graciet, Me Eric Moutet, a confirmé vendredi soir l’existence d’un « deal financier », dans un « contexte très troublant ».
« Le royaume marocain a des comptes évidents à solder avec Catherine
Graciet, et un nouveau livre sur l’entourage du roi est en préparation
au moment où le deal financier se met en place », a-t-il déclaré à
l’AFP. Pour lui, « c’est précisément l’avocat mandaté par le roi qui piège les journalistes par des enregistrements sauvages ». « Il y a dans cette affaire une logique de stratagème qui s’est mise en place », a-t-il jugé et « l’instruction devra déterminer le rôle de chacun ».
L’avocat d’Eric Laurent, William Bourdon, qui a également reconnu
auprès de l’AFP l’existence d’un « accord financier », a réfuté tout
chantage ou extorsion de fonds, dénonçant un « traquenard » et une «
manipulation » des autorités marocaines.
Chantage contre le roi du Maroc : le JDD révèle des enregistrements
ENQUETE – Le JDD révèle des enregistrements
clandestins accablants pour les deux journalistes mis en examen samedi
de « chantage et d’extorsion de fonds ». Le roi du Maroc est partie
civile. Extraits.
A paraitre dans leJDD
Le roi du Maroc aurait été victime de chantage par deux journalistes français. (Reuters)
Un très mauvais polar. Deux journalistes arrêtés dans un palace en flagrant délit pour chantage sur le roi du Maroc.
Dans leurs poches, une enveloppe, de 40.000 euros… « en petites
coupures de 100 euros », à leur demande. Dans leur poche encore, une
lettre manuscrite à l’encre pas encore sèche scellant un « accord » pour
« ne plus rien écrire sur le royaume du Maroc », en « contrepartie du
versement de la somme de deux millions d’euros ». Le JDD a eu
accès aux enregistrements de rendez-vous clandestins. En trois séances
avec un avocat marocain, les journalistes Éric Laurent et Catherine
Graciet (elle n’était là qu’au dernier rendez-vous) ont scellé ce
« pacte » qui leur vaut aujourd’hui d’être mis en examen pour « chantage et extorsion de fonds » et placés sous contrôle judiciaire. Récit d’une folle entreprise.
« Je veux 3″
Éric Laurent et Catherine Graciet connaissent bien le Maroc. Le
premier, âgé de 68 ans, a déjà écrit un livre d’entretien,
hagiographique, avec l’ancien roi, Hassan II. Catherine Graciet, plus
jeune, a travaillé au sein d’un hebdo marocain d’opposition, le Journal hebdomadaire. En 2012, les deux journalistes co-signent au Seuil Le roi prédateur,
un livre d’enquête à charge sur Mohammed VI. Avec le même éditeur, une
« suite » est prévue pour le début de l’année 2016… « On est au courant
de rien d’autre », confie au JDD l’avocat de la maison d’édition, Me Bénédicte Amblard. Et pour cause, la suite est restée cachée jusqu’à cette semaine.
Le 23 juillet dernier, Eric Laurent appelle Rabat et demande à parler
à Mounir M., le directeur de cabinet royal. Le 27, il rappelle. Le
palais décide de confier à un avocat marocain le soin d’aller aux
nouvelles. L’avocat contacte Eric Laurent et convient d’un rendez-vous à
Paris le 11 août. Cette première rencontre a lieu au bar du Royal
Montceau. L’avocat a, dans sa poche, un Iphone en mode enregistrement.
Eric Laurent explique son projet de livre, avec sa jeune consoeur, « qui
est mordante »… La bande est entre les mains de la police qui a dû en
booster le son… « Vous voulez quoi? » demande l’avocat.
- Je veux 3.
- Trois quoi, Trois mille? interroge l’avocat.
- Non, 3 millions.
- Trois millions de dirhams?
- Non, 3 millions d’euros ».
Chantage contre le roi du Maroc : un « biscuit » à deux millions pour les journalistes
Le JDD révèle des enregistrements clandestins
accablants pour les deux journalistes mis en examen hier pour « chantage
et extorsion de fonds ». Le roi du Maroc est partie civile. Les avocats
d’Éric Laurent et de Catherine Graciet crient au « traquenard ».
Un très mauvais polar. Deux journalistes arrêtés dans un palace en
flagrant délit. Dans leurs poches, une enveloppe de 40 000 euros… « en
petites coupures de 100 euros », à leur demande. Dans leur poche encore,
une lettre manuscrite à l’encre pas encore sèche scellant un « accord »
pour « ne plus rien écrire sur le royaume du Maroc », en « contrepartie
du versement de la somme de deux millions d’euros ». Le JDD a eu
accès aux enregistrements de rendez-vous clandestins. En trois séances
avec un avocat marocain, les journalistes Éric Laurent et Catherine
Graciet (elle n’était là qu’au dernier rendez-vous) ont scellé ce
« pacte » qui leur vaut aujourd’hui d’être mis en examen pour « chantage et extorsion de fonds » et placés sous contrôle judiciaire. Récit d’une folle entreprise.
Deux journalistes qui connaissent bien le Maroc
Éric Laurent et Catherine Graciet connaissent bien le Maroc. Le
premier, âgé de 68 ans, a déjà écrit un livre d’entretiens,
hagiographique, avec l’ancien roi, Hassan II. Catherine Graciet, plus
jeune, a travaillé au sein d’un hebdo marocain d’opposition, Le Journal hebdomadaire. En 2012, les deux journalistes cosignent au Seuil Le Roi prédateur, un livre d’enquête à charge sur Mohammed VI.
Avec le même éditeur, une « suite » est prévue pour le début de l’année
2016… « On n’est au courant de rien d’autre », confie au JDD l’avocat de la maison d’édition, Me Bénédicte Amblard. Et pour cause, la suite est restée cachée jusqu’à cette semaine.
Le 23 juillet, Éric Laurent appelle Rabat et demande à parler à
Mounir M., le directeur du cabinet royal. Le 27, il rappelle. Le palais
décide de confier à un avocat marocain le soin d’aller aux nouvelles.
L’avocat contacte Éric Laurent et convient d’un rendez-vous à Paris le
11 août. Cette première rencontre a lieu au bar du Royal Monceau.
L’avocat a dans sa poche un iPhone en mode enregistrement. Éric Laurent
explique son projet de livre, avec sa jeune consœur, « qui est
mordante »… La bande est entre les mains de la police, qui a dû en
booster le son…
« Vous voulez quoi? » demande l’avocat.
– Je veux trois.
– Trois quoi, Trois mille?, interroge l’avocat.
– Non, trois millions.
– Trois millions de dirhams?
– Non, trois millions d’euros. »
L’enregistrement décrypté, l’avocat marocain rentre à Rabat. « Cela
paraissait énorme comme demande, et au départ, nous avons même envisagé
un piège tendu… Il a donc été décidé au plus haut niveau de déposer
plainte à Paris », confie un avocat français du dossier. « Cela semblait
d’entrée hallucinant, avec tous les ingrédients du chantage et de
l’extorsion de fonds », tonne Me Éric Dupond-Moretti, un des défenseurs du Maroc.
Des policiers en planque pour le deuxième rendez-vous
Le 20 août, la plainte est sur le bureau du procureur de Paris,
François Molins, qui découvre « une affaire d’État », avec un dossier de
« chantage, extorsion de fonds, et association de malfaiteurs ». Le
procureur saisit sur-le-champ la brigade de répression de la délinquance
contre la personne (BRDP). Il y a urgence. Le lendemain, l’avocat
marocain a un deuxième rendez-vous avec Éric Laurent au bar du Royal
Monceau.
Cette fois-ci, les policiers sont en planque autour de la table, et
disposent même d’images prises par les caméras de surveillance de
l’hôtel. « Le parquet a préféré, puisqu’il s’agissait d’écouter un
journaliste, que ce soit l’avocat qui enregistre, et pas la police »,
indique une source judiciaire. L’avocat, cette fois-ci, place son iPhone
sur la table. Du coup, la conversation est « nette »… Après les
préliminaires sur la météo, les liaisons aériennes avec le Maroc, et la
Normandie où Éric Laurent a une maison, l’avocat récapitule leur
précédente conversation, telle qu’il en a rendu compte, dit-il, à Rabat :
« Vous avez des informations très importantes, très sensibles, et qui
peuvent avoir un impact important sur le Maroc et sont de nature à
déstabiliser le régime de Sa Majesté […] et [dit] que vous étiez, vous
et madame Graciet, disposés à renoncer à la publication de cet ouvrage,
et de façon plus générale, [que] les informations sensibles que vous
avez, vous étiez disposés à prendre l’engagement de les oublier »,
résume l’avocat. Réponse d’Éric Laurent sur la bande : « Définitivement,
exactement. » Le marché est clair. « Personne ne veut, ne souhaite
qu’un deuxième livre paraisse », embraye l’avocat. Il réclame ensuite
des « garanties » de « Mme Graciet ». « Vous pouvez les avoir », lui
répond son interlocuteur. L’avocat sollicite alors « un biscuit »,
c’est-à-dire des éléments un peu concrets sur la nature des « infos »
gênantes que pourraient avoir les journalistes. La conversation
s’éternise sur des sujets plus ou moins sensibles liés au Maroc, les relations de François Hollande avec le régime,
l’affaire HSBC… Rien de très « explosif ». Les deux hommes tournent
autour du pot. L’objectif de l’avocat, ce jour-là, est de cerner
l’implication de la coauteure d’Éric Laurent. Il insiste : « Elle sait
qu’on se voit? », « Elle est au courant des détails », assure le
journaliste, qui confirme aussi qu’elle sait pour « les trois
millions ». « J’ai besoin de savoir ce qu’elle a en tête, réclame
l’avocat, dans quel état d’esprit elle est, et avoir la certitude que si
on accepte les termes de votre proposition… » Éric Laurent enchaîne :
« C’est très clair, elle vous dira elle-même… » L’avocat insiste ensuite
pour « juger sur pièces », et pour que les « choses aillent vite », il
réaffirme qu’il n’a « pas le mandat » pour discuter du « montant
aujourd’hui » : « Je l’aurai quand vous m’aurez remis les éléments que
je pourrai partager soit physiquement soit verbalement. » En clair, il
veut voir des documents, « pas nécessairement repartir avec »…
« Ensuite, on parlera de vos chiffres », dit-il. Éric Laurent promet
qu’en cas d’accord, sa coauteure, qui a pour « passion l’équitation »,
« se consacrera à l’équitation en même temps qu’elle écrira une
biographie historique. […] On en a discuté, elle a dit que si vous
arrivez à un accord elle arrête tout, le livre, les articles, les
interventions publiques »… Éric Laurent glisse même en partant qu’il
peut tout aussi bien faire « Le Roi prédateur ou ‘Une affaire de famille’ tous les deux ou trois ans… » Une phrase lourde de sous-entendus.
Une avance contre une garantie
Sur la base de cet enregistrement et du rapport des policiers, le
procureur ouvre le 26 août une information judiciaire et trois juges
d’instruction sont désignés, dont Isabelle Rich-Flament. Elle va
coordonner l’opération de flagrant délit du jeudi 27 août.
Le rendez-vous a été pris à 11 heures avec Catherine Graciet, Éric
Laurent au Peninsula, un hôtel de luxe de l’avenue Kleber, où l’avocat
marocain a une chambre. Les trois se retrouvent au bar. Puis Catherine
Graciet, après avoir refusé que le rendez-vous ait lieu dans la chambre
de l’avocat, propose de changer d’endroit et d’aller plutôt au Raphael,
l’hôtel en face. Prudente. Discrètement, les policiers en planque
suivent. Une fois au nouveau bar, l’avocat place une nouvelle fois son
iPhone sur la table. La jeune femme lui demandera de le ranger. Prudente
encore. Il s’exécute, et place l’appareil dans sa poche. Du coup, la
conversation est moins « nette »… Elle va pourtant durer jusqu’à
16 heures. Par étapes. Dans un premier temps, les journalistes ont
imaginé la création d’un trust à l’étranger pour toucher les fonds. La
journaliste confie qu’elle dispose d’un rapport de la DGSE, les services
secrets français, sur Mohammed VI, « lors de ses venues en France ». De
son côté, l’avocat réclame « une garantie », c’est-à-dire un papier
signé de leur main. Eux, veulent « une avance ». L’avocat leur propose
« un million et demi d’euros », et ils transigent finalement « à deux »,
« un chacun », après avoir mis en avant l’à-valoir important qu’ils
devront rembourser à leur éditeur…
L’avocat s’absente cinquante minutes pour, dit-il, « discuter avec son
client », et retourne dans sa chambre du Peninsula. Selon nos sources,
c’est avec les policiers et la juge, informés de l’avancement des
discussions, que se décide la suite de ce mauvais polar. Pour leur
« avance », les deux journalistes ont exigé des « petites coupures, pas
de billets de 500 euros ». La juge donne son feu vert. Quand il revient
au bar du Raphael, qui est resté sous surveillance discrète de la
police, l’avocat a deux enveloppes de 40.000 euros chacune.
Dans une lettre que s’est procurée le JDD, les deux
journalistes s’engagent à « ne plus rien écrire » sur le roi du Maroc,
« en contrepartie du versement de la somme de deux millions d’euros ».
Le protocole recopié en trois exemplaires
De son côté, Catherine Graciet a recopié, à la main, en trois exemplaires, un protocole dont le JDD
a une copie : les deux journalistes prennent l’engagement de « ne plus
rien écrire » sur le royaume du Maroc, « directement ou indirectement »…
et de ne « partager en aucune façon les documents et informations » en
leur possession. « La somme de deux millions d’euros leur sera versée »
selon « des modalités que nous fixerons », signent-ils. Catherine
Graciet précise même qu’elle a travaillé à un documentaire pour France
3… qui sera diffusé « après le présent accord », pour s’assurer que sa
diffusion postérieure ne le rendra pas caduc. Prudente encore. Les
signataires admettent avoir touché, ce jour, une « avance de 80 000
euros ». « Ma cliente est allée au rendez-vous pour voir, en tant que
journaliste », confie son avocat Me Éric Moutet, qui dément « tous
chantage et extorsion de fonds »… Ce jeudi, il est presque 16 heures.
L’avocat marocain ressort seul du Raphael. Les deux journalistes,
pendant quelques minutes, finiront leurs verres, et… se croiront riches.
Une fortune bien éphémère. À leur sortie du Raphael, ce n’est pas une
limousine qui les attendait, mais des voitures de police.
EXCLUSIF – Soupçons de chantage du Maroc: la lettre contractuelle signée par les journalistes
29/08/2015 à 12h33
BFMTV s’est procuré le contrat signé entre les journalistes mis en
examen et le Maroc. Dans cette lettre manuscrite, Catherine Graciet et
Eric Laurent s’engagent à « ne plus rien écrire sur le royaume du
Maroc » en contrepartie « du versement de la somme de 2 millions
d’euros ».
Vendredi, l’avocat de la journaliste Catherine Graciet, Eric Moutet,
avait confirmé qu’un « deal financier » avait bien eu lieu dans un
« contexte très troublant » et avait évoqué « un piège » dans lequel serait tombé sa cliente.
80.000 euros d’avance
Dans cette lettre manuscrite, écrite le 27 août dernier par la
journaliste Catherine Graciet au bar de l’Hôtel Raphael à Paris, les
deux journalistes s’engagent à « ne plus rien écrire sur le royaume du
Maroc » et à « ne plus jamais s’exprimer publiquement sur ce pays
directement ou indirectement ou par personnes interposées », « ni à
faire quelques révélations (…) sur ce sujet ».
Les journalistes s’engagent également à « ne partager en aucune façon
les documents et informations en (leur) possession avec qui que ce
soit ». En contrepartie du silence des deux journalistes, le Maroc
s’engage à verser « la somme de deux millions d’euros ». « Nous
confirmons avoir reçu à ce jour une avance de 80.000 euros », écrit
encore Catherine Graciet dans le document signé de sa main.
Lettre signée en trois exemplaires
Cette lettre, qui a été versée au dossier d’instruction, a été signée
pendant le rendez-vous entre les journalistes et le représentant du
Maroc, jeudi, à l’issue duquel Catherine Graciet et Eric Laurent ont été
interpellés et placés en garde à vue.
Selon nos informations, ce rendez-vous avait été initialement prévu à
l’hôtel Peninsula à Paris, organisé main dans la main avec la police.
Mais Catherine Graciet, méfiante, aurait demandé à changer d’hôtel. Les
journalistes et le représentant du Maroc se seraient alors installés au
bar de l’Hôtel Raphael, situé en face du Peninsula.
Un « piège » selon l’avocat des journalistes
Pendant ce rendez-vous, les journalistes auraient dans un premier
temps refusé de signer le document, avant de se laisser convaincre et de
le signer en trois exemplaires. Une partie de la conversation a été
enregistrée avec un smartphone.
Pour l’avocat de Catherine Graciet, Me Éric Moutet, il y a bien eu un
« deal financier », dans un « contexte très troublant ». « Le royaume
marocain a des comptes évidents à solder avec Catherine Graciet et un
nouveau livre sur l’entourage du roi est en préparation au moment où le
deal financier se met en place », a-t-il estimé vendredi soir. Il a
également évoqué « un piège » dans lequel serait tombée sa cliente.
Le Monde.fr Le 30.08.2015 à 20h59 • Mis à jour le 30.08.2015 à 21h17
Le journaliste Eric Laurent a été mis en examen pour chantage et extorsion de fonds dans
la nuit du 28 au 29 août. Avec sa consoeur Catherine Graciet, il est
soupçonné d’avoir tenté de faire chanter le roi du Maroc, Mohammed IV,
en menaçant de publier un livre à charge contre la famille royale. M.
Laurent donne pour la première fois, au Monde, sa version des faits.
Selon Eric Dupont-Moretti, avocat de Rabat, les deux journalistes
français ont proposé à un collaborateur du roi du Maroc de renoncer,
contre rémunération, à la parution d’un livre contenant des informations
gênantes pour le royaume. Ils auraient formulé une offre de trois, puis
deux millions d’euros.
« Le Palais a alors décidé de porter plainte auprès du parquet de
Paris. Les policiers ont décidé d’organiser un flagrant délit », a assuré Me Dupond-Moretti, qui a révélé l’affaire, jeudi.
Tout en reconnaissant l’existence de la transaction, Eric Laurent assure au contraire qu’elle lui a été « proposée » par un émissaire de Mohammed VI, et qu’il l’a acceptée à la fois pour des raisons personnelles, et pour ne pas « déstabiliser le Maroc ». Il assure aujourd’hui avoir l’intention de terminer et de publier l’ouvrage.
Le déroulé des faits exposé par les avocats du Royaume est à la fois
très complet et accablant. Qu’avez-vous à y ajouter ou à retrancher ?
Eric Laurent : Je vais retrancher énormément de
choses. Mais je vais faire un premier commentaire sur la totale
indécence de la part de l’avocat du royaume, Me Dupond-Moretti, qui a
dépassé toutes les limites en matière non seulement de présomption
d’innocence mais aussi en matière de déformation ou même d’invention des
faits.
Le 23 juillet, d’après lui, j’appelle le secrétariat particulier du
roi. Jusqu’ici c’est exact. Je demande à parler à Mounir El Majidi, qui
est le secrétaire de Mohamed VI. C’est encore exact. Selon lui, je
déclare préparer un livre explosif, un brûlot et c’est trois millions [pour ne pas le publier, NDLR].
Je mets au défi Dupond-Moretti et le Maroc de produire le moindre
élément attestant cela. Je n’ai jamais tenu ces propos. Il n’y a jamais
eu de tentative de chantage. J’ai appelé Mounir El Majidi pour une
raison très simple : dans ce livre que nous avions en préparation, il y
avait des éléments concernant la famille royale que nous voulions
croiser avec le Palais. Au lieu de cela, le lendemain, j’ai reçu un
appel d’un homme qui s’appelle Hicham Naciri, qui est un avocat du
Palais, que je ne connaissais pas. Il me dit : « Je suis mandaté par le Palais, est-ce que ça peut attendre quelques jours, je pars au Japon. » Nous nous retrouvons le 11 août à sa demande, c’est lui qui fixe le lieu, au Royal Montceau [hôtel parisien de luxe, NDLR].
A ce moment-là, qui formule la demande d’argent ?
« On pourrait peut-être envisager une rémunération, une transaction, en contrepartie d’un retrait écrit »
Il n’y a pas de formulation de demande d’argent. Je lui explique que
nous préparons un livre, que c’est la raison pour laquelle nous voulions
voir M. Majidi, un livre sur la famille royale avec un certain nombre
de sujets sensibles concernant la succession d’Hassan II. Il me dit :
« C’est pas vraiment un livre qu’on souhaite voir sortir ». Je lui dis :
« Ah bon, ça c’est autre chose ».
Et là, on voit très bien dans les procès-verbaux tirés des
enregistrements : il n’y a aucune demande de ma part. Il y a encore
moins de menace de chantage. Nulle part. A un moment donné, il me dit : « On pourrait peut-être envisager une rémunération, une transaction, en contrepartie d’un retrait écrit ».
C’est lui qui m’amène à cette idée. A aucun moment il n’y a dans ces
enregistrements une volonté de ma part de faire chanter le roi du Maroc à
travers un de ses avocats. Puis ses questions vont porter sur un autre
problème, celui des sources. Il va insister tout au long des réunions
suivantes pour que nous livrions nos sources. Bien sûr, nous refusons.
Je refuse. Ma co-auteure, que je consulte, refuse aussi.
A quel moment est-il question d’argent, alors ?
Au moment de la première rencontre, il amène cette idée. Et là, je dis, mais sans y croire : « Si vraiment on arrête de faire le livre, étant donné le sujet, écoutez… trois [millions d’euros] ». Il dit : « Ok mais il me faut les sources ». Je ne suis pas venu avec l’idée d’une transaction. Je suis venu avec l’idée d’une interview.
Qu’est-ce qui vous amène à accepter d’entrer en matière sur une transaction ?
D’abord le sujet. Il est extrêmement sensible, très délicat. J’ai
exercé ce métier pendant 30 ans et j’avoue que là, j’en ai un peu assez.
C’est un sujet très complexe concernant la famille royale et certains
comportements. Donc je me dis : après tout, on n’a pas envie, quelles
que soient les réserves que l’on peut avoir sur la monarchie, que
s’instaure une république islamique. S’il propose une transaction,
pourquoi pas.
Votre avocat a également parlé d’une situation personnelle difficile…
Ma femme est extrêmement malade. C’est une situation personnelle très
dure. Elle a un cancer généralisé. Son état s’aggrave de jour en jour
malgré les opérations, des chimiothérapies très lourdes.
Donc, si on résume : vous souhaitiez rencontrer M. Naciri pour une
interview et vous ressortez avec un accord de principe sur une
transaction financière ?
Je ne ressors avec rien. C’est une suggestion qui m’est faite. Mais
il n’y a pas d’accord. Je suis surtout tellement étonné. Je me dis : « Quelle étrange démarche »,
car la démarche venait de lui. En même temps, je suis un peu sur la
réserve, surtout parce qu’il insiste sur la possibilité d’avoir accès
aux sources. Je suis tellement peu dans l’état d’esprit d’un chantage
que lors du deuxième entretien avec lui, le 23 août, il a son téléphone
posé sur la table.
J’ai appris ensuite qu’il enregistrait notre conversation et j’ai vu dans le JDD
des extraits tronqués. C’est lui qui me demande : pour combien, si nous
arrivons à un accord ? Si j’avais eu la volonté d’exercer un chantage,
la première des choses aurait été de lui demander d’arrêter son
portable, de sortir la batterie, de le mettre ailleurs. A aucun moment,
il n’y a de ma part un seul mot qui relève du chantage.
Qu’est-ce que vous vous dites lors du deuxième rendez-vous, le 23 août ?
« Ils ont voulu me faire tomber, me discréditer professionnellement »
C’est un rendez-vous qui me laisse perplexe parce que je vois un
personnage qui commence à reformuler tout ce que nous avions échangé la
semaine précédente, y compris cette somme de 3 millions d’euros, qu’il
met dans ma bouche. Je suis un peu stupéfait, me disant qu’il doit y
avoir quelque chose.
Immédiatement, il enchaîne avec une pression ininterrompue sur les sources : « Si nous passons un accord, il faut que nous puissions identifier vos sources ».
Je lui dis que c’est impossible, que je ne mettrai pas en danger des
gens qui ont accepté de me parler. Il insistera là-dessus jusqu’à la
troisième et dernière réunion. Ils ont voulu me faire tomber, me
discréditer professionnellement et éventuellement avoir accès à nos
sources, ce qui aurait permis de couper certaines têtes.
Comment se fait-il que vous n’ayez pas un instant pensé que le Palais allait utiliser cette discussion contre vous ?
Si j’étais arrivé avec cet état d’esprit consistant à quémander de
l’argent en échange de la non-publication, j’aurais été bien plus
méfiant. Mais comme je venais simplement pour avoir la possibilité de
rencontrer Mounir Madjidi, et croiser des informations, je n’ai pas vu
le coup venir. Cette proposition a été glissée insidieusement par mon
interlocuteur : « transaction », « abandon », « accord écrit », ces mots
ont été habilement introduits lors du premier rendez-vous.
Tout au long de ces entretiens, votre co-auteure était au courant des termes de ces discussions ?
Elle était au courant. Je la tenais informée de tout, après chaque rencontre. Elle ne peut pas prétendre [le contraire]…
La défense de Catherine Graciet est de dire que c’est vous qui avez tout organisé…
C’est bien dommage, parce que c’est faux. Je veux bien avoir organisé
des choses. Si j’avais tout organisé, il faudrait de sa part un total
aveuglement – pour ne pas dire plus – pour rédiger le texte de l’accord
et le signer. Et moi, j’aurais été le meilleur des amis de lui proposer
la moitié après avoir tout organisé seul.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le contenu de ce livre ?
Le livre porte à la fois sur l’héritage de Hassan II et les
affrontements au sein de la famille royale concernant cet héritage. Avec
de nombreuses péripéties. Il y avait aussi des choses concernant le
train de vie dispendieux – pour ne pas dire plus – de cette famille,
avec un certain nombre de dérives.
Ces informations étaient de nature à faire tomber la monarchie ?
Tomber, non. Ebranler, oui. Quand vous êtes un sujet marocain, et que
vous découvrez cette réalité sur le roi, sa famille, son entourage,
dans un affairisme ambiant, vous êtes profondément troublé. Je pense que
ça aurait érodé la confiance relative que l’on peut encore avoir envers
le monarque.
Quand avez-vous commencé votre enquête ?
On a signé en janvier [avec les éditions du Seuil], on a commencé en mars car je devais finir un autre livre.
Avez-vous toujours eu l’intention de publier ce livre ?
« Quelles seront les conséquences ? »
Nous avions signé un contrat avec un éditeur ! Du début à la fin,
notre intention était de faire un livre. Sauf qu’il y a eu ces
conversations avec ce personnage qui propose un accord, qui dit qu’il
faudrait s’engager à ne plus publier sur le Maroc. Je me dis pourquoi
pas. Mais il ne s’agit pas de chantage. Ca n’a jamais existé.
Chantage ou non, vous étiez d’accord pour un accord financier dont l’objectif était la non publication de votre enquête ?
Oui, bien sûr. Cette enquête me faisait peur. On se disait « quelles
seront les conséquences ? » La proposition que l’on m’a faite me
paraissait être un compromis.
Votre co-auteure s’est ralliée aux même arguments ?
Soyons clair : du début à la fin, Catherine Graciet a tout approuvé.
Avant cette réunion, nous préparions les choses ensemble. Donc aller
dire aujourd’hui que j’ai tout mené en solitaire, c’est absurde.
Ces informations explosives, vous les avez réunies ensemble ?
Ensemble. Elle en obtenu certaines, j’en ai obtenu d’autres. Nous
avions des sources différentes, que nous avons croisées. Nous étions
embarrassants pour le Maroc, et notre livre précédent, Le roi prédateur,
est vraiment resté en travers de la gorge du roi. L’idée d’en voir
sortir un autre leur était absolument insupportable. Et surtout, ils se
demandaient sur quoi nous nous étions basés, sur qui nous nous étions
appuyés pour avoir ces renseignements. L’accès aux sources a été une
condition et un moyen de pression constant sur nous.
Votre avocat parle d’un zêle disproportionné de la justice française dans cette affaire? Comment l’avez-vous perçu ?
« J’ai eu l’impression d’être dans une situation à la Ben Barka »
J’ai dit aux policiers en arrivant que j’étais choqué que l’appareil
policier et judiciaire français soit mobilisé pareillement pour
satisfaire un souverain étranger dont on connaît les pratiques. Les
enquêteurs m’ont répondu : « On n’est pas dupe, il y a des marionnettistes au dessus de nous, mais nous sommes obligés de faire notre travail ».
Ce sont leurs mots. Quand l’arrestation a eu lieu, la voiture de la
police a emprunté le périphérique et l’on se dirigeait vers Orly. Et là,
j’étais inquiet, j’ai demandé où nous allions. J’ai eu l’impression
d’être dans une situation à la Ben Barka [opposant marocain enlevé le 29 octobre 1965 à Paris et dont le corps n’a jamais été retrouvé, NDLR].
Au fond, le Maroc passe son temps à utiliser le territoire français
pour ses coups tordus. Autrefois pour y éliminer physiquement ses
opposants, désormais pour discréditer professionnellement ceux qui sont
critiques envers le régime et ses dérives. J’ai cru que j’allais être
embarqué dans un avion et me retrouver au Maroc. Quant à la juge, elle a
été correcte. La mise en examen est l’aboutissement logique de ce qui
précède, même si c’est un cadeau au souverain marocain.
Vous êtes libre de vos mouvements ?
Le parquet a demandé l’interdiction de sortie du territoire et un
contrôle judiciaire tous les huit jours. La juge a décidé de me laisser
mon passeport et d’un contrôle judiciaire tous les quinze jours. Avec
interdiction de parler à ma co-auteure. Outre l’emballement policier et
judiciaire, avec trois juges d’instruction, il y a l’emballement
médiatique, qui a contribué à nous discréditer très vite en produisant
des extraits tronqués, détachés de leur contexte. Nous étions encore
dans la voiture de la police que tout filtrait déjà sur les chaînes
d’infos, sans nuance et sans présomption d’innocence, qui n’a jamais
existé dans cette affaire. La seule voix relayée constamment a été celle
de Me Dupont Moretti, avec des propos choquants et délirants.
Votre livre d’entretien avec Hassan II, en 1993, a-t-il donné lieu à une transaction financière?
Ah non, absolument pas. A l’époque j’étais éditeur chez Plon, et
j’avais un contrat d’auteur pour ce livre. Je n’ai pas reçu d’argent de
Hassan II, c’est lui qui en a reçu ! Il a réclamé ses droits d’auteur,
pour une fondation, et les a obtenus. Si jamais il y avait eu affairisme
de ma part, jamais je n’aurais écrit Le roi prédateur quelques années plus tard.
Vous négociez une transaction financière en échange de la non
publication d’un livre. Avez vous conscience d’avoir en cela porté
préjudice à l’ensemble de la profession ?
« C’est une tentation, pas un chantage »
Non, pas du tout. Je pense que j’ai fait des livres qui ne souffrent
pas la moindre critique éthique et déontologique. Et là en l’occurrence,
il y avait à la fois le sujet qui était explosif, il y avait la
proposition qui m’a été faite et la situation dans laquelle j’étais. Je
me suis dit qu’un livre de plus ou de moins, cela n’enlèverait rien à ma
satisfaction personnelle. Comme je n’avais pas l’esprit de vindicte,
j’ai dit… voilà. C’est une tentation, pas un chantage.
Vous avez dit quoi?
Je me suis dis après tout, pourquoi pas, passons à autre chose. Je
veux bien prendre des risques mais j’étais vraiment dans un état
psychologique où je n’avais pas l’énergie nécessaire pour aller jusqu’au
bout. Je vous l’ai dit, ce sujet m’effrayait. Et j’ai d’autres centres
d’intérêt. Déstabiliser un régime à travers un ouvrage dans un contexte
géopolitique très particulier, cela ne me paraissait pas une bonne idée.
Mon interlocuteur est arrivé au bon moment. Il a su exploiter cela.
Puis il m’a piégé. Vous pouvez ne pas le croire, mais c’est lui qui m’a
piégé.
Pour vous, cela ne va pas à l’encontre de la déontologie journalistique ?
Ce qui serait allé à l’encontre de la déontologie, cela aurait été,
de dire : j’ai ces éléments, et je vais vraiment vous demander de me
payer, sinon je les publie et cela sera très douloureux pour vous. Ce
qui n’a jamais été le cas.
Cela met-il un terme de votre carrière d’auteur ?
Je ne sais pas. J’ai un livre qui sort dans huit jours chez
Flammarion sur les pratiques et dérives du système financier. Je prends
là aussi des risques, il y a des informations sensibles. C’est la preuve
que je suis encore capable d’en obtenir et d’en publier.
Le livre, finalement, vous allez le sortir ou pas?
Je vais être franc. Je serais maintenant vraiment partisan de le
sortir, et j’en aurais très envie. Pour l’instant, nous ne pouvons pas
nous rencontrer avec ma co-auteure, je ne sais pas si elle veut
continuer cette collaboration, mais j’ai l’intention de le sortir, bien
sûr.
Chantage contre le roi du Maroc : « Un coup monté », selon l’avocat d’un journaliste
DOCUMENT RTL – L’avocat d’Éric Laurent, le journaliste soupçonné
d’avoir fait chanter le roi du Maroc, affirme que le monarque était
volontairement entré dans des discussions financières avec son client.
« On est extrêmement loin de ce qui est indispensable pour caractériser, selon le termes du code pénal français, une logique de chantage et d’extorsion de fonds, c’est à dire des pressions, des menaces, de l’intimidation », regrette l’avocat.
On est dans un coup monté (…) nous le démontrerons
William Bourdon, avocat d’Éric Laurent
« Affirmer qu’Éric Laurent aurait initié cette discussion est
totalement inexact, poursuit l’avocat. Il y a eu au fil de la
discussion, dans un climat très cordial, des échanges concernant un
accord un accord financier donc on est très loin de ce que l’on
entend. »
L’avocat n’hésite pas à parler d’une « logique de grave désinformation ».
« On est dans un coup monté qui a bénéficié de l’apport d’un homme qui
était une situation difficile, qui a accepté d’entrer dans ces
discussions financières, affirme-t-il. C’est ce qui a permis cette mise en scène, nous le démontrerons. La seule décision qui s’impose pour Éric Laurent est un non lieu. »
Tentative d’extorsion ou coup monté ? La question agite le landerneau
politico-médiatique depuis que deux journalistes français sont accusés
d’avoir fait chanter le roi du Maroc. Auteurs de plusieurs livres, Eric
Laurent et Catherine Graciet auraient demandé à l’entourage de
Mohammed VI trois millions d’euros contre le retrait d’un ouvrage
compromettant pour le régime. Interpellés jeudi, ils étaient toujours en
garde à vue au siège de la PJ parisienne vendredi.
Que s’est-il passé ?
Le 23 juillet, Eric Laurent contacte le cabinet royal marocain pour
solliciter un entretien avec un représentant du Palais. Le journaliste,
qui dit préparer un livre, explique avoir «des choses importantes à demander».
Jusqu’ici, rien d’incroyable : les éditions du Seuil confirment
l’existence de cet ouvrage consacré à «M6», dont la sortie était prévue
début 2016.
Le 11 août, une première rencontre est organisée à Paris avec un
avocat marocain proche du régime. C’est là qu’Eric Laurent aurait
proposé à son interlocuteur de ne pas publier le livre en échange de
trois millions d’euros. La réaction marocaine ne se fait pas attendre :
dix jours plus tard, une plainte est déposée pour le compte du roi au
parquet de Paris, qui ouvre aussitôt une enquête préliminaire et confie
les investigations à la Brigade de répression de la délinquance contre
la personne (BRDP).
Les policiers vont alors organiser un nouveau rendez-vous afin de
piéger le suspect. Sans se douter que la rencontre est enregistrée, le
journaliste réitère son offre auprès de l’émissaire marocain. Une preuve
suffisante pour le parquet, qui ouvre dans la foulée une information
judiciaire pour tentative d’extorsion de fonds et tentative de chantage,
confiée à trois juges d’instruction parisiens.
A ce stade de l’enquête, plusieurs éléments accablent Eric Laurent
mais rien ne permet de mouiller sa coauteure, Catherine Graciet. Les
policiers veulent en avoir le cœur net. Quelques jours plus tard, un
ultime rendez-vous est fixé dans un hôtel parisien en compagnie des deux
journalistes.
Ce jour-là, selon une source proche du dossier, il y a bien une «remise et acceptation d’une somme d’argent». Le tandem aurait accepté de se partager deux millions d’euros avec une avance reçue de 80 000 euros. «Les deux journalistes ont en outre signé un contrat dans lequel ils s’engagent à ne pas publier leur livre», précise Me Eric Dupond-Moretti, avocat du Maroc, qui dénonce un «racket digne de voyous».
Aussitôt interpellés à leur sortie de l’hôtel, les deux journalistes
ont été placés en garde à vue dans les locaux de la BRDP. Sur leurs
motivations, Me Dupond-Moretti reste des plus énigmatiques : «D’après
les éléments dont nous disposons, nous pouvons penser que les deux
auteurs ont été instrumentalisés par un groupe, un mouvement terroriste,
pour déstabiliser le régime», explique-t-il, évoquant des «implications géopolitiques immenses».«On est dans l’ordre du fantasme le plus absolu», a réagi de son côté Me Eric Moutet, avocat de Catherine Graciet, expliquant que sa cliente avait le «sentiment d’un vrai coup monté».
Qui sont les journalistes suspectés ?
Titulaire d’une maîtrise de droit, Eric Laurent, 68 ans, est un
auteur prolifique. Depuis 1984, il a publié une vingtaine d’ouvrages,
sans compter des thrillers signés Philip Kramer. Ses livres sont le plus
souvent présentés comme des enquêtes révélant les «secrets» et
«mensonges» qui sous-tendent une actualité, en général géopolitique.
Dans cette veine, il a écrit Guerre du Golfe, le dossier secret (Orban, 1991) avec Pierre Salinger, Le grand mensonge, le dossier noir de la vache folle (Plon, 2001) ou Guerre au Kosovo, le dossier secret
(Plon, 1999). Celui qui fut directeur de collection chez Plon se fera
surtout connaître après les attentats du 11 septembre 2001, grâce à deux
livres consacrés à la famille Bush, et à un troisième, centré sur les
attaques elles-mêmes : la Face cachée du 11-Septembre (Plon,
2004). Un titre largement repris par les complotistes qui refusent la
thèse d’un attentat planifié et exécuté par Al Qaeda.
Eric Laurent ne va pas aussi loin. Mais lors de passages à la télé,
il laisse planer le doute, affirmant par exemple que des agents
israéliens auraient applaudi alors qu’ils assistaient à New York à
l’effondrement des tours, sans affirmer pour autant que le Mossad savait
que des attaques auraient lieu. «Il n’est pas dans un délire à la
Thierry Meyssan. Il est plus habile, il reste à la lisière du
complotisme. Mais au final, il ne fait rien d’autre que malaxer des
informations connues avec des clichés et des lieux communs pour tenter
de démontrer ses thèses», explique un ancien membre des services de renseignements, spécialiste du jihadisme.
Chroniqueur sur France Culture, Eric Laurent pratique aussi à
l’occasion les hagiographies de puissants. Il a ainsi publié en 1999 les Chemins de ma vie
(Plon), un recueil d’entretiens avec celui qui était alors président de
Côte-d’Ivoire, Henry Konan Bédié. Il a aussi publié deux titres
consacrés à Hassan II lorsqu’il était roi du Maroc : la Mémoire d’un roi (Plon, 1993) et le Génie de la modération. Réflexions sur les vérités de l’islam (Plon, 2000).
D’après un bon connaisseur des arcanes du pouvoir marocain, Eric
Laurent aurait tenté de convaincre Mohammed VI, fils et successeur
d’Hassan II, de se livrer au même exercice. Mais le monarque aurait fait
traîner avant de refuser. En 2012, Eric Laurent publie finalement avec
Catherine Graciet le Roi prédateur. Main basse sur le Maroc (Le
Seuil). Mohammed VI y est dépeint en prédateur économique, aspirant la
fortune du royaume au profit d’une petite oligarchie. Jugé par le
ministère marocain de la Communication «diffamatoire et sans preuves», l’ouvrage a été interdit au Maroc.
Journaliste moins controversée, Catherine Graciet a travaillé entre 2004 et 2007 pour le Journal hebdomadaire, une revue marocaine indépendante critique à l’égard du pouvoir, avant d’intégrer l’équipe de Bakchich, un site d’enquête français. Elle a publié en parallèle deux livres sur le Maghreb avec Nicolas Beau, un ancien du Canard enchaîné. En 2013, elle sort, sous son seul nom, Sarkozy-Kadhafi. Histoire secrète d’une trahison
(Le Seuil). L’ouvrage accrédite la thèse d’un financement de Sarkozy
par l’ancien régime libyen, sans toutefois apporter de preuve.
Comment cette affaire est-elle perçue au Maroc ?
A Rabat, les autorités du royaume n’ont pas réagi officiellement à
l’arrestation des deux journalistes français, laissant le soin à Eric
Dupond- Moretti de commenter l’affaire. Plusieurs médias marocains ont
en revanche relayé l’information. Au quotidien généraliste la Vie éco, c’est l’indignation : «Eric
Laurent se présentait comme écrivain et grand reporter. On lui découvre
aujourd’hui un autre titre : grand maître chanteur», écrit le journal avant de conclure, mystérieux : «Il
existe des mercenaires de la plume auxquels font probablement appel les
milieux français hostiles à ce Maroc qui les dérange par ses positions
toujours transparentes et légalistes. Maintenant que ces milieux sont
démasqués, on comprend mieux comment s’organisent épisodiquement ces
campagnes médiatiques acharnées contre le Maroc, ses institutions et son
roi.» Ambiance.
L’histoire des enquêtes journalistiques françaises sur le royaume
marocain est mouvementée, depuis qu’en 1990, l’écrivain Gilles Perrault a
publié chez Gallimard Notre ami le roi, qui documente la
répression et l’autoritarisme du régime d’Hassan II. Le livre est encore
aujourd’hui interdit au Maroc. Gilles Perrault se souvient que le
royaume avait monté en France une opération secrète pour empêcher sa
parution : «Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Basri, est allé voir Pierre Joxe [son homologue français à l’époque, ndlr] et
lui a dit : « Nous sommes informés qu’un livre doit paraître chez
Gallimard, de Gilles Perrault, il va beaucoup nuire aux relations
franco-marocaines. Il ne faut pas qu’il paraisse, nous sommes prêts bien
entendu à dédommager les éditeurs et l’auteur »», raconte l’écrivain.
Plus récemment, en septembre 2014, l’éditeur parisien Nouveau Monde publie le livre-enquête d’un journaliste marocain, Mohammed VI, derrière les masques,
qui décrit la monarchie et les élites gravitant autour comme les
acteurs d’un régime autoritaire. L’ouvrage est interdit à la vente au
Maroc. Son auteur, Omar Brouksy, ancien correspondant de l’AFP, a connu
Catherine Graciet, avec qui il travaillait au Journal hebdomadaire.«Ça ne lui ressemble pas, s’étonne-t-il. C’est
une journaliste sérieuse et rigoureuse, pas une débutante. Si les faits
qui lui sont reprochés sont avérés, ça serait très décevant, et
déplorable pour la profession.»
J’ai aussi celle-ci, qui est venue presque quotidiennement avec
Firefox jusqu’au 27 août 2015 à 17h25, puis s’est bizarrement abstenue
de toute consultation durant plus de 48 heures, jusqu’au 30 août 2015 à
0h07, et a alors dévoré tous mes articles de ces derniers jours :
Je livrerais bien mon témoignage, mais bon… moi aussi j’ai quelques
frais, voyez-vous… les frais d’avocat que Momo me laisse supporter seule
contre ses terroristes Josette Brenterch, Pascal Edouard Cyprien
Luraghi, Jean-Marc Donnadieu et autres, par exemple… alors, je me tâte…
Maroc : le journaliste Éric Laurent concède un « accord financier »
Le journaliste réfute tout chantage ou extorsion de fonds, dénonçant
au contraire un « traquenard » et une « manipulation » de la part de
Rabat.
Source AFP
Publié le 29/08/2015 à 18:34 – Modifié le 29/08/2015 à 18:44 | Le Point.fr
Le journaliste Éric Laurent a concédé avoir cherché un « accord financier » avec le Maroc
autour de son livre, mais a réfuté tout chantage ou extorsion de fonds,
dénonçant au contraire un « traquenard » et une « manipulation » de
Rabat, selon une déclaration samedi à l’AFP.
« Éric Laurent reconnaît et assume, pour des raisons qui tiennent à un
contexte personnel difficile, avoir consenti à rechercher un accord
financier dans des conditions totalement étrangères à un chantage ou une
extorsion de fonds », a déclaré son avocat, Me William Bourdon.
« Rien dans le dossier n’établit [...] que l’un ou l’autre des
journalistes aurait initié une discussion de nature financière et pas
plus n’aurait exigé un paiement en contrepartie de la renonciation à
publier le livre », a ajouté le défenseur d’Éric Laurent.
« Une opération de désinformation ahurissante »
Ce dernier a été mis en examen, dans la nuit de vendredi à samedi,
comme sa consoeur Catherine Graciet, pour chantage et extorsion de
fonds. Tous deux sont soupçonnés d’avoir exigé trois, puis deux millions
d’euros du Maroc en échange de l’abandon de leur projet de livre et
d’informations compromettantes sur la royauté. William Bourdon dénonce «
l’opération de désinformation ahurissante menée depuis 48 heures par
l’avocat de Rabat », une « tentative de manipulation de l’opinion
publique [qui] n’est que le prolongement d’une première manipulation,
soit le traquenard ourdi par Me Naciri, émissaire du roi, pour piéger
les journalistes ».
« Ce dossier apparaît aujourd’hui comme une opération politique de
Rabat pour mettre en scène de façon opportuniste sa victimisation dans
des conditions de complaisance qui ne laissent pas à poser question », a
ajouté l’avocat, pour qui « le zèle des agents français apparaît hors
hors norme, illustré par la désignation de trois juges d’instruction,
d’évidence hors de proportion avec les faits ». « On a voulu aussi
diaboliser, discréditer les seuls journalistes qui aujourd’hui dénoncent
les dérives de la monarchie chérifienne et dont l’enquête est de nature
à révéler de lourds secrets », poursuit-il. « Un non-lieu sera demandé
en temps et en heure et rapidement des actes de nature à établir les
conditions dans lesquelles a été conçu, élaboré, et avec quels appuis ce
coup monté », a conclu l’avocat.
Qui sont les deux Français accusés de faire chanter le roi du Maroc?
Par LEXPRESS.fr , publié le 28/08/2015 à 16:09 , mis à jour le 29/08/2015 à 07:12
Les journalistes Eric Laurent et Catherine Graciet sont accusés
d’avoir fait chanter Mohammed VI en proposant de ne pas publier leur
livre contre de l’argent. Ils ont été présentés à un juge d’instruction
vendredi soir pour une éventuelle mise en examen.
La nature des suspects comme celle de la victime présumée surprend:
d’un côté, deux journalistes français, de l’autre, le souverain d’un
pays en personne. Cet étrange attelage est pourtant celui du scandale présumé de chantage révélé jeudi par RTL. Eric Laurent et Catherine Graciet sont soupçonnés d’avoir demandé à Mohammed VI trois millions d’euros en échange de la non-publication d’un livre à charge.
Ils sont arrivés vendredi soir au palais de justice de Paris pour être
présentés au juge d’instruction, en vue de leur éventuelle mise en
examen. L’avocat de Catherine Graciet affirme que les journalistes ont
été « piégés » par des « enregistrements sauvages ».
A 68 ans, Eric Laurent a longtemps été grand reporter à France Culture où il s’occupait des questions de géopolitique. Selon la biographie publiée sur son blog,
il a couvert un certain nombre de conflits à l’étranger parmi lesquels
la guerre israélo-arabe de 1973 ou l’occupation soviétique de l’Afghanistan en 1979. Tout au long de sa carrière, il a publié plusieurs ouvrages d’enquête, sur le 11 septembre ou le pétrole par exemple.
L’écrivain a surtout beaucoup écrit sur le Maroc: un entretien avec
le roi Hassan II, père de l’actuel souverain, en 1993 et un livre déjà à
charge contre Mohammed VI, Le Roi prédateur, en 2012. Ecrit
avec la même Catherine Graciet mise en cause aujourd’hui, le brûlot
dénonce l’enrichissement du roi au détriment de son peuple. « Mohammed
VI, lui, n’a aucun intérêt pour la chose publique et pas la moindre
fibre politique. Seules comptent les affaires », critiquait Eric Laurent
dans les colonnes de L’Express.
Ce livre lui a valu l’inimitié des autorités marocaines, qui ont interdit la diffusion du journal espagnol El Pais qui en a publié les bonnes feuilles. Dans une critique, Le Monde
résumait l’oeuvre ainsi: « Certes, le réquisitoire de ce livre est
brut, les témoignages souvent anonymes, et les faits parfois
approximatifs faute d’accès direct aux sources. Mais l’ampleur de la
prédation économique ainsi décrite [...] ne peut que choquer ».
Eric Laurent est également le père de Samuel Laurent, « consultant
international » autoproclamé. Ce dernier, qui a écrit plusieurs ouvrages
sur le djihad et le terrorisme, a été vertement critiqué par Libération, qui lui reproche ses approximations et ses analyses erronées.
Catherine Graciet
La journaliste est décrite comme une spécialiste du Maghreb. Selon le Huffington Post, elle travaille en tant qu’indépendante mais a notamment collaboré au Journal Hebdomadaire du Maroc. Outre le livre écrit avec Eric Laurent sur le Royaume, elle s’est intéressée à la Libye et à la Tunisie. Elle a notamment écrit sur le clan des Ben Ali, qu’elle accusait de « dérive mafieuse » auprès de 20 Minutes.
Son co-auteur, Nicolas Beau, s’est d’ailleurs étonné auprès de l’AFP
des accusations portées à son encontre. « Je suis sous le choc [...] Je
savais que Catherine avait ce projet. Si les faits sont avérés c’est
très surprenant de la part de Catherine. Elle n’a pas le profil pour ce
type de délit. »
Selon l’avocat de la monarchie marocaine, le
journaliste et écrivain menaçait Mohammed VI de publier un livre
compromettant s’il ne recevait pas 3 millions d’euros.
Eric Laurent à Paris, en octobre 2007. (POUZET/SIPA)
« Racket digne de voyous », « d’une audace folle » : l’avocat français du Maroc, Eric Dupont-Moretti, n’avait pas de mots assez durs dans les médias quelques heures après l’arrestation d’Eric Laurent et Catherine Graciet. Accusés d’avoir réclamé 3 millions d’euros à la monarchie marocaine
en échange de la non-publication d’une enquête à charge, le duo de
journalistes est tombé dans les bras de la police à la sortie d’un hôtel
parisien jeudi 27 août, après avoir chacun accepté une enveloppe de
40.000 euros. Ils sont toujours en garde à vue ce vendredi.
« Tout cela sent le coup monté », a réagi de son côté l’avocat de Catherine Graciet, Me Eric Moutet, joint par « Le Monde ». On attend encore la version des suspects.
Un long passif avec le Maroc
Eric Laurent, 68 ans, est loin d’être un inconnu au Maroc. Sous
l’étiquette du « Figaro », il était venu dès 1993 interviewer le roi
Hassan II, publiant un livre d’entretiens intitulé « Mémoire d’un roi »,
« le seul ouvrage du genre sur l’ancien souverain », rappelle « Jeune Afrique »,
« réalisé en bonne entente avec le palais ». Il reste aujourd’hui l’un
des rares grands reporters à avoir pu approcher d’aussi près la cour
royale marocaine.
En 2012, les deux journalistes sortent un livre sur son
successeur Mohammed VI, au ton bien différent : « Le Roi prédateur » (Le
Seuil) est une attaque en règle du système « M6″, son obsession pour le
« business », sa vision clientéliste de l’économie, sa cupidité. En
plein « printemps arabe », l’ouvrage, partagé « sous le manteau » des
réseaux sociaux, fait l’effet d’une bombe, et est censuré – de même
qu’est interdit le quotidien « El Pais » qui en publiait les « bonnes
feuilles ».
Ce vendredi, la presse marocaine se réjouissait presque unanimement de l’arrestation
des deux journalistes. Pour Samir Chaouki, directeur de publication des
« Eco », cité par « Aujourd’hui Le Maroc », l’affaire « met à nu
certains plumitifs occidentaux qui essaient de s’enrichir indûment sur
le dos de certains pays comme le Maroc qu’ils croient être une
république bananière ».
Idole des complotistes…
Tout au long de ses différentes vies, Eric Laurent a toujours été
fasciné par les « trous noirs » de la géopolitique. Ce diplômé de
Berkeley en Californie (droit et sciences de la communication), selon sa biographie personnelle,
a constamment malmené la « version officielle » des événements : il
couvrira pour Radio France la guerre du Kippour en 1973, la guerre
d’Afghanistan en 1979 et celle du Liban en 1982, et connaît ses premiers
grands succès avec des ouvrages sur la Guerre du Golfe et le Kosovo.
J’ai découvert à l’occasion du premier choc pétrolier de 1973 que le
monde n’aime pas affronter la réalité », écrit-il dans « La face cachée
du pétrole », en 2006.
Il confesse sa fascination pour les faces sombres de l’humanité,
qu’il révèle dans ses enquêtes : « L’univers du pétrole est exactement
de la même couleur que le liquide tant convoité : noir, exacerbant les
penchants les plus sombres de la nature humaine. Il suscite les
convoitises, attise les passions, provoque trahisons et affrontements
meurtriers, conduit aux manipulations les plus éhontées. » (ibid.)
Deux ans auparavant, avec « La face cachée du 11 septembre« ,
Eric Laurent avait accédé à une célébrité nationale en devenant le
porte-étendard des théoriciens du complot : les opérations suicides
contre le World Trade Center et le Pentagone auraient-elles été
planifiées aux Etats-Unis et en Arabie Saoudite, avec la complicité de
la famille royale ? Qu’est-il arrivé aux homonymes saoudiens des
kamikazes qui s’entraînaient sur des bases américaines ? Pourquoi trois
princes saoudiens sont-ils morts accidentellement à quelques jours
d’intervalle en 2002 ?
Bien aidé par Thierry Ardisson, qui l’invitera à quatre reprises dans
son émission « Tout le monde en parle », Eric Laurent signe un des
best-sellers de l’année 2004 en France… Et un livre de chevet de la « conspirosphère » qui est alors en pleine éclosion sur Internet.
… et auteur de thrillers
Quand les complots réels ne lui suffisent plus, il lui arrive aussi d’en imaginer. En 2013, il publie un livre étrange entre fiction et réalité,
« La Conspiration Wao Yen », thriller décrivant un pacte entre la Chine
et le Moyen-Orient censé provoquer l’effondrement de l’Occident sur
fond d’impérialisme énergétique.
Sous le pseudonyme de Philip Kramer,
Eric Laurent s’est adonné pendant de nombreuses années à son autre
violon d’Ingres, l’écriture de romans d’espionnage apocalyptiques dans
lesquels son héros fétiche, Seth Colton, déjoue les plus terrifiantes machinations, avec explosions de sous-marins nucléaires, sectes insondables et Armaggedons en pagaille.
Voici la façon dont « Le Fleuve des abysses », paru en 2003, était relaté dans « Le Nouvel Observateur » :
« La canicule meurtrière du mois d’août, à qui la faute ? A des
écologistes fous qui traficotent le fond des océans pour détériorer le
climat et débarrasser la terre de son surplus de population.
Heureusement que veille Seth Colton, le preux chevalier en lutte contre
les terrorismes. Est-ce raisonnable pour Eric Laurent,
journaliste et enquêteur politique fort respecté, de faire ainsi joujou,
sans trop y croire, avec de telles james-bonderies ? Du moins il nous
instruit et nous amuse. C’est déjà très bien. » (Le Nouvel Observateur, 23 octobre 2013)
Ce goût pour le catastrophisme s’était aussi révélé dans une vaste
enquête journalistique sur le syndrome de Kreutzfeld-Jacob (« Le Grand
mensonge : le dossier noir de la vache folle »), où il reprend notamment
les sombres projections de »250.000 morts au cours des prochaines
années ».
Le flou entre les différents genres – récit, enquête, essai, document
– se retrouve de façon encore plus controversée chez son fils, le
« consultant international » Samuel Laurent, spécialiste des réseaux
djihadistes, dont le travail avait été brocardé dans les grandes
largeurs par un article de « Libération » en décembre dernier.
Détail accablant : l’éditeur admettait que le fait d’avoir publié son
père deux ans plus tôt »avait joué » dans la publication
du brûlot »Al-Qaida en France ».
Que contient le livre à paraître ?
Catherine Graciet, également placée en garde à vue dans les locaux de
la Brigade de répression de la délinquance contre la personne, est
moins connue sur la scène de l’investigation. Désormais « freelance »,
cette pure spécialiste du Maghreb a travaillé au Maroc de 2004 à 2007 pour un titre indépendant, « Le Journal hebdomadaire », et a publié quatre ouvrages depuis 2006.
Critique du régime marocain
comme de la présidence Ben Ali (« La Régente de Carthage – Main basse
sur la Tunisie », 2009), elle est également l’auteur du livre
« Sarkozy-Kadhafi, histoire secrète d’une liaison » (2013), dans
lequel un ancien responsable politique libyen donne du crédit aux
accusations de financement de la campagne de Nicolas Sarkozy par le
régime Kadhafi. Les Editions du Seuil ont par ailleurs confirmé qu’elle
préparait avec Eric Laurent un nouveau livre sur Mohammed VI, « pour une
sortie en janvier-février ».
« Je suis sous le choc. [...] Je savais que Catherine avait ce projet
(de livre). Si les faits sont avérés, c’est très surprenant de la part
de Catherine. Elle n’a pas le profil pour ce type de délit », a réagi
auprès de l’AFP le journaliste Nicolas Beau, ancien du « Canard
enchaîné » qui a cosigné deux livres avec elle. « A l’époque » du livre
« La régente de Carthage », confie-t-il à « Arrêt sur images », « on avait reçu une proposition pour ne pas le publier. On en avait rigolé. »
Restent deux questions. Primo, comment expliquer une telle naïveté de
deux journalistes si au fait des rouages de la monarchie marocaine ?
Secundo, le livre à paraître sera-t-il publié un jour, et que
contient-il ? D’après Eric Dupont-Moretti, « il n’y a rien à dire » sur
l’ouvrage. Il ne comporterait aucune révélation fracassante. Connaissant
ses deux auteurs, ce serait bien la première fois.